Est-ce que tu as déjà entendu parler de l’IRA ? Une armée prête à tout pour défendre l'indépendance de l’Irlande. Tu pensais que seuls les moldus s’occupaient de cette vieille rancune tenace ? Erreur. Laisse-moi te raconter mon histoire au sein du mouvement Irish Republican Army du point de vue des sorciers. Car si les moldus voulaient cette indépendance, ils n’étaient pas les seuls. Chacun a agi. Les mages dans l’ombre pour convaincre que l’Irlande devaient rester libres. Elle devait se réunifier. Se libérer du joug britannique. Quant à leurs affaires religieuses, elles n’étaient pas notre combat. Nous, nous voulions asseoir l’autorité de la République Irlande. Tu nous appelles Irlande ? Irlande du Sud. Ignares. Il y a l’Irlande du Nord… Nous, nous sommes une république. Fière et indépendante.

Je suis née Sang-Pur. Mais pas dans le sens commun du terme. Chez toi, on me dit Sang-Mêlée. Pourtant depuis des générations coulent dans mes veines le sang irlandais. Une pure souche. Et c’est cela qui compte chez nous. Pas votre consanguinité sorcière. Pour autant… ma vie n’a pas commencé dans l’argent et le luxe. Bien au contraire. Ma terre est pauvre. Bien plus pour les gens comme nous. Ma mère, Aoife, a été emprisonnée pour de petits faits. Vol à l’étalage notamment. Ce qu’elle ne savait pas lorsqu’elle s’est retrouvée dans sa cellule humide, c’est qu’une vie prenait naissance au creux de son ventre. Moi. Âgée d’à peine dix-neuf ans, elle retrouva à la Training Unit Wizzard. Une prison de Dublin accolée à une moldue. Le tout dissimulé aux locataires voisins, bien sûr… L’endroit aidait à la réinsertion et formait pour de menus travaux une fois libéré. C’est ainsi qu’en mars, le vingt et un de l’année mille neuf cent quatre-vingt-dix, je poussais mon premier cri, puis fus enfermée quelques jours plus tard avec ma mère. Cela dura dix-sept mois et je n’en garde que peu, voir aucun, souvenirs. Le savoir est une chose déjà assez étrange à appréhender. Mais il fallait croire que c’était ainsi que ma destinée serait tracée. Ah oui. Je me prénomme Saoirse. Ma mère semblait pleine du d’humour, puisque du fond de sa cage, elle m’a appelée en gaélique irlandais Liberté.

Les brides de mon enfance une fois dehors me semblent assez floues. Je me souviens de mon père qui nous avait retrouvés. Je me rappelle toutes ses personnes qui venaient, qui tapaient du poing sur la table. Ils débattaient chaque soir. J’avais huit ans quand je compris que je n’étais pas au sein d’une famille comme les autres. Mon père était tatoué d’un shamrock, d’une harpe, d’un triskèle… Il me parlait patrie, indépendance. Ma mère était plus discrète pour autant, elle participait à toutes ces réunions où ils clamaient Liberté. Le quinze août, mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, il y eut un terrible attentat. La ville d’Omagh, en Irlande du Nord, venait de subir une attaque. Vingt-neuf morts. Deux cent vingt blessés. Ce soir là, dans notre toute petite demeure, ce fut une fête sans nom. Car l’IRA avait frappé. Les moldus s’étonnaient eux-mêmes du massacre engendré, mais c’était sans compter que dans leur dos, se tenaient des marionnettistes usant de sortilèges et diverses potions. Malheureusement, mon père ne revint pas de cette attaque victorieuse. Dans mes réminiscences, ma mère m’a prise dans ses bras. Je sentais ses larmes couler sur mes cheveux. Je n’arrivais pas à comprendre si je devais être heureuse ou non. « Ton papa est mort en héros ma puce. Il est mort pour la liberté. »

