Habituellement, quand Hestia recevait un hibou, elle savait à quoi s’attendre. Les rares courriers qu’elle recevait ne recelaient jamais de véritable surprise. Ce qui, au fond, ne la dérangeait pas vraiment, les surprises ce n’était pas vraiment ce que la Serpentarde préférait. D’ailleurs, elle ne pouvait pas dire qu’elle recevait régulièrement du courrier, puisque les lettres que Thalia lui affirmait lui avoir envoyé n’étaient jamais arrivé jusqu’à elle, sa famille, et plus précisément ses parents étaient ceux qui lui écrivaient le plus souvent. Enfin, dans son cas régulièrement voulait dire un courrier tous les mois ou tous les deux mois. Et encore. Mais à chaque fois qu’elle voyait le plumage fauve du fier hibou grand-duc de son paternel traverser le réfectoire elle n’avait pas besoin d’attendre qu’il se pose devant elle pour savoir à quoi elle devait s’attendre. Les hiboux de ses parents n’étaient pas des modèles d’inspiration ou même d’imagination. D’ailleurs ses géniteurs n’étaient pas des modèles d’imagination tout court. Quand ses camarades autour d’elle recevaient des colis entiers remplis de surprises, de souvenirs ou de sucreries, elle se contentait le plus souvent qu’une simple feuille de parchemin décoré des armoiries de la famille Carrow et selon l’écriture qui s’y étalait elle pouvait aisément deviner le contenu qui l’attendait. Quand il s’agissait de la plume penchée et fine de sa mère elle savait qu’elle n’allait trouver que des nouvelles ennuyeuses de la haute société sorcière, qui avait organisé la dernière soirée mondaine, quelle famille avait passé un accord avec quelle autre famille et qui avait réussi à s’assurer une promotion au Ministère de la magie. Les courriers de sa génitrice étaient remplis de futilités qui n’intéressaient absolument pas Hestia. La verte aurait préféré ne pas avoir à s’encombrer de telles informations dont elle se fichait éperdument, mais au fond elle préférait lire ces sottises que les courriers rédigés de la main de son père. Ceux-ci étaient reconnaissables par son écriture volontaire qu’on devinait rapide tant la fin de certains mots était un peu mangée, mais le ton était indéniablement tout autre. Carrow père ne s’embarrassaient pas de prendre la plume pour narrer à sa fille les derniers mouvements du grand échiquier que représentaient les plus illustres familles sorcières. Non, s’il prenait la peine d’écrire à Hestia, et c’était clairement une corvée pour lui, il le lui avait déjà dit, c’était pour lui signaler sans détour à quel point l’attitude de sa fille ne lui plaisait pas. Dans ces hiboux, les reproches étaient nombreux et les ordres légions. Exactement le genre de courrier que personne n’aimait recevoir, et pour une fois Hestia ne faisait pas exception.

Alors non, recevoir du courrier ne faisait pas partie de ces petits rituels que Hestia chérissait particulièrement. Parce qu’à chaque fois ils étaient sans surprise et sans chaleur. Aucun ne lui apportait une quelconque forme de contentement. Ça aurait sûrement été différent si elle avait pu recevoir les hiboux que Thalia lui avait adressés pendant qu’elle était au loin, elle aurait certainement commencé à apprécier l’instant où tous les hiboux s’engouffraient dans le réfectoire pour apporter leurs missives, peut-être même qu’elle aurait fini par l’attendre avec une certaine forme d’impatience. Mais ces fameuses lettres que lui avait envoyé son aînée lui avait été volés alors elle n’avait jamais appris à voir ce rituel de Poudlard autrement qu’avec une lassitude non dissimulée. Les hiboux ne lui apportaient jamais la moindre surprise. Du moins jusqu’à ces dernières semaines. Hestia avait tout d’accord reçu une lettre d’Elise, quelques jours après la catastrophe de la fête foraine. Même si sa relation avec la bleue s’était améliorée, son hibou n’avait pas manqué de la surprendre, et ce n’était pas seulement parce que le volatile avait tenté de manger le parchemin avant même de le lui remettre. Les remerciements qu’il contenait l’avaient laissé sans voix, pas qu’elle doutait qu’Elise puisse se montrer reconnaissante envers elle, leur relation avait beau avoir connue des hauts et des bas ce n’était pas pour autant qu’elle aurait pensé la bleue ingrate, mais simplement parce qu’elle n’avait pas imaginé que l’aide qu’elle avait apporté à la Serdaigle lors de la fête foraine lui vaudrait une telle lettre. Et encore, ce hibou n’avait pas été le plus surprenant. Non, le courrier qui l’avait laissé complètement décontenancée avait été celui qu’elle avait reçu le matin même. S’il avait été apporté par un oiseau qu’elle n’avait jamais vu auparavant et avait été écrit par une plume qu’elle n’avait jamais lue par le passé, le nom apposé en bas du parchemin, lui, avait réveillé quelques souvenirs en elle. Eliael Xanielov. Le sorcier avait été une relation de sa famille, mais surtout il avait été celui qui avait entrainé sa sœur aux duels. Ça les parents Carrow n’en avaient jamais rien su, contrairement à Hestia qui avait souvent couvert son aînée lorsqu’elle se rendait à ces entrainements. Mais si le nom du sorcier ne lui était pas inconnu, elle ne pouvait pas en dire autant de la personne qu’il était. C’était Thalia qui le connaissait, pas la Serpentarde. Alors bien sûr recevoir un hibou de sa part avait été une surprise à laquelle elle ne s’était pas attendue.

Mais il y avait plus que ça. En plus de la surprendre, le contenu de sa lettre avait aussi piqué sa curiosité. Il voulait la voir. Pour quelle raison, Hestia l’ignorait encore, son courrier ne le précisait pas, mais il comportait d’autres informations. Des informations qui avaient poussé la verte à conserver ce courrier et à véritablement considérer l’idée d’aller à la rencontre du sorcier, au lieu de jeter le parchemin sans y prêter plus d’attention. Eliael mentionnait tout d’abord Thalia, ce qui n’avait pas manqué d’attirer l’intérêt de la Carrow, malgré leur lien malmené Hestia continuait de se soucier de son aînée. Mais surtout, le sorcier indiquait que c’était sa sœur qui lui avait parlé d’elle. Il n’en avait pas fallu plus pour que Hestia considère sa lettre d’un œil nouveau. Habituellement elle n’aurait pas prêté attention à un rendez-vous donné par un sorcier qu’elle connaissait à peine. Mais au fond Eliael n’était pas vraiment un inconnu, Hestia savait qu’il avait la confiance de Thalia et ça c’était sûrement le plus important. Alors même si elle n’avait pas pris la peine de répondre -après tout la lettre lui donnait rendez-vous sans forcément lui demander son avis comme si le sorcier savait déjà qu’elle viendrait- elle s’était donc préparée à cette rencontre. Une cape plus légère posée sur les épaules, la Serpentarde avait indiqué à Adèle où elle se rendait avant de franchir les portes de l’université pour pouvoir transplaner sur le chemin de traverse. Elle aurait pu apparaitre directement devant le Chaudron baveur mais elle préférait marcher un peu pour prendre le temps de mettre un peu d’ordre dans ses pensées, et surtout dans toutes les questions que cette rencontre impliquait. Et elles étaient nombreuses, ce n’était pas parce que Hestia avait accepté de venir qu’elle n’était pas méfiante. Ce n’était pas d’elle dont le sorcier avait été proche alors pourquoi cette rencontre ? Pourquoi maintenant ? Tout ça cachait des choses, c’était une évidence, mais la Serpentarde savait que le seul moyen d’obtenir des réponses serait de demander directement au principal intéressé.

