Les moldus et élèves de Poudlard du forum se sentent cruellement seuls au milieu de tous ces sorciers adultes, alors pensez à les privilégier pour vos personnages
Assise en tailleur dans l’herbe, parce que j’avais encore le luxe de pouvoir croiser les jambes, je profitais de la chaleur de cette fin de journée. Je prenais une profonde inspiration, les paupières closes. L’avantage d’être professeure d’un cours d’option était que je pouvais terminer mes journées assez tôt. Ironiquement, la masse de travail à effectuer pour s’occuper des créatures et la préparation des cours me prenait énormément de temps, davantage maintenant que je devais effectuer de nombreuses pauses. Heureusement, j’avais de l’aide. Dans mon dos, j’entendais les claquements de doigts de Bonnie qui nettoyait les écuries avec sa redoutable efficacité. Depuis mes récents rendez-vous gynécologiques, la petite elfe de la maison MacFusty avait quelque peu cessé de me chambrer pour effectuer ses tâches sans trop râler. Même avec Harper ça allait mieux. Si le calme réconfortait mon âme et mon cœur, je devais avouer que mes chamailleries avec Bonnie me manquaient et heureusement, je pouvais encore compter sur Muriel, car la petite niffleuse devenait plus possessive que jamais avec Harper depuis le début de ma grossesse. Jamais je n’aurai cru que les taquineries me manqueraient de la sorte.
Un bruissement dans l’herbe m’incita à tourner légèrement le menton, pour autant, je n’ouvrais pas les paupières. Doucement, j’étendais les doigts et laissais la créature me rejoindre si elle en avait envie. Mon sourire s’étira quand mes doigts rencontrèrent une fourrure épaisse et douce à laquelle j’offrais de délicates caresses en prenant bien garde de ne pas effaroucher la créature, car je la savais timide et prompte à disparaître complètement. Il m’avait fallu du temps, et beaucoup de patience, pour gagner sa confiance et mon cœur s’envola quand il s’installa sur mes cuisses pour se rouler en boule sous mes deux mains, lové contre mon ventre arrondi. J’osais à peine ouvrir les paupières comme si la créature pouvait disparaître à ce simple geste. Pourtant, en voyant son pelage blanc luisant sous mes doigts, je soupirais en penchant un peu la tête. Le Demiguise me fixait de ses grands yeux pendant de longues secondes, puis il les plissa tel un chat apaisé. Je profitais de l’instant pour diriger mes caresses sur ses récentes blessures, raison de sa présence à mes côtés et au sein de l’école, car on me l’avait confié pour des soins tout particuliers. S’il manquait encore des poils sur son flanc et que la blessure était encore nettement visible, elle n’était plus purulente et se contentait d’être simplement gonflée. La guérison était sur la bonne voie.
— C’est bien. Ça guérit bien, tu pourras bientôt retrouver ta liberté.
Murmurai-je à son adresse en retirant mes doigts de la blessure afin de ne pas provoquer de douleur à l’animal. J’appréciais ces fins de journées de printemps. Je terminais tôt et je pouvais profiter de mes petits compagnons sans être dérangées par les élèves, ou seulement en de rares cas. En cette fin de journée, je n’avais pas eu de demande de la part des étudiants et je savais que les quelques élèves qui appréciaient passer du temps à l’écurie préféraient, ce jour-là, se rendre plus tôt à la grande salle pour le repas. Repas que je passais rarement en compagnie des autres professeurs en compagnie des jeunes sorciers. Non pas que je n’apprécie pas mes collègues, bien au contraire, mais parce que le brouhaha qui y régnait m’étourdissait, et ce, depuis ma première année de rentrée scolaire. Je préférais largement manger seule que dans tout ce boucan. De plus, la maison Poufsouffle se situait juste à côté des cuisines, alors, j’avais pour habitude de rendre visite aux étudiants de ma maison avec un petit plateau de douceur spécialement préparé par les elfes de maison de Poudlard.
Il y eut un bruissement dans mon dos, mais le Demiguise ne réagit pas. Alors, je ne bougeais pas non plus, d’autant plus que Sleipnir, qui s’ébattait non loin, n’eut lui aussi aucune réaction. Le jeune Sombral que j’avais recueilli poulain à l’accident de Kyle se montrait très protecteur depuis ma grossesse, le lien si fort entre nous poussant son instinct à m’avertir au moindre danger, comme si notre enfant était aussi le sien. Cette idée m’amusa.
— Maîtresse a-t-elle encore besoin de l’aide de Bonnie ?
