Juillet 2021
Ces vacances en France étaient certainement la meilleure idée qu’elles aient pu avoir. Tout était pourtant parti d’une plaisanterie, une petite phrase lancée comme ça, à moitié pour rigoler. Elles avaient plaisanté sur des vacances en France ensemble, au mois de juillet. Quelques jours pour visiter les vignobles de Bourgogne, une région qu’Erin appréciait beaucoup, en compagnie d’Alcyone, ça avait un peu sonné comme un rêve pour la Serdaigle. Un rêve qu’elle pouvait toucher du bout des doigts, mais dont elle ne pourrait jamais se saisir entièrement. Merlin savait qu’elle en avait envie, qu’elle en avait besoin même, cette perspective de vacances en France l’avait bercé pendant un moment. Elle avait envie de s’éloigner de ses problèmes, dans absolument tous les sens du terme. Erin était fatiguée de son état, épuisée même. Elle n’en pouvait plus de songer à son couple qui prenait l’eau, à cette morsure qui la torturait encore et à la pleine lune qui ne cessait de revenir la narguer tous les mois. A tous ces problèmes dont elle ne possédait pas la solution, donc elle ne pouvait se défaire pour de bon. Tout cela, elle rêvait de pouvoir l’oublier un peu, ne serait-ce que pour quelques jours. Et pour ça, s’éloigner géographiquement lui semblait la solution idéale, s’envoler pour un petit coin de Bourgogne, entouré par les vignes et les petites villes aux maisons à colombage, s’occuper à visiter et à passer le temps, à profiter juste un peu comme si soudainement la vie était devenue plus douce avec elle. Au début ça n’avait été qu’une plaisanterie lancée comme ça, elle n’y avait pas vraiment cru. Ca n’avait été que quelques mots qui n’engageaient à rien, qui étaient juste plaisants à imaginer devenir vrais. Et voilà que l’autre moitié de la plaisanterie s’était changée en réalité.
Cette fois cependant, ce n’était pas Balthazar qui accompagnait Erin pour ces vacances. Oh, la française aurait aimé pouvoir partir avec son petit ami -du moins si elle pouvait toujours l’appeler ainsi- mais tout était devenu si flou entre eux qu’elle avait jugé que pour réellement profiter de ce temps, il était mieux qu’ils ne soient pas ensemble. Ils trouveraient bien un autre moment, un autre moyen, de se retrouver, Erin y croyait, elle avait besoin d’y croire. Non, cette fois ce n’était pas l’ancien Poufsouffle qui l’accompagnait, ni même Evan d’ailleurs. Même si la blonde avait toujours aimé avoir la présence de son petit frère à ses côtés, ce n’était pas à lui qu’elle avait proposé de partir en Bourgogne. C’était à Alcyone Greengrass. Cette amie qu’elle avait bien failli perdre de vue mais que le destin avait remis sur son chemin. Si Erin devait trouver le moindre point positif à sa morsure, ce serait celui-là. Elle avait retrouvé la sorcière parce qu’elle avait besoin d’aide et que ses bijoux pouvaient être cette aide, mais aussi parce qu’elle avait besoin d’une amie. Alcyone et elle s’étaient retrouvées et pour Erin c’était la seule lueur d’espoir qu’elle avait pu apercevoir de toute son année. La sorcière l’avait écoutée et soutenue, elle l’avait guidée et encouragée et surtout, elle lui avait assurée qu’elle ferait son maximum pour l’aider. Les bijoux que la jeune Greengrass créaient étaient de véritables merveilles, mais ils n’étaient pas seulement beaux, ils étaient également utiles. Ils pouvaient servir d’arme ou de moyen de défense, et dans le cas d’Erin, ils pouvaient servir de barrière protectrice. Une promesse à laquelle la française s’accrochait de son mieux pour ne pas sombrer. Pendant les semaines, les mois, qui avaient suivi cette première visite à l’Atelier des Pléiades, Erin était régulièrement revenu voir Alcyone. Chaque fois, elles avaient discuté de son état et des effets de la pleine lune, elles avaient débattu sur les pierres et les potions à utiliser pour créer un bijou adapté aux besoins de la française. Des conversations où Erin apprenait beaucoup tant les connaissances d’Alcyone sur ces sujets étaient importantes. Et au milieu de toutes ces discussions sérieuses, elles avaient reconstruit leur amitié, tant et si bien que lorsque le mois de juillet approcha la perspective de partir quelques jours ensemble semblait une évidence.
