• • • Elle était élégante. Une éducation sang-pure coulait vraisemblablement dans ses veines. Polie et respectueuse, je ressentais aussi une certaine force par la tenue de son port altier. Amber Towsen ne semblait pas être de celles qui se laissait marcher sur les pieds. J’appréciais cela, car ce fut le trait de caractère qui me fit justement admirer Ruby. Je restais silencieux laissant celle-ci faire la conversation comme cette jeune femme était sa nièce. Ainsi, j’avais remarqué que le prénom de Ruby passa devant le mien dans la bouche d’Amber Towsen. Cela me triturait de n’être qu’un accessoire. Elle était véritablement ici pour découvrir la vérité songeais-je tout en m’éloignant nonchalamment.
Mais comment avait-elle pu l’apprendre ? Mystère.

Je tendais bien à le découvrir cependant. Comme si soudainement l’intérêt me revenait, j’invitais la jeune femme à passer au salon dans un sourire se voulant polie et affable.

- Si vous le désirez mademoiselle Towsen, nous allons commencer par faire plus amples connaissances en prenant l’apéro. Si vous veuillez bien me suivre jusqu’au salon.

Alors, je m’y dirigeais.

J’entendis les elfes de maison demander puis, retirer la cape humide d’Amber Towsen avec autant d’efficacité que d’élégance. Par la suite, je n’avais eu aucun doute, les pas contre le plancher de bois devenaient une preuve. Amber Towsen me suivait, Ruby fermant la marche.

Je m’assoyais dans le fauteuil du grand salon, la pièce chaleureuse était richement décorée de boiseries et d’appliques murales : j’aimais beaucoup le jaune, l’oranger et le rouge qui amenaient de la gaieté, de la chaleur et de la vie rendant mes journées moins moroses. Croisant les jambes, je fis mine de poser bien en évidence la lettre sur la table basse du salon pendant que Ruby s’assoyait sur l’un des deux canapés comprenant très rapidement mon petit manège. Elle le faisait toujours me comprenant mieux que quiconque même. Restant néanmoins silencieuse, elle préférait se tourner vers moi pour que je prenne la parole en premier.

Sur ce geste, un elfe de maison arrivait tout en faisant flotter un plateau où était posé une bouteille d’hydromel et une autre de whisky pur-feu. Ils laissèrent le plateau sur la table basse ainsi que plusieurs verres parfois adaptés pour l’hydromel et d’autres au whisky.

- Vous devez avoir eu froid mademoiselle Towsen par cette humidité persistante. Nous avons un hydromel de cinq ans d’âge provenant d’un petit village de sorciers au nord de Prague et un whisky bien corsé tout britannique.

Un sourire authentique se força la fierté au travers mon visage. Alors que je me servi du whisky, Ruby en fit de même avec l’hydromel. Restait maintenant à savoir ce qu’Amber Towsen prendrait. J’en devenais très curieux, avide de mieux connaître cette énigmatique jeune femme qui me rappelait ma chère Ruby. Buvant une courte gorgée de whisky, je reposais le verre contre l’accoudoir du fauteuil. Pensif, je me léchais les lèvres avant d’élever à nouveau la voix.

- Alors que nous vaut votre visite ici mademoiselle Towsen ? Sûrement que ce n’est pas uniquement pour goûter à des plats typiquement français alors que je lâchais, dans un sourire entendu, un avant-goût du dîner. Je crois aussi que vous avez été diplômée en protection magique à l’université. Je vous offre toutes mes félicitations !

Sûrement que je désirais aussi connaître son choix de carrière, mais chaque chose en son temps. Il ne fallait pas brusquer notre invitée.