Hestia se rendit donc au Chaudron baveur. Au moins le lieu de rendez-vous était public et couru des sorciers, il y aurait du monde autour d’eux s’il en avait été autrement, la verte n’aurait jamais accepté de rencontrer le sorcier. Il avait beau avoir l’estime de sa sœur, il restait un inconnu à ses yeux et Hestia avait beau être impulsive elle n’était pas non plus du genre à prendre des risques inconsidérés. Une fois dans le bar, elle ne mit pas longtemps à repérer la silhouette du sorcier. Même si cela faisait des années qu’elle n’avait pas croisé sa route, elle avait le sentiment qu’elle aurait pu le reconnaitre n’importe où. Il était de ces personnes que l’on n’oubliait pas facilement, même si leur lien avait été des plus ténus. Sa carrure avait beau lui paraitre moins impressionnante que quand elle était une gamine, il n’avait pas l’air d’avoir changé et n’en avait pas l’air beaucoup plus rassurant pour autant. Elle s’avança entre les tables tout en défaisant l’attache de sa cape. « Bonjour Eliael. » Lança-t-elle calmement en déposant sa cape sur la chaise libre. Etrangement Eliael avait beau être presque un inconnu pour elle, Hestia ne se voyait pas l’appeler par son nom de famille, ce n’était pas un manque de respect, loin de là, mais après tout il la connaissait depuis qu’elle était enfant. La verte s’installa tranquillement face au sorcier, appréciant qu’il ait choisi un espace calme mais pas trop éloigné des autres tables. Au moins il n’attisait pas sa méfiance. « Si vous vouliez piquer ma curiosité c’est plutôt bien joué. » Reconnu-t-elle en croisant son regard sombre. Ça elle ne pouvait pas le cacher, sortir ainsi des méandres de son passé et invoquer le nom de Thalia dans sa lettre était sûrement le meilleur moyen de faire réagir Hestia. Sans ça elle ne serait jamais venue ce jour. Et si elle était là c’était qu’il avait trouvé les arguments qui faisaient mouche avec elle. Elle lui adressa un sourire vaguement amusé avant de se tourner vers la serveuse qui était arrivée à ses côtés. Le sorcier ayant déjà un verre devant lui, la verte demanda une bièraubeurre et attendit que sa boisson soit posée sur la table avant de reporter son attention sur Eliael. « Alors, que me vaut ce rendez-vous après toutes ces années ? » Lança-t-elle en haussant un sourcil. Parce que ce rendez-vous n’était sûrement pas en souvenir du bon vieux temps, elle le savait. Pour ça, il aurait fallu qu’ils passent du temps ensemble et puisque ça n’avait pas été le cas, c’était qu’Eliael avait autre chose en tête. Et Hestia entendait bien le découvrir.

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La confiance, ce n’était pas un automatisme chez Hestia, loin de là. Ce n’était pas pour rien que le nombre de ces amis était aussi réduit et qu’elle ne cherchait absolument pas à s’en faire d’autres. Elle avait besoin de temps pour apprendre à connaître les autres et cesser de les regarder avec méfiance, et encore, même après ça rien n’assurait qu’elle fasse confiance à qui que ce soit. A ses yeux il y avait une grande différence entre apprécier -plus ou moins- une personne et être capable de se confier les yeux fermés. Surtout qu’il fallait bien l’avouer, la plupart du temps elle tolérait à grand peine ceux qui l’entouraient. C’était avec cet état d’esprit que la Serpentarde s’était donc rendue au Chaudron baveur pour y rencontrer Eliael. Il avait beau avoir été une figure de son passé -quoi qu’un peu lointaine et incertaine-, elle restait consciente qu’elle ne le connaissait pas réellement. C’était avec Thalia qu’il s’était lié, pas avec elle et Hestia ne l’avouerait jamais, mais pendant un temps elle avait ressenti une pointe de jalousie en voyant le lien qu’ils entretenaient. Personne ne s’était jamais intéressé à elle de cette façon, juste pour qui elle était, pour pouvoir l’aider, la gamine qu’elle était à l’époque ne s’en était sentie que plus isolée. Mais le temps avait passé et elle avait surmonté ce sentiment insensé. Ce qui ne l’avait jamais quitté, c’était les interrogations qu’elle avait toujours eu quand il s’agissait d’Eliael. Même enfant, une part d’elle s’était toujours demandé s’il avait été un véritable ami de ses parents ou s’ils avaient entretenu une relation plus basée sur leurs intérêts communs les plus sombres. L’amitié sincère et indéfectible n’était pas vraiment le truc des Carrow il fallait dire. Elle n’ignorait rien de son passé de mangemort ou de son séjour à Azkaban, mais elle savait également que depuis le sorcier avait retourné sa cape et qu’il avait participé à l’arrestation de plusieurs de ses anciens camarades.

