Raphaël avait vraiment besoin de parler à son amie. Depuis ses Vacances chez sa famille, il était tourmenté, et ce sentiment ne s’est pas arrangé avec son retour à Londres. Bien au contraire : c’était pire. Surtout avec cette soirée Karaoké qui avait eu lieu il y a quelques jours et où la ville avait probablement déployé toutes les mesures possibles pour qu’aucun sorcier ne puisse pénétrer dans le London Bar.

La wiccaphobie* était omniprésente que ça soit dans la Rue, au sein du gouvernement ou même au coeur même de la famille de Raphaël : tout le monde avait peur. C’est d’ailleurs pour cela que la Soirée Karaoké avait eu autant de succès, une simple soirée de divertissement et de chant aurait fait un bide si ça n’avait pas été dans un contexte cultivé dans la peur et la haine des sorciers. Un contexte où on veut motiver et réconforter les foules.

Oui, bien plus qu’une soirée pour apaiser le Peuple, c’était un message adressé à l’autre camp. Un doigt d’honneur, accompagné des tambours de guerres afin de signaler à leur ennemis qu’ils étaient enfin prêts à les confronter et qu’ensemble, l’humanité à moins peur. Raphaël n’avait pas trop apprécié cette ambiance. A vrai dire, ce genre de chose n’aurait pas dû l’affecter ; tout ce qui touchait à la politique, la guerre ou les fait divers, ça lui passait au dessus. S’il n’avait pas été témoin de ce qu’il est persuadé d’avoir vu, il ne serait pas autant proie au doute.

C’est pour cela qu’il avait besoin de sa Confidente. Depuis qu’ils étaient amis, il lui a toujours confié ses secrets, ses doutes, ses peurs. Elle doit probablement tout savoir ce qu’il y a a savoir sur Raphaël. Elle connaît mieux que quiconque les sentiments que le jeune homme éprouve pour sa Colocataire rousse. Oh ça oui, Pauvre Leah, il l’a probablement saoulée à lui parler d’Artémis, chaque fois qu’il avait l’impression qu’il se rapprochait d’Elle, puis que juste après elle faisait une sortie juste Elle et Sam. Les deux laissant Raph en plan… Comme au Karaoké d’ailleurs.

C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le jeune homme ne pouvait parler de cette histoire qu’avec la Serveuse. Il n’y a plus cette confiance, cette complicité qu’il avait avant avec ses deux meilleurs amis. Il se sentait exclu et… Il n’éprouvait pas le besoin de partager ça avec eux, avec Samuel. Raphaël ne se sentait plus sur la même longueur d’onde que son ami d’enfance depuis que Artémis était entrée dans leur vie. Les sentiments que les deux avaient pour Elle a créé une rivalité secrète. Même s’ils n’en avaient jamais parlé entre eux. L’un savait ce que l’autre ressentait, et l’autre savait ce que l’un éprouvait et tout deux savaient que l’autre savait.

Raphaël espérait que le London Bar soit calme, voire désert, pour qu’il puisse parler librement avec Leah sans qu’elle ne soit débordée comme la dernière fois. Est-ce que suite à la soirée spéciale, l’établissement était truffé de Micro ? C’était même pas sûr qu’il puisse être qualifié de Paranoïaque en se posant cette question : Le Blood Circle semblait avoir la main longue. De toutes façons, il ne craignait rien, il ne comptait pas faire quelque chose d’illégal. Il avait le droit de discuter de ce qu’il voulait… Enfin il l’espérait. Et puis au final, les citoyens étaient “encouragés” à dénoncer les activités pouvant s’apparenter à de la sorcellerie, mais ils n’en avait pas explicitement l’obligation.

