Février 2022

" Bon pas de panique. Rien n'est encore certain. Ne laisse pas ton cerveau anticiper tout et n’importe quoi. Tu seras fixé d'ici peu.  "

Plus facile à dire qu'à faire. Sur ce coup-là, la petite voix me fait bien rire. J'ai toujours fait gaffe quand j'avais des relations sexuelles que ce soit avec des moldus en utilisant des préservatifs ou bien avec les sorcières en utilisant la potion dont on nous avait parlé en cinquième année à Poudlard. Je n'ai jamais laissé rien au hasard. Sauf cette satanée fois avec Khelia dans la salle de classe. Il faut dire que ce matin-là, je n'avais pas franchement prévu de m'envoyer en l'air sur le bureau d'une pièce déserte au lieu de me rendre à mes cours auxquels j'étais en retard en prime. Surtout qu'il n'était que neuf heures du matin. Néanmoins, tout avait déraillé. Un coup de Morgane a n'en pas douté.

Je ne l'avais pas vu depuis six ans et en moins de trente minutes, nous étions redevenus intimes comme avant, sachant pertinemment que cela ne changerait rien à notre séparation. Car autant pour elle que pour moi, cela avait été une nécessité vitale afin de clore ce chapitre. Foutues hormones de merde, oui !

" Tu es en train de raconter des gros mensonges-là. Ce ne sont pas tes hormones qui t'ont poussé, mais bien ce truc au milieu de ta poitrine qui tambourinait comme si tu avais de nouveau quinze ans et que vous n'aviez pas rompu. Et ce n'était pas non plus pour écrire le mot fin. Car tu le sais aussi bien que moi, tu ne le pourras jamais."

La ferme. Je sais que la petite voix a raison. Mais pour le moment, ce n'est pas ça l'urgence. Ce qui est primordial, c'est déjà de confirmer les faits dans lesquels nous nous trouvons.

Khe et moi, après être partis en théorie pour l'infirmerie, avions pris une autre direction. Celle de la poudre d'escampette pour sortir du château afin de pouvoir transplaner pour nous rendre à Londres. Heureusement, à ce moment-là, nous sommes habillés comme des moldus. Nos fringues sont asse chaud pour cette excurtion imprévue. Nous faisons quand même un léger détour pour récupérer nos manteaux dans la foulée ainsi que mon portefeuille pour ma part.

Mon sang bat à mes oreilles comme jamais. Je tente de rester maître de moi devant elle. Parce qu'elle est déjà assez stressée.

– Ecoute en sortant du château, je vais faire un transplanage d’escorte pour Londres puisque tu ne connais pas mon domicile. On va atterrir dans une ruelle qui est prévue pour ça. Ensuite, direction la première pharmacie près de chez moi où on achètera tout ce qu'il faut. Par contre, je n'ai jamais eu à faire ça avant. Donc je me demande si toi, tu connais ce qu'il faut demander là-bas pour confirmer ton état. Je pense, au pire, qu'on pourra toujours demander. après tout, c'est leur métier.

Je marche et je parle vite en ayant la main de Khe dans la mienne. Pourquoi ? Peut-être pour la rassurer ou me rassurer ou bien les deux. J'avoue que j'ai un peu de mal à être vraiment cohérent, car depuis tout à l'heure, mon cerveau envisage seulement le si c'est positif. J'avance. Je ne fais pas vraiment attention aux gens que nous croisons.

Les deux seules bonnes nouvelles qui me permettent d'avoir un petit moins de pression, est le fait que nous soyons majeurs tous les deux. Ainsi, on pourra se débrouiller sans l'implication de nos parents. Et le fait que si la supposition se confirme et que l'on décide de le garder, on ne sera pas la rue au vu des moyens financiers que je possède déjà, ayant reçu l'héritage de mon père au jour de mes dix-huit ans.

Nous nous trouvons devant le portail et je lui lance :

– Es-tu prête ?

