Depuis quelques jours, de nouveaux murmures avaient envahis les couloirs de Poudlard. Par définition, l’école de magie, remplie de jeunes sorciers, grouillait sans cesse de rumeurs, discussions et autres potins plus ou moins réalistes. C’était un passage obligé, un fait inévitable et nul doute que les lieux n’auraient pas été les mêmes sans ça. Certains s’en seraient bien passés, Erin ne pouvait que comprendre pourquoi, encore plus maintenant qu’elle craignait plus que tout de voir son secret être la raison des bruits de couloir, mais il fallait bien admettre que cela rendait les couloirs de pierre plus vivants. Surtout quand les faits discutés étaient positifs et non répétés et amplifiés pour détruire une réputation. Pour une fois, la rumeur avait retenu l’attention de la Serdaigle. Cette fois-ci, il s’agissait de l’arrivée d’une nouvelle intervenante dans un des cours du cursus d’arts magiques qui faisait parler tous les élèves. Le corps professoral de Poudlard ne changeant pas souvent, chaque arrivée, même provisoire était un petit évènement en soi qui ne laissait personne indifférent. Les spéculations allaient bon train jusqu’au cours concerné et continuait encore après, le temps que tout le monde partage son avis. Habituellement, Erin ne prêtait pas beaucoup d’attention aux rumeurs. Oh, comme la plupart des sorcières, elle était curieuse de savoir ce qu’il se passait dans son école et aimait échanger quelques potins avec ses amis, parfois ça pouvait même lui servir avec son rôle de préfète, mais elle n’avait pas plus de temps que ça à y investir. D’une oreille distraite, elle avait écouté ses camarades de maison parler de la nouvelle intervenante en des termes plus que positifs. Apparemment, le cours avait eu son petit succès, surtout que la sorcière qui le dispensait n’était autre qu’une ancienne élève qui n’avait pas quitté les bancs de Poudlard depuis si longtemps que ça : Alcyone Greengrass.

Ce fut à partir de ce moment-là que la française s’était montrée plus attentive à ce qu’il se racontait. Elle avait fréquenté Alcyone pendant leur scolarité en commun et elle avait rapidement appris à apprécier la jeune femme. Leurs caractères étaient parfois assez différents, mais ça ne les avait pas empêchés de se lier. Erin devait admettre avec une certaine gêne que cela faisait un moment qu’elle n’avait pas pensé à son amie en dehors des rares hiboux qu’elles avaient échangés ces derniers mois. Elle se sentait un peu honteuse d’avoir délaissé leur amitié de la sorte. Depuis la morsure elle avait du mal à garder la tête hors de l’eau, tenter de garder le contrôle de son existence était plus difficile que jamais et elle avait le sentiment qu’elle ne s’en sortirait jamais. Certaines de ses relations en avait pâti. Comme celle avec Alcyone pour ne citer qu’elle. Ainsi, elle avait prêté attention à ce qu’il se disait et avait été satisfaite de voir que la Greengrass semblait parfaitement évoluer en dehors de Poudlard. Elle se souvenait que la sorcière créait déjà des bijoux enchantés pendant ses études et fut admirative d’apprendre qu’elle tenait désormais sa propre boutique où elle présentait ses créations. A n’en pas douter, Alcyone se faisait une place dans le monde et son chemin n’était pas terminé. Le fait qu’elle ait été contacté par la direction de Poudlard pour intervenir en cours devant des étudiants était la preuve qu’elle s’en sortait bien. Très bien, même. Un instant, une pointe de tristesse avait traversé le cœur de la Serdaigle sans qu’elle ne puisse l’empêcher. Ce type d’existence, faite de succès et de projets réussis, c’était ce à quoi elle aspirait avant sa morsure, ce qu’elle pensait qui l’attendait. Désormais, elle n’était plus sûre de rien et c’était terriblement difficile à vivre.

Néanmoins, Erin avait choisi de se concentrer sur le positif. Elle avait bien assez de problèmes comme ça, il était inutile qu’elle se mine le moral seule avec des aspects de sa vie sur lesquels elle n’avait plus réellement de contrôle. Son amie réussissait, ça devait être célébré, pas jalousé. C’était ça le plus important : la réussite d’Alcyone. La française s’était donc tournée vers ses camarades pour en apprendre plus sur la boutique de la Greengrass : l’Atelier des Pléiades. Rapidement, elle avait décidé qu’elle devait à tout prix s’y rendre. Déjà parce qu’il lui semblait important de soutenir Alcyone dans ce qu’elle faisait. Ensuite parce qu’elle était réellement curieuse de découvrir sa boutique et les bijoux qu’elle avait créé depuis la dernière fois qu’elles s’étaient vues. Et enfin, pour une raison un peu plus personnelle et difficile à avouer. Erin se souvenait des créations de la sorcière, il lui était même arrivé de lui passer commande tellement ses bijoux lui plaisaient, elle se souvenait des sorts qu’elle y associait, de tout ce qu’elle parvenait à créer. Elle avait entendu dire qu’Alcyone avait perfectionné son art, ce qui n’était guère étonnant, et Erin se demandait si certaines de ses œuvres pouvaient l’aider avec sa nouvelle condition de semi-louve. La Serdaigle ne savait pas si ce serait le cas, mais elle se disait qu’elle devait tenter le tout pour le tout. La prochaine pleine lune n’était pas pour tout de suite, mais elle approchait et Erin pouvait commencer à sentir les premiers effets sur ses émotions. Elle tentait de garder espoir de trouver un jour quelque chose pour l’aider. Erin ignorait comment elle allait faire une fois face à la sorcière, elle doutait de pouvoir obtenir de l’aide tout en lui cachant l’étendue de son problème et cette perspective la tétanisait de crainte. Mais s’il y avait la moindre chance que les créations d’Alcyone puissent l’aider, alors elle ne devait surtout pas la laisser passer. Elle n’aurait plus qu’à espérer que son amie la croit, et surtout, que cela ne condamne pas leur amitié.

Ainsi, Erin avait profité d’un samedi un peu plus calme qu’un autre pour se rendre à l’Atelier des Pléiades. Comme toujours, elle n’avait rien laissé au hasard et avait soigneusement planifié sa visite sans pour autant la cacher. Quand Balthazar lui avait demandé si elle voulait qu’il l’accompagne, elle avait poliment décliné. Le cœur serré de devoir le repousser une fois de plus, elle avait argué qu’elle comptait juste se rendre dans une boutique de bijoux et discuter un peu avec une amie, rien qui ne serait particulièrement palpitant aux yeux du Poufsouffle. Inutile qu’il ne vienne pour s’ennuyer, et ainsi elle avait l’espoir de pouvoir révéler ce qui était nécessaire à Alcyone. Du moins, si la peur ne prenait pas le dessus. Ce fut donc avec cet objectif en tête qu’une fois la fin de journée arrivée, Erin transplana jusqu’à Londres et se rendit sur le Chemin de Traverse, là où la boutique était installée. Snobant les autres devantures, la française s’arrêta devant celle de l’Atelier qu’elle observa un instant avec des yeux brillants. Les bijoux étaient exposés avec soin, certains dévoilant leurs capacités magiques, d’autres conservant leurs secrets pour piquer la curiosité. Le rendu était intriguant et incontestablement attirant. D’ailleurs deux clientes sortirent, chacune dotée d’un grand sourire et d’un petit sac contenant certainement des bijoux. Les affaires marchaient bien. Levant les yeux, Erin observa l’intérieur de la boutique, s’assurant que celle-ci était vide ou presque. De l’autre côté des lieux elle pouvait apercevoir Alcyone en train d’encaisser un client, certainement un des derniers de la journée. Il fallait dire qu’il ne restait qu’une dizaine de minutes avant l’heure de fermeture du magasin, ce qui était exactement ce qu’Erin avait voulu. Elle avait eu besoin de s’assurer que personne d’autre ne serait là pour entendre ce qu’elle avait à dire, le moment de la fermeture serait parfait pour ça. Elle espérait qu’Alcyone n’allait pas trop lui en vouloir.

