J’avais besoin de lâcher prise. De faire ce que la plupart des gens font. Sortir, manger, boire… S’amuser. Ne pas se contenter d’être victime de pulsion de rage et de vengeance, mais trouver une source d’amusement plus… Traditionnelle. Enfin, traditionnelle pour le commun des mortel.

Chaque jour, la lutte contre les sorciers devenait de plus en plus dure. Depuis des mois, j’étais confrontée à un problème insoluble, du moins pour le moment. Je devais faire un choix dont aucune issue n’était convenable. J’avais deux projets pour l’avenir, mais suivre l’un, signifiait renoncer à l’autre. Et je devais toujours gérer Amber, bien qu’elle continue de se faire discrète depuis Azkaban. Elle continue de passer, mais bien moins fréquemment.

J’avais hésité à aller au Festival d’Automne à Hyde Park, mais il y avait trop du Cercle qui comptaient y aller. Et il était bien vu de venir déguisé. J’avais beau vouloir essayer de me changer les idées et apprendre à  m’amuser, j’étais moins que moyennement emballée à l’idée d’être obligée de copiner avec mes abrutis de collègues déguisés en momie ou Frankenstein, ou plutôt son monstre.

Heureusement, le festival d’automne n’était qu’un avant goût d'une fête foraine bien plus imposante qui avait lieu quelques semaines plus tard dans le même parc. Winter Wonderland : La plus grande fête foraine de Londres. J’ignorais si ça allait vraiment me plaire, mais au moins c’était tellement grand et espacé sur plusieurs semaines que j’avais très peu de chance de croiser d’autres membres du Cercle là bas.

Ne pas croiser des membres du Cercle, d’accord, mais… Est-ce que je voulais vraiment y aller seule ? Je ne savais pas trop ce qu’on pouvait, ou devait, faire dans une fête foraine. Si c’était pour me retrouver comme une poule devant un couteau, est-ce que ça valait vraiment le coup d’y aller ? Non. Il fallait que j’y aille avec quelqu’un. Tout membre du Cercle était exclu. J’avais une réputation à tenir. Le souci, c’était qu’en termes de personnes proches que je pouvais, ou voulais, inviter à une quelconque sortie, la liste était plus que limitée. Surtout que je n’avais plus aucune nouvelle de Ludivine depuis maintenant plus d’un an.

Pas de Ludivine. Pas de membre du Cercle. Il ne restait donc que Bouclettes. J’appréciais la compagnie de Nathan à peu près autant qu’il me tapait le système. Il fallait dire que, pour sa défense, presque tout le monde avait le don de me faire sortir de mes gonds.

J’avais donc proposé au sorcier de sortir. Il ne m’avait pas trop posé de questions, en dehors de se questionner sur ma santé. J’allais bien. J’étais peut-être pas aussi en forme que je ne le prétendais, mais rien d’inquiétant. Je savais juste pas ce que je voulais, ni ce que j’allais devenir. Mais peu importait. Frisouille avait accepté ma proposition. J’ignorais si j’étais rassurée, ou contrariée.

Je savais surtout que ça serait une sortie qui allait me coûter les yeux de la tête, ou un bras, ou un rein ou tout ça. Mais j’avais prévu le coup, enchaînant davantage de jobs journaliers et limitant au maximum mes dépenses, pour que je puisse faire cette sortie sans me priver une fois sur place. Le jour J arriva, et j’étais fatiguée, affamée et anxieuse.

Bouclette voulait qu’on évite les heures où il y avait trop de monde. On avait donc convenu un début de matinée, en semaine. Il fallait réserver les attractions à l’avance pour les horaires où il y avait peu de monde. Mais ça permettait d’avoir une entrée gratuite dans le parc. Je n’avais aucune idée de ce qui pourrait être intéressant, alors j’avais décidé d’expérimenter un peu tout. Patinoire, montagnes russes, maison hantée et autres conneries. Je doutais fortement que Nathan veuille tout faire, mais il n’aura qu’à me rembourser ce qu’on ne ferait pas.