Le jeune homme arriva finalement devant le bar. Il était soulagé de constater qu’il y avait peu de clients, il pourra probablement trouver une table isolée pour discut… Oh non… y’avait Deidei. C’est comme ça que Raphaël nommait dans sa tête l’amie de Leah. Il avait du mal à prononcer son nom. D’ailleurs il évitait de la nommer les rare fois qu’ils se parlaient. Ils s’étaient déjà croisés quelques fois au London Bar. Dans le fond, Raph n’avait rien contre la jeune femme. Objectivement, elle était plutôt sympathique. C’est juste qu’il n’aimait pas partager ses amis. C’est plutôt ingrat de sa part d’ailleurs, puisque Deirdre était la meilleure amie de Leah depuis bien plus longtemps. Si quelqu’un devait rester à sa place et s’écraser, c’était au jeune homme. Mais c’était dans sa nature, il ne pouvait s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie quand il savait qu’il n’avait pas l’exclusivité de l’amitié de quelqu’un. C’était d’autant plus idiot qu’au final, Deidei avait toujours été amicale avec lui.

Si tu continues à être un gros con, tu vas finir seul et sans amis Raphaël. Sois gentil avec les gens qui sont gentils avec toi ! Idiot.

En tout cas, il craignait que ses projets de parler en privé avec son amie ne soient légèrement compromis. Il ne savait pas trop quoi faire. Est-ce qu’il devait ignorer Deidei, faire comme si… Non pas possible, à moins d’être un abruti fini, aveugle et en plus de ça distrait, c’était impossible de la rater vu où elle était placée. Raphaël ne pouvait pas l’esquiver, la jeune femme saurait qu’il l’évitait et il n’avait aucune raison de la blesser. Et puis après tout Y’avait deux fois plus de chances que Leah vienne lui parler s’il était à côté de Deirdre ! Raph lui adressa un sourire sincère en saluant la jeune femme.

«Hey ! Coucou toi ! T’es passée voir Leah toi aussi ?»

Le jeune homme prit place à côté de Deirdre. Au pire, ce n’était pas si grave. Il pouvait simplement passer un bon moment et il parlerait avec Leah une autre fois. Se changer les idées c’était pas mal non plus ; après tout c’était le but initial du Karaoké, mais ça n’avait pas eu cet effet là sur Raphaël, au contraire. Ou alors, il se peut que Deidei ne reste pas longtemps et qu’il puisse parler à Leah en tête à tête. Oui, pas besoin de se presser, il fallait qu’il se détende, il allait passer une soirée tranquille et il avisera.

«Tu rentres tes infos et voilà, la police peut les arrêter, ces sorciers»

Le sang de Raphaël ne fit qu’un tour ! Il serra le poings et se leva, prêt à confronter l’abruti qui tenait ces propos. Mais bordel, les Britanniques n’ont jamais ouvert de livres d’Histoire ou quoi ? Que s’est t’il passé pour que la reine devienne givrée au point de désigner une telle personne à la tête du gouvernement ? Le monde partait vraiment en couille là… C’était raté pour cette “détente loin de ces histoires de sorciers et de dénonciations”. Il devait se calmer, ne rien faire, ne rien dire. Ce n’était ni le lieu ni le moment pour un scandale. Il vit que Deirdre l’observait en l'interrogeant silencieusement du regard.

«C’est… Un peu gênant désolé… » répondit-t’il en ajustant son boxer à travers son pantalon, tout en observant en coin la personne qui avait parlé. «Ah, voilà, je me sens mieux !»

L'excuse n’était pas terrible, mais dans l’urgence c’était ce qu’il avait trouvé de plus pertinent. Quelle idée avait t-il eu de se lever aussi brusquement ?!

«T’es passée voir Leah toi aussi ?» Un silence gênant s’imposa. «Euh… Je t’ai déjà posé la question je crois… » Crétin.

Le pauvre garçon se gratta le crâne. Heureusement, le moment de gêne fut rapidement dissipé par l’arrivée de Leah ; enfin à condition que Deidei ne mette pas sur le tapis “Hey tu sais quoi ?! Y’a Raph il vient de se lever pour remettre en place son slibard à travers son futal !” Mais ça devrait aller, statistiquement il y avait peu de chances pour que cela se produise.