Une fois entrée dans l’Atelier, la Serdaigle flâna un instant entre les différents présentoirs, posant ses prunelles bleutées pleine d’admiration sur les bijoux créés par Alcyone. Il y avait une diversité de créations folle avec toutes pour point commun leu beauté. En d’autres circonstance, Erin savait qu’elle aurait craqué sans hésiter. Il y avait un joli collier qui lui faisait de l’œil et une paire de boucles d’oreilles qui attira son attention plus que de raison. En attendant qu’Alcyone ait terminé avec son dernier client, elle parcouru ainsi la boutique jusqu’à ce que la sorcière s’approche d’elle. « Bonjour Alcyone. » Souffla-t-elle doucement alors que la cloche de la porte d’entrée tintait sur le passage du sorcier. Erin resta plantée là un peu bêtement, n’osant pas avancer vers la jeune femme. Elle ne savait pas trop où en était leur amitié et ne préféra pas faire d’impair en tentant de la serrer dans ses bras. A la place, elle épousa les lieux du regard et afficha un grand sourire. « C’est une très belle boutique que tu as là. Je regrette de ne pas avoir pris le temps de venir plus tôt. » Lança-t-elle avec sincérité. Elle était vraiment admirative du travail abattu par sa camarade. Son projet était désormais une réalité et ça faisait plaisir à voir. « Quoi que, c’est sûrement mieux pour mon compte en banque. » Oh oui, vu la beauté des créations d’Alcyone c’était clairement plus sage qu’elle ne vienne pas trop souvent sinon les Gallions allaient lui filer entre les doigts. Erin sentait qu’elle aurait bien trop envie de craquer. Cependant, ce n’était pas ça son objectif du jour, elle ne devait pas l’oublier. Se souvenant des dires de ses camarades Serdaigles sur les différentes créations d’Alcyone, elle reprit. « J’ai entendu dire que tu ne faisais pas que des bijoux enchantés traditionnels, c’est vrai ? » Erin avait entendu parlé de bijoux défensifs ou offensifs et même d’amulette, elle espérait que dans toutes ces créations plus originales les unes que les autres, elle pourrait trouver celle en capacité de l’aider.

Habituellement, les samedis d’Erin se ressemblaient tous plus ou moins. Enfin, sauf quand elle avait des plans de prévus avec Balthazar, Evan ou ses amis. Mais ça, elle devait bien reconnaitre que ça arrivait de moins en moins souvent. Elle l’aurait bien expliqué par le fait qu’étant en quatrième année de droit magique, elle croulait sous les devoirs, les révisions et les obligations, mais la vérité c’était surtout que depuis juillet elle mettait une distance entre elle et les autres. Une des conséquences imprévues de sa morsure mais certainement une des plus difficiles à vivre. Enfin, non, tout ce qui avait découlé de cette terrible nuit de juillet était difficile à vivre. La française doutait d’y voir un jour le moindre aspect positif. Kesabel avait beau lui vanter la nature de loup-garou, elle ne comprenait absolument pas son point de vue, mais avait bien trop peur de l’insulter de nouveau involontairement pour partager son avis avec lui. De toute façon, il le devinait déjà certainement sans qu’elle ait besoin de lui dire quoi que ce soit. Ce samedi était donc différent des autres. Cette fois, Erin ne comptait pas passer sa journée dans la bibliothèque ou dans un fauteuil de la salle commune des Serdaigles, le nez plongé dans ses bouquins de droit. Ce n’était pas le travail qui lui manquait, loin de là, elle était dans une filière exigeante et était encore plus exigeante envers elle-même, mais cette fois, elle avait décidé qu’il était temps qu’elle se penche sur un autre problème. Ce problème qu’elle tentait par tous les moyens d’oublier après chaque pleine lune : sa morsure et ses effets. Ce qui avait un impact sur ses études d’ailleurs, puisqu’au fur et à mesure que l’astre devenait rond dans le ciel, sa capacité de concentration et sa patience se faisaient plus rares, alors au final tout était connecté.

Ce fut la première intervention d’Alcyone au sein de Poudlard qui l’avait poussé à chambouler ses plans et à enfin tenter de trouver une solution pour mieux vivre les pleines lunes. Il fallait dire que le premier cours de l’ancienne Serpentarde n’était pas passé inaperçu et que les étudiants semblaient déjà conquis par ce qu’elle avait pu leur transmettre. Erin n’avait pas vraiment été étonnée, Alcyone avait toujours été une sorcière talentueuse. Elle n’avait pas été surprise non plus d’apprendre qu’elle avait continué sa voie dans la confection de bijoux magiques et c’était ce qui lui avait donné l’idée d’aller la voir. En souvenir de leur amitié, qu’elle espérait encore pouvoir raviver même si elle savait qu’elle était l’unique responsable du silence entre elles, et pour lui montrer qu’elle était réellement fière du chemin qu’elle parcourait. Mais aussi parce qu’elle se demandait si la Greengrass pourrait l’aider. Erin se souvenait des bijoux qu’elle créait, et surtout des sortilèges qu’elle y appliquait. De ce qu’elle avait compris en discutant avec quelques camarades, l’ancienne Serpentarde n’avait cessé de développer ses créations pour leurs donner de nouvelles capacités. Peut-être qu’elle proposait des bijoux capables d’apaiser les nerfs, d’améliorer la patience ou d’encourager le sommeil. Quelques-unes des nombreuses choses dont Erin avait besoin à l’approche de la pleine lune. Mais pas les seules. La française le savait, si elle souhaitait que son amie puisse l’aider, elle allait devoir se montrer sincère envers elle et tout lui raconter. L’agression, la morsure, son état depuis cette nuit, elle ne devait rien occulter. La moindre information pouvant être précieuse, et surtout utile, elle le savait. Cette idée était cependant bien loin de rendre la perspective de cette discussion moins effrayante. Mais elle devait en passer par là si elle voulait obtenir l’aide d’Alcyone, lui mentir serait particulièrement contreproductif, et aussi insultant pour leur amitié. La sorcière méritait mieux que ça.

Tout ça était tout de même bien loin d’apaiser la nervosité d’Erin alors qu’elle se trouvait enfin devant la boutique ouverte par l’ancienne étudiante. L’atelier des Pléiades, la française se demandait comment elle avait pu manquer ça. Elle avait été une bien piètre amie ces derniers temps, son ignorance à ce sujet en était la preuve. Elle était cependant bien contente de voir que la boutique de son amie était à la hauteur de son talent et qu’elle s’était faite une place sur le Chemin de Traverse. La devanture était magnifique et la Serdaigle passa de longues minutes à en observer chaque recoin, s’émerveillant devant chaque création exposée. Il n’y avait pas de doute à avoir, Alcyone n’avait rien perdu de son talent ou de sa créativité. En fait, ils avaient même explosé. Une fois entrée dans l’Atelier, Erin avait déambulé en attendant que la Greengrass termine de servir son client. Revoir son amie lui faisait plaisir, mais le temps avait passé, les choses avaient changées et la française se demandait où elles en étaient exactement. Le sourire qui s’afficha sur le visage de son amie la rassura tout de même. « Erin ! Ca fait plaisir de te voir ! » La française sentit son cœur se gonfler de joie alors qu’elle accueillait l’étreinte de son amie. Elle se rendait compte maintenant qu’Alcyone lui avait manqué pendant tout ce temps. Elle ne pouvait malheureusement pas effacer tout ce temps perdu, mais elle se promit de faire mieux à l’avenir. Alcyone méritait mieux qu’une amitié en pointillé. Mais avant tout, elle méritait une foule de compliment pour sa boutique. « Merci, je suis vraiment contente de ce que j’arrive à en faire. » Erin hocha la tête avec un enthousiasme sincère. Alcyone avait raison d’être contente d’elle, et elle pouvait même être plus que ça. Parvenir à ouvrir une boutique si peu de temps après ses études forçait l’admiration. Surtout que de ce qu’en avait vu Erin, son commerce rencontrait un succès mérité. prends ça maman Greengrass « Tu peux ! Tu sais, ta boutique s’est vraiment fait un nom sur le Chemin de Traverse. » S’exclama-t-elle, sincèrement heureuse pour elle. Elle eut un sourire avant de rajouter « Et je ne te parle même pas de l’impression que tu as laissé aux étudiants de Poudlard. » Ah oui, Alcyone avait fait parler d’elle à Poudlard, et ça n’avait été que du positif. Décidemment, côté professionnel, l’ancienne Serpentarde s’en sortait particulièrement bien. Même si ça voulait dire qu’elle mettait clairement en danger le compte en banque de la française avec tous ses beaux bijoux. « Et pour ton compte, t’inquiète pas, je fais des ristournes aux amis. » Un léger rire s’échappa des lèvres de la française. Si Alcyone commençait à lui parler comme ça, elle était fichue. Son banquier n’allait pas tarder à lui envoyer un hibou pour lui taper sur les doigts. « Ne dis pas ça, tu vas me tenter encore plus, c’est mal. » Elle avait beau protester, Erin savait déjà qu’elle allait craquer. Ne serait-ce que pour célébrer le succès de son amie. C’était important de soutenir ses amis.