Alors clairement, le sorcier ne comptait plus parmi les amis des Carrow. Il n’y avait pas grand-chose d’étonnant à ce qu’il soit toujours en lien avec Thalia, elle aussi n’était plus en état de grâce dans sa propre famille, en revanche qu’il contacte Hestia était déjà plus surprenant. Pourtant ils se trouvaient là, face à face. « Bonjour Hestia. » La verte observa le sorcier avec détachement. Il était toujours semblable à ses souvenirs même si les années avaient commencé à faire leur œuvre. Ce fut le sourire qu’il lui adressa qui la fit tiquer, dans ses souvenirs Eliael n’était pas le plus souriant des hommes. Une nouvelle preuve que le temps avait passé et qu’ils n’étaient plus tout à fait les mêmes. « Et bien alors ma lettre aura été efficace. » Hestia retint une expression amusée. Oh oui, sa lettre avait été efficace, la preuve, elle s’était déplacée alors qu’en d’autres circonstances elle n’aurait pas levé le petit doigt. Mais il avait su trouver les mots, il avait contacté la Serpentarde sans hésiter et avait habilement placé le nom de Thalia dans son courrier, s’assurant de retenir l’attention de la verte mais également de lui montrer qu’il était toujours en contact avec son ainé. Hestia n’avait pas beaucoup de mal à lire entre les lignes, rien de tout ça n’avait été laissé au hasard. Eliael s’était assuré de la faire réagir, et il avait réussi, la Serpentarde devait bien l’avouer. Mais rien ne servait d’épiloguer là-dessus, elle lui reconnaissait ce petit succès. Pourtant quelque chose l’intéressait plus que le contenu du hibou qu’il lui avait envoyé : la raison derrière cette rencontre. « Cela tombe très bien que vous posiez la question, je ne suis pas non plus du genre à tourner autour de pot. » Un nouveau sourire, un peu plus franc cette fois, étira les lèvres de la verte. Voilà un trait de caractère qu’ils partageaient tous les deux, ce n’était pas pour déplaire à Hestia. Se perdre en conjecture ou jouer sur les mots pour obtenir ce qu’elle voulait ce n’était pas vraiment son truc, elle laissait ça à sa famille. Elle n’avait pas envie de devoir interroger le sorcier pendant des heures pour savoir ce qui se tramait derrière ce rendez-vous. Heureusement, ils semblaient tous deux sur la même longueur d’onde.

Pas de détour donc, tant mieux. Les devinettes n’étaient pas au goût de la Serpentarde. Elle attrapa sa boisson pour en boire une gorgée, laissant Eliael prendre les rênes de la conversation. « On m’a vanté vos talents en potion. » Hestia haussa les sourcils. Pas un seul instant elle n’avait pensé que cette rencontre puisse être en lien avec son talent en potion. Encore une fois elle se fit la réflexion qu’Eliael maniait mieux les mots qu’elle ne l’aurait cru. Commencer par un compliment était plutôt bien joué, la Carrow devait bien l’avouer. Elle pencha légèrement la tête sur le côté, reposant sa bièraubeurre devant elle. « J’ignorais que mes talents dépassaient les murs de l’université. » Souffla-t-elle avec un haussement d’épaules. Elle était douée, elle le savait et s’en enorgueillait sans honte, mais de là à s’imaginer que son talent dépasse les limites de l’école, il y avait un monde. Hestia était peut être orgueilleuse, mais pas à ce point. Pas au point d’attirer l’attention de quelqu’un qui ne la fréquentait pas régulièrement. Enfin, Eliael n’avait pas besoin de la fréquenter elle, Hestia n’oubliait pas qu’il était toujours en contact avec Thalia, voilà d’où il devait tenir cette information. Thalia devait être le « on » dont il parlait, mais pourquoi lui aurait-elle vanté ses mérites ? Voilà une question qui restait entière. « Il se trouve que ce n’est pas mon fort pour être honnête. » Un léger sourire flotta sur les lèvres de la sorcière. Cette confession ne l’étonnait pas vraiment. Elle avait beau ne pas vraiment connaitre Eliael, elle l’avait toujours vu comme un homme d’action, pas un de ces sorciers capables de faire preuve de la minutie et la patience nécessaires pour réussir des potions délicates. Après tout ce n’était pas pour rien s’il avait fini par entrainer Thalia aux duels alors que Hestia se tournait vers les potions. La verte ne fit pourtant pas de commentaire, elle savait qu’ils étaient peu nombreux à maîtriser l’art si rigoureux des potions, les talents du sorcier étaient ailleurs voilà tout.

« C’est donc de votre aide dont j’aurais besoin. » La Serpentarde se redressa imperceptiblement sur son siège, soudainement un peu plus attentive. Ils y étaient, la raison de leur présence ici. « Evidemment il ne s’agit pas de potion toute simple, j’ignore si ce genre de chose existe pour tout vous avouer. » Hestia hocha lentement la tête, les rouages se mettant en marche dans son esprit. Eliael avait beau affirmer préférer aller droit au but il n'était pas non plus particulièrement clair dans ses propos. Mais ça n'empêcha pas la verte de tirer les conclusions qui s'imposaient. Il voulait qu'elle travaille sur une potion pour lui, ce n'était pas bien difficile à comprendre. Une potion complexe, si complexe que son existence même n'était pas sûre. Exactement le genre de défi qui plaisait à Hestia, ce pour quoi elle se destinait. « J’ai une amie qui a un problème de… Santé assez particulier. » Sa bouteille de bièraubeurre entre les mains, l'étudiante attendit patiemment que l'ancien mangemort développe son propos. Une potion inconnue, un problème de santé particulier, tout ça était assez intrigant, Hestia devait bien l'avouer. Mais le sorcier n'en fit rien, il ne lui communiqua pas d'informations en plus ou de détails utiles. Direct, oui, mais avec une conversation par énigmes. Par prudence ou méfiance, la Carrow n'aurait su le dire, mais sûrement aurait-elle agi pareil. Apparemment Eliael n'accordait pas non plus sa confiance facilement, vu ce qu'elle savait de son passé ça n'avait rien d'étonnant. En fait le contraire aurait même été illogique, et Eliael n'avait pas l'air d'être le type de sorcier à se montrer déraisonnable. « Evidemment votre prix sera le mien. » Hestia ouvrit de grands yeux surpris. Qu’il vienne la trouver pour lui demander son aide était une chose, qu’il avance carrément l’idée de la payer en était une autre. Clairement, elle ne s’était pas préparée à cette éventualité. De nouveau le sorcier agissait comme s’il savait d’avance qu’elle allait accepter sans faire d’histoire, oubliant que des deux sœurs Carrow ce n’était pas elle qu’il connaissait le mieux. Hestia fronça les sourcils, décontenancée, même si elle voulait faire carrière dans le domaine des potions jamais elle n’avait imaginé se trouver dans ce genre de situation, surtout alors qu’elle n’était toujours qu’en première année de son cursus. « Mon prix ? » Répéta-t-elle, plus par surprise que parce qu’elle avait mal compris. Elle reprit immédiatement. « Vous voulez que je travaille sur une potion pour vous. » C’était une constatation, mais vu comment Eliael s’exprimait à demi-mot elle se sentait obligé de mettre les choses au clair.

