Être traqué. Tout ton être te soufflait que ce rôle n’était pas le tien. Ta seconde nature ne te plaçait pas en proie dans ses projets et à l’approche de la pleine lune, ce sentiment se renforçait. A mesure que tu t’enfonçais dans la forêt fuyant ces poursuivants, tu ressentais cette force qui désirait te pousser à inverser la situation. Mais tu ne pouvais pas devenir le traqueur, cette part de toi-même tu la refoulais depuis le début. Tu avais rapidement appris à ne jamais laisser la bête contrôler tes émotions. Alors tu te concentrais sur tes foulées, sur ton souffle, sur celui de celle que tu avais décidé d’accompagner sans te douter un seul instant qu’on viendrait perturber vos projets. De l’énergie tu en avais à revendre. C’était toujours ainsi les jours précédents la venue de l’astre qui viendrait te frapper de ses rayons et t’obliger à devenir cet être tant craint ou méprisé des autres sorciers. Ce qui devait être une simple soirée à poursuivre l’apprentissage que tu avais commencé avec Anton, avait vite pris un autre cours. Tu étais devenu un dommage collatéral et tu avais vite compris que c’était à cause de la nature lupine de Zephir. Tu connaissais le rejet et le mépris destinés à ta condition, mais jamais tu n’avais eu ce sentiment de persécution. Tu n’étais pas la cible première et pourtant tu ne pouvais t’empêcher de ressentir cet immense sentiment d’injustice qui se renforça en entendant la jeune femme subir l’effet d’un sort.

Tu perçus la manœuvre de Zephir et tes sens aux aguets, tu compris vite que vos assaillants eux ne s’étaient pas rendu compte du changement de situation. Tu ralentis alors, comprenant que bientôt pris en tenailles, il serait plus simple de les neutraliser. Tu cherchas alors à masquer ta présence dans le silence tout en sortant ta baguette, prêt à venir en aide à l’apothicaire. De là où tu étais, tu devinais comment évoluait la situation et elle avait clairement tourné en la défaveur de vos assaillants. Des amateurs ? Il te semblait que la menace n’était plus aussi sérieuse que quelques minutes auparavant et la jeune blonde semblait avoir bien repris le contrôle de la situation. Tu choisis alors de ne pas intervenir, te contentant de suivre les échanges à distance. Cette suffisance, ce choix de mots, ça te dégoûtait… Soi-disant que les choses évoluaient. Voilà encore une preuve que ton espèce n’était pas prête d’être reconnue comme égale aux autres sorciers. Ce qu’avait à endurer Zephir, tu redoutais d’avoir un jour à le vivre.

Tu les entendis fuir, pitoyables à travers les arbres. Beaucoup de bruits pour rien, et pourtant tu aurais aimé que cet événement ne se produise pas. Tu reconnus l’approche de Zephir et tes yeux trouvèrent rapidement sa silhouette approchante.

- Je ne crois pas… Et au pire ils ne vont pas associer chacune de tes fréquentations à un loup-garou, n’est-ce pas ?

Ça tu essayais de t’en convaincre. Après tout rien ne laissait croire que tu sois de la même espèce que Zephir. Le statut de loup-garou n’était heureusement pas quelque chose d’apparent en dehors de la pleine lune. C’était bien ce qui te permettait de cacher ce lourd secret depuis plus de dix ans. Pourtant parfois il ne fallait pas grand-chose pour attirer l’attention sur soi, tu le savais. Tu avais dû à de nombreuses reprises faire basculer les soupçons et embobiner les plus curieux. Est-ce que ces types ne s’en prendraient pas à toi juste parce que tu étais proche de leur victime ? Tu ne pouvais t’empêcher de laisser le doute s’insinuer parce que les conséquences t’effrayaient. Tu observas l’apothicaire réparer les dégâts qu’elle avait subis.

- Non jamais, je me suis toujours intégré facilement et j’évite de me faire des ennemis. La vie la plus banale possible pour ne pas attirer l’attention…

Les gens qui cherchaient trop à passer inaperçus, à fuir les autres, attiraient plus facilement l’attention que ceux qui continuaient à agir normalement. C’était là, les conseils qui t’avaient été donnés pour garder ton secret et te fondre dans la masse. Ce qui t’avait jusqu’à présent très bien réussi.

- Je ne sais pas comment tu fais… Ce n’est déjà pas évident de faire face aux autres lorsqu’ils savent, mais là en plus, ceux-là agissent sur ordre de ta propre famille…

Rares étaient ceux qui savaient pour ta nature hybride et tu ne souhaitais surtout pas que cela s’ébruite. Tu ne voulais pas devenir un paria. Tu ne voulais pas subir de discrimination et lutter pour faire ta place parmi les autres et tu ne voulais pas non plus un jour être traqué pour ta condition.

- Peut-être qu’un jour, un remède sera enfin trouvé et qu’on n’aura plus à s’inquiéter de tout ça…

Tu n’aurais plus à prendre toutes ces précautions et à renoncer à t’attacher aux gens sous prétexte qu’ils pourraient découvrir ce que tu es et te rejeter.  

Est-ce que vraiment tu pourrais à ton tour devenir une cible ? Juste parce que tu avais été au mauvais endroit, au mauvais moment ? Parfois il ne fallait pas grand-chose à certains pour sauter aux conclusions les plus stupides, même si pour le coup le fait que tu partageais la même nature que Zephir était réel. Celle-ci tenta de te rassurer. Elle avait raison, ils ne t’avaient pas vu. Et même s’ils t’avaient entraperçu, l’obscurité à travers les arbres de la forêt ne pouvait pas leur permettre de t’identifier avec précision. Ils n’étaient pas très malins, ça tu avais pu t’en apercevoir. Oui ils se donneraient beaucoup de mal pour t’identifier parmi les nombreux clients et fréquentations de l’apothicaire. Et puis heureusement qu’il n’existait aucun groupuscule s’étant donné pour mission d’identifier tous les loups et de les traquer. Il y avait déjà bien assez à faire avec ce groupe de moldus anti-sorciers.