Je me concentre et effectue le transport magique. Nous nous retrouvons dans une ruelle un peu sombre et loin du passage de la foule. C'est un lieu sécurisé. Je lui lâche la main. C'est étroit et les murs des deux côtés sont en brique. D'ailleurs, ces dernières ont dû connaître des jours meilleurs à une autre époque. Au-dessus de nos têtes, il y a un lampadaire qui diffuse une lumière jaunâtre passée. Ce n'est absolument pas charmant.

Je continue à avancer d'un pas moins rapide. Non pas que l'urgence a disparu. Néanmoins, je sais qu'avec ma taille, il n'est pas aisé de me suivre. Et le but n'est pas d'achever la poufsouffle qui a été légèrement sonné tout à l'heure lors de notre entraînement.

– On va prendre un taxi. Puisque je vis du côté moldu.

J'avance avec la jaune à mes côtés. On débouche enfin sur une rue plus animée. Puis là, je tends le bras en voyant la voiture noire traditionnelle, surmontée de son enseigne. Nous grimpons dedans sans plus attendre.

– Bonsoir, Monsieur. Conduisez-nous au Royal Victoria Dock E16, s'il vous plaît.

Dans le taxi, je reprends machinalement la main de Khelia pour lui montrer mon soutien. Même si j'ai tendance à rester silencieux. Ca tourne à une vitesse dingue dans ma caboche. Malgré moi, il y a des images de bébés qui immergent dans mon esprit. Normalement, je devrai souhaiter que ce soit une fausse alerte. Mais il s'agit de Khelia. La seule dont j'ai été et suis toujours amoureux. Ce qui étrangement ne me déranger pas. Tandis que si cela avait été une autre fille, je penserais très différemment. Cependant, je ne suis pas certain, que la poufsouffle envisage comme moi les faits. Soudain, je balance, comme sorti de nulle part :

– Qu'importe ce que tu décides, je te le promets, je serai là pour te soutenir. Je ne me déroberai pas.

Oui, les choses sortent pêle-mêle. Toutefois, j'espère qu'elle me croira contrairement au passé. J'angoisse qu'elle me rejette.

Le taxi file à travers la circulation londonienne. Je ne dis rien de plus. Après un bon quart d'heure, nous descendons dans mon quartier. Je paie le taxi et ce dernier repart. Je me tourne vers Khelia :

– C'est l'appart où j'habite quand je ne suis pas à Poudlard où nous irons. Il était à mon père. Mais tout d'abord direction la pharmacie. Si je me souviens bien, il y a une pas trop loin dans cette direction. Pour ton information, ils m'ont rarement vu. Donc tu n'as pas à t'inquiéter d'un quelconque commentaire ou de regards appuyés.

Si je réfléchis, je n'ai jamais raconté énormément de choses sur ma famille à Khelia. Il faut dire qu'elle ne m'en a pas laissé le temps. Notre couple n'a duré que quelques mois. Pas assez pour que je sois assez sûr de moi, à cet âge, pour dévoiler les secrets de mon existence. Regarder le temps qu'il m'a fallu pour l'évoquer avec Eirian ou Brath. Cependant, quand elle sera chez moi, il faudra bien que je lui explique quelques trucs. Et je ne suis pas certain d'en avoir le courage selon le résultat. Je chasse de mon esprit, cette pensée et me dirige vers la croix verte qui s'illumine au loin indiquant l'officine...

Appart de Dey:

Février 2022

J'ai conduit Khelia à travers les rues jusque devant mon immeuble. Oui, c'est un lieu prestigieux. Cependant, pour le moment, c'est le cadet de nos soucis. Pour le moment, moi, je tente de rester de marbre. Non, pas pour mettre une distance. Mais parce que l'un de nous deux doit garder la tête froide. Et ce rôle, j'ai beaucoup plus l'habitude qu'elle de l'avoir. Je le sais rien qu'à la manière dont je la traîne en lui tenant la main. J'ai conscience que la poufsouffle est dépassée, apeurée peut-être. Je peux deviner les rouages de son cerveau, car elle est tellement simple à deviner lorsqu'elle est en panique. Et là, elle est complètement perdue...