A Poudlard elle avait déjà réalisé des potions pour les autres. Elle avait fourni des potions de sommeil à Adèle pendant des semaines entières, elle avait aidé Sélénya à préparer un somnifère plus fort encore, capable d’éloigner les mauvais rêves, elle en avait aussi donné quelques fioles à Elise. La Serpentarde n’était pas du genre à venir en aide à tout le monde, loin de là en fait, mais quand il s’agissait de son domaine de prédilection, lui faire miroiter un défi était sûrement le meilleur moyen qu’elle accepte. Ce dont Eliael parlait, ou du moins dont il avait l’air de parler puisqu’elle n’avait pas encore toutes les informations, rentrait dans cette catégorie. Sauf qu’Hestia avait beau être impulsive, elle n’était pas non plus sans méfiance. Et dans toute cette histoire quelque chose la chiffonnait. « Pourquoi moi ? » Reprit-elle soudainement en plantant son regard dans celui de l’ancien mangemort. Thalia lui avait apparemment parlé de son talent en la matière, certes, mais ça ne paraissait pas vraiment suffisant aux yeux de la verte. Le sorcier était-il vraiment prêt à se tourner vers une totale inconnue pour une tâche si délicate ? Hestia avait beau ne pas avoir le moindre doute sur son niveau en potion, elle ne pouvait s’empêcher de trouver ça étrange. Et elle n’était pas du genre à se laisser aveugler par les compliments. « Ne le prenez pas mal, c’est plutôt flatteur mais j’imagine que vous devez avoir des maitres en potions parmi vos connexions. » Maitres en potions, maitres empoisonneurs, sûrement que le choix ne manquait pas parmi les anciennes fréquentations du sorcier. Des êtres peu dignes de confiance mais certainement tout aussi doués qu’elle. Vu son passé et son présent, Eliael ne devait pas manquer de connexions. Médicomage, herboriste, apothicaire, employé au département des mystères, de nombreux autres sorciers étaient capables de se pencher sur la réalisation d’une potion complexe. Pourtant il avait choisi de se tourner vers une sorcière qui avait à peine entamé ses études. « Je ne comprends pas, pourquoi vous tourner vers une étudiante ? Ce ne sont pas les endroits qui manquent pour trouver des sorciers doués en potions. » Exposa-t-elle en buvant une nouvelle gorgée de sa bièraubeurre. Si cette potion si mystérieuse qu’il voulait la voir réaliser pour lui l’intriguait, c’était également le cas des raisons qui les avaient réunis en cet instant.

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Est-ce que Hestia avait une idée de ce à quoi elle devait s’attendre en se rendant à ce rendez-vous ? Absolument pas. La réflexion ça n’avait jamais été son truc, penser des heures durant à ce que lui réservait l’avenir, tenter d’envisager toutes les options pour réfléchir à des solutions ce n’était pas pour elle. Imaginer le pire et le meilleur, songer à toutes les variables, ce n’était pas qui elle était. Ce n’était pas pour rien que le choixpeau n’avait pas mis longtemps à écarter la maison des bleus et bronze lors de sa répartition, déjà à l’époque Hestia n’avait pas grand-chose d’une planificatrice. Sans pour autant suivre le mouvement, elle était plus du genre à agir selon son instinct, suivant le moment venu. Elle faisait confiance à ses impressions et ses sens, ce qu’elle ressentait au fond d’elle lui paraissait infiniment plus important que toutes les réflexions qu’elle pouvait mener. A quoi bon prévoir des dizaines de plans si ceux-ci ne lui paraissaient pas justes, si rien ne raisonnait en elle ? Pas besoin de se montrer raisonnable, elle avait surtout besoin de se sentir elle-même. Et c’était en écoutant son instinct qu’elle était le plus en accord avec cette idée. Alors quand elle avait reçu le hibou d’Eliael, la Serpentarde n’avait pas passé des heures à peser le pour et le contre. Le sorcier avait piqué sa curiosité, elle ne le cachait pas, il avait su utiliser les bons mots pour lui donner envie d’en savoir plus. Mais surtout, elle ne voyait pas le mal qu’il y avait à le rencontrer pour discuter, ça ne l’engageait à rien et elle ne courrait pas grand danger. Bien sûr, le risque zéro n’existait pas avec un ancien mangemort tel que le sorcier, mais s’il avait vraiment voulu lui faire du mal elle doutait qu’il ait pris la peine de l’inviter pour ça. De plus, Hestia n’avait aucune raison de se sentir en danger, si Eliael avait su s’attirer la confiance de Thalia, ce n’était pas pour rien, même si sa relation avec sa sœur n’était toujours pas au beau fixe, Hestia savait au moins qu’elle pouvait s’en remettre à son jugement. Et puis, la verte avait beau être impulsive, elle n’était pas non plus inconsciente, elle avait avertie Adèle de l’endroit où elle se rendait et de la personne qu’elle rencontrait et si le rendez-vous en question n’avait pas été donné dans un lieu public elle n’aurait jamais accepté de s’y rendre.

