Décembre 2021.

Journée de merde qui commence. J'ai pas entendu ce satané réveil. Et quand je l’ai fait, les chiffres qui l'indiquaient, me signifiaient que j'avais déjà raté ma première heure de cours.

" Merde et merde !!! "

Je mets moins de cinq minutes pour prendre une douche. En me disant que plus jamais, je ne sortirai comme ça avant la fin des examens. J'enfile le premier jeans de mon armoire et je l'assortie avec un haut potable. Ensuite hop ma robe de sorcier. J'attrape mes bouquins et direction l'amphi. Heureusement, on n'est pas sanctionné. C'est un point moins rigide qu'au collège. Toutefois, je n'aime pas rater les cours, car c'est l'une des rares choses qui me tient ces dernières années. Depuis qu'elle m'a quitté lors de ce foutu été à la fin de ma cinquième année.

"Franchement, c'est pas le moment de t'auto flageller. "

Je cours donc à travers les couloirs. Sûr ce coup, je m'en fous un peu de la discrétion. Si je suis bon d'ici quelques petites minutes, je me glisserai au fond, sans qu'on remarque mon arrivée. Néanmoins, comme toujours dans ces cas-là, rien ne se passe bien. Je tourne au coin d'un couloir et quelqu'un me percute. Les livres tombent et surtout, j'entends la chute.

Je me baisse pour ramasser et demander en même temps si tout va bien à la personne qui m'a percutée, cependant, lorsque que j'entends la voix, je me fige.

P*tain. Pourquoi Merlin me fait ça. C'est déjà dur sans qu'elle soit dans le paysage. Néanmoins savoir que c'est Khelia est douloureux. Je perçois l'enfoncement lent d'une lame dans mon cœur. Et puis quelle question débile !

- Non, c'est le fantôme du baron sanglant.

Je n'ai pas envie d'être gentil. Il y a deux raisons à cela. La première, je suis trop déstabilisé. Chose que je veux lui cacher et qui me met direct sur la défensive. La seconde, l'amertume est là qui remonte. A quinze ans, je n'ai pas su réagir. Aujourd'hui, c'est différent. Je ne suis plus cet ado qui vivait ses premières fois. L'eau a coulé sur la tour de l'horloge de Poudlard. Je ne prononce pas son prénom non plus. Comme si je tentais en prime de marquer de l'indifférence à ces premiers mots que je lui adresse.

Elle s'excuse. Je déteste ça. Je ne l'ai toujours pas regardé. Je me mure dans ce silence que je maîtrise si bien et qui met les gens mal à l'aise. Pour moi, au contraire, c'est un apaisement. Je ne veux pas que les souvenirs viennent dans ma tête. Je veux conserver le masque que je me suis fait depuis tant d'années. Je perçois son corps tendu même si une certaine distance physique est là. Et comme un con, je lève les yeux par instinct.

" Abruti !"

Evidemment, j'ai une sensation étrange. Elle est encore plus belle que dans mon souvenir. Normal, c'est plus une gamine, mais une femme. Je baisse rapidement mes prunelles. Malgré tout, l'image a eu le temps de s'incruster dans le gris de mes rétines.

" Crétin absolu !!!"

Puis sa voix résonne à nouveau. Je réponds du tac-o-tac sur un ton ironique.

- Magnifiquement. C'est absolument pas comme si j'étais en retard.

Et voilà, nos yeux se sont croisés. J'ai l'impression d'être dans une de ces mauvaises comédies à deux noises que les donzelles naïves adorent dévorer en s'empiffrant de cochonneries et avec une boite de kleenex pour les moments dégoulinant de romantisme. Je détourne le regard en me relevant. Au moins avec ma taille de géant, je peux la dominer et lui en imposer.

Et comme toujours dans ce genre de situation, il fallait qu'un de mes bouquins aille se mélanger aux siens. Visiblement, Morgane a décidé d'être de la partie scénario aussi.

"p*tain de p*tain de merde !"

- Merci

Je récupère le bouquin et sa peau rentre en contact avec la mienne. J'ai l'impression de subir une morsure. Je ne veux pas de tout ça. Malgré le fait que mon imbécile de cœur disent le contraire. Oui, on n'est jamais aussi bien trahi que par sa propre chair. Qui est à mon goût beaucoup trop faible en face d'elle. Je devrai me tirer fissa. Mais non, ça serait tellement trop simple. Entre les effets d'hier et mes saloperies d'hormones, mon cerveau disjoncte et je sors le truc le plus ringard du monde.

- J'espère que ça va.