Raphaël plaisanta :

«Qu'ouïs-je ? Lady O’Malley a du temps pour elle ? Mais c’est vous qui nous gâtez chère amie !»

Il accompagna sa réplique par une petite révérence. Sa voix acquiesça quand elle lui demanda s'il allait bien, mais le reste de son corps hurlait que non. Il avait toujours cette montée de tension suite à ce qu’il a entendu peu de temps avant. Il avait également le regard fuyant tout en répondant. De toutes façons, elle savait qu’il avait quelque chose à lui dire, et il savait qu’elle savait puisque ça fait un moment qu’il essaye de la capter. Et elle savait qu’il savait qu’elle… Bref tous deux savaient ce qu’il y a à savoir. Mais le sujet était délicat, il ne pouvait pas l’aborder comme ça devant Deidei. Alors qu’il se forçait à garder un sourire rassurant, il soupira sans même s’en apercevoir.

«D’ailleurs quand tu parles de finir plus tôt, t’as fini-fini ? Ou tu montes sur scène ce soir ?»

C’est au moment d’achever sa question qu’il se questionna… C’est peut-être une mauvaise idée de lui parler de scènes et de chants quelques jours après l’avoir forcée à chanter Baby Shark lors d’un Karaoké. Bon c’était de bonne guerre, elle l’avait fait se ridiculiser sur “I’m still standing” mais… Mais… Mais quoi ?  Il n’arrivait pas à se trouver d’excuses. Oh non, elle allait le massacrer, c’est certain ! Pourvu qu’elle ne relève pas…

Leah leur répondit qu’elle était entièrement disponible ce soir, pas de chant pour elle c’était repos ! Deidei enchaîna en demandant à Raph si lui chantait.

«Oh non, je ne touche pas à ça. Ça m’arrive de faire des montages musicaux pour des projets audiovisuels mais rien d'impressionnant.»

Son amie s’empressa de vanter ses talents de “chorégraphe”. Visiblement elle ne lui en voulait pas trop pour “Baby Shark”. La collègue de Leah arriva pour prendre leur commande et Deirdre demanda de l’alcool pour leur petit groupe. Aïe. Bon, après tout, il n’était pas obligé de finir complètement saoul mais la dernière fois que Raphaël avait bu, il avait fait un Black-out. Il n’avait aucune idée d’avec qui il était ni pourquoi il avait bu. En revanche, il a été obligé de faire réparer son écran de téléphone complètement mort après être sorti de cellule de dégrisement. Entre l’amende et la réparation, il en avait eu pour son pognon. Pour une soirée dont il avait oublié jusqu’à l'existence, il était un peu dégoûté quand même. Il n’avait pas trop retouché à de l’alcool, surtout que depuis ça il avait de temps en temps des pertes de mémoires à court terme ou il se sentait obligé de faire des choses bizarres. Bon, peut-être pas aussi bizarre que de se lever brutalement et de remettre son froc, mais plutôt comme une envie irrépressible de toucher tous les articles d’un rayon en magasin, ou de marcher sur des dalles sans toucher les lignes. Il pouvait ne pas le faire, mais ça le mettait vraiment mal à l’aise, comme dans ces vidéos sur internet où l’on voit que quelque chose est mal fait.

«De mon côté, je bosse pas mal sur des projets de vidéos cet été. J’ai trouvé deux acteurs. J’ai déjà tourné une scène avec une actrice, c’était la seule qui avait répondu présent à mon annonce. Et là dans la semaine normalement je tourne une autre scène avec les deux.» Il fit une pause. «Sinon à part ça je suis allé voir ma famille en France, c’était pas super reposant au final. Ils voulaient pas me laisser revenir à Londres, ils ont peur qu’une nouvelle guerre éclate et ils pensent que si c’est le cas, je serai plus en sécurité avec eux. Ils ont un peu tiré la tronche quand j’ai pris le train.» Raphaël haussa les épaules l’air de dire… L’air de dire plein de choses en fait. Il y a à la fois tellement à commenter sur cette situation et à la fois ça se passait de commentaire. Leah s’excusa auprès de lui, en expliquant qu’il voulait lui parler de quelque chose et qu’elle n’avait pas beaucoup été très disponible pour lui.