• • • Alors, ce serait de l’hydromel. La même boisson de ma chère et tendre épouse, Ruby. Je laissais échapper un petit rictus qui aurait pu passer pour un mince sourire même si on pouvait aussi sûrement se poser la question. Je ne souriais pas souvent ne sachant même pas ce qu’il signifiait enfant; Pourquoi les gens le faisaient aussi allègrement ? Je n’étais donc pas amusé, mais plutôt satisfait de la réponse de mademoiselle Towsen. Sa déclaration avait eu le loisir de me donner une partie de la réponse tant espérée, un indice peut-être. C’était ainsi, intéressant d’observer Ruby Lestrange dites Towsen et Amber Towsen boire ce même nectar.

Est-ce que cette dernière avait les mêmes goûts que Ruby ou préférait-elle simplement un certain snobisme ? Bon, je devais avouer être réellement amusé. Elle alla jusqu’à me flatter par la présentation du nectar d’hydromel que j’en avais faite.

- Soit.

Avais-je dit tout en douceur et aussitôt la carafe du liquide doré se versa toute seule dans un verre, celui-ci dirigé par la suite vers Amber Towsen. Elle avait alors trinqué avec nous le plus naturellement du monde comme si nous nous connaissions depuis toujours. Cette jeune femme m’impressionnait de plus en plus et je me tournais vers Ruby, silencieuse dans son élégance. Elle me faisait un petit sourire spécifiant qu’on était au diapason. Cette réaction habituelle dans les mêmes circonstances me ravie.

Je ne posa pas mon verre de whisky pur-feu sur la table basse entre nous tous savourant plutôt son intense liquide brunâtre à petites doses. C’était de ces moments qui me requinquèrent à me redonner un certain optimisme dans une vie, parfois, si morose. Les événements n’allaient pas assez vite. Il ne se passait plus rien me concernant et j’en tombais dans un étrange miasme.

Aujourd’hui était donc fort différent.

Amber Towsen ne semblait pas avoir aperçue la lettre que j’avais reçue de sa part des jours plus tôt ou, à tout le moins, elle faisait de gros efforts pour ne rien laisser paraître. Après tout, elle finit par poser aussi une lettre sur la table basse entre nous spécifiant que son défunt père avait voulu me l’envoyer sans jamais avoir pu le faire. Je sentis un léger frisson provenant de Ruby, mais je n’en fis pas mention. Je pris la lettre entre mes mains pour observer sans mal le blason des Towsen lisant ce que la jeune femme me résumait de vive voix. J’eus un petit ricanement presque trop heureux qu’elle connaisse finalement sa tante. C’était excitant comme sensation, jouissif même.

- Mademoiselle Towsen, j’ose espérer que vous êtes capable de garder un secret.

Déclarais-je mon regard se rivant dans le sien sans sévérité ni douceur. Je vis Ruby se lever pour venir s’asseoir sur mes cuisses. Elle était élégante et semblant prête à ne pas se laisser marcher sur les pieds. Doucement et sans lâcher Amber Towsen du regard, je glissais ma main gauche sous la jupe de Ruby. Je la sentis frissonner de plaisir, mais à mon grand malheur je reçu aussi une tape sur la main. Tant pis fis-je par devers-moi pendant que ma dulcinée prenait la parole face à sa nièce, sirotant machinalement mon verre de whisky pur-feu.

- Vous êtes donc ma nièce, Amber. Heureuse de vous connaître. Néanmoins, comme Apollon l’évoqua je ne vous permettrais pas de révéler à quiconque le secret nous liant dorénavant tous les trois.

Ruby se protégeait, je le sentais. Elle n’avait nullement l’intention de se mettre en danger et j’en était fier. Je n’avais pas besoin d’en rajouter, ses mots si neutres furent tout autant menaçants.