Je pouvais compter sur les doigts d’une seule main les fois où Bonnie s’était manifestée à moi sans essayer de me faire sursauter, et ce, depuis mon enfance. Mon cœur s’étreignit encore une fois d’un petit manque, pour autant, je lui étais reconnaissante de ne pas tenter de me faire faire une fausse couche. En lui souriant avec ma douceur habituelle, je la regardais, sereine.
— Non, je te remercie Bonnie, tu m’as bien aidée aujourd’hui. — Tseuh, qu’aujourd’hui, Maîtresse ?
Je levais les yeux au ciel non sans élargir mon sourire.
— Non, Bonnie, tu as toujours été parfaite, et tu le sais. — Mais j’aime entendre Maîtresse me le dire.
Son sourire goguenard m’arracha un petit rire qui fit à peine tressauter le Demiguise assoupit sur mes genoux.
— Belotte ce soir ou Tarot ? — Bataille, Maîtresse. — Ouh, laissais-je lentement échapper non sans amusement. Bonnie hocha la tête d’un air entendu. — Ils n’ont aucune chance. — En effet. Amuse-toi bien ! — Merci Maîtresse. Maîtresse sait où me trouver en cas de besoin.
Je me contentai d’opiner du chef comme toute réponse avant que Bonnie ne disparaisse dans un claquement de doigts. Amusée en l’imaginant mettre une raclée à ses amis elfes de maison à leur jeu de carte quotidienne, je ricanais en accentuant mes caresses sur le Demiguise qui ferma alors complètement les paupières. J’en fis de même. Je prenais une grande inspiration en concentrant mon attention sur le bruissement des feuilles secouées par la légère brise, le chant des oiseaux, l’odeur des fleurs naissantes et…. Froncement de sourcils. Une main glissa du pelage blanc à mon ventre. Mon cœur papillonna. J’allais m’adresser à elle, l’accueillir avec joie et impatience, mais le hennissement de Sleipnir m’interrompit. Le Demiguise se redressa subitement, me forçant à ouvrir les yeux à mon tour. Il tourna la tête dans toutes les directions puis fixa les écuries, là où les oreilles de Sleipnir étaient aussi dirigées. Je suivais leur regard. Sous mes doigts, le Demiguise effarouché et maltraité par les contrebandiers disparut et s’enfuit. Le Sombral quant à lui, se rapprocha de moi en trottinant alors que je laissais échapper un soupir agacé. Au revoir sérénité de fin de journée. Quel élève venait me déranger pendant ma méditation, surtout lorsque Pêche se manifestait ? Avec l’aide de Sleipnir, je me relevais et me dirigeai vers l’écurie où je rentrais sans gêne. Quelle ne fut pas ma surprise en la voyant elle. Sleipnir fit frémir ses naseaux en trahissant notre présence. Je m’éclairais la gorge non sans la difficulté qu’engendrait ma timidité maladive, même avec elle. Surtout, avec elle.
— Bonsoir Jean. Je peux t’aider ?
Sa présence ici était rare. Que voulait-elle ? Avait-elle essayé d’entrer ici en catimini ? Ou alors, ma paranoïa de grossesse ne faisait que s’accentuer, ce qui ne serait pas étonnant… Une confrontation entre nous semblait de toute façon inévitable depuis plusieurs mois.