«Hey t’as le droit d’avoir une vie tu sais. T’es pas une Psy, t’es encore mieux, c’est normal que ça soit compliqué de prendre un rendez-vous avec toi ! » Plaisanta t-il. Il regarda Deirdre, un peu gêné. Léah lui tendait une perche, et Deidei était sa meilleure amie, elle avait forcément confiance en elle. Il ne savait pas trop quoi répondre.

«Je… Oui… Je… Je sais pas… C’est compliqué.» En fait non, c’était Raphaël qui compliquait les choses. Le choix de réponse était pourtant simple : c’était oui… ou c’était non. Allez parle idiot ! Commence ! Le plus dur c’est de lancer le truc, t’as une perche là. Son amie n’insista pas et leva son verre pour trinquer.

«À nous !» répondit Raphaël avant de boire une gorgée. Il posa son verre, se retenant de faire une blague sur le fait qu'il était Français et que par conséquent il avait reconnu et apprécié ce très grand cru “La Piquette Londonienne”. Il devait se lancer sinon ça allait encore traîner.

«Bon… Voilà. Il y a certaines choses que je ne comprends pas trop en ce moment. Pourquoi c’est interdit d’être sorcier ? Je veux dire… Ils naissent avec des pouvoirs non ? C’est pas de leur faute. On va quand même pas exécuter ou enfermer un môme juste parce qu’il peut déplacer magiquement des objets ? C’est… Je sais pas… Je pige pas.» Lâcha-t il finalement.

Oh… Ne venait t’il pas tout juste de ruiner cette bonne soirée qui se préparait avec ses questions égoïstes ? Oh c'est certain que quand ils en reparleront dans des mois, ils trouveront tous trois cette situation très grisante.

Raphaël ne savait pas trop à quoi s’attendre lorsqu’il accepta enfin de cracher le morceau. En fait si, il pensait qu’il y aurait eu un silence gênant. Que les deux filles se seraient regardées, gênées, l’air de dire “Mais il est frapafou lui, qu’est ce qu’il raconte ?”. Avant de les entendre acquiescer : "Oui, oui Raph, c’est vrai ce que tu nous racontes. Attends ne bouge pas, on va appeler des monsieurs avec des blouses blanches, ils vont bien s’occuper de toi”. Oui bon, le scénario qu’il s’était imaginé était peut-être légèrement irréaliste, surtout que ce n’était pas du tout l’image qu’il avait de son Amie Leah. En fait, ce qui surprit le plus le jeune homme, c’était que les deux amies répondirent quasiment de suite, elle ne prirent pas un long instant de réflexion à peser le pour et le contre, comme si elles avaient déjà réfléchi à la situation. Et dire que Raphaël y pensait depuis deux semaines et qu’il ne savait pas trop quoi en penser.

«Tu sais Leah, d’habitude je suis assez simpliste. Je suis pas du genre à  prendre parti pour telle ou telle chose. C’est un peu égoïste comme manière de penser, mais je n’ai ni la force, ni le courage de me battre pour d’autres… Puis je ne suis que Raphaël Millet, je ne suis personne… »

Il repensa la dernière fois qu’il avait dit qu’il n’était personne. C’était lors du tournage avec Nymphéa. Cette dernière lui avait proposé d’utiliser son film pour ouvrir les yeux aux gens comme quoi les sorciers pouvaient être gentils. Il lui avait fait la même réponse de lâche. Qu’il n’était personne et qu’il aurait des ennuis. Peut-être que son actrice avait raison en fin de compte. C’était il n’y a pas longtemps et pourtant tant de choses se sont passées dans la tête du pauvre Geek entre temps…

«Mais… Admettons que je sois témoin d’une “activité douteuse s’apparentant à de la magie”»