Tu l’observas un moment soigner sa blessure avant de détourner le regard pour lui répondre. Oui bien que prudent les blessures ça te connaissait, mais jamais à cause d’une traque pour ta nature lupine. Le Quidditch ou dernièrement les attaques des Mangemorts ou des moldus, mais ça n’était pas parce que tu étais un loup-garou. Tu n’enviais pas la position de la jeune femme, vivant depuis toujours avec la certitude que pour vivre heureux, il fallait vivre caché. C’était ce que ta mère t’avait rabâché depuis tout petit et personne n’était jamais venu te démontrer le contraire. Tout ce à quoi tu assistais ne faisait que renforcer cette idée. Bien sûr que tout le monde n’était pas au point de te rejeter pour ce que tu étais, la preuve était ton meilleur ami. Mais comment savoir à qui faire confiance ? Parce qu’une fois le secret révélé, il n’était plus possible de faire marche arrière. Oui un remède c’était encore ce qu’il y avait de plus simple pour sortir de ce dilemme.

Jusque là Zephir n’avait fait qu’écouter ce que tu pouvais lui dire. Cette fois tu perçus son temps d’arrêt avant même qu’elle ne te réponde. Sa réponse tu ne la compris pas et tu fronças les sourcils en la dévisageant. Comment pouvait-elle dire un truc pareil ? Toi tu voyais la tranquillité, le fait que tu n’aurais plus jamais ce poids, plus besoin de cacher le loup. Tu te voyais vivre la vie normale que tu montrais à tout le monde. Tu attendis la suite, curieux. Elle ne pouvait pas se contenter de te dire ça. Elle avança un premier propos et bien sûr la réponse était évidente :

- Non, bien sûr mais…

Mais ce monde n’était pas le vôtre. Ici être différent, c’était considéré comme anormal, effrayant. Tu ne pus le lui rappeler, elle poursuivit et tu te contentas de l’écouter sans plus essayer de l’interrompre. Elle n’était peut-être pas un exemple, mais tu n’avais jamais croisé de lycan qui l’était. A commencer par ta mère qui avait été rejetée par ton propre père. Tu n’avais jamais eu l’impression qu’un membre de votre espèce ait été encensé et reconnu jusqu’à présent et si tel était le cas, il avait gardé précieusement pour lui sa condition. Elle te disait que devenir louve l’avait libérée, mais tu n’avais pas la même histoire qu’elle. Toi le loup t’avait mis en cage et tu t’étais conditionné à garder ce secret coûte que coûte. Elle se releva et tu la laissas en dévoiler plus sur son histoire. Oui bien sûr, elle devait forcément être passée par les craintes que tu avais. On ne s’affirmait pas du jour au lendemain avec cette condition. Tu connaissais bien quelques histoires de clan dont il était question de fierté et de traditions dès le plus jeune âge quant à la nature de loup-garou, mais jamais tu n’avais croisé ce type de personne, si bien que tu avais fini par ranger ces histoires au stade de légendes. Tu l’écoutas encore te parler des avantages de la lycanthropie. Oui bien sûr que tu les connaissais, tu ne pouvais nier à ce point ce que tu étais. Et évidemment que tu te permettais de les utiliser, même si sans doute tu n’exploitais pas toutes tes capacités jusqu’à leur maximum.

- Je comprends ce que tu veux dire, mais moi avant d’être mordu j’étais heureux. Ma mère était bienveillante, j’avais Anton pour combler le vide laissé par mon père, je ne manquais de rien, ne subissais aucun mauvais traitement. Je n’avais pas besoin de cette nature pour être heureux. Je n’avais rien à prouver à personne et le loup pour moi est devenu un fardeau à traîner.

Tu n’avais jamais accepté ta condition parce que toi, tu avais l’impression d’avoir perdu quelque chose le jour où tu avais été mordu. A vrai dire, tu ne pouvais que te sentir chanceux d’avoir survécu, parce que tu avais compris avec le temps, que celle qui t’avait transformé t’avait prévu un destin bien plus funeste.

- Je sais bien tout ce qu’apporte notre nature, mais je n’ai pas envie qu’on me sorte que ça me permet de tricher au Quidditch ou d’espionner les conversations… Je n’ai pas envie de lire la peur ou le dégoût dans les yeux des gens que je croise. Je ne veux pas finir seul ou pourrir voire mettre en danger la vie de la maigre poignée de gens qui auront choisi de rester pour me soutenir…

Tu voulais bien faire une force de ta nature, mais combien de sacrifices pour le faire ?

- J’ai choisi le droit à l’université pour me battre contre ces inégalités que subit notre espèce, mais aussi les autres. M’écoutera-t-on toujours autant si l’on sait que je suis un loup-garou ? Notre société écoutera-t-elle plutôt un sorcier ou une créature ?

Les autres, la société, c’était leur jugement qui te bloquait. Ils étaient encore trop peu nombreux ceux qui vous voyaient comme des égaux. Et avec l’avenir qui se profilait, tu redoutais encore plus ce qu’on allait penser des loups. Les moldus craignaient les sorciers ? Que penseraient-ils une fois qu’ils apprendraient que certains étaient en plus lycans ? Et les sorciers ? Quel choix feraient-ils au milieu de tout ça ? Tu ne te voyais pas au cours des jours prochains admettre ta vraie nature au grand jour.