" Dey qu'est-ce qui te prend ? Est-ce qu'elle s'est inquiétée de savoir si elle t'avait piétiné le cœur quand elle t'a plaqué du jour au lendemain. Est-ce qu'elle a tenté de prendre de tes nouvelles durant tout ce temps. Non. Mademoiselle a continué de vivre sa petite vie sans un regard en arrière et certainement avec un paquet de mecs. Alors bordel arrête ça de suite. "

Je me suis énervé à cette image d'un type la touchant. Et pourtant autant est-ce que je me suis écouté ? Bien sûr que non. Ma bouche s'est ouverte et a ajouté.

- Tu ne t'es pas fait mal au moins ?

" Abruti de chez abruti ! Tire-toi de là. Danger ! Warning ! "

Mais non, je vois même mon corps diminuer la distance qui était entre nous. Je reste planté comme un satané pot de Champifleur, en attendant sa réponse. Parce qu'au fond de moi, je veux encore l'entendre tandis que la sirène d'alerte continue dans ma tête.

" Mais casse-toi, bon sens ! "

Décembre 2021.

Vous savez qui est en train de ressembler à un poisson hors de l'eau à cette seconde ? Moi ! Le plus grand abruti que l'univers n'est jamais compté. Au lieu d'écouter mon alarme intérieure qui me dit de prendre mes jambes à mon cou pour mon bien, j'ai décidé de me transformer en une superbe statue parlante. Jusqu'ici, j'avais réussi à survivre à son souvenir depuis ces six dernières années. Mais de la voir devant moi, me fait perdre absolument tous mes moyens. J'ai l'impression d'être redevenu ce crétin d'adolescent lors de mes quinze ans. J'ai les mains moites, le cœur qui bat la chamade. Cependant, je ne dois rien lui montrer. Elle ne doit pas savoir qu'elle a encore un pouvoir sur ma personne.

Puis ses lèvres se mettent à remuer et le son de sa voix devient la plus douce musique à mes oreilles. Je ferme les yeux un instant pour rester d'aplomb. Je n'ai pas d'autre choix. Sinon je sens que je vais me liquéfier. Du coup, l'amertume reprend le dessus et je lui dis très sèchement :

- Evidemment. Quelqu'un comme moi ne craint pas grand-chose.

Sous-entendu comparé à une petite chose fragile de ta taille. Toutefois, je m'arrête avant de souffler cette suite qui la blesserait. J'ai envie de lui faire du mal pour qu'elle sache ce que cela fait. Néanmoins, je ne peux pas. Pourquoi ? Tout simplement, parce que même si je fais tout pour le nier, je l'aime. Et ce fait, ne changera jamais quoiqu'il se passe. Néanmoins, tapi dans mon fort intérieur, la noirceur de la douleur remonte insidieusement.

Mes yeux se posent sur sa bouche. J'ai envie de m'en emparer, ce qui me met hors de moi. Je ne peux pas. Je ne veux pas dépendre de ses émotions. Je dois les faire taire, les renvoyer tout au fond de mon être pour rester mon propre maître. Je dois être ce Dey que tout le monde connaît aujourd'hui. Qui plaît aux filles. Qui prend, qui jette et qui est surtout sans attache envers aucune femme. Je dois être cette image, ce masque qui me permet de surmonter un jour après l'autre. Je me sermonne tant que je peux.

Rappelle-toi. Tu n'es plus ce gamin stupide ! Celui auquel elle aurait pu demander la lune et qui la lui aurait décrochée sans le moindre doute. Celui qui buvait chacune de ses paroles. Qui la voyait comme la plus plus fabuleuse des créatures. Tu n'es plus ce Daemon. Tu es Dey le séducteur. Celui qui dicte ses règles et qui ne tolère que personne joue avec lui. Ne t'attendris pas. Reste concentré par Merlin.

Vous croyez que tout cela fonctionne ? Evidemment que non. Malgré tout, je dois tenir bon. J'entends sa remarque sur l'échauffement. Et il y a son rire. Et aller, un second couteau dans mon cœur. Je ne peux m'empêcher de lâcher de manière laconique parce que c'est plus que je ne peux endurer.

- C'est sûr que ton partenaire ne doit pas s'ennuyer.

Ordure

J'aurai dû me casser après ce commentaire, car je souffre d'être près de la jaune et noire. J'aurai dû marcher droit devant moi sans un regard en arrière. La fuir pour de bons. Mais je me sens coupable de cette remarque injustifiée. Je reste ancré dans le sol, comme le con que je suis devenu depuis notre séparation dès qu'il s'agit du sexe opposé. Enfin plutôt quand il s'agit de cette poufsouffle en particulier. Chaque fois qu'une nana, qui a une vague ressemble avec Khelia, s'approche, je la renvoie illico presto près de ses anneaux de Quidditch. C'est ma façon de me protéger. Toujours des brunes. Jamais de blonde.