Depuis ce jour-là, j’ai dû apprendre à jongler entre une mère qui se laissait aller à l’alcool pour noyer son chagrin, m’adapter à ma magie naissante et évoluer au sein de cette organisation armée dans laquelle je grandissais. Ma génitrice ne remontait pas la pente, elle avait perdu l’amour de sa vie pour cette liberté chérie. Pourtant elle croisa la route de Tadgh…  J’avais douze, presque treize ans quand ce type l’a mise enceinte. Au moment même où son ventre s’est arrondi, où ses espoirs ont repris vie… Il est parti. Me laissant seule avec ma mère et ce petit fœtus qui grandissait. Mon parrain, même si je ne suis pas certaine qu’il le soit réellement, Ciaran, me prit davantage sous son aile à cette époque. Il nous aida jusqu’à l’arrivée du bébé. Ce fut un souffle de fraîcheur dans ce monde qui me semblait si terne. Mon petit frère à moi. Une étincelle de vie. Aodh. Le feu en gaélique. Il serait la braise qui réchaufferait mon cœur solitaire. Aodhan. Notre mère approuva l’idée et voila comment cette petite merveille qui me semblait si fragile envahit mon monde. Pourtant… si j’étais aux anges, Aoife, elle, s’effondrait un peu plus dans sa dépression. C’était une chance que mon Etincelle n’ait eu aucun souci de santé avec l’alcool qu’elle avait pu consommer. Les dégâts de son post-partum furent irréparables. Destructeurs. Si bien qu’un jour, mon parrain la retrouva étendue dans son lit. Il m’empêcha de pénétrer dans sa chambre. Il ne voulait pas que je la vois ainsi alors qu’Aodhan était dans mes bras. Elle avait absorbé une potion mortelle et laissée un mot s’excusant d’une écriture souillon de nous abandonner. Elle partait rejoindre mon père… Aoife et Darragh s’étaient donc retrouvés. Quant à moi, il ne me restait que Ciaran et Aodhan. J’avais treize années. Le père de mon frère était introuvable. Si bien que seul notre parrain, devenu commun, fut notre pilier.

La suite ? Je vais vous raconter ma scolarité. Comme beaucoup d’enfants, je suis allée à Poudlard. Ce n’était pas de gaieté de cœur, mais il fallait que je me fonde dans la masse. Mon parrain avait une certaine vision de mon avenir. Je restais jusqu’à ma septième année avant d’être de retour sur mes terres sacrées. Mes années passées au sein de cette école furent particulières. Les séparations avec mon petit frère étaient à chaque fois une terrible épreuve. Malheureusement, elles étaient déjà le signe de ce qui nous attendait à l’avenir. Le Choixpeau avait longtemps hésité entre Serpentard et Gryffondor avant de finalement s’arrêter sur la maison des Serpents. J’étais une vipère en devenir, prête à diffuser mon venin. J’étais entourée de personnes de toutes origines. Mon parrain m’avait demandé de ne jamais oublier d’où je venais. De me méfier des Britanniques,  mais de vivre avec eux et de ne rien laisser paraître. Du haut de mes onze pommes, ce fut un exercice bien compliqué. Ces enfants avaient l’air gentils pour la plupart… Mais je m’accrochais à ses préceptes. La République d’Irlande était dans mon cœur, dans ma tête, dans mon âme. Je ne me laisserai pas détourner en les côtoyant. Ce fut néanmoins dans ces années que je compris que tout le monde ne détestait pas mon pays. Certains s’en fichaient royalement même. Élevée comme une patriote, j’observais ce Nouveau Monde d’un regard perdu. Ne donnant ma confiance qu’à une poignée de rares élus à mes yeux.

Je suis peut-être passée un peu vite sur mon enfance. Que puis-je vous raconter ? Je suis une passionnée de danse. Le rythme des musiques celtiques m’envoûte. Toutes ces soirées que j’ai passé, bras dessus et dessous, dans une ambiance euphorique, comme si nous étions les rois du monde m’émerveillent encore. Ciaran me laissait profiter de ces moments. J’ai appris à taper le rythme à l’aide de mes pieds. À être transcendée par les sons irlandais. Puis un jour, vers l’âge de mes dix ans, je suis tombée amoureuse de la danse classique. Un univers si lointain du mien. Si élégant. Si raffinée. J’ai supplié mon parrain pour en faire et quand il s’est aperçu que mon caprice enfantin allait lui être utile, il n’a pas regretté. Il s’avère que j’étais douée. Réellement. Cet univers m’a formé une autre carapace. Je n’étais plus dans une guerre de front, mais dans une faite de rumeurs odieuses et de coups dans le dos pour être la meilleure. Mais c’était mon univers. Lorsque je dansais, de la pointe de mes pieds jusqu’au bout des ongles j’étais habitée. Je devenais une autre. Si bien que lorsque je sortis de Poudlard, je fus rapidement recrutée dans une célèbre troupe de ballet.