A la fois poussée par la curiosité, et un peu intéressée égoïstement, Erin interrogea Alcyone sur ses bijoux. Elle connaissait déjà un peu le principe de ses créations ensorcelées, même si ses progrès en la matière étaient indéniables et qu’elle avait hâte d’en voir plus, mais elle était surtout intriguée par ses dernières inventions. Des bijoux offensifs et défensifs, Erin n’avait jamais vu ça. « Oui, c’est par ici. » La blonde suivit sagement son ancienne camarade entre les vitrines, tentant de ne pas laisser ses prunelles trainer sur les autres bijoux exposés. C’était trop de tentation. Mais aussi un exercice difficile. « Ils ont l’air normaux mais ceux-ci par exemple, si tu tires sur le pendentif brusquement, il explose sur ton assaillant pour le paralyser. Là, tu as les amulettes. » Erin se pencha pour mieux voir les créations présentées par Alcyone. Les bijoux ne laissaient rien paraitre des armes qu’ils pouvaient devenir. C’était un concept terriblement intéressant, il était juste encore plus dommage que la situation actuelle du monde magique les force à en arriver là. Au moins l’imagination de la Greengrass se révélait plus utile que jamais. Erin tourna ses prunelles vers les joailleries dont lui parlais la brune. « Là ce sont les amulettes. J’en ai peu, car elles ne sont pas simples à confectionner. Celles exposées absorbent les mauvais sorts qu’on peut te lancer. Leur durée de vie est plus ou moins longue selon l’intensité du sortilège. » Ces bijoux-là étaient moins nombreux mais Erin n’avait pas de mal à deviner pourquoi. Elle s’était toujours beaucoup intéressée aux sortilèges et elle savait d’expérience que ceux utilisés pour créer des amulettes étaient complexes et difficiles à produire. Ce qui ne faisait que la rendre un peu plus admirative du travail de son amie. Elle se tourna vers elle après avoir remarqué un détail qu’elle n’avait pas vu sur les autres bijoux. « Tu utilises les propriétés des pierres, c’est ça ? » Il y avait un collier avec une pierre noire, et un autre doté d’une pierre rosé. En fait, chaque pièce était pourvue d’une roche différente. Erin ne s’y connaissait pas trop en propriété des pierres mais elle savait que chaque sorte avait ses propres vertus et capacités. « Je n’aurais jamais cru tout ça possible, c’est tellement ingénieux, je suis impressionnée Alcyone ! » Souffla-t-elle avec un sifflement admiratif. Erin avait grandi dans l’art, et aimait peindre quand elle en avait le temps alors la créativité des autres, elle savait la reconnaitre à sa juste valeur.

Peut-être qu’Erin observait les bijoux offensifs avec un peu trop d’intérêt, ou peut-être que sa question n’avait pas parue si innocente que ça puisque l’inquiétude vint s’inviter sur les traits d’Alcyone. « Tu as des soucis ? Tu aurais besoin de quelque chose en particulier ? » La française hésita. Pendant quelques secondes, son regard évita celui de son amie pour se poser un peu partout dans la boutique dans un réflexe un brin inutile de s’assurer qu’elles étaient bien seules. C’était le cas, elle y avait veillé avant d’entrer dans la boutique mais elle avait besoin de gagner un peu de temps. Ce qui était aussi complètement inutile. « On peut dire ça comme ça. » Finit-elle par souffler à mi-voix en s’efforçant de choisir ses mots avec soin vu qu’elle hésitait encore sur ce qu’elle se sentait capable de révéler. Des soucis, Erin n’avait que ça en ce moment, si seulement elle avait su qu’une simple fête étudiante bouleverserait toute sa vie, elle serait restée chez elle ce soir-là. Une hésitation plus tard, elle reprit « Est-ce que ça te dérange de fermer d’abord ta boutique pour qu’on puisse discuter ? C’est un peu… Délicat. » Ses prunelles bleutées croisèrent celles d’Alcyone. Si ses calculs étaient bons, l’heure de fermeture de la boutique était désormais arrivée, au moins la sorcière n’aurait pas rogner sur la vie de son commerce. Par contre, Erin n’avait pas pensé à sa vie en dehors de son travail. « Sauf si tu as d’autres choses de prévues bien sûr, je ne veux pas te déranger. » Ajouta-t-elle un peu précipitamment à cette idée. Elle aurait dû y penser, c’était terriblement malpoli de sa part de s’imposer ainsi, elle avait été mieux élevée que ça. La nervosité lui faisait faire n’importe quoi. Heureusement que la pleine lune n’approchait pas, sinon ça aurait été pire encore. Une vraie catastrophe.

Gênée, Erin se rendit compte de tous les faux pas qu’elle enchainait. Elle venait à l’improviste dans la boutique d’Alcyone alors que ça faisait des semaines, des mois même, qu’elle n’avait pas pris de ses nouvelles. Elle attendait de l’aide de sa part alors qu’elle n’avait pas honoré leur amitié depuis ce qui lui semblait une éternité. Et maintenant elle lui demandait de fermer son commerce -et peu importe que l’heure de fermeture soit dépassée- juste pour elle. La française était vraiment une bien piètre amie. « Je suis désolée Alcyone, je débarque ici sans prévenir avec mes problèmes alors que je n’ai pas été une très bonne amie ces derniers temps. » Elle lui adressa un regard d’excuse. « Tu as le droit de me montrer la porte. » Si c’était ce qu’elle choisissait de faire, Erin le comprendrait. Elle l’accepterait.

Le temps défilait et c’était en des instants tel que celui-ci qu’Erin en prenait pleinement la mesure. Certes, elle le voyait bien, les mois qui passaient, les examens qui s’approchaient les années d’études qui s’enchainaient, tout ça elle en était bien consciente, mais c’était aussi toujours un peu pareil. Les études universitaires se suivaient et se ressemblaient un peu, même si elles devenaient de plus en plus complexes au fil des années, tant et si bien que les étudiants avaient souvent l’impression que le temps défilait lentement. Erin en faisait partie, elle avait parfois le sentiment que les semaines et les mois passaient à une lenteur édifiante, souvent parce que ses journées se ressemblaient et étaient rythmées de la même manière. Aller en cours, réviser, se rendre à ses stages, travailler sur ses dossiers… De manière générale, ses journées n’avaient rien de bien exceptionnelles. Jamais elle ne dirait qu’elle s’ennuyait car elle adorait ses études et apprendre toujours de nouvelles choses, mais elle devait bien reconnaitre qu’il y avait là une certaine forme de monotonie. Ce dont, encore une fois, elle ne se plaignait pas. En plus, c’était davantage souligné par une autre réalité : elle n’était pas une sorcière particulièrement aventurière. Les étudiants qui filaient à l’autre bout du monde dès qu’ils en avaient l’occasion, qui se lançaient dans des défis inconsidérés, qui se prenaient de passion pour tout et n’importe quoi d’un jour à l’autre, ce n’était pas elle. Quand elle n’était pas plongée dans ses cours, la française n’allait pas chercher le frisson. En fait, ses activités les plus aventureuses étaient certainement de voyager avec Balthazar ou de grimper sur un balai alors qu’elle ne volait pas franchement bien pour l’aider à s’entrainer au Quidditch. Bon, elle aimait aussi aller à des fêtes et danser jusqu’au bout de la nuit, c’était sa manière à elle de relâcher la pression, mais ça c’était souvent un point commun à tous les étudiants alors ça n’avait pas grand-chose d’exceptionnel. Erin n'était donc pas la plus téméraire, mais ça lui convenait très bien ainsi.