Je ne savais absolument pas ce que j’attendais de cette journée, ni ce qu'on attendait de moi. On n’était pas tenu d’être déguisé, contrairement au Festival d’Automne, mais est-ce qu’il y avait un genre de dress code à respecter ? Il n’y avait aucune information à ce sujet, donc j’avais choisi de garder mon style habituel. Le plus long dans la préparation, c’était de me décider à emmener, ou non, Sheila. Mais après plusieurs dizaines de minutes de réflexion, j'en avais conclu que ce serait de l’inconscience de la laisser loin de moi. J’étais prête à essayer de trouver du divertissement dans une sortie classique, mais rien d’autre n’allait changer.

On avait convenu de se donner rendez vous à la statue d’Achille, près de l’entrée de la porte Elisabeth. Je m’assis sur l’un des plots en pierre, censé délimiter l’accès à la statue, en attendant Frisouille. J’ignorais quelle apparence il comptait prendre cette fois. J’espérais seulement qu’il n’ait ses immondes cheveux lisses comme lors de notre rencontre dans le métro.

Pourvu que ça ne soit pas rasoir...

Tu es presque surpris de voir arriver la fin du premier trimestre. Il est passé particulièrement vite, bien plus que tu ne t’y attendais. Avec ton redoublement, tu craignais de t’ennuyer, mais entre le fait de te retrouver dans la même classe que Kayla (avec un peu de recul, c’est sans doute ce qui pouvait vous arriver de mieux à tous les deux pour cette année) et les stages au sein du Bureau des Aurors que tu as décidé de multiplier, le temps file sans que tu le voies passer. À ce rythme, la fin de l’année scolaire arrivera en un clin d’œil. Au temps pour les conseils de profiter de cette année pour te reposer un peu. Entre l’Ordre et les extras que tu continues de faire pour gagner un peu d’argent, les devoirs et les moments de détente que tu réussis quand même à préserver, tes journées restent bien remplies. Ce n’est pas plus mal, en soi. Tu ne sais pas, ou plus, ne rien faire, ça te donne l’impression que tu es en train de passer à côté de quelque chose, de négliger ta sécurité. Tu dois rester en mouvement d’une façon ou d’une autre, agir. Ça fait sans doute partie des choses qui ne tournent pas très rond chez toi, mais ça t’a maintenu en vie jusqu’à présent – et il faut bien avouer que tu serais bien incapable de trouver comment t’occuper autrement, tu l’as expérimenté au début de l’été, quand tu as eu du temps pour toi chez Sean sans savoir quoi en faire. Tu te pencheras sur le sujet… plus tard. Pour l’instant, tu es bien décidé à rentabiliser ton année au maximum, hors de question d’échouer une deuxième fois aux derniers examens de Poudlard et de rater le concours d’entrée chez les Aurors.

Si jamais tu avais encore eu le moindre doute sur ton choix de carrière, il se serait dissipé au cours des dernières semaines. Pour ta dernière année, les Aurors ont demandé à ce que tu changes régulièrement de tuteurs de stage afin que tu voies d’autres méthodes, d’autres types d’enquête aussi selon les spécialités de chacun. C’est passionnant et plus qu’enrichissant. Les Aurors, en grande majorité, préfèrent éviter de confier la paperasserie à leurs stagiaires, même s’ils sont en retard dessus. Rien ne vaut le terrain, et tu es bien d’accord. Depuis trois ans que tu viens régulièrement, on commence à te connaître et tes compétences sont appréciées, de même que ta capacité à prendre en compte et intégrer les remarques. Le mélange d’action et de réflexion te parle toujours autant, tu as besoin des deux au quotidien et les Aurors les allient parfaitement. Tu continues aussi de profiter pleinement de leurs installations sportives et des terrains d’entraînement. Tu t’en sors mieux que jamais dans les simulations de tirs de baguette magique, peu de cibles te résistent et tu as encore gagné en rapidité et en précision. Ton amour des sortilèges et tes années d’entraînement, depuis ton enfance, s’allient à la perfection. Les Aurors ont eu le temps de s’y habituer, tu n’as plus les regards du début lorsque Sean et Rose s’étonnaient de tes réflexes qui étaient loin de n’être que de la chance du débutant. Tu te fonds de plus en plus parmi eux et tu as hâte de les rejoindre pour de bon, de participer de plein droit à leurs missions. C’est aussi une façon de parachever ton identité sorcière. Une fois pleinement considéré comme adulte, tu espères éloigner tout questionnement sur ta famille.