Mais que serait mon enfance sans mon petit frère, Aodhan ? Si nous ne partageons pas le même père, ma mère m’a fait ce cadeau précieux avant de s'ôter la vie. Notre différence d’âge est importante. Au point que je le materne sûrement un peu trop. Surtout à présent qu’il a atteint sa majorité et que je vois à quel point l’aodh l’anime. Nous avons connu la pauvreté. Lui n’a même pas eu le loisir de rencontrer ses parents. J’ai tout fait pour pallier à ses manques. L’absence, la distance me rendait folle au début. J’avais demandé à Ciaran si je pouvais l’emmener avec moi… mais bien sûr que ce fut un non magistral. Il devait aller à l’école… A Poudlard. Grandir. Alors je lui envoyais une lettre presque chaque jour. Un cadeau du pays dans lequel je me trouvais durant mes tournées. Une gourmandise locale, une mascotte de Quidditch, un clin d’œil à l’Irlande… Dès que je le pouvais, je revenais durant les vacances scolaires. Chaque fois le trouvant changé, plus grand. Presque un homme…

Vous pensez que cela s’arrête ici ? Que je vais faire une merveilleuse carrière ? Détrompez-vous. Tandis que je perçais, devenais même connue pour les gens qui s’intéressaient à ce domaine, je restais Saoirse. Fille de l’IRA. Mon parrain n’aimait pas que je prenne trop de risques pour la cause. Mais la couverture était trop belle pour ne pas en profiter. Si officiellement, l’IRA avait rendu les armes depuis deux mille cinq, plusieurs mouvements se créaient sans faire de bruit. Dans les loges de celle qui avait commencé ses armes comme sujet, puis première danseuse et enfin comme danseuse étoile se retrouvaient de hauts dirigeants de multiples filières. Ils voulaient voir la prodige de leur pays. Fierté nationale… En réalité, l’organisation s’était démantelée en plusieurs branches. En deux mille six, nous étions devenus : Saoirse na hÉireann ou autrement dit :  Liberté de l’Irlande. Pour faire plus court, vous pouvez nous appeler SnaÉ. Si aux origines de l’IRA certains moldus s’étaient associés aux mouvements nazis, nous avions de notre côté rejoint les Mangemorts en deux mille neuf. C’est âgée de dix-neuf ans que je reçus ma marque.

Ce jour-là, je rencontrais l’une des jeunes femmes que je considère comme l’une de mes meilleurs amis. Cyara Carrow. Marquées par son frère, nous apprendrons à nous connaître et à être liées malgré la distance de mes voyages. Majeure et enrôlée par ma propre volonté, mes déplacements dans le monde pour nos représentations de danse me permettaient de rencontrer des alliés prêts à soutenir notre cause. Je travaillais dans l’ombre et derrière ma grâce et mon joli sourire, je restais presque insoupçonnable.

Presque. Cela dura ainsi des années. Les voyages, les invitations, les mondanités. Je vivais de ma passion, mais je soutenais mon pays d’une façon active et discrète. J’avais le sentiment de berner le monde, d’avoir le pouvoir au creux de mes doigts. Je faisais signer des contrats, récupérais de l’argent et des potions. Des ingrédients interdits, des grimoires non autorisés. Tout cela à couvert de la compagnie. Je profitais d’une vie luxueuse dont j’avais été privée plus jeune. Je découvrais de nouvelles danses. Pratiquais encore les Irlandaises. Je m’entraînais au pole dance avec aisance. Je m’amusais au contemporain et autres danses de salon. Même si le classique restait toujours dans mon cœur. Mais c’était presque trop facile. Il paraît que pour m’arrêter les aurors de plusieurs pays ont organisé une filature sur des années. Introduisant à mes côtés un Irlandais, il n’était qu’un figurant. Mais il devint un ami. Je ne m’étais pas assez méfiée. Comment le faire alors qu’il était la troupe depuis si longtemps ? Il tournait toujours dans mon sillon. Plus tard, j’appris, qu’il espionnait aux portes, avait fouillé mes affaires et ainsi trouvé certaines preuves accablantes. Si j’avais gardé mon secret, j’avais été piégée. Un faux rendez-vous après une représentation. Que cela a été brutal. La chute au sein de mon ego fut terrible. Un sentiment de vulnérabilité. L’impression de revenir dans cette enfance où j’étais traitée comme un vaurien dans les rues. Nous avions tant manqué d’argent. J’étais montée si haut. J’avais brillé sur les plus belles scènes du monde… Fin du spectacle.

Décembre deux mille vingt. Je me retrouve dans cette prison. Azkaban. Recroquevillée dans cette cellule où la perdition semble envelopper les lieux, je repense à ma mère. J’allais mourir là où j’étais née. Je revois mon père. Ses tatouages, son regard vaillant et courageux. Le plus dur… Aodhan. Je n’ai même pas pu le prendre une dernière fois dans mes bras. J’étais à peine arrêtée qu’un procès expéditif s’est déroulé. Mais je ne perdais pas ma flamme. Engagée. Oui. Au moins, si je mourais ici, j’aurais aidé ma patrie.