Comme à son habitude, Raphaël utilisa ses doigts pour mimer les guillemet lorsqu’il citait quelqu’un ou quelque chose. Il avait tellement lu et relu cet article de presse…

«Je fais quoi ? Je sais que le monde n’est pas tout noir et pas tout blanc. Qu’il est gris, avec pleins de teintes et de nuances. Mais… Je peux pas dénoncer un sorcier parce qu’il est peut-être “méchant”. Mais du coup s’il n’est pas gentil, je suis en partie responsable parce que je savais qui il était et que j’ai refusé d’agir. J’ai bien conscience que y’a surement des mages malintentionnés. J’étais à la fête foraine en décembre, même si, sur le coup, j’avais pas compris ce qu’il s’était passé, je pensais que c’était un attentat à la bombe ou une explosion de gaz, un truc du genre. Mais c’est comme pour tout, y’a des méchants et des gentils.»

Leah lui parla de l’Esclavage et de la Shoah. Il eut un frisson dans le dos. Raph aimait l’humour sous toutes ses formes. Il se rappelle que sur un jeu, il y avait un type qui utilisait “Roi_David” comme pseudo, il avait salué tout le monde et Raph lui avait répondu “Hey, ça gaze”. Sur le coup, il s’était senti très drôle mais maintenant il trouvait ça beaucoup moins drôle. Il avait perdu le sens de l’humour ? Il était devenu quelqu’un de trop sérieux ? Non. C’était juste que la situation risquait de redevenir réelle. C’était nettement moins amusant d’affronter la réalité.

«Je sais vraiment pas quoi faire, ni même quoi penser. Franchement, j’arrive pas à croire qu’en 2019, à l’ère de la tolérance de l’ouverture d’esprit, on régresse comme ça. Mais franchement cette hystérie collective, ça devient n’importe quoi. La soirée Karaoké, mais c’était quoi ce délire ?! On se serait cru dans un film où on essaye de motiver les troupes avant de les envoyer à l'abattoir… Et puis… Pas plus tard que tout à l’heure, y’avait quelqu’un qui se vantait d’expliquer comment… comment dénoncer les sorciers sur le site du gouvernement, comme si on payait des impôts… »

Raphaël sentait que le sujet devenait beaucoup trop sérieux pour lui. Il commençait à prendre ça un peu trop à coeur et il avait l’impression que ça le consumait. Et il parlait, parlait, il parlait trop. Il fallait qu’il la ferme un peu.

«Je veux dire… Si au moins on avait le droit à une déduction fiscale… Bah ouais quitte à aller sur le site du gouvernement, c’est la moindre des choses.»

Il se força à sourire et à rire à sa propre blague. Il en était réduit à ça, il était devenu un véritable Clown Triste.

Raphaël ne savait pas trop à quoi s’attendre comme réaction de la part des deux filles. Peut-être qu’elles auraient été d’accord avec ce qu’il pensait, ou au contraire elles auraient eu des idées diamétralement opposées. En fait, il ne s’attendait pas du tout à se faire tacler par l’amie de Leah. C’était juste un pauvre étudiant paumé, sans aucun charisme. Qu’est ce qu’elle voulait qu’il fasse ? Alors certes, la “résistance” ça pouvait se faire à plusieurs échelle. Mais où ? Quand ? Comment ? Avec qui ? Il acceptait d’ouvrir les yeux, c’était déjà pas mal, mais il n’avait aucune relation lui permettant d’agir. Le jeune homme était mal à l’aise, il ne savait pas quoi répondre à la réponse cinglante de Deirdre ; il décida donc de ne pas relever. Il allait continuer de dire ce qu’il avait à dire, en étant beaucoup moins sûr de lui, lorsque Leah tempéra la situation en disant que chacun pouvait aider à sa manière. C’était Leah toute crachée, quand on a l’impression de n’être qu’une merde, elle te rappelle que du fumier peuvent naître les plus belles fleurs !

La serveuse l’interrogea sur ce qu’il aurait potentiellement vu. Raphaël hésita et décida de rester un peu vague.