Je reste sidéré quand je ne vois aucune réaction de sa part. Pire, elle pose une autre question qui semble complétement à côté de la plaque au vu de ce que je viens de lui balancer. N'a-t-elle pas entendu ? Néanmoins, par réflexe, mes lèvres répondent contre ma volonté à son interrogation.

- Droit.

Et une fois de plus, ma rancœur reprend immédiatement le dessus sur mon sang-froid habituel comme un ivrogne avec sa bouteille. Je ne supporte plus cette proximité qui me ronge.

- Mais est-ce que cela a de l'importance. Après tout, ce n'est pas comme si nous étions restés proches. N'est-ce pas ?

Je fais une seconde de silence pour marquer son esprit et continue sur ma lancée.

- Je suis certain que notre rencontre est un moment désagréable dans ta petite vie bien comme il faut. Il ne faudrait pas t'encombrer d'une parenthèse gênante dans ton présent. Après tout, nous ne sommes que des étrangers qui ont eu le malheur de se croiser au bord du lac et dont Morgane s'est jouée durant quelque temps en faisant confondre attirance sexuelle et attachement.

Non, je ne dirai pas amour... Oui, j'ai du mal à contenir ma colère qui remonte à cause de tout ce que je n'ai pas pu dire à l'époque. Mais je n'y peux rien. Avoir la sensation que tout va bien pour elle me rend cinglé. Surtout quand je contemple le champ de ruines qu'est mon existence. Ma mâchoire se crispe, il faut que je dégage et fissa avant de faire quelque chose de débile. Je vous le dis, je ne me fais pas confiance. Car la plupart du temps, quand je perds le contrôle de ma personne, ça ne rate pas. Les conneries arrivent.

Tire-toi maintenant Dey ! Tu sais que ça sent les emmerdes.

Voilà ce que la petite voix me hurle. Mais non, je ne le fais pas. Au contraire, je réduis la distance entre nous. Mes livres retombent au sol. Mais cela n'a aucune importance...

Décembre 2021.

Je la vois de plus en plus mal. D'un côté, cela me fait du bien parce qu'ainsi, elle aura une petite idée de ce que je ressens depuis ces six dernières années en pensant à elle. De l'autre, je m'en veux d'être un salaud. Et quand je le suis, c'est de la pire espèce. Il faut dire que je n'ai jamais été dans la demi-mesure depuis que la poufsouffle m'a quitté. Je suis parti dans les excès juste après.

J'ai pris de belles cuites. Tellement magistrales, qu'une fois, il m'a fallu trois jours pour m'en remettre. Oh ! Bien sûr, je ne l'ai jamais fait quand j'étais avec ma mère. Je ne voulais pas l'inquiéter. Néanmoins, je peux vous dire que mon entrée en sixième année a été mémorable. Puis, j'ai enchaîné les corps. Au départ, j'en étais malade. Par la suite, je m'y suis fait. Certes, ce nouveau Dey n'était pas vraiment en accord avec celui que j'étais avant Khelia. Toutefois, quand la douleur vous ronge et vous détruit petit à petit, méticuleusement jour après jour, votre instinct vous pousse à trouver un moyen de survivre. Ca a été les miens.

- Parce que je n'en ai pas l'air ?

" Dey ! Casse-toi ! Tu vas perdre le contrôle et tu vas le regretter ! "

Je n'avais qu'une chose à dire à la petite voix à cette seconde : ta gueule !

Je sais que je suis en train de dépasser mes limites. Que je veux me faire plus noir que je le suis. Mais ce sourire qu'elle a eu et un poignard qui s'enfonçait lentement dans ma chair toujours à vif. Je suis conscient de la vilenie que je démontre. Parfaitement digne d'un vert. Cependant, mes émotions sont un flot incontrôlable. Les souvenirs merveilleux et affreux affluent, se mélangeant dans mon esprit. Je suis au bord de la falaise. Et lorsque j'aurai sauté, je sais immanquablement que la chute ne sera pas belle. Pourtant, je continue de foncer qu'importe le résultat pour elle, mais aussi pour moi. Puis il y a son air étonné et sa phrase qui me percute. Ma langue va plus vite que mon cerveau tandis que ma mâchoire se crispe, signe que ma digue émotionnelle a complétement pété.

- Autant que le nombre de filles que j'ai eu ces dernières années.

" Menteur ! Ordure ! Pourriture ! Tu sais que tu es cruel. Et pire que tout, tu as fait ce que tu déteste, raconter des bobards. "

Je vois ses prunelles qui s'écarquillent. J'entends sa voix qui me dit que je lui fait peur. Puis alors dans mon esprit apparaît l'image du monstre.