Vous vous demandez ce qui est le plus dur à Azkaban ? Le temps. J’ai tenté de le suivre. Les jours, les semaines, les mois. Mais j’ai perdu le compte. J’aperçois à peine la lueur du soleil ou les rayons de la lune. Les détraqueurs passent et déciment leur puissance me faisant plonger dans la noirceur. Qu’il est loin mon rêve de ballerine ! J’oublie le son du rire de mon Aodh. Le regard protecteur de mon parrain s’efface… Il ne reste que des souvenirs qui semblent s’estomper.

Et puis une nuit, je les entends. Des cris. Des hurlements. Un bruit de moteur que j’associe facilement à un hélicoptère. Je me relève dans ma cellule. Des personnes courent dans les couloirs. Des jets de baguettes. Des tirs. Je me rehausse pour tenter de voir quelque chose. Un homme ouvre ma cellule. « Tiens, une baguette, tu es libre, défend ta patrie. » Je le regardais comme s’il était totalement stupide mais prise au dépourvu, je prenais le bien. Je n’allais pas rater ma chance. Je ne suis pas une grande guerrière. Je n’ai pas été formée pour cela au sein de la SnaÉ. J’ai quelques bases en duel, mais face à ces moldus armés, c’est une autre histoire. Ce conflit est resté longtemps loin de mon esprit et voilà que je me retrouve en plein milieu. Je me rappelle avoir envoyé voler de nombreux moldus. Jusqu’à lui. Grand, mate de peau, les yeux clairs. Je m’en souviens encore aujourd’hui. Cette enflure m’a tiré dessus. Mon épaule me fait souffrir, je tombe à terre. L’homme occupé à soutenir une de ses camarades disparaît… J’entame ainsi une rude déambulation dans les méandres de la prison. Puis le silence. Dehors malgré mon état, je parviens à transplaner et une seule adresse me revient, non loin d’ici. Celle d’Euron Carrow.

Mon doigt sur la sonnette, je découvre la silhouette massive du frère de ma meilleure amie. Je l’ai choisi lui car il est médicomage. Je le connais grâce à Cyria même si je ne suis pas si certaine qu’il me vienne en aide. Amaigrie et dans une tenue digne d’une personne sans domicile, je n’ai rien de la danseuse étoile d’antan. Il hésite et finit par me laisser entrer. Et tandis qu’il finit de soigner mon épaule, m’assurant qu’il n’y aura pas de séquelle, si ce n’est une petite cicatrice, les mots qu’il prononce me laissent songeuse. « Ca s’appelle une dette de sorcier Saoirse. » Si Euron Carrow m’autorise à rester chez lui quelques nuits suivantes, je sens pour moi qu’il ne vaut mieux pas alourdir ma peine. Mon argent gagné alors que je brillais d’une liberté éphémère dort toujours à Gringott.

Je me trouve rapidement un logement. Petit, mais à moi. Et évidemment une des premières choses que je fais, c’est écrire à mon petit frère, pour le prévenir. J'apprends rapidement qu’il est à Poudlard, sans nouvelle de la SnaÉ. Ils sont peut-être tous tombés ou se cachent à la suite de mon emprisonnement ? Je suis peut-être toujours surveillée. Je pourrais leur attirer des ennuis. Les prisonniers d’Azkaban ont été officiellement graciés. Je reste méfiante malgré tout. Alors pour le moment je reste ici. Je me fonds dans la masse et je ne dis rien comme me le rappelait souvent Ciaran. Vous avez entendu cette rumeur qui dit que la SnaÉ serait décimée ? Je reste sans nouvelle, la boule au ventre. En pensant à mon parrain, ne sachant pas ce qu’il est devenu…

À présent, tu te demandes peut-être comment je gagne ma vie. Les professeurs de danse classique, ce n’est pas si recherché que ça. Quelques cours privés. Certes j’ai encore des gallions en réserve, mais je ne pourrais pas vivre dessus pendant encore des années. Mes pas me conduisent dans ce cirque. Ils accueillent des personnes aux destins brisés, au chemins douteux. Le Neverland a une aura mystérieuse. Une idée jaillit dans mon esprit. Un spectacle qui s’adapte à cet univers qui accepte l’ancienne criminelle que je suis. Mélange de danse classique, pole dance. Une proposition sur un intemporel moldu, Black Swan. L’idée plait lorsque je me présente. C’est différent. Les regards ne sont plus les mêmes pourtant la sensation revient, toujours aussi grisante. Celle d’être au centre de l’attention.

Pourtant, je vais vous dire un secret. Je reste la même… Une phrase s’encre dans ma peau à mesure des tictics de la machine du tatoueur. Un métis au regard charmeur et à l’accent italien. Il recouvre ma cicatrice laissée par ce type à Azkaban : I Ran Away - IRA

Qu’il est cher, le prix de la liberté.