Il n’empêche, que se retrouver dans la boutique tenue par Alcyone lui faisait prendre conscience que le temps passait à toute allure. Ce qu’avait réalisé la sorcière en quelques années à peine était franchement impressionnant. Erin avait l’impression que la veille encore son amie parcourait avec elle les couloirs de Poudlard. Mais ce n’était plus le cas, Alcyone était passée d’étudiante à créatrice qui se faisait un nom et la française n’hésita pas à le lui souligner. Loin de vouloir la flatter, elle ne faisait que présenter la réalité. « Oui, le bouche-à-oreille commence à marcher. Tu imagines ? Cela fait déjà bientôt deux ans que j’ai quitté Poudlard ! L’Atelier va bientôt terminer sa première année. » Deux ans. Deux ans qui avaient défilés sans qu’Erin ne voit rien. Mais surtout deux petites années pendant lesquelles Alcyone avait effectué un parcours que la française trouvait brillant. Elle n’avait jamais douté que son amie rencontrerait le succès, la Greengrass avait toujours eu de l’ambition et les moyens de réussir, mais Erin devait admettre qu’elle ne s’était pas attendue à ce que ce soit si rapide. Ce qui, bien évidemment, la réjouissait pour elle. « Je crois que je commence à me répéter mais je suis vraiment impressionnée Alcyone. » Souffla-t-elle en lançant un nouveau regard circulaire dans la boutique créée et tenue par la jeune femme. Etant elle-même ambitieuse, Erin ne pouvait qu’admirer le chemin parcouru par son amie. Surtout qu’il n’y avait pas que sa boutique, désormais elle intervenait aussi à Poudlard. Donner des cours, transmettre ses connaissances, inspirer les plus jeunes, la Serdaigle avait toujours trouvé que c’était une forme nette de réussite. Et de ce qu’elle avait entendu dans les couloirs, l’intervention d’Alcyone avait rencontré son petit succès. « C’est vrai ? » La blonde hocha la tête avec enthousiasme. Elle n’avait pas assisté à ce cours, n’étant pas dans une filière concernée, mais les étudiants avec qui elle avait discuté avaient semblé vraiment emballés. Ce qui ne l’avait pas étonné. « Oh oui ! Je crois qu’ils ont hâte de voir ta prochaine intervention. » Ce qui était un excellent signe lorsqu’on parlait d’étudiants. Alcyone devait encore s’en souvenir parfaitement, l’époque de ses études n’était pas si lointaine que ça. « Si tu savais… j’étais morte de peur. » Erin eut un sourire compatissant. Elle ne pouvait que l’imaginer et la comprendre, son amie restait une toute jeune professionnelle. Mais justement, si la direction de Poudlard avait fait appel à elle, c’était qu’ils l’avaient jugé à la hauteur. « Eh bien sache que ça ne s’est pas vu ! Tu en as inspiré plus d’un. » Lui confirma-t-elle avec un grand sourire.

Le succès qu’Alcyone avait rencontré à Poudlard n’était en réalité pas grand chose en comparaison de celui qu’elle avait avec sa boutique. Déjà rien que le fait qu’elle possède sa propre boutique impressionnait Erin. Ca avait beau ne pas être un objectif pour elle étant donné qu’elle se dirigeait vers le métier d’avocate, elle savait que c’était un véritable accomplissement. Et ce n’était vraiment pas volé, il suffisait de voir les créations d’Alcyone pour le comprendre. Sa boutique était un véritable temple de la tentation, Erin pouvait déjà voir son banquier lever les yeux au ciel et son compte en banque demander grâce. Quand elle en fit la remarque à Alcyone, celle-ci eut un rire. « Je penserai à toi pour ton anniversaire en novembre alors ! » Erin lui adressa un grand sourire. Aujourd’hui elle était venue avec un objectif bien spécifique en tête, mais elle savait déjà qu’elle reviendrait et se laisserait tenter.

Il fallait dire qu’il y avait de quoi craquer dans la boutique d’Alcyone. Il y avait un moment qu’Erin n’avait pas poser les yeux sur ses créations, mais elle n’avait clairement pas perdu de son talent. Tout était beau et donnait envie de craquer. Le fait que les bijoux soient enchantés apportaient un vrai plus et attisait la curiosité de la Serdaigle. A chaque nouveau bijou, elle se demandait quels secrets il cachait et devait se retenir pour ne pas interroger Alcyone toutes les deux minutes. Elle fut plus ébahie encore quand la sorcière lui présenta ses dernières créations. Des bijoux offensifs et des amulettes, décidemment la brune ne manquait pas de créativité. Erin était particulièrement intriguée par les pierres de certaines pièces et demanda à Alcyone si elle utilisait leur propriétés. « Oui, tout à fait. Je dois reconnaître que j’ai l’aide d’une amie sur ce sujet. Elle m’a appris beaucoup de choses. J’avais l’idée, mais pas les connaissances. » Erin hocha la tête, songeuse. Elle n’y connaissait pas grand-chose, elle devait l’avouer, elle était bien plus cérébrale que manuelle et tout ce qui touchait aux formes de magie un peu différents n’étaient pas de son expertise. Mais elle était curieuse, en bonne Serdaigle, il n’y avait pas besoin de grand-chose pour piquer son envie de tout comprendre. Et les bijoux d’Alcyone, parés de leurs pierres colorées, en faisaient partie. « Un jour on se posera autour d’un thé ou d’un café et tu m’expliqueras tout ça, si ça te dit. Je suis vraiment curieuse. » Proposa-t-elle à la jeune sorcière. Elle avait hâte d’en apprendre plus, réellement, mais pour le moment c’était tout autre chose qui préoccupait Erin, et Alcyone ne tarda pas à le comprendre. Consciente qu’elle avait besoin d’aborder un sujet difficile pour elle, la française lui demanda si elle était d’accord pour fermer d’abord sa boutique et s’en voulu presque aussitôt de débarquer et d’exiger ça de son amie. Erin le savait, elle n’avait pas été la meilleure des amies depuis quelques temps. « Je ne suis plus à Poudlard, c’est moins facile, mais pour autant, tu restes une amie. Je n’ai pas plus été très présente ces derniers temps. Disons que nous sommes ex aequo, d’accord ? » A ces mots, la Serdaigle sentit une partie du poids qu’elle avait sur la poitrine s’envoler. Les paroles d’Alcyone la rassurèrent. Ca ne lui enlevait pas de la tête qu’elle n’avait pas été une très bonne amie, mais c’était déjà ça. « Merci Alcyone. » Lui glissa-t-elle avec soulagement tout en se promettant de faire mieux à l’avenir.

Un peu plus apaisée, Erin regarda son amie fermer sa boutique et lancer les sortilèges nécessaires. « Viens, j’ai un petit bureau derrière ! » Presque à regret, la blonde quitta les présentoirs tentateurs du regard pour suivre la sorcière à travers une porte au fond de la boutique. Elles débouchèrent sur un bureau décoré avec goût, ce qui n’étonna absolument pas la Serdaigle, après tout c’était le bureau d’Alcyone. « Installe-toi ! Je t’offre à boire ? » Erin alla s’installer sur un des fauteuils confortables désigné par son amie et déposa son petit sac à ses pieds. « Si je fais la professionnelle, je te propose un thé ou un café. Mais sinon, j’ai du vin blanc. Il vient de France, en plus. Petit Chablis. » La Serdaigle ne put retenir un léger rire, surtout en voyant Alcyone avec la bouteille à la main. Elle avait presque oublié que son amie aimait autant faire la fête qu’elle. Une activité à laquelle Erin ne s’était pas adonnée depuis longtemps, ce qui était plutôt normal étant donné la manière dont avait fini sa dernière soirée festive. « Je vois que tu sais toujours me parler. Un vin blanc français, comment résister ? » Elle eut un sourire et l’impression agréable que la complicité qui les avait liés par le passé était toujours bien vivante et présente entre elles. « Allons pour le verre de vin, je crois que je vais en avoir besoin. » Un peu d’alcool pour se donner du courage, ce ne serait vraiment pas de trop. « Et puis tu as terminé ta journée, tu n’as pas besoin de jouer les professionnelles avec moi. » Conclut-elle dans un sourire. Elle avait besoin de son expertise professionnelle, mais étant donné ce qu’elle avait à lui dire, Erin avait aussi besoin d’une amie. Le vin serait parfait. Apparemment Alcyone n’avait rien à redire contre ce choix puisqu’elle revint avec deux verres et ouvrit la bouteille. « Merci. » Lorsqu’elles trinquèrent, Erin lui adressa un regard reconnaissant.