" Voilà ce que tu vas devenir si tu continues à lui dire toutes ces choses. "

Alors mon poing frappe le mur qui se trouve derrière elle. La douleur me permet de reprendre la maîtrise de moi en partie. La rage retourne au fond de moi même si elle est toujours sous la surface. J'entends encore ses mots tel un murmure. Mais je suis incapable de lui répondre. Son parfum vient chatouiller mes narines. Sa chaleur rencontre le froid de mon être. Elle est trop près... Trop réelle...

Tout ceci me fait encore prendre conscience du manque que j'ai eu d'elle durant tout ce temps. Mon corps me trahit. Machinalement, je pose ma tête sur son épaule. Mon cœur bat plus vite. On dirait un cheval au galop. C'est trop.

Le géant que je suis vient d'être vaincu par ce petit bout de femme. Je le sais et à ce moment, un seul mot parvient à filer à sa question de tout à l'heure.

- Non...

D'ordinaire, on vous raconterait que le temps se suspendrait dans ce genre de situation, qu'il y aurait un regard intense rempli de non-dit et toute la guimauve qui va avec. Néanmoins, la réalité est autre. Mon instinct prend le dessus et mes lèvres s'emparent des siennes. Ce n'est pas un baiser doux. C'est un baiser d'affamé, d'un drogué en manque de sa dose depuis trop longtemps.

" Arrête-toi ! Tu déconnes complétement. "

Je ne dois pas continuer. Il faut que je me détache. Je ne veux pas simplement de son corps. Je veux quelque chose d'elle qui me manque depuis ces six années : son amour...

Je dois me détacher. M'éloigner avant d'être totalement consumé. Il faut qu'elle me repousse. Il faut qu'elle me rejette sinon ça va déraper complétement. Je sens déjà mon corps  qui s’embrase par ce simplement contact. Je me résonne du mieux que je peux et au bout de ce qui me semble une éternité, je détache mes lèvres. Cependant, ce que je pense être un répit et de courte durée. Je n'ai pas le temps de me relever que la blonde s'accroche à mon cou et reprend le baiser.

Je suis surpris. C'est le moins qu'on puisse dire. Je m'attendais plus à des insultes voir des coups connaissant la demoiselle. Enfin, c'est ce que la Khelia du passé aurait fait. Mais le temps s'est écoulé. Nous ne sommes plus ces gamins. L'échange continue.

Je sens ses mains qui s'accrochent à mon dos. Je devrais réfléchir, reprendre le contrôle de la situation. Sauf que mon cerveau a bugué totalement. Car je me sens à ma place à cette seconde. La sensation de son corps contre le mien est incroyable. Mes sens sont enflammés. Je suis vivant...

Je veux que cela continue. Malgré tout, la partie censée de mon être me rappelle qu'on est au beau milieu du couloir et surtout en journée. Que n'importe qui peut nous voir. Pour ma part, je m'en contrebalance. Cependant, je ne veux pas qu'on la salisse, elle. Alors je me détache. Mes cours, mes bouquins, je m'en fou...

- Viens...

Je l'entraîne dans une salle d'étude qui est déserte à cette heure. A ce moment, tout ce que je sais, c'est que j'en veux plus. Je veux plus de son parfum, plus de sa chaleur, plus de sa peau, plus de ce que nous avons été par le passé. Même si je sais que je vais m'en mordre les doigts. Que cet instant de faiblesse va me faire replonger dans les abîmes quand tout sera fini.

J'arrive à la porte, j'ai la main sur la poignée. Je ne peux m'empêcher de lui dire en contemplant la porte alors qu'elle est derrière moi :

- Tu peux encore partir...

Je veux qu'elle ait le choix. Je ne veux pas être un de ces types qui profitent de la confusion pour abuser de la situation. Cependant, j'ajoute.

- Mais ça ne changera rien...

" Menteur, tu sais que ce n'est pas vrai ! "

Oui, je le sais. Car, pendant ces quelques instants de paix, je redeviendrai Daemon, l'adolescent amoureux qui vit. Je ne serai plus Dey le collectionneur. Et cet échange confirmera ce que je sais depuis que je l'ai vu, qu'il n'y aura jamais qu'elle. Et quand la vérité de ce que j'ai dit me reviendra en pleine gueule, je sais que l'enfer sera encore pire... Pourquoi ?

Parce que j'aurai touché le paradis...

Décembre 2021.

Il y a le silence. Toutefois, Khelia décide de me suivre...