Comme prévu, ce fut la Bourgogne qui les accueilli pour ces quelques jours de vacances. Erin avait déniché une petite maison de vacances, un peu cachée au milieu des champs, où elles seraient tranquilles. Un lieu charmant doté d’une terrasse qui pourrait les accueillir les soirs et d’une piscine pour qu’elles puissent se rafraichir. Exactement ce qu’il leur fallait pour s’échapper un peu de leur quotidien. Même si ce n’était que pour quelques jours, Erin les avait accueillis avec joie. Depuis leur arrivée, les deux sorcières occupaient leurs journées en visitant les villages alentours, en faisant des randonnées dans divers paysages et en participant à des dégustations de vin dans les caves réputées de la région. Exactement ce qui avait lancé cette idée de vacances ensemble, il fallait le rappeler. Dans cette région, il y avait toujours de quoi faire et Erin adorait faire découvrir son pays à Alcyone. Elle s’étonnait encore que ce soit la première fois que la sorcière mette les pieds en France -
ça c’est parce qu’elle ne connait pas Théo- alors que leurs deux pays étaient si proches mais c’était l’occasion rêvée de lui faire découvrir son pays. Rapidement, il devint évident pour la brune que ce ne serait pas la première fois qu’elle emmènerait l’anglaise en France. Elle avait tellement de choses à lui faire découvrir sur son pays, notamment les grandes avenues parisiennes qui l’avaient vu grandir, et elle avait déjà hâte d’en arriver là avec Alcyone. Pour le moment, leurs vacances étaient plus provinciales et c’était très bien ainsi, Erin avait besoin de ce calme qui les entourait et lui donnait l’impression que le temps avait ralenti sa course. Là, elles avaient juste à se préoccuper de profiter de leurs vacances et de leur amitié qui se ravivait chaque jour un peu plus. Partager ces quelques jours de vacances avec Alcyone était certainement la meilleure idée qu’Erin ait pu avoir, la présence de l’anglaise lui faisait un bien fou et elle était heureuse d’avoir retrouvé leur complicité.
Cette journée c’était déroulée comme un peu toutes les journées depuis leur arrivée, des balades dans les petites rues pavées d’un village proche, un repas à la terrasse d’un restaurant et quelques achat dans des boutiques qui leur avaient tapé dans l’œil. Une journée parfaite de vacances du point de vue d’Erin, mais qui n’empêchait pas que la distance qu’elles parcouraient chaque jour soit importante.
« Merlin, j’en ai plein les pieds ! » A la remarque d’Alcyone quand elles arrivèrent à leur location, Erin eut un rire. Il était vrai que pour des vacances, elles passaient plus de temps à crapahuter un peu partout qu’à lézarder au bord de la piscine. Ces moments étaient souvent réservés pour la fin de journée, justement quand elles en avaient plein les pieds et que les transats et l’eau fraiche les appelaient plus fortement que des sirènes.
« Tu sais, je crois que les escaliers de Poudlard n’ont rien à envier aux rues de certains villages » Plaisanta la Serdaigle. Il fallait dire que niveau tour et détours, certaines rues avaient de quoi faire. Il était facile de se perdre dans certaines villages et d’enchainer les kilomètres sans même s’en rendre compte. Mais en même temps, le paysage était tellement joli que ce n’était pas forcément plus mal.
« Comment tu dis déjà ? On se retrouve pour l’apéritif ? » Erin opina du chef tout en se débarrassant de ses sandales à bride qu’elle déposa dans un coin de l’entrée. Elle sourit en voyant qu’en quelques jours à peine, Alcyone et elle avaient développé quelques habitudes. Ce dont elle ne se plaignait pas du tout.
« C’est ça. Et si tu dis apéro tu sonneras encore plus française. » Elle lui adressa un clin d’œil, amusée comme à chaque fois qu’Alcyone s’essayait au français. Une fois dans sa chambre, la française fila prendre une douche fraiche pour se débarrasser de la chaleur de la journée et passa une tenue plus confortable. Tout en essorant ses cheveux humides, elle sortit les quelques achats qu’elle avait fait pendant la journée. Des petits cadeaux pour ses proches et un énième livre pour elle, on ne se refaisait pas, même en vacances elle restait un peu trop studieuse. Mais au moins, Evan n’était pas là pour se moquer d’elle à ce sujet.
Une fois prête, Erin se rendit dans la cuisine pour préparer quelques petites choses à grignoter pour leur apéritif. Celui-ci leur servirait également de dîner alors elle entreprit de sortir un peu plus de choses que certains soirs. Elle était en train de couper du pain en tranche quand Alcyone vint la rejoindre.
