Même si ce ne sont que des murmures,

c'est du Gospel Pur

Soledad ☽ ☾ Raphaël

Décidemment, il s’en passait des choses à Neverland. En soit, ce n’était pas vraiment étonnant pour un endroit tel que celui-ci. Le cirque avait pour politique d’accepter tous ceux qui venaient y trouver un refuge, la seule condition était d’avoir quelque chose à apporter à son tour, que ce soit de la main d’œuvre ou un talent à utiliser en représentation. Le cirque ne faisait pas de différence entre ceux qui peuplaient ses tentes ce qui faisait que les allées et venues n’étaient pas rares, et surtout que les sorciers qui foulaient le sol du lieu n’étaient pas vraiment des personnes calmes, et encore moins recommandables. Soledad avait rapidement compris comment fonctionnait le cirque, et si elle était plutôt en accord avec la philosophie qui se cachait là, elle devait aussi admettre que ce n’était pas l’idéal pour s’assurer que Neverland soit un endroit tranquille. Il suffisait de regarder un peu le passif du cirque pour s’en rendre compte : il y avait toujours quelque chose qui se passait. Et encore, la mexicaine ne pouvait parler que du temps où elle avait été présente, elle ne doutait pas que bien d’autres évènements s’étaient déroulés entre les tentes et caravanes avant son arrivée. Il y avait tout d’abord eu sa propre arrivée, qui ne s’était pas exactement faite de gaieté de cœur étant donné qu’on ne lui avait pas vraiment laissé le choix que de travailler pour le cirque. Puis il y avait eu une invasion de salamandres de feu qui avait bien manqué de réduire bon nombre de tentes en cendre. Quelques mois plus tôt, Soledad s’était retrouvée face à un jeune sorcier qui découvrait son don de nécromancie, une découverte qui ne s’était clairement pas faite dans le calme et la bonne humeur. Et plus récemment encore, le cirque avait abrité un homme qui s’était révélé être un loup-garou absolument taré et elle s’était retrouvée à le pourchasser en compagnie d’un Kesabel toujours aussi agréable.

Clairement, quand on recherchait un lieu sûr et tranquille, ce n’était pas vraiment sur Neverland qu’il fallait compter. Oh, le cirque donnait pourtant cette apparence de placidité constante avec ses allées vides en pleine journée et ce silence presque malléable. Mais ce n’était qu’une illusion et Soledad s’en était vite rendue compte. Nul besoin d’attendre la tombée de la nuit et l’ouverture du cirque au public, l’animation était constante, mais elle était juste cachée à ceux qui n’y étaient pas habitués. Ce qui n’était pas plus mal vu certaines choses qui se déroulaient ici. Neverland avait beau être un cirque, ce n’était pas vraiment un lieu pour les plus sensibles, le grand public n’avait pas besoin de tout savoir. Et encore moins d’assister à tout. Comme à une chasse au mi-sorcier mi-loup-garou entre les caravanes. Aujourd’hui, il se passait encore quelque chose, ce qui montrait que c’était vraiment une constante à Neverland. Aujourd’hui, un moldu allait se promener dans les allées, ce qui par contre, n’était pas du tout une constante pour ce lieu habituellement réservé aux sorciers. Mais le moldu en question n’était ni perdu, ni motivé par de mauvaises intentions, en fait il était l’invité de Soledad, ce qui changeait tout. Au fond, la mexicaine n’aurait pas dû être étonnée que le premier moldu à qui elle faisait visiter le cirque soit Raphaël. Il fallait dire que si Neverland accueillait tout type de sorciers, pour les moldus c’était un peu différent, surtout depuis la fin de secret magique et le début de la guerre avec le Blood Circle. Soledad ne se serait pas amusée à emmener n’importe quel moldu avec elle, bien consciente que les sorciers du cirque avaient tendance à les voir d’un mauvais œil. Mais Raphaël était si curieux, si avide de réponses, et surtout respectueux de ce qu’il découvrait que quelque part cela faisait sens qu’elle l’emmène ici, dans un endroit où il y avait tant de choses à découvrir et de mystères à révéler.