On passe devant le concierge que je salue rapidement d'un signe de tête. L'avantage d'ici c'est que je n'ai pas à répondre de mes faits et gestes comme dans un hôtel ou bien chez ma mère. Ici, c'est moi, réellement le maître des lieux. On prend l'ascenseur. Khelia est toujours dans ses pensées. Honnêtement, ne sachant pas quoi lui dire, je préfère juste lui serrer la main pour la soutenir. Parfois, les mots sont de trop. J'entends le ding qui indique que nous sommes bien à mon étage où je continue de donner l'impulsion de notre course vers la vérité de notre situation.

J'ouvre la porte tandis que ma main tremble légèrement. Oui, je suis nerveux. Si la blonde est vraiment enceinte cela changera tout. Et je regrette d'autant plus toutes les horreurs que j'ai pu lui balancer au cours des dernières semaines. Je culpabilise et j'angoisse à la fois. Est-ce que mon père était dans le même état ? Non, sa situation était claire avec ma mère. Ils étaient mariés. Moi, j'ai replongé avec mon ex dont je suis toujours fou amoureux. Tout en jouant, le type distant qui ne voulait qu'assouvir un désir qui le rongeait depuis ces six dernières années et qui donnerait n'importe quoi pour avoir une seconde. Toutefois, comme un c*n, je me suis mis en tête que c'était impossible qu'elle puisse encore tenir à moi au vu de la manière dont elle a rompu. J'ai eu tellement mal depuis tout ce temps, que j'ai tout mis en œuvre pour la dégoûter. Est-ce qu'elle me pardonnera si elle attend vraiment notre bébé ?

Je suis à l'intérieur. Je ne lui fais pas faire le tour de la maison. Pour le moment, ce qui est crucial, c'est ce foutu test de merde. Je la guide jusque dans la salle de bain où elle s'excuse encore pour la situation dans laquelle elle m'a entraîné. Elle m'exaspère quand elle dit ça. Je fais un effort pour ne pas laisser ma langue répondre plus vite que ma tête. Car cela n'arrangera rien ce qui se passe.

– Bordel Khelia ! Cesse de me dire que tu es la seule responsable. On a été deux à vouloir ce moment. Donc quoiqu'il se passe, je serai avec toi. Pour une fois, à cet instant, toi et moi, il est que nous nous montrions plus adulte que ce que nous l'avons été ces derniers temps.

Elle me sourit.

– Ne t'inquiète pas, je suis là. Pour les questions, on verra après le résultat.

Quel menteur, je fais. Je quitte les lieux et me dirige vers le grand living, direction, le bar. La première chose que je fais, c'est de prendre un verre. D'ouvrir ensuite la bouteille de whisky et de m'en verser une bonne quantité. Je ne la ferme même pas. J'avale le contenu ambre cul-sec et m’en resserre un autre. Je me redirige vers la salle de bain en attendant le verdict. Ma boisson à la main que j'avale un peu moins vite cette fois.

Mon esprit divague et n'imagine qu'une réponse positive. Alors je me mets à songer au futur avec Khelia et notre bébé. Certes, je devrai être mort de trouille. Néanmoins, ce n'est pas comme si nous avions seize ans et aucun moyen de subvenir à nos besoins. Je ne connais pas sa situation. Malgré tout, la mienne est clairement affichée devant mes yeux. Financièrement, il n'y a rien à craindre. Après, au niveau de ma mère, il y aura certainement quelques questions, mais rien de très méchant. Par contre, en ce qui concerne sa famille, je n'en sais rien. Parce que je ne me souviens pas énormément de choses. Il faut dire que ce n'est pas le genre de discussion que l'on a lorsqu'on est ado et qu'on vit sa première histoire d'amour.

" On verra bien". Me souffle la petite voix.

La porte s’ouvre. Ces quelques minutes m'ont paru une éternité. Je pose le verre sur le comptoir de la cuisine. Je me rapproche. Je ne sais pas comment interpréter son attitude. Est-ce positif ou négatif ? Rien ne le montre sur le coup. Je me risque à souffler un :

– Alors ?