La française observa son amie s’installer en face d’elle. « Alors, qu’est-ce qu’il se passe ? » Un instant, Erin fit tourner son verre entre ses doigts. Voilà, elles y étaient. Ou plutôt, elle y était. Le moment qu’elle redoutait était un arrivé, c’était un passage obligé si elle voulait recevoir un peu d’aide, mais ce n’était pas facile pour autant, loin de là. La Serdaigle avait beau savoir que si elle était venue, c’était aussi pour parler de sa condition à Alcyone, elle avait tout de même du mal à s’y résoudre. Cela faisait des mois qu’elle taisait ce secret, qu’elle le protégeait au risque de s’éloigner de ses proches, alors prendre la parole était difficile. « Je… Hum… » Les mots ne venaient pas facilement. Pour se donner un peu de courage, elle prit une gorgée de vin, tout en sachant que ça ne suffirait pas et que se faire tourner la tête serait sûrement la pire des idées. Il valait mieux qu’elle garde les idées claires pour expliquer au mieux ce qui lui arrivait. Elle prit une profonde inspiration et leva ses prunelles bleutées sur Alcyone. « Il faut que tu saches que tu es la première à qui j’en parle. Seul mon frère, Evan, est au courant alors… C’est un peu compliqué. » Commença-t-elle d’une voix incertaine. Il y avait aussi les membres de la meute Greyback, mais c’était des inconnus alors ça ne comptait pas pareil. Et puis Aidan, mais cette fois c’était lui qui avait percé son secret à jour. C’était la première fois qu’Erin dévoilait réellement son secret à quelqu’un, volontairement. Elle s’efforça de reprendre. « En juillet dernier, je suis allée à une fête près de la forêt de Pré-au-lard et quand je me suis un peu éloignée pour prendre l’air, j’ai… Hum… » De nouveau, elle perdit les mots qu’elle voulait prononcer. L’espace d’une seconde elle eut la pensée stupide qu’elle aurait dû s’entrainer, se préparer, que c’était ainsi qu’elle fonctionnait le mieux. Une idée parfaitement inutile face à la nervosité qu’elle ressentait en cet instant. Elle déglutit et se força à continuer. « On m’a attaqué. » Non, ce n’était pas exactement ça. Ce n’était pas assez. Les yeux baissés sur son verre, Erin s’efforça s’effacer de son esprit l’image d’une Elise épouvantée qui l’avait accusé d’être un loup-garou. Elle craignait plus que tout qu’Alcyone partage sa réaction. Une seconde, elle envisagea de se rétracter et de prendre la fuite, mais elle avait besoin d’aide et elle savait qu’elle n’avait pas d’autre choix que de continuer. Elle ignora son cœur qui battait furieusement dans sa poitrine. « J’ai été mordue par un loup-garou. Même si ce n’était pas la pleine lune et qu’il n’était pas complètement transformé… Il m’a mordu. » Non, ce n’était pas logique, ça n’aurait pas dû être possible, mais il en avait été ainsi. Elle tenta un bref coup d’œil vers Alcyone mais été trop nerveuse pour affronter son regard. « Depuis, à chaque pleine lune, c’est le bazar dans ma tête, et encore plus avec mes émotions. Je ne contrôle plus rien et… J’ai besoin d’aide. » Et elle espérait qu’avec ses créations, Alcyone pourrait être celle qui l’aiderait.

Venir rendre visite à Alcyone à l’atelier n’avait rien de simple. Pourtant les deux sorcières étaient amies depuis un moment, des années mêmes. Et si Erin savait que depuis quelques mois elle ne concourrait pas vraiment au titre de l’amie modèle, elle savait également que l’ancienne Serpentarde avait un bon fond et que la distance qui s’était créée entre elle pourrait être comblée sans trop de difficulté. Il fallait dire qu’il était facile d’être amie avec Alcyone, c’était une des choses qu’Erin avait toujours aimés chez la Greengrass. C’était facile d’être son amie, de discuter avec elle, de s’amuser avec elle. Alcyone était une personne que la française aimait avoir dans sa vie, même si ces derniers temps ça avait été moins le cas qu’elle l’aurait aimé -par sa propre faute. Pourtant elle ne pouvait s’empêcher de redouter cette visite, et la conversation qu’elle avait prévu d’avoir avec la sorcière. Parce qu’elle ne venait pas simplement la voir dans sa boutique pour découvrir les lieux, pour la couvrir de compliments suite à sa récente intervention auprès des étudiants de Poudlard, ou juste pour rattraper un peu le temps perdu. Elle venait avec un objectif précis, des questions plein la tête et des appréhensions encore plus nombreuses. Oh, la française aurait préféré se rendre à l’atelier des Pléiades juste pour le plaisir de discuter un peu, ce n’était pas l’envie qui lui manquait, loin de là, mais c’était un luxe qu’Erin ne pouvait pas vraiment s’offrir. Pas quand il y avait des sujets plus pressants et infiniment plus sérieux qu’elle devait traiter d’abord. Elle ne pouvait pas rester à papoter des créations de la jeune Greengrass pendant des heures, même si là encore ce n’était pas l’envie à Erin qui manquait vu comment elle était fascinée par tout ce que créait son amie, du moins pas tant qu’elle ne lui avait pas d’abord parlé des problèmes qu’elle rencontrait depuis cette funeste nuit de juillet.

Ce fut donc avec un fort sentiment d’appréhension accroché à l’estomac qu’Erin suivit Alcyone jusqu’à son bureau. Elle avait un peu le sentiment qu’elle se rendait à la potence, sauf que cette fois c’était de son propre chef. C’était elle qui avait provoqué cette discussion et maintenant elle devait aller jusqu’au bout. Du moins, elle espérait en avoir la force. Elle était là pour voir si Alcyone pouvait l’aider, renoncer à la dernière minute, laisser la crainte gagner, ne serait pas pour l’aider. C’était tentant, terriblement tentant, Erin n’allait pas dire le contraire. Après tout, elle n’était pas une brave Gryffondor, elle n’avait pas le cœur plein de courage et plus de bravoure qu’elle ne savait qu’en faire. Elle était une intellectuelle, une Serdaigle érudite, alors bien sûr son esprit habitué à la réflexion réfléchissait déjà à tout ce qui pouvait mal tourner et à tout ce qu’elle risquait en venant parler à Alcyone. Cependant son esprit affuté savait aussi qu’elle n’avait pas vraiment d’autre choix, que si elle n’avait pas réussi à trouver de solution seule, alors elle devait se tourner vers les autres. Elle l’avait fait en se tournant vers des inconnus, Kesabel et sa meute, qui avait déjà répondu à quelques-unes de ses questions, maintenant il était temps de se tourner vers quelqu’un qu’elle connaissait, et surtout dont elle connaissait les capacités. Ca n’avait rien de simple, c’était même peut-être encore plus dur de se retrouver face à un visage amical qu’à un visage inconnu, alors Erin accepta sans hésitation le verre que la Greengrass lui proposa, penchant tout naturellement vers le vin blanc français. « Je te rends responsable de mon addiction aux vins français, c’est de ta faute si je les connais si bien à présent ! » La Serdaigle eut un léger rire, sincère bien qu’un peu nerveux. Elle en avait presque oublié à quel point la présence d’Alcyone lui faisait du bien et elle était heureuse de la retrouver, même si elle aurait préféré que les circonstances soient différentes. A son clin d’œil, Erin répondit par un sourire. « J’assume totalement, et tu sais quoi j’en suis même un peu fière. » Elle ponctua sa réponse d’un petit haussement de sourcils et accepta le verre bien servi qu’Alcyone lui tendit. Elle apprécia la jolie robe du vin français avant d’ajouter. « Un jour tu viendras me rendre visite en France et on fera le tour des petits vignobles de Bourgogne, tu vas adorer. » Comme pour signer ses mots, elle leva son verre vers l’anglaise.