Je pousse la porte et je pénètre dans la salle. Je me trouve face à elle. Ses prunelles emprisonnent les miennes. Je ne sais pas si elle se rend compte du pouvoir qu'elle a sur moi. J'ai beau lutté, je finis toujours vaincu par la blonde. Je suis complètement hypnotisé tandis qu'elle avance vers moi. Puis la chaleur de sa main déclenche une avalanche de feu en moi. Je sais que je vais me consumer totalement et que, de ma personne, il n'y aura plus que de la cendre quand ce moment sera fini. Mais je m'en contrefous. Tout ce que je veux, c'est elle. Je veux sentir le grain de sa peau contre ma chair affamée. Je veux sa complète impudeur entre mes bras. Néanmoins, ce que je désire par dessus tout, c'est qu'elle dise mon nom comme autrefois...

Utopie d'un restant de ce gamin que j'ai été...

Puis le choc brutal de ses lèvres sur les miennes. Cela me surprend durant une seconde. Si la poufsouffle pense mener la danse, elle se trompe lourdement. L'adolescent hésitant du passé a laissé place à un homme qui sait parfaitement jouer du corps de ses partenaires. Je maîtrise l'art de les amener au supplice de la volupté dans un ballet des plus sensuels. C'est la moitié de ce que je suis devenue lorsqu'elle m'a  quitté. Il y a six ans à présent.

Inconsciemment, Khelia lutte avec ma chemise. Elle me colle contre son corps si frêle et pourtant si fort durant ce début d'échange. Malgré tout, je la pose sur une table alors que nos bouches sont toujours scellées.



Cette infinie torture est la plus désirable des musiques pour ma petite personne. Oui, c'est égoïste. Néanmoins, j'aime avoir cette faculté d'emmener où je le désire la fille qui partage ma couche. J'ai la conscience d'être devenu un prédateur avec le temps. Cependant, je ne suis jamais oppressant. Je ne fais pas partie de ces hommes qui dominent en rabaissant l'autre. Non, j'aime pousser dans les derniers retranchements du désir afin d’insuffler un plaisir que peu peuvent se vanter d'avoir fait atteindre.



Cependant, je ne vais pas dans ce sens. Non, le jeu vient juste d'être entamé. L'attente impatiente de l'autre est une saveur délicieuse. Je me dois de profiter de ce moment d'éternité, car je suis persuadé qu'il sera le dernier avec elle. Après ça, il ne restera plus rien de nous. A posteriori, la jaune et noire ne voudra plus jamais de moi.

" On y croit Dey ! Tu sais que tu en voudras toujours plus quoique tu te dises. Nous le savons tous les deux. Il n'y aura jamais que cette fille pour te prouver que tu es en vie et que tu appartiens à ce monde. "

Satanée voix intérieure qui ne cesse de me rappeler la vérité que je veux absolument ignorer. Mais faire l'autruche est une de mes grandes spécialités quand je suis de mauvaise foi et c'est bien le cas-là.

Il y a cette interrogation de sa part et ma réponse.

- Non... Mais on verra plus tard.



J'en veux plus... Encore plus... Toujours plus... Obtenir l'abandon de sa volonté.

C'est là que Khelia démontre aussi qu'elle sait quelques astuces de ce badinage. Ce qui me fait me sentir comme un damné...

Malgré tout, je me dois de rester le maître de cet ébat...

Décembre 2021.

J'aime voir Khelia ainsi offerte à mon bon vouloir sur cette table. J'aime être le dominant dans ce qui sera notre dernière fusion corporelle.

" Arrête de dire ça ! Tu sais que tu te mens ! "

J'ignore la petite voix dans ma tête. Le moment qui se déroule ne se prête pas franchement à la discussion et encore moins à la réflexion. Non, il n'y a aucune logique, juste de l'instinct, du désir et un besoin irrépressible. C'est une urgence que j'ai ressenti dans tout mon être à la seconde où je suis tombé sur elle. Avec la séparation et le temps écoulé, c'est devenu vital voir même primaire. Je ne suis plus que chair affamée de son corps. Ce vide, qui m'habite depuis ces six années passées, a le devoir d'être comblé sur le chant.

J'oscille entre gestes sensuels, délicats et mouvements avides, accélérés. Je suis un paradoxe. Car je lutte contre moi-même. Contre la violence des émotions qui tourbillonnent en mon for intérieur. Contre cette partie de moi qui voudrait l'adorer comment avant. Ce qui est parfaitement impossible. Puisque de l'autre côté, je veux seulement assouvir ma faim d'elle.

Pourquoi ?