Février 2022

Je suis fébrile encore plus lorsque je la vois ressortir de la salle de bain. Ma voix est sortie de ma gorge. Néanmoins, le son me paraît réellement étrange. D'ordinaire, elle est assurée, claire et grave. Là, ce n'est absolument pas le cas. Elle tremble, un peu plus aigüe et frêle. J'ai envie de rire de moi-même en voyant ma réaction. J'ai la sensation de m'être retrouvé dans la peau de l'adolescent que j'étais à quinze ans et qui est très loin de l'homme que je suis devenu lors de ces dernières années sombres et froides. Enfin, le verdict tombe.

Négatif...

J'ai l'impression de prendre un uppercut. Je suis partagé. D'un côté, il y a du soulagement. Ma vie ne va pas être complétement chamboulée. Toutefois, d'autre part, il y a une certaine déception. Certes, un enfant doit venir dans de bonnes dispositions. Je sais que je l'aurai accepté et aimé. Ce rêve que j'ai fait durant un instant, c'est envolé. Et je sais que je ne suis pas prêt d'en retoucher le bord un jour. Je suis conscient que Khelia et moi ne sommes plus ensemble et que ce n'est pas prêt de changer. Je serai capable de tout sacrifier pour la récupérer. Mais évidemment, la distance qui s'était effacée, est revenue au grand hippogriffe. Pourtant, pour ce soir, je vais passer outre ce droit que j'ai perdu d'être avec elle. Non, je ne vais pas céder à mon envie d'elle. Je vais juste agir comme le type bien que j'étais autrefois. Je serai gentil et attentionné. Parce que si je suis dans cet état, alors je peux bien imaginer que le sien est plus compliqué encore. Elle culpabilise bien plus d'avoir paniqué pour une fausse alerte. Je le sais quand j'observe la jaune. Elle est comme un grimoire ouvert à cette seconde.

Khelia est dépassée quand elle fait sa demande. Je prends machinalement les choses en main.


– Déjà, on va manger quelque chose. Te connaissant, je suis sûr que tu n'as pas envie d'avaler un morceau. Mais au vu de tout ce qui vient de se passer en toi, je pense que c'est nécessaire.

Je me dirige donc vers le portable que j'ai abandonné sur l'îlot de la cuisine. Je m'en empare et regarde les divers prospectus qui sont collés sur le bureau. Merlin bénit Londres et sa vie nocturne. Je compose le numéro et passe la commande. Je suis stressé. Cependant, contrairement, à la jaune, j'ai besoin de carburant pour tenir. Donc, je prends deux grandes pizzas ainsi qu'une plus petite pour elle. J'ajoute du soda aussi. En ce qui concerne l'alcool, j'ai tout ce qu'il faut ici. Je raccroche. Je signale par l'interphone à Bill, le gardien, qu'un livreur arrivera d'ici un petit quart d'heure pour moi.

Je me concentre à nouveau sur Khelia qui est toujours là, debout ces prunelles dans le vide.

– Assieds-toi. Veux-tu boire quelque chose de fort en attendant que le repas arrive ?

Je ne sais pas trop quoi faire pour la réconforter. Je m'avance et lui prend la main. Je continue à dérouler le plan de ce que nous devons faire.

– Vu l'heure, il est inenvisageable de retourner à Poudlard. Il faudrait donner des explications et toi et moi n'avons pas, je suis certain, envie de parler de la situation. On va dormir ici de ce fait. Tu prendras la chambre et je dormirai sur le canapé.

Je libère ses doigts sans attendre. Je pars en direction de ma chambre. Afin de lui prendre des affaires plus confortables et une serviette. Bien sûr, ce sera un peu grand. Mais c'est mieux que rien.

– Tiens, si tu veux te mettre plus à l'aise. Je t'ai pris aussi une serviette pour la douche.

J'ai l'impression d'être complétement empoté.

– On pourra parler ensuite si tu en as l'envie.

Est-ce que mes gestes et mes mots l'aident un peu à reprendre pied ? Aucune idée. C'est la première fois que je retrouve dans cette situation. J'ai toujours fait très attention à ce que ma partenaire et moi, nous soyons protégés. Et disons avec Khelia, plus rien a été logique et prudent. C'est le passé qui a surgi sans aucun calcul ni recul.