C’était donc avec curiosité, mais également un peu de prudence, que la Serpentarde s’était rendue au Chaudron Baveur. Elle devait bien avouer qu’une partie d’elle était satisfaite de son choix tandis que l’autre se demandait à quoi Eliael jouait. Il l’avait fait venir car il souhaitait qu’elle travaille sur une potion pour lui. Même si elle n’avait pas encore toutes les informations, sa demande était plutôt claire, en revanche ce que Hestia ne comprenait pas, c’était son choix de se tourner vers elle plutôt que vers un sorcier de sa connaissance. Certes, vu son passé ses relations ne devaient pas être que des enfants de cœur mais aux yeux de la Carrow c’était tout de même étrange qu’il préfère se tourner vers une inconnue, et encore plus une étudiante. C’était Thalia qu’Eliael avait appris à connaitre, pas Hestia, et les sœurs Carrow n’avaient pas grand-chose à voir l’une avec l’autre, il ne pouvait donc pas présumer du caractère de la verte. Tout ceci, elle ne manqua pas de le souligner, elle restait flattée par sa demande, mais préférait encore plus avoir toutes les cartes en main avant de prendre une décision. Et pour le moment Eliael, en bon homme de peu de mots, gardait tout ça bien flou. Trop flou au goût de la Serpentarde. « Effectivement. » Hestia hocha pensivement la tête. Même si elle avait cru apercevoir un éclair de surprise quand elle lui avait demandé de but en blanc pourquoi il l’avait choisi elle pour cette mission, au moins il semblait d’accord avec ses réflexions. Heureusement, il ne s’attendait pas à trouver face à lui une étudiante qui se laisserait aveugler par quelques compliments habilement dispensés, la verte détestait se sentir sous-estimée, c’était un sentiment qu’on lui imposait bien trop souvent chez elle. « Il y a des informations que je ne peux pas vous donner pour le moment. J'ai besoin de voir jusqu'où je peux vous faire confiance et j'imagine que l'inverse est tout aussi vrai. En revanche vous me connaissez assez pour connaître mon passé n'est-ce pas ? Et vous doutez que mes connaissances ne sont pas toujours très... Fréquentables. Et puis j'ai besoin de quelqu'un de discret. Je... Je pourrais effectivement me tourner vers quelqu'un d'autre. Mais pour cette potion, ce de vous dont on m'a parlé. De plus en étant à Poudlard, enfin dans cette université vous devez avoir déjà accès à pas mal d'ingrédient et s'il vous manque quoique ce soit, il n'y a qu'à demander je me débrouillerais pour vous le faire parvenir. Si vous acceptez bien entendu. » Dans les prunelles du sorcier, Hestia pouvait lire de la sincérité, c’était véritablement sa manière de penser. Et si c’était bien le cas alors il se tournait vers elle pour obtenir de l’aide, et non pas pour profiter de ses talents. La verte devait reconnaitre qu’il n’avait pas tort, il avait les connexions parmi la société sorcière, mais quelles connexions ! De son passé il ne devait pas conserver beaucoup de relations recommandables et si la potion qu’il souhaitait créer était vraiment si complexe alors sa commercialisation devait pouvoir apporter beaucoup de Gallions. La confier à des sorciers peu scrupuleux reviendrait à prendre le risque de ne jamais voir la couleur du mélange. La discrétion était un autre argument que la Carrow pouvait entendre. Son don pour les potions était connu -et apparemment reconnu- mais ce n’était pas pour autant qu’elle s’en vantait sur tous les toits, au contraire elle préférait tout garder pour elle, sa discrétion ne concernait pas que ses émotions et de ce fait une telle mission pouvait lui être confiée sans risque de fuite. C’était également la deuxième fois que le sorcier faisait référence à une tierce personne qui lui aurait parlé des talents de la Serpentarde. De nouveau Hestia se demanda s’il s’agissait de Thalia, de ce qu’elle savait elle était la seule personne à être consciente de son niveau en potions et qu’ils avaient en commun. Mais pourquoi sa sœur en serait venue à lui parler d’elle, ça c’était une question dont elle ne parvenait pas à trouver la réponse.

« J'ai cru comprendre également que vous aimiez les challenges... » Hestia haussa un sourcil. Il paraissait bien renseigné pour quelqu’un qu’elle n’avait pas vu depuis des années. Soudainement elle se disait qu’elle ne s’était peut-être pas assez préparée à cette rencontre, contrairement à Eliael apparemment. Elle était venue les mains dans les poches de sa cape, mais elle semblait être bien la seule à avoir fait preuve d’autant de laxisme. Elle se demanda si c’était une erreur, s’il avait l’intention de la mener sur le chemin qu’il voulait avec des paroles choisies avec soin. « J’ai l’impression que vous en savez beaucoup sur moi. » Souffla-t-elle en pinçant les lèvres un instant. Il en savait beaucoup. Trop même. Et c’était une idée qui était loin de plaire à la Serpentarde. Elle savait que le sorcier avait les relations qu’il fallait pour se renseigner sur qui bon lui semblait, mais c’était autre chose que de se douter d’avoir fait l’objet d’une enquête, même si elle avait été superficielle. « Cette potion en sera un, soyez-en sur. » Vu comme le sorcier soulignait ce dernier point, Hestia n’en doutait plus. Il faisait beaucoup de mystères, contactant une étudiante qu’il n’avait pas vu depuis de longues années, ne lui donnant que des brides d’information, tout laissait à penser que la mission qu’il avait à lui confier ne serait pas simple. La Serpentarde détestait l’avouer, mais il avait raison. Elle aimait les challenges, surtout quand ils mettaient à l’épreuve ses capacités dans l’art des potions, et ce que laissait miroiter le sorcier lui donnait bien envie d’en savoir plus. Son esprit de contradiction aurait aimé pouvoir lui lancé qu’il n’était pas aussi simple de lire en elle, mais sa curiosité lui murmurait un tout autre discours. Alors elle garda le silence, conservant sur son visage une impassibilité polie en attendant d’en savoir plus. Eliael ne pouvait tout de même pas s’attendre à ce qu’elle s’engage sur ce genre de tâche sans en savoir plus, du moins pas s’il la connaissait vraiment autant qu’il paraissait le sous-entendre. « Mais je ne demande jamais rien de façon gratuite. Voilà pourquoi je vous demande votre prix que ce soit de l'argent ou non, je suis capable de vous trouver quasiment tout ce que vous pouvez désirer. Ou vous rendre tout simplement service en retour. » La verte hocha de nouveau la tête avec lenteur avant de reprendre une gorgée de sa boisson. Jusqu’à présent elle n’avait jamais demandé de paiement en échange de ses potions. Mais c’était parce que ses préparations avaient été destinées à des camarades plus ou moins proches d’elle, il ne lui serait jamais venu à l’idée de faire payer Adèle pour toutes les potions de sommeil qu’elle lui avait préparé, ou Sélénya pour l’aide qu’elle lui avait fourni, et dont Elise avait pu recevoir quelques flacons. Tout comme il ne lui serait jamais venu à l’idée de travailler pour quelqu’un qui n’avait pas un minimum d’importance à ses yeux, ses talents n’étaient pas à la disposition de tous, et elle encore moins. Alors qu’Eliael lui propose de la payer était logique et même nécessaire, l’idée de faire face à un challenge n’aurait pas été assez pour convaincre Hestia.