Maintenant qu’elle y était, que c’était le moment de sauter ou de reculer, Erin songeait que l’alcool était plus que bienvenu. Oh, elle n’avait aucune intention d’en abuser -quoi que cela faisait si longtemps qu’elle n’avait pas fait la fête que ça lui aurait peut-être fait du bien de se lâcher, et elle savait Alcyone la compagnonne parfaite pour ça, mais ce n’était pas le moment- juste d’y trouver un peu de courage pour aider les mots à sortir. Ce n’était pas un exercice simple, bien au contraire. A part les loups qu’elle était allé trouver, et Aidan qui avait deviné par lui-même, elle n’avait dévoilé à personne ce qui lui était arrivé. Evan ne comptait pas étant donné que c’était lui qui l’avait sauvé dans les bois, tout comme Marigold qui était celle qui l’avait soigné. Parler était difficile et elle ressentit le besoin de préciser à Alcyone qu’elle serait la première vraiment mise dans la confidence. « Rien ne sortira de ce bureau, sois en sûre. » Erin hocha doucement la tête, éclat de soulagement dans ses prunelles bleutées. En ça, elle faisait une confiance totale à Alcyone, elle savait qu’elle pouvait compter sur sa discrétion. « Merci. » Souffla-t-elle à mi-voix. Elle n’avait pas osé demander cette faveur, pourtant évidente, à la jeune sorcière, alors elle était contente de voir que cette promesse venait d’elle. Les yeux fixés sur son verre de vin qu’elle tournait machinalement entre ses doigts, Erin se força à aller au bout de son récit. C’était fou comme un évènement aussi dramatique, qui avait eu un impact considérable sur son existence, pouvait être résumé en quelques phrase. Le cœur battant à tout rompre, elle expliqua en quelques mots son attaque et une fois les derniers mots prononcé, elle attendit avec une appréhension terrible la réaction qu’Alcyone allait avoir.

Son amie allait-elle prendre peur ? La traiter de menteuse ? Remettre en cause tout ce qu’elle venait de lui raconter ? Ou tout simplement laisser un air de dégout se peindre sur ses traits délicats ? Erin n’en savait rien et c’était ça le plus terrible. Elle avait beau connaitre la Greengrass, elle savait que c’était le genre de révélation qui pouvait tout changer. Comme ça avait été le cas avec Elise. Qu’elle connaisse sa cousine depuis toujours n’avait rien changé au mépris qui s’était lu sur ses traits quand elle l’avait accusé d’être un loup-garou. « Oh Merlin… » Sans oser lever les yeux vers son amie, Erin pinça les lèvres. Elle y était. Elle avait tout dévoilé, faire demi-tour n’était plus possible désormais, c’était trop tard. « Je ne sais même pas quoi te dire pour te consoler… Je ne savais même pas que cela était possible. Comment tu as réussi à t’échapper ? » La française expira longuement et osa enfin relever le visage vers Alcyone avec hésitation. Elle n’y découvrir aucune expression de peur ou de dégoût, ce qui la soulagea immédiatement. Oh, ce n’était pas assez pour lui ôter toute crainte ou nervosité, mais c’était déjà ça. « Tu n’as pas besoin de dire quelque chose… » Souffla-t-elle en haussant les épaules. Il n’y avait rien à dire, pas de moyen de la consoler. C’était ainsi depuis des mois et Erin savait que rien ne pourrait alléger son fardeau. « Evan était là… Il a dû me suivre. Il a réussi à nous faire transplaner, le reste je ne m’en souviens pas trop. » Elle savait qu’il l’avait emmené à Sainte Mangouste où elle avait été soignée par Marigold Prewett, puis transporté dans leur appartement de Londres dès que cela avait été possible. Le reste elle ne s’en souvenait pas trop, elle avait passé les semaines suivantes rongée par la fièvre et la douleur. Ce n’était sûrement pas plus mal que ses souvenirs soient flous.

« Si je comprends bien, il t’a mordu et ce n’était pas la pleine lune. Mais la lune influence tes émotions malgré tout. » La française hocha lentement la tête avant de prendre une gorgée de vin. Elle prit soin de boire peu et lentement, elle voulait garder les idées claires. Alcyone faisait un résumé bref mais complet. « C’est ça. » Acquiesça-t-elle. En plus d’avoir une cicatrice qui ne partirait pas sur les côtes, elle subissait les effets de la pleine lune. Comme si le traumatisme de son attaque n’était pas suffisant. « J’imagine que le tue-loup n’est pas adapté à ta situation ? » Cette fois, la blonde secoua la tête dans l’autre sens. Elle avait bien retenu l’avertissement de Kesabel, sa situation était unique et il était fort possible que l’utilisation d’une potion tue-loup lui fasse plus de mal que de bien. Evidemment. Comme si tout le reste ne suffisait pas, il fallait qu’Erin se retrouve sans solution pour la soulager des effets de la pleine lune. « Je suis tellement désolée pour toi… » A ces mots, Erin sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses prunelles fixées sur le liquide dans son verre, elle pinça farouchement les lèvres pour s’empêcher de pleurer. Elle avait versé assez de larmes comme ça, ça ne changerait rien. Elle devait se montrer plus forte, plus persévérante, mais c’était terriblement difficile. Heureusement, Alcyone lui offrit quelques instants de répit en se levant pour aller chercher quelques choses. Erin s’aperçut quand elle revint que c’était un cahier de notes à l’aspect plus que bien rempli. « J’aurais besoin de te poser des questions… Ca ne te dérangera pas ? » La française cligna des yeux, surprise par la tournure que prenait les choses. Elle était venue demander de l’aide, mais elle ne s’était pas forcément attendue à ce que cela paraisse si simple. Elle renifla et passa sa main sur ses yeux pour en effacer les traces de larmes. « Non… Non, vas-y. » Confirma-t-elle après s’être raclé la gorge pour ôter l’âpreté dans sa voix

« Est-ce qu’il y a seulement tes émotions qui sont impactées ? » Pour se laisser le temps de rassembler ses pensées, Erin but une nouvelle fois dans son verre. Elle ne voulait pas présenter un discours décousu à Alcyone, il fallait qu’elle fasse des efforts. En réalité, la question était simple, le tout était d’essayer de ne rien oublier. Elle ne savait pas ce qui pouvait aider la sorcière, alors elle fit de son mieux pour tout lui exposer. « Non. Plus la pleine lune approche et moins je dors, j’enchaine les insomnies, c’est épuisant. » Elle soupira, elle craignait déjà l’approche de la prochaine pleine lune et l’état dans lequel elle allait la mettre. Erin ignorait si elle pourrait tenir encore longtemps comme ça. « J’ai aussi un penchant nouveau pour la viande rouge saignante. » Elle eut une grimace, dire que pendant un temps elle avait songé à devenir végétarienne. Comme c’était ironique. « Et mes sens se font plus développés aussi, les odeurs et les sons surtout, c’est vraiment déstabilisant. Mes réflexes sont meilleurs aussi. » Elle réfléchit à ce qu’il s’était passé en novembre dernier quand Kesabel avait mis à l’épreuve les effets de la lune sur elle. « C’est comme si je pouvais sentir les choses… Une sorte d’instinct, je ne sais pas trop… » Elle retint une nouvelle grimace. Elle ignorait ce que cela faisait d’elle, elle savait juste que ça la rendait moins humaine et cette idée lui faisait franchement peur.