Qu'est-ce que je pourrai faire d'autres pour qu'elle se sente mieux. Qu'est-ce qu'un homme est censé faire dans ces cas-là ? Aller creuse les méninges. Pour une fois, la petite voix, j'ai besoin de toi. Réagis s'il te plaît.

Mais rien. Tout est silencieux dans mon esprit...

Février 2022

Khelia me stresse à s'excuser autant. Après la commande, je ne peux m'empêcher de reprendre encore un verre de la boisson ambrée. D'ordinaire, je prends le temps de déguster de faire tourner le liquide dans mon verre comme si j'étais un expert et en apprécier le goût. Mais pas ce soir. Ce soir, j'ai besoin de m'étourdir un peu. Pas au point de ne plus être maître de moi. Non, juste de quoi faire retomber cette tension. Certes, le résultat m'a un peu déstabilisé. Je ne peux pas le nier. Celui qui vous dit que cela ne lui fait rien est un satané menteur. Ce qui me trouble, c'est de savoir Khe ici. Est-ce que j'ai bien fait de la faire rester dormir ? Est-ce que je serai réellement capable de rester sur ce foutu canapé sans aller voir au cours de la nuit si tout va bien ? Ou simplement de garder mes distances si elle me demande de rester avec elle ?

C'est surtout cette dernière possibilité qui me terrifie. Parce que soyons honnête au moindre contact avec sa peau, je suis conscient que je serai incapable de rester de marbre. Vous et moi, en avons eu la parfaite illustration, si on remonte de quelques semaines en arrière.C'est là que la petite voix se réveille :

" Est-ce que tu perdrais vraiment le contrôle au vu de ce que vous venez de vivre ? Tu n'es pas ce genre de type. Tu le sais bien. Tu as tout tenté pour la mettre à l'aise. Aie confiance en peu en toi. Et puis, surtout, on parle de Khelia. Il ne s'agit pas de n'importe qui pour toi. Donc respire, tout va bien aller.

Alors, je lui réponds :

– Khe, ce n'est pas mon genre de faire dormir quelqu'un sur le canapé. Encore moins toi. Et même si tu ne dors pas, tu seras plus à ton aise et sans doute rassurer dans ce lieu qui t'est inconnu. Puis tu pourras fermer la porte si tu en ressens le besoin.

La jaune s'en va alors prendre la douche. Je reprends encore un verre pendant qu'elle n'est pas là. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète alors je l'avale rapidement en me disant que c'est le dernier. Je l'ai vu si vulnérable et si belle en même temps. Que voulez-vous, je suis accro à elle depuis notre premier échange ? Toutefois, je ne peux me permettre de replonger. Après ce soir, il faudra que je me détache pour de bons. Parce que je continue de sentir cette boule d'angoisse qui a pris possession de mon estomac depuis le jour où elle m'a abandonné. Je n'ai plus eu la capacité de me sentir en sécurité avec une femme. C'est pour cette raison que j'ai fui un quelconque attachement et que je suis devenu ce gars d'une nuit seulement. Pour éviter le micmac des sentiments.

L'eau s'arrête. Elle va bientôt revenir. De ce fait, je vais vers l'évier et nettoie les deux verres. Ainsi, je n'aurai pas la tentation de m'en servir un quatrième. Je vais les reposer au niveau de la déserte qui sert de bar. Puis je regarde par la baie vitrée, les lumières de Londres. Je ne veux pas croiser son regard pour le moment.

Ca sonne. Le livreur apporte la nourriture. Je prends un billet de dix livres et lui donne comme pourboire. Il me remercie et s'en va. Je vais déposer la commande sur la table basse du salon. Je prends une part. D'habitude, je l'aurai englouti en moins de deux. Mais là, j'ai du mal. Khe a le même souci quand je lui jette un coup d'œil.

"Bon sens. Tu es ridicule ! Ressaisis-toi !"

La petite voix tente de me remettre sur les rails. Néanmoins, cela n'a pas l'effet escompté.

Je prends une seconde part que j'avale tout aussi machinalement. J'ai envie d'un verre pour me donner du courage. Toutefois, je ne cède pas à mon impulsion. Si je m'en ivre encore, je vais dépasser la limite où je suis encore capable de me maîtriser. Et j'ai absolument besoin de rester mettre de la situation pour ne pas créer de nouvelles difficultés. Khe se pose des questions auxquelles je n'aurai pas pensé.