Parce que nous ne sommes plus un couple. D'autres l'ont eu et c'est ça qui me rend le plus fou. Qui me pousse à vouloir être dur d'une certaine manière. Dans le sens de laisser ma colère explosée durant ce que nous partageons. Sauf que je ne veux pas prendre seulement. Je veux un vrai échange qui lui fera regretter de m'avoir quitté. Lui faire comprendre qu'elle va souffrir aussi à son tour de mon absence après. Comme moi, je le vis chaque jour depuis qu'elle est partie au loin.

Malgré moi, je veux pousser le besoin presque à la douleur. Vous savez ce moment où l'attente devient une souffrance parce qu'on est frustré de ne pas obtenir ce que l'on désire. Ou il faut absolument que la communion entre les corps se fasse. Sinon, c'est la folie qui vous guette à en avoir mal au ventre.

Khelia me supplie. C'est jubilatoire d'entendre cela.

- Tu veux quoi ?

Je le sais ce qu'elle veut. Cependant, je ne désire pas encore lui donner.

- Dis-le-moi, Khe.

Ma voix est doucereuse alors qu'elle ne me répond pas ce que je souhaite entendre. Elle se doit d'aller dans le sens que je désigne. C'est ainsi que les choses seront parfaites. Je vous semble peut-être sadique à cette seconde. Mais c'est elle qui a fait de moi cet homme. Si je suis devenu de la sorte dans les jeux de l'amour, c'est parce que ce n'est que de cette manière que j'ai été certain de ne plus jamais souffrir des choix de quelqu'un d'autre.

J’assiste à ses soupirs d'insatisfaction. Non, je ne la délivrerai pas encore de cette attente lancinante.



Je la scrute quelques instants. Elle est si belle. Ses prunelles vertes accrochent les miens qui sont sans doute semblables à du métal en fusion. Elle me rend fou.



Mon souffle est rauque. Malgré tout, je dois encore agir ainsi. Je veux la marquer dans tous les sens du terme. Je refuse qu'elle me résiste. Je murmure à son oreille :

- Alors Khelia. Vas-tu me le dire ?



Je relève ma tête légèrement, histoire que mes yeux s'emparent une nouvelle fois de son regard, et dis en permettant à mon souffle de passer en une caresse sur sa peau.

- Alors ?

Décembre 2021.

Jouer encore et encore. Toujours pousser plus loin le supplice. L'entendre encore gémir de frustration. Il faut que ça dure le plus longtemps possible. Voir ce désir que je n'ai jamais vu dans ses yeux auparavant. Je veux que chaque seconde de ce moment se grave en moi... En elle. Parce qu'il n'y aurait plus jamais cet accord parfait entre nos deux corps. Savourer, se repaître... Toujours plus... Plus de chaleur, plus de chair, plus d'elle.

- Khelia

Je ne peux m'empêcher de prononcer son nom lorsque ses mains parcourent mon dos. Elle est la seule qui peut faire cela. Généralement, les filles d'une nuit, je m'arrange pour qu'elles ne dépassent pas les limites que j'impose. Cependant la poufsouffle continue de conserver ce privilège malgré le temps.

Je me souviens la première fois que la jaune m'a vu torse-nu. Je l'ai averti que le spectacle n'était franchement pas beau. Et pourtant, comme maintenant, la demoiselle avait laissé ses mains effleurer chaque ligne qui se présentait sur ma peau. Elle l'avait fait avec une douceur extrême. J'avais vu la douleur dans ses prunelles. Le fait de se sentir impuissante face à ces traces. Ce n'était pas non plus de l'horreur, mais une profonde compassion. C'était un de ces moments qui me donnait l'impression que tout pouvait devenir lumineux malgré la laideur...

Vous savez, la magie fait des dégâts qui ne sont pas effaçables parfois. Mon corps en a subi trop à cause du monstre. C'est comme ça. C'est la fatalité de mon existence...

Ca me fait tellement mal d'y repenser. Néanmoins, je n'échangerai pas cela pour tous les gallions de l'univers. C'est l'un de ses rares moments qui m'apaise encore même aujourd'hui. Mais je n'aurai certainement pas la possibilité de lui avouer. Parce qu'elle et moi, nous ne sommes plus un couple. Il n'y a plus ce genre de lien. C'est une conséquence que je dois endurer par sa faute. Ce choix qu'elle m'a imposé, six ans plus tôt...

Je suis en colère contre elle parce qu'elle m'a pris ce bonheur. Contre-moi, parce que je n'arrive pas à l'oublier. Et forcément, cela prend le pas sur la douceur que j'ai démontré jusqu'à présent. Je vous rassure, je ne suis pas le genre à devenir brutal pendant le sexe. Car c'est ce que nous sommes en train de faire. Car pour faire l'amour, il faut des sentiments. Toutefois, ici, il n'y en a plus... Enfin, c'est ce dont je dois me convaincre.