L’arrivée du mois de décembre te surprend dans une légère accalmie. Pas de stage pour ce mois-ci, le prochain est pour le début d’année – mais tu crains d’avoir tiré le mauvais numéro cette fois : l’Auror qui sera chargé de te superviser n’est pas particulièrement connu pour s’occuper de ses stagiaires. Il y a plus de chances que, pour une fois, tu te retrouves collé derrière un bureau à trier des archives et de vieux rapports que sur le terrain. Ça te déprime d’avance. Tu n’as pas assez de temps pour te permettre d’en perdre, mais ce n’est malheureusement pas à toi de décider. Peut-être que ça se passera mieux que prévu. Enfin, tu verras bien quand tu y seras.

Autre surprise de cette période, les messages de Garnet. Tu es content d’avoir de ses nouvelles après votre dernière discussion qui l’a profondément bouleversée. Tu l’as mise en face du choix impossible entre sa vengeance et sa petite sœur. Il n’y a pas de bonne réponse, seulement un sacrifice à faire – et rien de satisfaisant. Tu aimerais que le sort arrête de s’acharner sur elle et toi, que vous puissiez avoir un peu de répit tous les deux, mais visiblement, ce serait trop simple que le destin vous oublie. Tu lui as assuré être à ses côtés, mais tu n’es pas sûr qu’elle t’ait cru – tu la comprends, vous ne faites pas facilement confiance, mais tu aimerais pouvoir l’aider pour de bon.
Tu es partant pour que vous fassiez quelque chose ensemble, en espérant que cette fois vos discussions ne dévieront pas trop sur la situation politique. Il n’y a pas eu d’affrontement majeur depuis l’attaque du Poudlard Express, rien de vraiment nouveau pour vous – elle sait déjà ce que tu penses des attaques contre les enfants et tu sais qu’elle n’y adhère pas. Cependant, sa proposition te surprend et un instant tu te demandes si ce n’est pas une sorte de message codé – même si tu serais bien en peine de savoir ce que désignerait la fête foraine. Tu finis par admettre qu’elle te propose vraiment d’aller au Winter Wonderland, de vous amuser. Ça te laisse un sentiment un peu étrange, décalé… mais pourquoi pas après tout ? Tu connais un peu la fête pour y avoir été avec ta mère quand tu étais plus jeune, les attractions y sont nombreuses et il y en a pour tous les goûts. Tu as un peu d’argent, assez pour te permettre de t’offrir quelque chose pendant quelques heures.
Tu crains un peu que vous vous vous retrouviez comme deux poules devant un couteau. Mais, au moins, ça vous changera les idées. Et ça te fait plaisir de voir Garnet dans un contexte plus détendu que d’habitude. Tu l’apprécies sincèrement, malgré les disputes qui vous opposent régulièrement et les chemins différents que vous empruntez. Étrange quand même qu’aller à la fête foraine avec une amie te paraisse plus bizarre que de t’écharper avec elle sur le Blood Circle et les Mangemorts, mais eh, vous ne faites jamais rien comme tout le monde et tu commences à accepter l’idée que ta normalité n’a absolument rien à voir avec celle du commun des mortels.

Tu lui demandes seulement d’y aller un jour où il y a peu de monde, pour ne pas te retrouver au milieu de la foule, à tenter d’esquiver le moindre contact en luttant contre tes angoisses, et vous vous fixez sur un début de matinée, en semaine, un jour où tu as moins de cours.
Le moment venu, tu hésites sur ton apparence. Tu prends de plus en plus l’habitude de modifier ta coiffure ou la couleur de tes yeux pour laisser le moins de traces possible, mais… tu as envie de profiter du moment en étant toi-même. Tu tergiverses quelques minutes, puis tu vas au plus simple : c’est l’hiver ou presque, alors entre bonnet, écharpe remontée et gants, il y a peu de chances qu’on te reconnaisse au premier coup d’œil. Surtout dans une fête foraine un matin de semaine – oui, tu te le répètes, parce qu’une partie de toi est toujours à moitié convaincue que Garnet te joue un tour.
Baguette et couteau dissimulés dans tes vêtements, tu es fin prêt et tu transplanes loin de Poudlard, pour réapparaître à quelque distance du lieu de rendez-vous. Tu termines le chemin à pied.