« Vous n'êtes pas obliger d'accepter tout de suite, vous pouvez prendre quelques jours pour y réfléchir si vous préférez. » Hestia pencha la tête sur le côté, observant son interlocuteur de ses yeux ambrés. Il ne la pressait pas, ce qui était tout à fait honorable, il n’y avait pas meilleure méthode pour hérisser la Serpentarde que de la mettre pied au mur. Dans ce cas tous les challenges et la curiosité du monde n’auraient pas été assez pour la faire aller dans son sens. Mais croyait-il vraiment à ses paroles ? Il affirmait lui laisser du temps, mais ne savait-il pas déjà que la décision de la verte n’était plus qu’une formalité ? Ne savait-il pas qu’elle allait accepter, tout comme il n’avait pas douté de sa venue à ce rendez-vous ? Un léger sourire flotta sur les lèvres de a brune, d’un côté il semblait posséder pas mal d’informations sur son compte et de l’autre il émettait des doutes, preuve que malgré ce qu’il savait -ou pensait savoir- d’elle, elle restait une inconnue à ses yeux. Elle ne dit rien, même si sa réponse était déjà claire au fond d’elle, elle ne voulait pas donner l’impression à Eliael qu’il gagnerait la partie aussi facilement. Une enveloppe apparue entre eux. « Dedans il y a le genre de potion que je voudrais et le souci de santé de la personne en question vous est également expliqué. » Les prunelles de la verte se posèrent sur l’enveloppe, enfin des réponses à ses questions. Elle ne s’en saisit cependant pas tout de suite, se contentant d’attirer les papiers à elle sans pour autant chercher à les lire. Du moins pas dans l’immédiat. Songeuse, elle contempla un instant l’enveloppe scellée, puis elle releva les yeux pour croiser le regard du sorcier. « Vous êtes bien sûr de ma réponse pour me donner accès à ce genre d’informations. » Souffla-t-elle avec un sourire un peu ironique. Il y avait de quoi. Un peu plus tôt, il lui avait affirmé qu’il ne pouvait pas lui donner plus d’informations tant qu’il ne savait pas jusqu’où il pouvait placer sa confiance en elle. Et maintenant il lui tendait un dossier complet avant même qu’elle ne lui ait donné la moindre réponse. Si ça ce n’était pas la preuve qu’il était absolument sûr de son accord. « Et si je refuse après avoir ouvert cette enveloppe ? » Reprit-elle en lui adressant un regard de défi. Hestia estimait qu’elle devait donner sa réponse en toute connaissance de cause, si elle n’avait pas toutes les informations alors elle ne pouvait pas s’engager. Mais rien ne l’empêchait de refuser si ce qu’elle lisait ne lui plaisait pas. Et alors quoi ? Eliael allait lui lancer un sortilège d’oubliette pour effacer les informations sensibles de son esprit ? Au fond, avait-elle véritablement le choix ou l’ancien mangemort ne s’était-il pas débrouillé pour lui laisser croire qu’elle en avait un ? Par Merlin, si relever ce défi ne lui donnait pas envie d’accéder à la demande du sorcier alors elle aurait bien pu se sentir prise au piège.

La Serpentarde maintint le contact de leurs prunelles un instant de plus, le temps de voir si l’ancien mage noir allait changer son attitude face à elle après sa petite provocation. Finalement, elle se saisit de l’enveloppe et se recula dans sa chaise pour s’installer plus confortablement. L’enveloppe ne contenait que quelques feuilles de parchemin griffonnées, des notes plus ou moins complètes et un article de journal traitant des communautés des êtres de l’eau en Grèce. Hestia prit le temps de parcourir les différents documents, ils étaient peu nombreux mais il lui fallut quelques minutes pour les relier entre eux et comprendre vers quoi ils convergeaient. Peu à peu les connexions se firent. Il était question des êtres de l’eau, de morsure, de symptômes physiques et de transformation. Elle fronça les sourcils en comprenant où tout ça voulait en venir. Il était question de sirènes. C’était ça, le problème de santé si particulier de l’amie d’Eliael. Elle avait été mordue par une sirène et en subissait désormais les conséquences. Elle était devenue une sirène. Une sirène. Hestia n’en revenait pas, elle n’avait jamais entendu parler de ce phénomène auparavant. Comment cela pouvait-il être toujours secret de la société sorcière ? Lentement, elle reposa les papiers sur la table, prenant soin de laisser seulement le verso apparent pour que personne ne puisse y poser un œil indiscret. Elle prit une profonde inspiration avant de relever le visage vers le sorcier. « Vous vous rendez compte qu‘il va falloir que je rencontre cette personne ? » Demanda-t-elle finalement. Hestia comprenait qu’Eliael veuille rester discret, c’était la première fois qu’elle entendait parler de transformation en sirène, si l’information venait à se répandre alors la personne en question serait la cible de tous les regards. Et nul doute que le Ministère voudrait se pencher sur son cas pour finir par en faire un rat de laboratoire. Garder le secret était une nécessité et Hestia le comprenait bien mais elle ne pouvait travailler sans être en contact avec cette personne. C’était comme écrire un devoir les yeux fermés, ça ne marcherait pas. « Je n’ai jamais entendu parlé de sorcier mordu par une telle créature. » Expliqua-t-elle en choisissant ses mots avec soin. Personne ne faisait attention à eux dans le bar mais il valait mieux être prudent. « Je peux faire des recherches mais je doute que la bibliothèque de Poudlard ait des livres sur le sujet. » Elle était encore étonnée que l’existence des sorciers changés en sirène soit toujours secrète, ils devaient être peu nombreux, ou encore jouir du statut de légende, sinon elle en aurait entendu parlé avant. Elle sentait déjà qu’elle aurait beau passer toutes ses journées à la bibliothèque de l’université elle n’en ressortirait pas avec la moindre information utile. Ce n’était pas dans les livres que ce trouvaient les réponses à ses questions. Hestia posa ses mains à plat sur les documents, les tapotant légèrement des doigts. « Je vais avoir besoin d’en savoir plus sur ses symptômes avant et après les transformations. Et après les premiers tests je vais avoir besoin de recueillir ses impressions, ses sensations, bref tout ce qui pourra m’aider à ajuster la préparation. » Reprit-elle en songeant que même ça ne serait pas assez pour pouvoir l’aider à produire la bonne potion. Pour étudier les effets de ses mélanges, la Serpentarde allait devoir récolter des données qui n’étaient pas présentes dans l’enveloppe, et ça seule la personne touchée pourrait les lui fournir. En fait le mieux serait même qu’elle soit présente lorsque ses symptômes apparaissaient et aussi lors de ses transformations pour bien se rendre compte de ce qu’elle vivait et ce contre quoi elle devait lutter. Eliael avait-il pensé à tout ça ? « Si vous voulez que je l’aide, il faudrait que je puisse lui parler. » Conclut-elle en plongeant son regard dans celui du sorcier. Pas de malice, pas de curiosité mal placé, juste l’expression d’un besoin. Si Eliael voulait obtenir cette fameuse potion, alors il devait lui donner les moyens de réussir.