Quand Alcyone tourna son grimoire vers elle, Erin l’interrogea du regard avant d’y poser les yeux. Elle y découvrit le croquis de ce qu’elle devina être une pierre. « Regarde, l’améthyste permet d’apaiser la colère, la peur, les inquiétudes, les angoisses, la tristesse et le chagrin. Mais est-ce que les autres émotions s’accentuent aussi ? La joie ? L’excitation ? Finalement, est-ce que tu vas dans les extrêmes de tous tes sentiments ? » Il fallut quelques secondes à Erin pour retrouver l’usage de sa voix. Alcyone posait les bonnes questions, des questions auxquelles elle-même n’avait pas songé. Ca la forçait à s’interroger, à voir les choses sous un autre angle. Ca lui montrait à quel point elle ne savait rien, ne comprenait rien, de sa nouvelle condition. « Je ne sais pas trop. » Admit-elle, avant de reprendre. « Je ressens surtout tout ce qui est négatif. La pleine lune me met sur les nerfs, je n’ai plus de patience, tout m’énerve, je m’énerve. » Avoua-t-elle avec une pointe de honte. Sans parler de la fatigue causé par ses insomnies et de l’impact que cela avait sur ses émotions. Alcyone la connaissait, elle savait que rien de tout ça ne lui ressemblait et Erin était gêné de savoir qu’elle était devenue ainsi. Ce n’était pas elle. Ce n’était pas qui elle voulait être. « Si les autres émotions sont aussi impactées, je ne le sens pas trop. Peut-être parce que le négatif prend trop de place. » Aussi parce que sa vie n’avait rien de franchement joyeuse en ce moment. Entre les accusations d’Elise, la douleur de son éloignement avec Balthazar, ses questionnements et craintes, tout ça laissait peu de place à la joie et aux moments simples. Mais aurait-ce été vraiment mieux de ressentir les émotions positives de manière amplifié ? Aurait-ce seulement été réel ? Erin ne savait pas quoi en penser.

Actuellement, c’était une autre question qui ne cessait de tourner dans l’esprit de la Serdaigle. Surement à cause de sa manie presque pathologique de tout anticiper, tout analyser. En venant demander l’aide d’Alcyone elle s’était attendue à bien des réactions, mais certainement pas à celle-là. Oh, elle ne s’en plaignait pas, elle préférait ça à la crainte, mais elle pouvait s’empêcher de s’interroger. Elle eut beau tenter de se réfréner, de se dire qu’il valait mieux accepter les choses telles qu’elles se passaient plutôt que de risquer de provoquer une réaction négative, elle reprit tout de même la parole. « Tu, hum… » Elle chercha ses mots mais se rendit vite compte qu’il n’y en avait pas de bons. Ses prunelles croisèrent celles d’Alcyone, de son amie. « Ca ne te fais pas… Peur ? » Parce qu’elle, elle était terrifiée.

Des plans pour le futur, ça faisait bien longtemps qu’Erin n’en n’avait pas fait. Depuis le mois de juillet, depuis la morsure qui avait tout fait basculer, en réalité. Pourtant, des plans, elle en avait toujours eu, un véritable chemin à suivre qui avait toujours pavé son existence. La jeune Delacour avait toujours su ce à quoi elle voulait consacrer son existence. Depuis toute petite, elle était fascinée par le métier d’avocat qu’exerçait son père, par la complexité de ses dossiers, les rouages du droits et la satisfaction de gagner une affaire. Elle avait rapidement compris qu’elle voulait en faire de même, elle voulait suivre les traces de son paternel, alors depuis toujours elle avait fait en sorte que cela lui soit possible. De ses études à Beauxbâtons à son choix de filière à Poudlard. Des heures passées à étudier à la bibliothèque, les nuits blanches à réviser, les examens passés avec brio, les grimoires de droit dévorés au lieu de dormir, elle n’avait rien laissé au hasard. Son futur, Erin avait toujours su comment elle voulait qu’il soit, alors elle avait mis toutes les chances de son côté. Jamais elle n’avait été aussi sûre d’elle, aussi décidée à réussir, à ne surtout pas dévier de son objectif. Jusqu’à ce que tout soit bousculé. Il avait suffi d’une fête de fin d’année, d’une balade dans les bois et tout avait changé. Désormais, ses cotes arboraient des traces de morsure et son avenir lui paraissait plus flou que jamais. Elle qui avait toujours su où elle allait, ignorait désormais de quoi serait fait le lendemain. C’était un constat terrible pour la Serdaigle qui avait toujours eu besoin de tout contrôler, qui avait besoin de savoir où elle allait.

Depuis des mois, Erin ignorait totalement où elle allait, alors quand elle annonça à Alcyone qu’un jour elle lui ferait visiter des vignobles bourguignons, elle en fut la première surprise. Elle ne savait pas de quoi serait fait demain, alors dans trois mois ? C’était impensable. Penser aussi loin lui faisait presque peur tant ce futur lui paraissait indistinct et presque menaçant. Pourtant elle ne revint pas sur ses propos et leva même son verre en direction de la Greengrass. Peut-être dans l’espoir de conjurer le sort. Peut-être que si elle s’autorisait à y croire, les choses iraient enfin mieux pour elle. « Ca, ce n’est pas tombé dans l’oreille d’une sourde ! Tu fais quoi cet été ? » Erin eut un sourire en entendant le rire de la jeune femme. Elle pouvait toujours compter sur Alcyone pour se saisir de la moindre occasion et apporter joie et vitalité autour d’elle. C’était quelque chose qu’elle avait toujours beaucoup apprécié en elle. Ce qui avait lié leur amitié. Sans se laisser le temps de réfléchir -pour une fois- la française répondit aussitôt « Je crois que je visite des vignobles en Bourgogne avec une amie. » Elle haussa un sourcil en direction d’Alcyone. Une amie, c’était bien ça. Même si leur amitié avait connu des temps meilleurs, elle avait envie de la voir renaître, plus forte que jamais. La présence solaire d’Alcyone lui avait manqué, Erin s’en rendait bien compte. « Tu es prise en juillet ? » Ajouta-t-elle dans un sourire en coin. Elle ignorait si ce serait faisable, si ce ne serait ne serait-ce qu’imaginable, mais ça lui faisait du bien de le penser. Comme un objectif à atteindre, l’idée que le futur pourrait être plus doux avec elle et qu’elle pourrait en profiter enfin un peu.

C’était agréable de parler ainsi, de faire des plans sur la comète avec un verre de vin à la main. De discuter avec Alcyone, un sourire aux lèvres, comme si les mois précédents n’avaient pas eu lieu. Que toutes ces épreuves n’avaient pas secouées son existence, que le monde allait bien. Mais malheureusement ce n’était pas le cas, et cet instant de grâce, Erin savait qu’il touchait à sa fin. Elle était là pour une raison et même si soudainement la crainte de dévoiler son secret venait lui enserrer le cœur, elle choisit tout de même d’aller au bout de son idée. Elle avait le sentiment de ne pas avoir d’autre choix, de toute façon. Elle avait besoin d’aide et quelque chose lui disait qu’Alcyone pourrait être cette aide inespérée. Mais pour cela, il fallait lui parler de cette nuit de juillet, de la morsure, des effets de la pleine lune et des temps difficiles qu’elle vivait depuis des mois. Ce fut difficile, encore plus que ce à quoi la française s’était attendue, mais elle parvint à prononcer les mots qu’elle taisait depuis tout ce temps. Elle dévoila tout à Alcyone, luttant contre l’envie de fuir pour ne pas avoir à affronter les conséquences de ses aveux, croisant les doigts pour que son amie comprenne, et surtout, ne prenne pas peur. Il n’y avait plus de demi-tour possible maintenant. Les dés avaient été jetés, Erin n’avait plus d’autre choix que de faire avec. Tout en refusant de laisser les larmes accrochées à ses cils couler le long de ses joues, elle affirma à Alcyone qu’elle n’avait pas à être désolée pour elle, l’anglaise n’y était pour rien. Sa situation était terrible, mais le pire c’était ses émotions qui prenaient le dessus dès que la lune se faisait pleine. La colère, l’impatience qui l’envahissaient. Toutes ces émotions négatives qui ne lui ressemblaient pas et qui la submergeait. Dans ces moments, Erin ne se reconnaissait plus et c’était ça le pire. Peut-être que la lune alimentait ses émotions positives aussi, mais les négatives étaient tellement plus fortes qu’elles prenaient le dessus sur tout le reste. « Nous sommes déjà emmerdées par nos règles, faut que tu tapes la pleine lune en plus… » Erin laissa échapper un bref rire nerveux qui sonna un brin hystérique à ses oreilles. Être une femme ne venait pas qu’avec des avantages, mais là c’était effectivement encore pire. Comme si son cycle ne suffisait pas, il fallait qu’elle s’inquiète aussi de celui de la lune. « Ne m’en parle pas… » Soupira-t-elle à mi-voix, oscillant entre dépit ironique et pur désespoir. « Imagine, les mois où ça tombe en même temps. Un cauchemar. » Pour en avoir déjà fait l’expérience, Erin redoutait d’avance la prochaine fois que ça serait le cas.