Garnet t’attend sur l’un des plots en pierre de la statue et tu la rejoins rapidement. Derrière s’ouvre le parc, avec les lumières de la fête. L’effet n’est pas le même en plein jour que le soir, mais au moins les allées ne débordent pas de monde. Tu essaies d’avancer sur le sujet, mais tu as encore un long chemin devant toi pour supporter la proximité des autres, d’autant plus au sein d’une foule. Tu t’arrêtes à sa hauteur.

— Hey. Comment ça va ?

Tu lui souris.

— La fête foraine, alors ? Ça fait très longtemps que je n’y suis pas allé. Je t’avoue que je ne m’y attendais pas quand tu me l’as proposé.

J’attendais, la boule au ventre. Pendant combien de temps ? Je l’ignorais. Quelques minutes ? Plusieurs dizaines de minutes ? Des heures ? J’en savais rien. Cela me paraissait extrêmement long, mais la lumière naturelle du jour ne semblait pas avoir bougé tant que ça. Peut-être que ça ne faisait pas si longtemps que ça que j’attendais.

Est-ce que j’étais impatiente ? J’en savais rien. J’étais jamais allée à une fête foraine. Je savais pas vraiment comment c’était. J’avais vu les différentes activités, mais n’ayant aucune idée de ce qu’elles étaient, mon engouement était… moyen.

Est-ce que j’avais peur ? J’aimerais penser que non. Mais cette boule dans le bide et toutes ces questions que je me posais semblaient m’indiquer le contraire. Est-ce qu’il allait venir ? En quoi il allait être déguisé ? Est-ce qu’il allait encore me saouler ? Qu’est ce qu’on allait faire ? Est-ce que cette sortie n’était pas un peu trop bizarre ? Est-ce qu’il allait trouver ça bizarre ? Pourquoi son opinion m’importait ? Putain. Quelle idée de merde. Et c’était la mienne.

Quelqu’un s’arrêta devant moi. Je relevai la tête. C’était lui. Il me salua en souriant. Je levai les yeux au ciel en soupirant avant de lui répondre d’un ton cassant.

«Je pensais que tu viendrais avec Lewis. C’était bien la peine de choisir un créneau avec peu de monde.»

Le talc*, la délicatesse, la gentillesse, la bienveillance. C’était tout moi.

«Moi non plus je m’y attendais pas.» J’haussai les épaules. «J’avais jamais fait. Je voulais essayer quelque chose de nouveau. Je voulais pas y aller seule.» C’était tellement vrai. «J’ai mis des noms au pif dans un chapeau, c’est tombé sur toi. Pas de chance.»

Je préférais garder pour moi le fait que je n’avais pas trouvé d’autres options plus intéressantes. Peut-être que Rosebury aurait accepté. Il avait l’air de se sentir coupable depuis qu’il m’a fait sortir cette meuf du QG. Il m’apportait des viennoiseries de temps en temps, que je me contentais de regarder avec dédain sans même un merci, même si je les mangeais quand personne ne regardait. Mais les gens du Blood Circle restaient au Blood Circle. Si Rosebury n’était pas le pire des membres, en dehors de mes frères Cracmols, je préférais éviter de côtoyer d’autres membres du Cercle.

«En tout cas, c’est cool que tu sois déjà venu. Tu pourras me briefer sur quoi on s’engage, les différents manèges tout ça. Comme on est en heure creuse, fallait réserver à l’avance pour les attractions. Donc j’ai réservé pour tout. Tout ce que tu voudras pas faire, tu me le rembourseras.»

Je ne lui demandai pas vraiment son avis. Personnellement, ça me semblait honnête. Je ne savais pas s’il était friqué ou pas. Mais comme c’était moi qui proposais la sortie, c’était logique que j’avance le truc. Et si je dépensais pour rien, parce qu’il voulait pas faire ça ou ça, c’était normal qu’il me dédommage.