• • • La pudeur. On la remarquait trop souvent chez les grandes familles de sang-pures. L’aristocratie moldue aussi ne faisait pas exception à la règle, ça je le savais aussi bien malgré ma hantise de ces gens. Oui, je ne pouvais pas cracher sur le pouvoir de certains moldus non plus. Ceux-ci pouvaient, parfois, tant me donner sans même le savoir. Ils ne savaient rien ces gens trop bêtes pour comprendre que je les observais à m’emparer de leurs connaissances, de leurs biens pour les amplifier, les améliorer à outrance. Alors que cette pudeur proliférait autant chez les uns par rapport aux autres, je pus constater son effet sur la jeune Amber Towsen. Elle avait voulu se passer forte alors, qu’en réalité, elle ne devait pas en mener large du fait de mon geste intime. Je ne la voyais pas impulsive à outrance, bien au contraire. Elle me paraissait plutôt fière. Fière de son héritage et de son éducation peut-être …
Ou trop bien éduquée pour penser, ne serait-ce qu’une seconde, mon geste à en être légal.

Dans l’ombre de ma douce, je n’avais donc cessé à observer la gestuelle, l’attitude d’Amber Towsen. Le pot au rose – comme dit chez mes compatriotes moldus en France – éclatant, je la vis s’étouffer bien âprement. Ça doit être douloureux songeais-je sans réagir outre mesure qu’en buvant une autre gorgée de mon whisky pur-feu la regardant déposer son propre verre. Cela aurait été bien triste de la voir mourir ici, dans mon propre salon. Trop dangereux aussi, je n’aurais pas pu laisser passer une telle chose. Puis, Ruby non plus parce que Amber était de sa famille après tout. Alors, celle-ci reprenait deux mots de ma chère et tendre épouse. Ceux-ci dorénavant sous forme de question. C’étaient les deux mots les plus importants et donc je sus qu’Amber Towsen n’y allait pas de main molle.

- Sa nièce.

Répétais-je platonique dans mes termes un peu agacé qu’une jeune femme comme elle n’avait pas encore compris. Pourtant, j’avais tant d’espérance envers elle. M’étais-je trompé complètement sur son compte ? N’était-elle pas cette femme intelligente au même titre que Ruby, voire plus ? Déçu, un peu parce que je savais aussi la surprise pouvant amener un certain déni chez les gens. Ce déni n’ayant pas lieu d’être, car les faits étaient là et ils ne pouvaient être changés. Amber Towsen devrait s’y adapter malgré tout.

Et subitement, ses questions pullulaient comme si le déni passé la colère prenait la place. Pourquoi n’eut elle jamais mise au courant ?

- En effet, je suis la fille illégitime de Torin Towsen, Amber. Le secret devait être absolument gardé par sa dangerosité et même si je reste de sang-pure.

Le ton posé de Ruby me rendait si fier d’être assis à ses côtés – ou plutôt au-dessous d’elle – actuellement. Elle montrait par la mesure de ses propos d’être en contrôle de la situation. Je n’avais pas non plus intérêt à cacher la vérité à Amber. Après tout, elle était de notre famille, une Lestrange par alliance, une alliée qui pouvait s’avérer de taille. Une question n’avait pas attendu l’autre, je songeais cette fois aider ma belle avec celles-ci, ce que je fis faisant presque montre d’une affection.

- Il fut primordial que le moins de personnes possibles aient été au courant miss Towsen. Votre père décédé et le secret ébruité, j’espérerais maintenant pouvoir vous souhaiter officiellement la bienvenue dans ma propre famille, étant votre oncle.

• • • Elle avait été effrontée quelques secondes. Je l’avais aisément senti et vu. C’était lorsque je ne fis que répéter des paroles pour bien les faire comprendre d’elle-même. Les gens avaient un peu de difficulté lorsque l’émotion faisait partie de l’équation. Moi-même, je m’étais vu parfois muet devant quelques mots dont je ne savais quoi répondre au moment. Amber Towsen m’avait ainsi, parue insolente envers moi et qui aurait pu me voir réagir. Je ne l’avais pas fait hormis par un petit sourire amusé. Pas mal pour une jeune femme de … 22 ans songeais-je à part moi et fronçant les sourcils ? Je ne savais plus très bien et très certainement la réponse ne me serait pas donnée tout de suite.