Une nouvelle fois, c’était le jeune homme qui s’était tourné vers elle avec une demande. Une demande bien particulière, il fallait le dire. Il souhaitait retrouver la personne qui lui avait sauvé la vie lors des évènements de Piccadilly Circus. C’était une idée que Soledad pouvait comprendre, Raphaël devait sa vie à quelqu’un -et Soledad en était d’ailleurs reconnaissante- mais de ce qu’il lui avait dit, il ne la devait pas à n’importe qui : celui qui lui avait sauvé la vie était un mangemort. Cela pouvait porter à confusion, un mangemort qui sauve volontairement un moldu, et pourtant de ce qu’avait compris la mexicaine c’était bel et bien ce qu’il s’était passé début décembre, les mages noirs s’étaient tournés contre le Blood Circle pour protéger les autres moldus. Soledad ne s’était pas trouvé sur place ce jour-là, mais elle avait lu la presse, et si ce point l’avait interrogé, elle avait également songé que si les mangemorts voulaient gagner cette guerre, ils devaient d’abord se concentrer sur l’ennemi le plus important : le Cercle. Tout était une question de priorité, de savoir placer ses pièces sur l’échiquier et cela, Soledad ne doutait pas que l’Augurey était douée pour le faire. Raphaël souhaitait donc retrouver un mangemort, soit. Petit problème, celui-ci était mort et cette information suffisait pour montrer les limites du don de la sorcière. Elle pouvait voir dans l’avenir de Raphaël s’il retrouvait l’identité du sorcier ou non, mais l’identité précise, elle doutait de pouvoir l’obtenir juste avec son tarot ou une boule de cristal. Le troisième œil était puissant, mais il était rarement aussi précis. Dans cette histoire, Raphaël avait tout de même de la chance, elle connaissait quelqu’un qui pouvait l’aider A croire que Sol c’est un bottin mdr. La brune aurait adoré pouvoir se tourner vers Toni, sa cousine que non seulement le moldu connaissait mais qui possédait aussi un lien bien particulier avec les morts, mais celle-ci avait quitté le Royaume-Uni depuis quelques années. Finalement, la brune s’était décidée à se tourner vers un sorcier qui avait posé ses valises à Neverland depuis quelques mois et qui possédait le même don. Comme quoi, Neverland attirait les nécromanciens.

C’était pour cette raison que Soledad avait emmené Raphaël au cirque. Ce qu’elle avait un peu oublié, c’était que le moldu était peu habitué au transplanage et que comme pour tous ceux qui ne le pratiquaient pas au quotidien comme elle, ça le rendait malade. « Je m’y ferai jamais à cette manière de voyager. » A peine arrivés, Soledad avait vu, effarée, Raphaël tomber à quatre pattes, prit de nausées. Mince, comment avait-elle pu oublier ça ? Elle était un peu trop habituée à voir le moldu trainer au quartier général de l’Ordre du Phénix, ou même dans sa boutique. Aussitôt, elle s’était accroupie à ses côtés, prête à… Eh bien, elle ne savait pas trop. Lui apporter son soutien, au moins. « Mais si, mais si… Regarde Jonas. » Lança-t-elle avec une hésitation qu’elle tenta de masquer au mieux. Le moldu avait fini par s’habituer, alors il n’y avait pas de raison que Raphaël ne finisse pas par en faire de même. Bon, il était inutile de préciser qu’il avait fallut des années de transplanage à Jonas pour ne plus finir avec le teint verdâtre. Il ne fallait pas trop en demander tout de même, en transplanant une fois de temps en temps, s’habituer ça ne se faisait pas si vite que ça. Des informations que Soledad choisit de garder pour elle, histoire de ne pas décourager le jeune homme. « Respire profondément. Encore une fois. » Lui conseilla-t-elle à la place. Elle n’avait malheureusement pas grand-chose de plus à lui conseiller, mais au moins elle savait que le contre-coup du transplanage passait plutôt rapidement. Souvent, quelques inspirations suffisaient à faire passer les vertiges et autres nausées. Et quand ça ne passait pas, eh bien, parfois les vomissements aidaient à leur manière, eux aussi. Fort heureusement, Raphaël ne semblait pas avoir besoin d’en passer par là. « Ca va mieux ? » Quelques minutes étaient passées et le teint du moldu était redevenu à la normale, ce que Soledad jugea assez rassurant pour qu’elle puisse se relever.