«Bah… Euh… Je ne sais pas trop. De la sorcellerie, des trucs… Magiques ? Ça peut être n’importe quoi, un vieux qui fait apparaître des boules de feu. Ou un gosse qui déplace les meubles juste en agitant les bras. De manière générale quoi»

Son amie lui expliqua que les sorciers avaient leurs propres lois et justice. Et que c’était aux sorciers de juger les autres sorciers. C’était intéressait mais…

«Comment tu sais ça ? Et… Dans ce cas pourquoi notre gouvernement nous demande de dénoncer TOUS les sorciers ? Ils ne peuvent pas livrer les sorciers criminels au gouvernement sorcier ? Tu es sûr de ce que tu dis ?»

Raphaël se sentit rougir, un peu gêné. Il ne voulait pas remettre en question l’affirmation de son amie mais n’empêche : d’où elle sortait ces informations ? Et puis bon… Voir avec le gouvernement sorcier, elle en a de bonne, il faut pouvoir les contacter. Je fais quoi, je cherche leur adresse mail ? Je vais sur sorciergouv.uk ? Dans tous les cas… Sa confidente semblait d’accord avec lui : il ne fallait pas dénoncer les sorciers : ça revenait à les envoyer à l'abattoir et les condamner à une mort certaine. Et bien que l’avis de Deirdre l’importait bien moins que celui de son amie, elle semblait également suivre cette voie. Il était soulagé de de savoir qu’il n’était pas devenu fou ; cependant, il était terrorisé de constater que le monde, lui, l’était devenu.

Lorsque que le jeune homme paumé demanda ce qu’il était censé faire. Deirdre l’agressa de nouveau verbalement, ou en tout cas, c’est comme ça qu’il le ressentit. Encore une fois, Leah calma les choses en reprenant son amie, mais en étant bien plus calme. Vraisemblablement, les deux amies semblaient penser que Raphaël avait été témoin de quelque chose de grave. Un sorcier qui avait agressé un non-sorcier et il aurait été témoin sans savoir quoi faire. Il s’en souviendrait s’il avait été témoin d’une agression provoquée par des sorciers, elles faisaient erreur sur toute la ligne ! Enfin, pas entièrement, parce qu’il pensait effectivement avoir vu quelque chose. Mais rien à voir avec une agression ou quelqu’un en danger. Mais le gamin qu’il pensait avait vu déplacer les meubles juste en agitant les bras ne faisait de mal à personne, et c’était justement ça le problème : pourquoi condamner un enfant qui n’a rien fait à personne, juste parce qu’il était différent ? En tout cas, ce n’était pas la peur d’être attaqué par des sorcier qui le dérangeait, même si maintenant qu’elles en parlaient il ne se sentait pas très à l’aise si cela devait arriver, mais plutôt le fait d’aller à l’encontre de la loi, pour ses principe. Était-t’il prêt à être juger en tant que hors-la-loi et être exécuté juste pour ses principes ? Si ça devait arriver, pourrait-t’il mourir pour ses idées ?

«Je… Je ne parlais pas spécialement d’agression, je n’y avais pas pensé en fait… C’était vraiment si je voyais quelqu’un faire de la magie, est-ce que je devrais vraiment la dénoncer comme on cherche à nous obliger à la faire ? Comme je l'ai dit, je trouve ça plutôt aberrant »

N’empêche. Raph repensa à l’aisance où son amie avait pu l’informer sur l'existence des lois chez les sorciers. Elle avait toujours su trouver les mots pour apaiser Raph quand il n’allait pas bien, mais elle l’aidait toujours en ayant l’air sincère. Certaines personnes se permettent d'affirmer des choses, pour avoir l’air instruites ou cultivées, mais il était persuadé que ce n’était absolument pas le genre de Leah. Il avait toujours eu le sentiment que la serveuse était sincère quand elle lui parlait, et que si elle affirmait une chose c’est qu’elle était sûre de la véracité de ses propos. Deirdre aussi semblait à l’aise pour en parler, mais bien qu’elle soit la meilleure amie de sa confidente, ça ne voulait pas dire qu’elles étaient pareilles, loin de là. Si Raph n’avait pas de doutes sur le fait que Leah savait de quoi elle parlait, il ne savait pas trop quoi penser de Deirdre…  Il n’était pas impossible qu’elle cherche à faire l'intéressante.