Ruby était ainsi, entré dans le vif du sujet. J’observais que tante et nièce restaient l’égale de l’autre, car aucune n’en disait ou laissait montrer trop. Entre-temps, je sirotais le whisky pur-feu espérant découvrir un peu plus du caractère de la deuxième. Elle était réfléchie et un peu présomptueuse dans ses excuses envers ma douce, celle qui me complimentait alors parfaitement.

- Ne le soyez pas miss Towsen. Je fus illégitime de naissance, mais aujourd’hui je suis mariée à l’héritier Lestrange. Le passé a été peu cher payée pour ce qui en résulta.

Sur cela, Ruby s’était mis à lever la tête vers l’arrière pour me regarder en un sourire affable. Sans que j’eusse pu bouger, elle me donna un doux baiser sur les lèvres que je lui rendais peu après. Non, le secret ne serait pas ébruité et je m’étais vu hocher doucement la tête à l’affirmation d’Amber Towsen quant à cela.

Alors qu’elle acquiesçait à son tour dans le même silence tranquille, Ruby se leva pour aller s’enquérir du dîner à venir comme toute femme s’occupant d’une maison et elle le faisait à ravir. Je n’aurais même pas eu envie de venir empiéter sur ses plates-bandes, car je savais ce qui m’en coûtait. Elle avait un travail digne de ce nom au ministère et tant qu’elle me laissait mon propre pouvoir et responsabilités, ça allait et elle le savait que trop bien.
Je l’observais ainsi, partir ma main droite caressant la sienne jusqu’à l’avoir trop loin.

Ma nièce avait, néanmoins, des questions qui semblaient lui brûler les lèvres. Qui en n’aurait-pas après tout ? J’hochais la tête quant à celle sur son père puis, je finis le verre de whisky pur-feu d’un trait le posant sur la table entre nous.

- Oui. Un homme loyal malgré qu’un peu bête déclarais-je franchement. Mais apparemment, vous avez pris du côté de votre mère Selwyn, Amber.

Je souriais cherchant à la complimenter. Certainement, il y avait un peu de gras sur l’os en celui-ci, car pourquoi n’en mettrais-je pas ? Après tout, j’avais senti dès le moment où elle m’apparut à la porte du manoir que la fille avait plus de jugeotte par rapport au père. Cela même allait peut-être jusqu’à celle de Torin. Celui-ci allait décéder un jour et comme l’héritier des Towsen restait aux abonnés absents, Amber prendrait le rôle. Moi, je souhaitais garder de bonnes relations avec la famille et les Sans-Noms, il en allait du raisonnable.

Elle avait donc parlé de confiance et moi, je me levais l’invitant d’un geste poli et élégant à me suivre. Tout était question de confiance en ce monde et je le savais que trop bien. J’allais ainsi, la lui montrer en l’amenant dans une autre pièce du rez-de-chaussée, un peu plus petite, celle-ci aux couleurs tout aussi chaleureuses avec des tapisseries douces à l’œil et révélant des étagères de livres et de grimoires. J’en avais apporté du manoir familial à Brocéliande, mais ce dernier recelait quand même les plus nobles. Le bruit de la pluie d’un mois de novembre pluvieux et morne s’entendait dans le couloir, mais celui-ci cessait lorsque je traversais dans la bibliothèque, pièce sans fenêtres.

- Aimez-vous apprendre Amber commençais-je tout en me tournant vers elle ? Ici, il y a une bonne partie des savoirs recueillis par la famille Lestrange depuis deux siècles.

Paroles lentes et mesurées, je me déplaçais à cette même vitesse au travers ce lieu que je tenais en haute estime et respect. Par à coup, je regardais cette nièce cherchant ses réactions positives ou négatives face à ces livres. En même temps, j’en cherchais un. Quelque chose qu’elle pourrait utiliser. En élevant à nouveau la voix, les mots semblaient n’être que murmures dans un air étouffé par textiles et ameublements.

- Il y en a d’autres et plus anciens encore, au manoir familial en Bretagne. Je pourrais vous y amener, un jour. Ma mère se fera sûrement un plaisir de vous y accueillir.