CODAGE PAR AMATIS

Travailler sur un cas encore inconnu du monde sorcier, Hestia n’aurait jamais pu en rêver. Ce n’était pas pour rien qu’elle s’était engagée dans des études en sciences magiques, c’était exactement ce à quoi elle voulait consacrer son existence. Préparer des mélanges la passionnait, mais ce qui la fascinait réellement c’était la réflexion, la recherche, la création. Partir du néant et parvenir à un résultat qui comblait toutes les attentes, c’était ça qu’elle voulait. Créer de nouvelles potions, faire des découvertes et pouvoir marquer elle aussi l’art des potions, y laisser son empreinte. Mais jamais elle n’aurait cru qu’une telle opportunité lui serait offerte alors qu’elle ne se trouvait que dans sa première année universitaire. Quand il s’agissait de l’art des potions, la Serpentarde n’était jamais sans projet, c’était un domaine si vaste et elle n’en avait exploré qu’une infime partie. Elle avait encore beaucoup à apprendre et tant de mélanges qu’elle n’avait pas encore réalisé mais sur lesquels elle avait déjà hâte de se pencher. Hestia avait d’abord pensé devoir se plonger dans ce type d’expérimentation avant d’en arriver à ce genre de potions. Bien sûr, elle n’avait pas attendu d’y être invitée pour se consacrer à ses expériences et avait déjà commencé à créer des propres préparations, notamment avec Sélénya quelques semaines auparavant pour créer une potion de sommeil qui empêcherait également les cauchemars de trouver une prise sur l’esprit. Mais là, elle avait l’impression de sauter plusieurs étapes d’un coup. Il ne s’agissait plus d’améliorer une potion existante ou d’associer plusieurs ingrédients qui paraissaient évidents, c’était bien plus que ça. Il s’agissait de travailler sur un terrain jusque-là inexploré. Un cas unique, sans aucuns antécédents sur lesquels s’appuyer. Cette potion c’était une toile immaculée qui n’attendait plus que de recevoir une œuvre d’art. Et c’était à elle qu’on offrait cette opportunité. Eliael avait beau lui avoir exposé les raisons qui l’avaient amenés à se tourner vers elle, elle avait encore du mal à se faire à cette idée. Pourtant, elle le savait, elle ne laisserait passer cette chance pour rien au monde. Au fond, le sorcier n’avait même pas besoin de se perdre en argumentation, la décision de la verte était déjà prise. Elle savait reconnaitre une opportunité quand elle en voyait une. Et celle-ci… Celle-ci était en or.

Bien sûr, si Hestia pouvait se rendre compte de la valeur de l’opportunité que lui présentait Eliael, il était évident qu’il en allait de même pour l’ancien mangemort. La Serpentarde n’était pas assez imbue d’elle-même pour croire qu’elle était la seule à voir dans cette proposition une chance à ne pas laisser passer. D’ailleurs, Eliael n’avait pas vraiment l’air de douter de sa réponse, comme elle le lui souligna avec ironie, mais sans rancœur. « Vous êtes totalement libre de votre réponse Mademoiselle, j’espère juste sincèrement que vous direz oui et je manipule sans doute peut-être très bien les mots. Mais ce n’est que cela, de la manipulation. L’expérience professionnelle… C’est une technique classique, partir du fait que c’est quasiment entendu tout en laissant quand même un chemin de sorti pour ne pas oppresser la personne… Et même si là je suis en train de vous dire ce que je suis en train de faire… Osez me mentir et me dire que ce n’est pas en train de fonctionner ? » Le sourire de la vipère s’agrandit un peu plus et une expression amusée éclaira un instant ses prunelles. Il reconnaissait la manipuler pour obtenir son accord, au moins il était honnête. Enfin, ses intentions étaient plutôt claires aux yeux de Hestia. Il avait avoué sans mal s’être renseigné sur elle avant cette rencontre et avait plusieurs fois exposé pile les bons arguments pour s’assurer qu’elle accepterait sa proposition. Pas besoin d’être un génie pour comprendre que le sorcier mettait toutes les chances de son côté. De la manipulation oui, mais au fond c’était de bonne guerre. En revanche, reconnaitre que sa petite technique était en train de fonctionner ? Il ne fallait pas rêver. Le jour où Hestia accepterait d’admettre que la manipulation -même inoffensive- marchait sur elle n’était pas arrivé. « Attention Eliael, un peu plus et votre assurance passe pour de l’arrogance. » Lâcha-t-elle avec un sourire légèrement moqueur. Tranquillement, elle se saisit de sa bouteille de bièraubeurre pour la porter à ses lèvres. Est-ce que le sorcier se rendait compte qu’au final toute cette mise en scène était inutile ? Même sans les bons arguments, Hestia n’aurait pas refusé une opportunité telle que celle qu’il lui présentait. Mais s’il pensait nécessaire de devoir la manipuler pour s’assurer de sa réponse c’était que cette potion lui tenait particulièrement à cœur. Elle savait déjà qu’il faisait cette demande pour une amie, il n’était clairement pas le genre de sorcier à se démener ainsi pour de simples inconnus, mais le fait qu’il soit capable de déployer autant d’efforts prouvait à la Serpentarde qu’il agissait pour une personne qui devait lui être très proche. Une nouvelle fois Hestia se demanda de qui il pouvait s’agir, elle n’avait jamais vu Eliael comme un sorcier prêt à remuer ciel et terre pour les autres, elle l’avait toujours cru être du genre solitaire, un peu comme elle. Mais elle ne posa pas la question, elle savait d’avance que c’était inutile. Elle n’aurait pas de réponse et au fond ça ne changeait rien pour elle. Et puis, il y avait des sujets bien plus importants à éclaircir d’abord. Comme ce qu’il se passerait si elle refusait sa proposition une fois qu’elle aurait pris connaissance de toutes les informations qu’il voulait bien lui révéler. « Je ne suis pas là pour vous menacer Mademoiselle Carrow… Je vous demande cela comme un service, vous avez tout à fait le droit de refuser, il n’y aura aucun problème et je repartirais simplement de mon côté. » Hestia haussa lentement les épaules. Quelques minutes plus tôt il lui avait affirmé ne pas pouvoir lui fournir d’informations tant qu’elle n’avait pas accepté sa proposition et maintenant il lui offrait des documents sur un plateau d’argent et lui certifiait qu’elle n’avait rien à craindre si elle préférait refuser après en avoir pris connaissance. Un rien tordu tout ça. Sauf pour quelqu’un qui savait déjà la partie gagnée. Hestia pouvait-elle faire confiance à l’ancien mangemort ? Apparemment seule la suite des évènements pourrait le lui dire.