– Khelia, même s'ils remarquent notre absence. Nous sommes majeurs. J'ai déjà découché et ils ne m'ont rien dit. Même si nous sommes des étudiants, nous sommes adultes.

La culpabilité de Khe refait une nouvelle fois son retour. Evidemment, vu l'alcool qui se balade dans mes veines, j'ai tendance à oser le ton montrant mon agacement.

– Je t'en prie, cesse de t'excuser. Ce qui est fait est fait. Et ce n'est pas me faisant le disque rayé que cela changera le point où en est notre situation. Je préfère que tu m'aies dit la vérité plutôt que de découvrir cela plus tard. On a fait quelque chose de débile. Normal que nous soyons deux à gérer. Mais maintenant, cesse s'il te plaît. Cet épisode montre que nous savons pendre nos responsabilités dans un moment délicat. C'est tout.

Puis je souffle et dis plus doucement :

– Je n'aime pas de voir ainsi. Il n'y a pas eu mort de sorcier. Et ne vas pas de rendre malade avec des "et si". Rien ne sert de se demander ce qui serait arrivé, si cela avait été positif. Les choses sont ceux qu'elles sont. Le destin nous fait juste comprendre que toi et moi, ce n'est pas gérable.

Ce n'est pas vraiment ce que je voulais dire. Parce que je ne veux pas rentrer dans un conflit.

– C'est comme ça. Demain, chacun reprendra sa route tout simplement.

Oui, quand je dis une connerie, je ne fais pas une seule couche. Ce serait trop simple. Je suis mal. Il faut qu'il y est de la distance rapidement. Sinon, je sens que quelque chose va se produire.

– Je pense qu'il serait préférable que tu ailles dormir et moi aussi. Je suis claqué, j'ai bu et j'ai peur de dire des choses qui pourraient te blesser. Donc, s'il te plaît, restons en là. Je vais juste aller chercher un cousin et un drap pour pouvoir m'écrouler ici.

Aussitôt dit, aussitôt fait...

Février 2022

Ces quelques secondes loin d'elle me permettent de refaire descendre la pression que je ressens au fond de ma poitrine. En fait, le petit discours que j'ai tenu à Khe m'était en premier destiné. Parce que durant tout ce temps, le fameux "Et si" a tourné dans ma caboche. Fissurant l'armure que je me suis construite depuis qu'elle m'a planté devant le lac, il y a six ans. Oui, j'ai imaginé pouvoir la récupérer et reprendre les choses avec comme excuse pour faire ce premier pas, le bébé. Mais cet espoir a été balayé par cet espoir.

Je me dirige donc vers la penderie et récupère une couverture. Ensuite, je vais vers le lit et prends un des oreillers. Au fond de moi, j'ai envie de hurler. Je veux la prendre dans mes bras, sentir sa peau encore une fois contre la mienne. Je veux céder à la faiblesse qu'elle est pour moi...

Parce que j'ai conscience que demain quand elle sortira de cet appart, je redeviendrai le mort-vivant à l'intérieur. Je serai à nouveau ce type qui ne fait que passer des nuits de plaisirs pour enrouiller la douleur durant quelques heures. Juste le temps de prendre une respiration pour continuer à survivre un jour de plus.

Honnêtement, je ne vois aucune solution à cette impasse. Puis la petite voix me souffle :

" Et si tu prenais le risque et que tu retentais ta chance ? "

Néanmoins, la peur a pris le dessus et je l'ai fait taire. Quel courage, n'est-ce pas ?

Je suis repassé du côté salon. J'ai lancé un regard à Khelia murmurant un vague bonne nuit. Elle est rentrée dans la chambre en fermant simplement la porte. Moi, je me suis allongé, regardant les étoiles. Mon cerveau et la petite voix ont commencé à débattre. Cependant, l'alcool a fini par faire effet et ce n'est que tard dans la nuit que j'ai pu enfin sombrer dans un sommeil sans joie...