C’était terriblement déstabilisant d’avoir tout dévoilé à Alcyone. Erin ne savait pas trop à quoi elle s’était attendue de la part de l’anglaise. Elle savait quelles réactions elle redoutait alors elle s’était toujours interdit d’imaginer ce moment. Comment allait-elle le vivre si Alcyone le vivait aussi mal qu’elle le craignait ? Si, tout comme Elise, elle prenait peur ou était dégoutée par son état ? Erin ne pourrait certainement pas le supporter. Mais la réaction d’Alcyone n’avait rien à voir avec ses plus grandes craintes, bien au contraire, au lieu de s’éloigner d’elle, elle fouillait dans son carnet de note. Alcyone s’était déjà mise au travail et soudainement, même si elle était venue lui demander son aide, Erin ne savait pas quoi faire de ça. Elle était venue pour ça, mais elle ne s’était pas attendue à ce que cela paraisse si facile et c’était déroutant. Sans savoir quoi faire d’autre, la française lui demanda si tout ça ne lui faisait pas peur. Si sa situation n’était pas effrayante, ses aveux pas trop perturbants. « Disons que je n’ai jamais fait ce genre de chose avant, mais je crois… » La Serdaigle cligna des yeux, encore plus déstabilisée. Alcyone faisait fausse route et elle cherchait le courage de le lui expliquer. « Erin… » La blonde fit un bref mouvement de la tête lorsqu’elle comprit qu’Alcyone venait de saisir où elle voulait en venir. Elle ne trouva pas quoi dire mais n’en eut de toute façon pas besoin. Sans un mot, Alcyone s’était levée pour venir la serrer contre elle. D’abord figée, Erin mit un instant à se laisser aller dans les bras de son amie. L’étau fait d’inquiétude et de peur qui lui enserrait le cœur se desserra un peu. Enveloppée de toute l’affection de son amie, elle se sentait un peu plus capable de respirer. Quand Alcyone s’installa à ses côtés, Erin posa sur elle un regard plein de reconnaissance. « Pourquoi j’aurais peur de toi ? Ce qui t’arrive c’est juste… la merde… Mais tu serais devenue un loup-garou que je tenterais de faire ce qu’il faut pour t’aider. » Un faible sourire vint étirer les lèvres de la française. La réaction de son amie lui mettait du baume au cœur. Alcyone était tellement elle-même que soudainement, elle eut la conviction d’avoir fait le bon choix en venant la voir. Toutes ses craintes étaient toujours là, mais l’anglaise parvenait à les étouffer un peu. « C’est juste tellement… Difficile. Même moi je ne comprends pas tout alors… » Alors elle aurait le droit de ne pas comprendre également, de ne rien vouloir à faire avec elle. D’avoir peur, tout simplement. Mais Alcyone était encore là, même maintenant qu’elle savait tout.

« Je suis désolée de ne pas avoir été présente. J’étais tellement absorbée par mes propres problèmes que je n’ai pas été une super amie… Mais je vais faire tout ce que je peux pour t’aider ! » Sa main dans celle d’Alcyone, Erin la serra doucement en secouant la tête. Il ne fallait pas que l’anglaise se sente coupable de quoi que ce soit. Si leur amitié s’était effilochée, elle n’en était pas la seule responsable. Le temps avait fait son œuvre, mais Erin avait sa part et elle le savait parfaitement, c’était elle qui s’était volontairement isolée depuis le mois de juillet. « Tu n’as pas de raison d’être désolée Alcyone, tu ne pouvais pas savoir. » Notamment parce qu’Erin avait gardé le secret, parce qu’elle s’était murée dans le silence. De plus, la Greengrass avait ses propres problèmes et Erin n’avait pas été la non plus. « Je n’ai pas vraiment été présente pour toi non plus. Mais je ferai mieux à l’avenir. » Elle lui adressa un sourire un brin triste. Ca c’était une promesse qu’elle avait bien envie de tenir, parce que si Alcyone pouvait accepter aussi facilement sa situation, si elle pouvait lui assurer son soutien aussi aisément et sans limites, alors c’était qu’elle en valait la peine. A l’exclamation de la sorcière, Erin eut un sursaut. « Putain ! C’est la pierre de lune, quelle ironie… » La française cligna des paupières, totalement prise au dépourvue. La quoi ? Un peu perdue dans toutes ses émotions, Erin regarda Alcyone récupérer son carnet et en tourner les pages frénétiquement. Quand elle lui montra des pages en particulier, Erin baissa les yeux sur une écriture qu’elle n’avait jamais vu. La pierre de lune est associée à la féminité, à l'intuition et aux émotions. Elle peut aider à équilibrer les fluctuations émotionnelles et à apaiser l'esprit, favorisant ainsi des pensées plus positives. « La pierre de lune… » Souffla-t-elle. Oh, alors ça pour de l’ironie. C’était une sacré ironie. Elle laissa échapper un expression à mi-chemin entre le rire et le râle. « Tu crois que c’est ça qu’on appelle le Karma ? » C’était bien sa veine ça, un joli coup du Karma, pourtant la française n’avait pas l’impression d’avoir fait quoi que ce soit pour mériter que le destin s’acharne sur elle.

Frappée par ce nouveau coup du sort, Erin prit une gorgée de vin. Il lui fallait bien ça pour faire passer cette idée. « Qu’est-ce que tu en penses ? Je pourrais te faire une bague ou un bracelet avec ? » La pierre de lune… Clairement le destin devait bien se marrer. Et en même temps, de ce qu’elle avait lu, ça faisait sens. Les pensées plus positives, elle en aurait bien besoin en ce moment. L’utilisation des pierres était peu répandue en magie, peu de sorciers y croyaient -alors qu’ils vivaient au milieu de la magie !- mais Erin savait que si Alcyone fabriquait des bijoux avec, c’était que ça devait fonctionner. « Tu crois que ça peut marcher ? » Demanda-t-elle tout de même. Au fond, la question ne se posait pas réellement. Elle avait confiance en les capacités d’Alcyone, le succès de sa boutique parlait pour elle. Si elle en était là aujourd’hui, ce n’était pas un coup du hasard. Ses bijoux faisaient des merveilles et c’était pour cette aide là qu’Erin était venue la voir. Elle avait confiance en son amie, alors sa question, elle pouvait y répondre elle-même. « Je suis prête à essayer. » Elle prit une inspiration. « Je suis prête à essayer tout ce que tu veux, Alcyone. » Lui assura-t-elle. Elle était prête à se couvrir de bijoux s’il le faisait. A boire des potions étranges, à procéder à des rituels ridicules si ça pouvait l’aider. Erin posa les yeux sur le carnet d’Alcyone, devant ses prunelles le dessin d’une pierre de lune dansait. Elle était prête à avoir recours à cette pierre s’il le fallait. Même si elle tenait son nom de l’astre qui l’avait maudite. Elle était prête à tout et soudainement, savoir ça, ça lui redonnait une certaine forme d’espoir. Et tout ça, c’était grâce à Alcyone. Relevant la tête, ses prunelles trouvèrent celles de son amie. « Merci… Merci infiniment. »