" Toujours l'autruche. Est-ce que mentir t'aide à te sentir mieux ? "

Ne pas écouter. Ne pas penser. Ne pas imaginer ce qu'aurait pu être les choses si Khe n'était pas partie de la sorte en me plantant comme un con.

Satisfaire le besoin. Nourrir la faim qui me saisit le bas du ventre et les entrailles depuis tellement longtemps. Entendre les suppliques qui persistent et auxquelles je ne veux pas encore céder. Faire durer un peu plus la torture par besoin de sentir qu'elle me veut moi... Seulement moi... Lui montrer que Daemon n'est plus. Qu'il ne reste que Dey aujourd’hui. Rien qu'un type qui ne peut plus s'attacher puisque son cœur a été consumé jusqu'à la dernière miette. Rester maître même si elle tente de résister. Je dois gagner. Il le faut absolument. Parce que je me dois de tenir encore avant de rentrer m'effondrer. Ce n'est pas un simple jeu de domination. C'est une question de survie...

Puis la poufsouffle formule enfin ce que j'attendais. Alors comme un damné de l'enfer, je supprime d'un geste précipité ce foutu tissu qui était entre nous. Je plonge d'abord avidement. Puis une fois que nous ne faisons plus qu'un, je ralentis imposant un rythme langoureux et calculé. Pourquoi ? Sinon, je vais exploser trop vite et trop tôt. Le supplice doit durer pour elle comme pour moi. Ce contact, j'en avais besoin afin de me sentir de nouveau complet.

D'une certaine manière, je veux qu'elle regrette ce qu'elle a abandonné. Je veux la marquer pour que son esprit ne soit pas en paix lorsqu'elle sera seule la nuit. Je veux qu'elle ait du mal dans le futur à être satisfaite avec un autre. J'impose donc la mesure afin que le mélange de nos êtres soit une danse unique et intemporelle. Que lorsque ses paupières se fermeront, ce soit cet instant auquel elle repense en dernier. Que l’insatisfaction la pousse à ne vouloir que moi. Même si je sais, à cette seconde, que c'est une parfaite utopie...

J'imagine bien qu'elle a continué sa vie sans aucun souci. Qu'elle n'a jamais vu mon ombre chez ceux qu'elle croisait et qui ont sans doute partagé ses songes nocturnes. Parce qu'elle a toujours été la plus forte de nous. Certes, cela me fait mal de penser qu'elle va reprendre son chemin sans moi. Que je n'ai pas le pouvoir de changer la fin de notre histoire. A ce moment, je l'observe avec les yeux du passé.

" Tu le savais parfaitement. N'est-ce pas ? C'est bien pour cela que tu lui as dit que cela ne changerait rien. Tu ne l'as pas fait pour la convaincre elle, mais bien toi. Non ? "

Je chasse la petite voix. Je continue à vouloir cette sensation, ce bien-être. Plus fort, plus vite, plus intense. Je sens son corps vibrait sous le mien. Sa chaleur m'enveloppe entièrement. C'est une parfaite harmonie. Je la ressens elle dans toutes les fibres de ma chair et de mon âme. Certes, j'ai eu des corps, des envies calmées. Mais ce n'est absolument pas comparable à ce qui déroule à cette seconde. Khelia a été et sera toujours à part. Mon cœur saigne en comprenant ce fait. Même s'il bat comme jamais. Montrant ainsi que lui et moi, sommes bien vivants, à notre place. Car c'est sa présence qui rend la chose possible.

Le désespoir est là au bord de ma conscience. D'ici quelques poignées de secondes, le froid et le néant me submergeront comme d'habitude et je devrais me séparer de l'anatomie de la jeune femme. Malgré tout, je ne veux pas que cela soit interrompue déjà. Je veux encore me rassasier de son être.

Je plonge plus profondément comme si je voulais me fondre en elle. Je la serre contre moi afin que l'échange soit encore plus exaltant voir plus dévastateur pour ma personne. Je suis le naufragé d'un navire qui a coulé depuis longtemps et qui s'accroche férocement à sa bouée tandis qu'il est conscient qu'il n'y aura pas de dénouement heureux lors de sa fin. Néanmoins, comme toute créature de chair et d'os, j'ai tendance à nier cette maudite réalité. Espérer que le temps se suspende afin de rester ainsi avec elle et de m'offrir l’éternité...

Juste un instant de plus par pitié... Je serai prêt à tout pour l'avoir... C'est l'unique demande du condamné que je suis face à l'exécution imminente tandis que je suis sur le point d'arriver à l'extase absolue...

Décembre 2021.

