Janvier 2022
La tête vissée dans mon bonnet noir, je remontais mon écharpe jusqu’à mon nez alors que le vent glacé fouettait mon visage. Je n’étais pas particulièrement frileuse, mais je détestais l’hiver, ce n’était pas une saison que je parvenais à apprécier et pour bien des aspects. Déjà, c’était chiant de porter minimum trois couches de vêtements, avec le sport et le travail c’était un enfer logistique de tout transporter à mains nues. Ensuite, qui disait hiver disait famille, Halloween, Noël, Nouvel An, Thanksgiving, ce genre de conneries. Des conneries auxquels je n’avais pas droit puisque je n’avais ni famille ni amis avec qui partager tout ça. Enfin, ce n’était pas vrai : cette année, Lucy avait eu la gentillesse de m’inviter auprès de sa famille et mon séjour fut une pause bienvenue dans le tumulte de ma vie, mais cela m’avait aussi rappelé à quel point j’étais seule. Seule, et trahie par ceux en qui j’avais naïvement placé ma confiance. Depuis l’été dernier, les agissements du Blood Circle me faisaient perdre foi en notre cause, et clairement, si je restais encore, c’était pour rester auprès de Lucy, l’une des dernières personnes en qui j’avais encore relativement confiance.
Dans ma poche, je serrais l’ordre de mission en reniflant et, arrivée à l’angle de la rue, je le sortis pour le relire une énième fois. Bientôt un an que je m’étais établie à Londres et j’avais encore du mal à m’orienter dans cette trop grande ville. Je relus rapidement le nom de ma coéquipière. Charly Rosebury.
Décidément, entre Lyam, Lucy et maintenant Charly, j’étais abonnée aux Rosebury. Il me faudra leur demander une réduction à mon abonnement annuel.
Je reprenais ma route jusqu’au point de rendez-vous. Là, je me posais sur un banc. Comme d’habitude, j’avais de l’avance, mais tout cela était stratégique, car me donnais le loisir d’observer les vas et vient des passants ainsi que de débusquer de potentiels mouvements suspects. Les ordres étaient simples. Vérifier les balises, les réparer ou les remplacer. Connards de sorciers.
Et pourtant, malgré la guerre, malgré le danger évident qu’ils représentaient, je ne parvenais toujours pas à leur en vouloir, à les détester au point de fondamentalement vouloir les tuer. Ça ne remuait pas mes tripes, comme si j’étais en désaccord avec le principe de cette guerre. Mais qui étais-je pour remettre en doute cette putain de guerre dans laquelle je m’étais engagée et pour laquelle j’avais quitté mon pays d’origine ?
Quelle conne, j’aurai mieux fait de rester dans les montagnes suisses. Peut-être devrais-je y retourner ?
Ne pas y penser.
Je me renfrognais, mais pour évacuer ma nervosité, ma jambe se mit à tressauter. Pourvu que Charly ne soit pas trop en retard, mais du peu que j’en avais vu d’elle, elle semblait bien bosser. Pourvu que ce soit vrai.