Quand Raphaël se redressa à son tour, il avait l’air bien plus dans son assiette, ce que Soledad vit d’un bon œil. « Faudra que tu me fasses visiter cet endroit ! » Soledad ne put retenir un sourire, elle reconnaissait bien là le moldu. Voir sa curiosité revenir c’était le signe qu’il se sentait définitivement mieux. A son tour, la mexicaine regarda autour d’eux, elle était tellement habituée à ce lieu que parfois elle ne voyait même plus ce qui l’entourait. Les tentes plantées un peu partout autour des allées, les stands qui pour le moment étaient fermés, le chapiteau qui se dressait un peu plus loin et qui abritait le soir venu les spectacles les plus impressionnants, il était vrai que tout ça donnait une certaine allure au cirque. « Oh, quand tu veux ! » Répondit-elle avec enthousiasme. Au fond, elle aimait faire découvrir son lieu de travail et tout ce qu’il avait de spécial. Neverland n’était pas exactement un cirque comme les autres, il était bien plus sombre et fascinant, parfois un peu dérangeant pour ceux qui n’étaient pas préparés ou simplement trop sensibles, mais Soledad aimait partager cet endroit. « Il y a plein de choses à voir ici. La prochaine fois, tu viendras un soir pendant que le cirque est ouvert, l’ambiance est totalement différente. » En plein jour les allées étaient vides et chacun vaquait à ses occupations, parfois en dehors du cirque, comme elle avec le Witches Bazaar, mais la nuit tout était différent. Le public se pressait entre les tentes, la musique résonnait, les lumières dansaient un peu partout tels des feu follets et les artistes déambulaient parfois dans les allées, offrant des spectacles imprévus à ceux qui croisaient leur route. L’atmosphère calme et presque feutrée de la journée disparaissait pour devenir plus électrique, quasi hypnotisant. Neverland causait bien des frissons à ses visiteurs.

Enfin, pour le moment, Raphaël n’était pas là pour ça, mais Soledad n’était absolument pas contre revenir avec lui pour lui faire découvrir cette autre facette de Neverland. Aujourd’hui, le moldu avait une idée en tête et la sorcière était là pour le guider. Normalement, le cirque ne recevait aucun visiteur pendant la journée et de toute façon Soledad n’aurait pas laissé le jeune homme s’aventurer seul dans ce lieu qui recueillait souvent des sorciers peu recommandables. Il aurait tout de même le droit à une petite visite puisque la mexicaine avait choisi de les faire transplaner juste à l’entrée du cirque, afin qu’ils aient le temps de discuter, mais aussi de ne pas brusquer ceux qui se trouvaient là la journée. Lorenzo, le sorcier dont elle lui avait parlé occupait une caravane dans le coin est du cirque, non loin de l’orée de la forêt de Pré-au-Lard, alors Raphaël aurait au moins un aperçu des lieux. « Tu as fait quelques recherches sur le don de Lorenzo ? » Demanda-t-elle alors qu’elle l’invitait à s’engager sur le chemin. Elle savait que Raphaël était un ami de Toni, mais elle n’était pas sûre que sa cousine lui ait déjà parlé de son don, contrairement à elle et son troisième œil, ce n’était pas vraiment quelque chose qu’elle étalait à la vue de tous. « Sinon je peux te faire un topo. » Autant que le moldu arrive devant Lorenzo avec un minimum d’informations. Le sorcier n’était pas une mauvaise personne, Soledad n’avait jamais ressenti de menace de sa part, mais son don l’avait rendu taciturne et sa vie méfiant. Il était un homme de peu de mot et elle se doutait qu’il n’apprécierait pas de se retrouver face à un moldu totalement ignorant. Pour que tout se passe au mieux, Raphaël devait savoir un peu où il mettait les pieds. Soledad eut un sourire avant d’ajouter « Je t’ai déjà parlé de tant de choses étranges que je ne suis même pas sûre que ça te surprenne. » Après la divination, Raphaël n’était certainement plus à ça près.