Fonctionner de la même manière ? Raphaël ne savait pas trop… Sinon ça serait le Chaos depuis longtemps ? Oui… Effectivement c’était logique. Mais pourquoi notre gouvernement cherchait à gérer le truc ? Leah lui donna une explication plausible : La Peur. Mais elle était d’accord sur le fait que la meilleure solution c’était de livrer les criminels sorciers aux autorités sorcières.

«Pfff. Et moi qui pensait qu’en France on était gouvernés par des incapables… Finalement, c’est la même partout. J’imagine que les petits policiers britanniques doivent prendre un plaisir à s’en prendre à des sorciers qu’ils n’ont rien fait… »

C’était pas du tout dans les habitudes de Raphaël de critiquer comme ça la Police. Il savait pertinemment que comme pour toute institution, il y avait à la fois des connards et des gens qui valaient d’être connus. Il était simplement en colère contre ce qu'il se passait. Il ne comprenait pas comment un agent de police pouvait tolérer d’arrêter quelqu’un juste parce qu’il était ce qu’il était. Au même titre qu’il ne comprenait pas qu’un avocat puisse prendre la défense de son client en sachant pertinemment qu’il était coupable. Pourquoi défendre un violeur ou un pédophile ? Est-ce que tout le monde devrait réellement avoir le droit d’être défendu ? On défend les criminels non-sorcier et on condamne des sorciers innocents de par le simple fait de leur existence.

«La justice actuelle est d’un ridicule… C’est pas possible d’être aussi… »

Il n’avait même pas d’adjectif pour qualifier ça, mais à l’expression de dégoût sur son visage on pouvait comprendre ce qu’il ressentait. En tout cas, il était rassuré de savoir que Leah le comprenait, une fois de plus, et surtout elle savait trouver exactement ce que Raphaël avait besoin d’entendre pour être rassuré. Raphaël vit Deirdre rassembler ses affaires prétextant qu’elle devait y aller, et que comme ça les deux amis pourraient discuter tranquillement. Elle fit la bise à Leah et se contenta d’un “Au revoir” poli mais un peu sec pour Raphaël. Le jeune homme avait légèrement oublié que la meilleure amie de Leah travaillait dans la Police et les affaires judiciaires. Elle n’a probablement pas apprécié les remarques du jeune homme sur la gestion de la justice dans le pays et l’a probablement vexée. Alors que Deirdre avait déjà pris congé, le jeune homme s’adressa à Leah

«C’était pas contre elle, c’est juste que… »

Son amie posa doucement sa main sur le bras du jeune homme, pour lui signaler que ce n’était rien. Le jeune homme soupira…

«Je crois que je vais y aller aussi… Merci pour… Merci… » Puis il ajouta en se forçant à rire «La prochaine fois, promis, je te reparle d’Artémis ! Apparemment ils se sont bien rapprochés quand je suis allé voir mes parents. »

Il avait vraiment le sentiment d’avoir gâché ce moment convivial improvisé où ils étaient censé boire et s’amuser tranquillement tous les trois. Il s’en voulait d’avoir fait partir Deirdre avec ses questions et ses remarques, mais il avait le cœur et l’esprit allégé des questions qui le tourmentaient depuis deux semaines. Il se doutait bien que Leah aurait su le guider dans ses interrogations. Il savait désormais ce qu’il ne devait pas faire, mais il n’avait vraiment d’idées sur ce qu’il allait faire pour la suite. Comment pouvait t’il convaincre d’autres gens de ne pas livrer les sorciers aux autorités ? Comment… Comment rejoindre la résistance ?