«Bon !» Je sautai du plot et me receptionnai pieds joints devant lui. «Faut qu’on se bouge, du coup.»

On se dirigeait donc, silencieusement, en direction des animations. Comme prévu, il n’y avait pas grand monde en chemin. Nous étions en semaine, en début de matinée, et les vacances scolaires n’avaient pas encore commencées, la plupart des gens avaient donc autre chose à foutre que de venir ici. Je me demandais si Bouclettes avait séché des cours pour venir. L’année dernière était censé être sa dernière année ; mais je l’avais vu attendre le train en septembre. Je me gardais bien d’évoquer le sujet… J’étais là pour me changer les idées, m’amuser… Ou du moins, essayer… Si je parlais de sa présence à King’s Cross, on allait encore se lancer dans un débat stérile de merde qui n’allait mener à rien.

Quant à parler de Pearl… J’en crevais d’envie. Évidemment que je voulais en savoir plus sur elle, savoir comment elle allait, si elle avait été blessée à la gare, si sa rentrée s’était bien passée. Mais je me devais de l’oublier quelque temps. Je n’étais pas une bonne sœur pour elle. je n’étais pas une bonne personne. Je n’avais toujours pas pris de décision à propos d’elle. J’ignorais ce que je devais faire ; ce que j’allais faire. Chaque fois que j’essayais d’y penser, j’avais le sentiment qu’un genre de carapace m’écrasait les épaules et le dos, m’enfermant dans un sentiment de honte, d’impatience et de désarroi. Comme si la décision devait, à tout prix, être prise dans l’immédiat, sans aucune possibilité de retour en arrière et aux conséquences désastreuses. J’étais paumée et je ne voulais pas y penser.

Pendant toute ma vie de liberté, j’ai été une arme. Une arme au service du Blood Circle. Une personne à éliminer ? On me donnait un nom, une adresse. Je me chargeais du reste. Des informations à soutirer ? On me donnait une personne, du matériel. Je me chargeais du reste. On ordonnait, j’obéissais. Pas de pitié, pas de repos, pas de question. Au sein du Cercle, j’avais eu la reconnaissance que ni Amber, ni moi n’avions eu pendant toutes ses années. Notre non-magie n’était plus une honte, mais une force. J’étais une arme.

Mais une arme qui réfléchissait, qui agissait d'elle-même, c’était une arme qui perdait en efficacité. J’étais en désaccord avec certaines décisions du Cercle. J’étais en désaccord avec certaines méthodes du Cercle. J’étais une arme, mais l’Arme s’était émoussée. En tant qu’arme émoussée, défaillante, je me devais de essayer de devenir… “Normale”. Les gens “normaux” savaient s’amuser. Ils savaient s’amuser sans éprouver un plaisir sadique en entendant les hurlements de douleur de leur victime. Ils savaient s’amuser sans planter une lame de 22 centimètres à 35 reprises dans la chair d’un sorcier. Rasak affirme que je ne l’avais fait que 34 fois, mais ayant moi-même compté, je n’en démords pas.

Les gens “normaux” s’enchaînaient les uns aux autres au nom d’un sentiment immonde qu’ils appelaient l’amitié. J’avais commencé à comprendre ce qu'était l’amitié. J’avais stupidement protégé Ludivine d’une mort certaine, en me mettant moi-même en danger pour lui permettre de fuir. Qu’en avais-je tiré ? Que dalle. Et le plus étrange, c’était que je ne regrettais rien, pas même ce goût de cendre que cela me laissait en bouche. Les gens “normaux” sortaient, ils allaient au cinéma ou au restaurant. Ces êtres pathétiques se réunissaient tels des moutons pour se sentir plus fort, plus sûr d’eux. Ils allaient à la fête foraine et mangeaient des glaces. Je ne serais jamais une bonne sœur si je n’étais pas plus “normale”. Je devais être une personne “normale”

«J’y connais vraiment rien. T’as un truc à me conseiller à faire en premier ? Tu voudras une glace ?» Fête foraine, glace. Qu’est ce que j’oubliais ? Ah, oui ! «Tu crois que y’a des trucs pour gagner des peluches ?»

Sacrée journée en perspective.