« Qu’est-ce qu’on se fait de bon ? » La française s’arrêta dans sa tâche pour regarder son amie. Ses prunelles balayèrent la table déjà bien remplie et le four qui chauffait dans un coin.
« J’ai sorti les gougères que j’ai acheté à la boulangerie ce matin. Tu vas voir, c’est des merveilles. » Commença-t-elle en désignant l’électroménager d’un signe de la tâte. Elle montra ensuite un petit pot rempli d’une pâte presque noire d’où se dégageait une odeur d’olive qu’elles pouvaient sentir de là où elles se trouvaient.
« Là, il y a de la tapenade, ça vient du sud de la France, sur des toasts grillés c’est divin. » Pour leurs repas, Erin s’efforçait toujours d’avoir des spécialités de la France à proposer. Elle aimait faire découvrir son pays à son amie, même s’il y avait encore quelques ratés ou réticences. Elle lui montra les autres victuailles qu’elle avait sorti avant de conclure
« Je te fais grâce des escargots, je sais que c’est compliqué pour les non-français. » Elle eut un sourire amusé. Malgré le temps qui passait, les anglais ne cessaient de s’étonner que les français puissent manger des escargots, ce qui faisait toujours bien rire Erin. Même si elle aimait ça, elle préférait épargner cette spécialité à Alcyone pour le moment. Peut-être dans deux ou trois visites. Peut-être commencerait-elle par les cuisses de grenouilles, d’ailleurs, une autre spécialité qui faisait fortement débat auprès des anglais alors qu’ils n’avaient pas vraiment le droit à la critique vu leur gastronomie.
Une fois que tout fut prêt, les deux sorcières allèrent s’installer sur la terrasse qui jouxtait la piscine. Là, le soleil brillait encore, mais la chaleur était moins forte ce qui rendait l’atmosphère de fin de journée particulièrement agréable. Bien évidemment, Erin avait embarqué avec elles une bouteille de vin blanc léger, et une carafe d’eau histoire qu’elles n’aient pas la tête qui tourne rapidement.
« J’ai peur de casser l’ambiance, mais je crois qu’il va falloir s’y mettre, hein ? » Tout en débouchant la bouteille et en remplissant leurs verres, Erin prit une profonde inspiration. Elle savait que ce moment allait arriver, que cette conversation couvait depuis plusieurs jours déjà et elle ne pouvait continuer de l’éviter éternellement.
« Tu as raison. » Confirma-t-elle avec un léger hochement de tête. C’était aussi pour ça qu’elles étaient là, pour pouvoir continuer leurs discussions et essais. C’était pour ça qu’elle était venue demander de l’aide à Alcyone, même si maintenant cette idée la rendait nerveuse. Et si ça ne fonctionnait pas ? Et si la magie du bijou rendait les effets de la lune encore pire ? Il y avait beaucoup d’inconnu à tout ça et Erin avait peur de s’y confronter. Elle voulait que ça marche, mais elle savait que ce n’était pas aussi simple que ça.
« La pleine lune n’est pas tout de suite et je commence déjà à moins bien dormir. » Soupira-t-elle. Elle avait encore quelques jours devant elle avant la pleine lune, elle serait d’ailleurs de retour chez elle à ce moment-là, n’ayant pas voulu prendre le risque de gâcher ce voyage avec ses émotions exacerbées. Mais c’était tout de même une perspective qu’elle craignait, comme à chaque fois.
« Très bien, qu’est-ce que tu as préparé ? » Elle reposa la bouteille et releva le visage pour se concentrer sur Alcyone. La sorcière avait pris du temps et des ressources pour travailler pour elle, elle se devait de respecter ça. Erin posa les yeux sur les objets que son amie venait de sortir, un bijou et une fiole.
« Tu es partie sur un bracelet, finalement ? » Elles avaient longuement discuté du type de bijou qui serait le plus adapté pour elle. Quelque chose de discret, de pas trop encombrant et qui pourrait à la fois se porter en permanence et s’enlever facilement si besoin. Ca paraissait simple dit comme ça, mais leurs discussions à ce sujet avaient été nombreuses et Erin avait fini par laisser carte blanche à Alcyone, ayant une totale confiance en son expertise.
« Tu sais, je continue de penser qu’un diadème m’irait très bien. » Ne put-elle s’empêcher de lancer tout en mimant le geste de se poser une couronne sur la tête. Erin plaisantait pour cacher sa soudaine nervosité, mais c’était mieux que de rester silencieuse.