J'entends comme elle crie mon nom. C'était tellement unique et vibrant pour moi. Comparable à un point d'orgue en musique. Malheureusement, cela ne dure pas. Soudainement, la délivrance est là. C'est violent et brutal. C'est divin et cela fait mal en même temps. Je m'effondre sur son corps. Puis, insidieusement, le froid commence à s'emparer de ma personne. Alors j'abandonne la chair que j'aime tant. Je me retire sans plus de cérémonie. Il n'y a pas de mot dit à cet instant. Tout ce que je sais, c'est que je suis vide de nouveau.

La douleur se répand malicieusement et finit par atteindre mon cœur en même temps que mon âme. Je voudrais crier, hurler, cogner, déverser ma rage dans tous les coins. Néanmoins, rien ne se passe. Seul le silence perdure. J'étais conscient que je n'avais pas les moyens de changer la fin inéluctable qui allait se produire lorsque la communion de nos corps serait terminée.

" Toutefois, tu as espéré te tromper. Tu pourrais tenter... "

Ta gueule, maudite voix ! Tu me l'as assez répété depuis que je l'ai vu par hasard au détour de ce couloir. Il n'y a pas de retour en arrière possible pour nous deux. Il n'y a que de la souffrance pour ma part et un chemin ensoleillé pour la sienne. Je suis devenu quelqu'un de trop sombre, qui ne peut plus s'attacher à personne même à elle. Car, pour faire cela, il faudrait que mon cœur puisse revivre à nouveau. Ce n'est pas une possibilité qui s'offre à l'individu que je suis à présent. C'est ce que je me répète dans tous les cas. Parce que si j'ai la plus petite once d'espoir et que cette dernière ne se concrétise pas, je pense que je pourrai me balancer de la tour d'astronomie ou faire un truc encore plus con. Dans le genre, aller défier le premier mangemort que je croiserai afin d'en terminer. Je me dois véritablement de persévérer dans la survie. Non, pour moi, je n'y ai aucun intérêt, mais bien pour ma mère. Elle ne supporterait jamais ma disparition. Pas après avoir perdu déjà mon père sans avoir eu la possibilité de le pleurer. Il faut dire qu'on a jamais su où état son corps. Je suis donc sa planche de salut qui lui permet se maintenir dans cette existence emplie de douleur. Je refuse volontairement de lui faire une cicatrice de plus.

Je me rhabille toujours dans le calme le plus total. Pourtant, à l'intérieur de moi, il y a une lutte sans merci. Je coudrai tellement la prendre dans mes bras. Lui proposer de tout recommencer à zéro pour que l'on puisse se retrouver comme lors de cette période bénie. Cependant, cela ne peut être qu'une illusion, un fantasme de mon pauvre cerveau fatigué. J'ai quasi fini de remettre mes vêtements. J'en suis à la chemise qui a souffert dans ce combat sexuel. Je prends ma baguette et lance un sort pour la réparer. Elle reprend du coup son aspect originel.

Je jette un coup d’œil à Khelia pour voir où elle en est. Je sais que je n'ai plus qu'une ou deux minutes pour fixer son souvenir dans ma mémoire. J'admire une dernière fois, la blondeur de sa chevelure dans laquelle j'aimais tant jouer avec mes doigts. Je scrute ses formes qui m'ont toujours fait perdre la tête. Pour ma personne, elle incarne la perfection. Pas seulement à cause de son physique, mais également parce qu'elle est. Comme j'aime à le dire de façon affectueuse, une douce idiote. Comme le sont les filles amoureuses d'un abruti comme moi

Il est temps que je m'arrache à cette contemplation qui ne fait que perdurer la souffrance qui s'incruste encore plus dans mon esprit. Il faut que je fuie cette pièce. J'étouffe. Et je sais que sinon je vais me perdre encore plus. Non, je ne dois pas y songer. Il faut que je me tienne à ce que j'ai dit. Parce que je suis persuadé qu'elle va me rire au nez et me rejeter si je lui propose cette suggestion folle. En particulier à cause de la façon dont je l'ai traité lors de nos échanges.

C'est donc sans me retourner que je me dirige vers la porte. Je ne lui lancerai pas un dernier regard, cela ne servirait absolument rien. Au moment où je pose ma main sur la poignée, je ne peux m'empêcher de lui dire :

- Khelia n'oublie pas quoique qu'il se soit passé ici, cela ne change rien en ce qui concerne nous deux.

Je n'ai pas attendu qu'elle proteste ou qu'elle tente de me convaincre du contraire. J'ai tourné le bouton et j'ai franchi cette satanée porte comme si cet intermède n'avait jamais existé. Je n'avais pas d'autre possibilité pour tenter de reprendre le cours de mon existence et de tenter d'avancer...

Fin du RP