La Serpentarde avait donc parcouru avec attention les documents qui lui avaient été confié, réalisant peu à peu l’ampleur de la tâche qui l’attendait mais aussi l’importance d’une telle demande. Une potion pour lutter contre les effets secondaires d’une morsure de sirène. C’était du jamais vu, et pourtant Hestia en avait parcouru des livres anciens sur les potions. Jamais elle n’était tombée sur un sujet de ce type. Dire que sa curiosité avait été piquée serait un euphémisme, dans sa tête les questions et les suppositions se bousculaient déjà. Il n’y avait pas de doutes à avoir, elle se voyait déjà travailler sur une telle potion, c’était l’opportunité d’une vie et elle n’aurait pas été digne de sa maison si elle n’avait pas su le reconnaitre. Seulement tout ça c’était bien beau mais travailler sur un tel mélange sans pouvoir s’entretenir avec le sujet concerné ne tarderait pas à être compliqué. Il ne s’agissait plus de curiosité, Hestia n’était ni médicomage ni magizoologue, elle n’avait aucune intention d’étudier la victime de cette malédiction ou de la traiter en cobaye, mais elle savait que pour pouvoir juger de l’efficacité d’une potion il était mieux de pouvoir en étudier les effets en direct. Elle ne manqua pas de souligner ce fait à Eliael, apportant à son tour les arguments qu’elle jugeait utiles. Malgré tout, la réponse ne la surprit absolument pas, le froncement de sourcils du sorcier voulait tout dire. « Peut-être pourriez-vous commencer par certaines recherches dans un premier temps ? Je vous l’ai dit, moi aussi j’ai besoin de savoir si je peux vous faire confiance et je ne peux pas vous faire rencontrer cette personne aussi rapidement. » La verte acquiesça lentement. Cette manière de procéder lui paraissait logique et raisonnable, elle-même s’y accordait. Elle savait que ce ne serait pas le plus rapide ou le plus simple, mais c’était déjà une manière de commencer ses recherches, même si elle doutait d’obtenir toutes les informations dont elle avait besoin par ce biais uniquement. « Je vous ferais parvenir tous les livres que je trouverais, si jamais il y en a que vous désirez, vous n’aurez qu’à demander, il n’y a pas grand-chose que je ne peux pas me procurer. » L’étudiante haussa un sourcil, Eliael avait le bras long apparemment, à croire que ses anciennes connaissances pouvaient encore se révéler utiles quand il en avait besoin. Hestia nota également qu’il mettait beaucoup de volonté dans sa demande, il était prêt à faire des efforts pour qu’elle ait tout le nécessaire pour réussir. « Je vous ferais parvenir une liste dans ces cas-là. » Hestia hocha la tête, pensive. Puisqu’elle ne pouvait pas rencontrer la personne qu’elle devait aider, agir ainsi était la meilleure option. Du moins dans un premier temps. Eliael pouvait parfaitement interroger la personne sur ses ressentis et elle aurait déjà une base sur laquelle travailler. Cela pouvait faire l’affaire, pour commencer. La Serpentarde n’insista donc pas. « D’accord, si vous souhaitez jouer les intermédiaires c’est votre choix. Mais j’espère que vous vous rendez compte qu’il y aura un moment où cela ne suffira plus. » Souligna-t-elle posément. Au fond, elle ne doutait pas que le sorcier s’en rendait déjà compte, il agissait ainsi pour protéger son amie, mais il viendrait un moment où cette protection finirait par leur mettre des bâtons dans les roues. C’était du devoir de Hestia de s’assurer que ça aussi il s’en rendait compte.


« Est-ce que cela veut dire que vous acceptez ? » Hestia retint une exclamation amusée. Ah, la question à dix mille Gallions. Elle posait des questions, elle émettait des conditions et accumulait des informations mais jusqu’à présent elle n’avait toujours pas donné de réponse claire à la demande du sorcier. Elle devait bien l’avouer, ça l’amusait beaucoup de continuer à faire planer le doute alors que tous deux savaient parfaitement que sa décision avait déjà été prise depuis de longues minutes. Oh, elle ne trompait personne, Hestia en était consciente, mais tant qu’elle n’avait pas donné sa réponse de vive voix elle pouvait toujours changer d’avis d’un instant à l’autre, et ça ils le savaient aussi tous les deux. Mais faire mariner le sorcier était assez plaisant. Cependant, elle savait que la patience d’Eliael avait des limites, aussi se contenta-t-elle de se laisser aller contre le dossier de sa chaise et de croiser son regard, un sourire satisfait aux lèvres. « Oh, allons, est-ce qu’on va vraiment faire comme si ce n’était pas évident ? » Lâcha-t-elle d’un ton amusé. Bien sûr qu’elle acceptait, il le savait parfaitement, pas la peine de se voiler la face plus longtemps, son petit manège avait parfaitement fonctionné. Pour un peu Hestia l’aurait applaudit, il l’avait amené exactement là où il voulait et ce fut seulement l’orgueil de la Serpentarde qui l’empêcha de lui donner une réponse plus claire. Elle n’allait tout de même pas lui faire ce plaisir. Mais au fond elle ne lui en voulait pas, créer cette potion l’intéressait réellement et elle aussi avait à gagner dans cette affaire. C’était donnant-donnant au final. « Je ferais de mon mieux pour rendre l’échange possible, mais cette personne veut garder son identité secrète, il faudra probablement un peu de temps… » Hestia hocha de nouveau la tête. Bien, puisque parler à la personne en question était exclu pour le moment elle ferait au mieux. Et puis elle ne lui en voulait pas, elle aussi était du genre secrète et si elle avait été victime d’une malédiction aussi inconnue que celle de la sorcière elle n’aurait certainement pas aimé que cette information se propage. Les secrets étaient faits pour se protéger. « Je comprends, ce ne sera pas l’idéal pour créer une telle potion, mais je comprends. » Acquiesça-t-elle finalement. Rien de tout cela ne lui faciliterait la tâche mais elle tenterait de s’en accommoder au mieux. Après tout, ce n’était pas à elle de forcer la personne à lui révéler son identité. Il faudrait certainement du temps et peut-être qu’après quelques essais de potions la question d’une rencontre pourrait de nouveau être mise sur la table. En attendant, ils n’en étaient pas là, pour pouvoir commencer elle devait d’abord s’organiser. Hestia reposa sa bouteille presque vide sur la table et se redressa sur sa chaise. « Très bien, vous me fournirez tout ce que je jugerai nécessaire pour étudier et travailler sur cette potion. Gardez juste en tête que si j’aime les challenges, je ne crois pas aux miracles. Je ferai de mon mieux, vous pouvez me faire confiance là-dessus, mais je ne peux pas vous garantir de résultat. Et vous ne pourrez pas me tenir pour responsable en cas d’échec. » Oh qu’Eliael se rassure, elle n’avait aucune intention d’échouer. Mais ça restait une possibilité -aussi désagréable soit-elle- alors elle préférait jouer carte sur table dès le début, histoire que personne ne se retrouve dans une situation déplaisante. Surtout elle, en fait.

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