Cachée dans un recoin de la bibliothèque réservée aux professeurs, entourée de montagnes de livres, il était difficile de reconnaître Jean. En face d’elle, une feuille voletait, feuille sur laquelle une liste d’une dizaine de tâches étaient notées. Ses cours étaient déjà tous préparés. Cela lui avait valu de longues nuits blanches tout l’été dernier jusqu’au début de l’automne. A la fin de cette première année, elle se sentait un peu plus à l’aise mais la pression n’avait jamais quitté les épaules de Jean Génie. Pression qu’elle avait appris à aimer. Ses cours étaient petit à petit devenus moins théoriques grâce aux questions des élèves, et surtout lorsque Jean avait compris que la principale leçon qu’elle devait leur apprendre était de savoir réagir au changement et pouvoir adapter ses plans pour se défendre en n’importe quels cas. Et pour cela, rien ne valait la pratique. Elle avait appris à apprécier ses élèves, à moduler les cours selon les classes. A tempérer son exigence. Elle s’impliquait dans leur scolarité et croisait les doigts pour les BUSES des cinquième années. En dehors de cela, elle mettait un point d’honneur à rattraper toutes ses années à Poudlard pendant lesquelles elle n’avait pu lire les ouvrages les plus mystérieux réservés aux professeurs. Et puis, avec l’aide (donnée avec plus ou moins de consentement) de la jeune sorcière Carrow, elle s’était remise aux potions. Par-dessus tout ça, elle se rendait disponible pour les autres professeurs, n’hésitant pas à croiser des cours, rendre un service, aller se procurer un ingrédient ou même accompagner des professeurs dans des environnements peu sécurisants. Jean s’était bien rendue compte que son parcours n’était pas anodin, qu’elle avait beaucoup côtoyé le danger, que cela l’avait forgée (à force d’expérience et de traumatismes). Mlle Chamoison le lui avait dit, elle mettait sa force au service des autres, de ceux qui n’avaient pas eu l’habitude, de ceux qui répugnaient à la violence. Son existence restait plus protégée qu’elle ne l’avait jamais été. Ce qui était à la fois une respiration et … un manque. Après une dizaine d’années passée avec ce frisson au ventre, ce danger sans cesse la poursuivant, les blessures, les combats, la fuite… de par sa nature, Jean ne se l’avouerait pas mais l’adrénaline lui manquait. C’était sans doute pour cela qu’elle était retournée tout de suite chercher le kelpy quand Hestia le lui avait nonchalamment proposé. Sans doute pour cela, qu’elle frôlait parfois le danger sans y replonger. Sans doute pour cela qu’elle avait mille occupations. Poudlard restait le plus proche de ce qu’elle considérait comme foyer. Ce n’ét ait pas la seule chose d’étrange de son quotidien. Il y avait Harper pas loin. Cette idée la rassurait autant qu’elle la terrifiait. Sa sœur, sa grande sœur, celle qui lui faisait perdre pied, celle pour qui elle avait tant voulu briller, celle qui l’avait abandonnée. Elle sentait bien qu’elle la gênait, qu’elle était trop présente, trop joyeuse, trop tout. Alors, elle s’effaçait quand Harper était dans les parages. Quant à Abigail… ses sentiments étaient mitigés. Elle semblait être une douce femme, les bras ouverts et l’oreille attentive, mais Jean restait sur la défensive, sans comprendre pourquoi. Peut-être parce que cela avait l’air si facile de s’oublier, de laisser tomber les barrières avec Abigail. Peut-être parce qu’elle était jalouse. Comment cette femme avait pu capter l’attention et tout l’amour de sa sœur, elle qui n’en avait jamais été digne ? Peut-être encore parce qu’Abigail s’occupait de bêtes, ces mêmes bêtes que Jean avait pourchassé, ces bêtes qui étaient mal à l’aise en sa présence. Abigail la considérerait-elle comme les bêtes le faisaient ? Une menace ? Était-ce pour cela qu’elle ne mangeait jamais avec les autres professeurs ? Parce qu’elle était gênée par Jean ? Qu’est-ce que Harper lui avait dit ? Jean préférait ne pas y penser et n’était donc pas allée vers Abigail. De toute façon, vu les absences répétées d’Abigail, il était difficile d’aller vers la Directrice des Poufsouffle. Et impossible de demander à Harper ce qu’il se passait.
Son esprit commençait à vagabonder. Sa main s’était arrêtée en plein milieu de sa phrase. Jean plissa les yeux derrière ses lunettes. Et s’adossa en soufflant.
—Tu en penses quoi Tête de Mule, c’est l’heure de faire une pause ?
Le caméléon reprit ses couleurs habituelles et la regarda d’un œil torve. Il leva les pattes et se déplaça sur un autre carnet. Jean leva les yeux au ciel en souriant. Ce petit reptile était sans doute le seul animal qui aimait sa présence, si aimer était vraiment le terme approprié. Jean poussa l’animal doucement après s’être rendu compte de la couverture surannée du carnet sur lequel il s’était posé. Son carnet de contrebandière. Elle ne s’était même pas rendue compte qu’elle l’avait posé là. C’était sans doute pour l’aider à la préparation des cours de troisième année. Elle passa ses doigts sur la couverture avant de l’ouvrir avec une certaine nostalgie. Dans les pages abîmées par les éléments, des croquis, des notes sur la capture, sur les habitudes, les points faibles et forts, mais aussi sur le comportement des créatures. Jean n’était peut-être pas leur meilleure amie mais elle avait aimé observé les créatures aussi dangereuses et aussi hostiles pouvaient-elles être. C’était une curiosité débordante dénuée d’intentions malfaisantes qui avait guidé ses pas.
—C’était… une sacrée aventure...
Nostalgie en demi teinte, elle était heureuse d’être sortie de ce milieu, de cette cruauté tentaculaire qui menaçait d’absorber toute âme trop influençable. Cependant elle avait vécu des moments transcendantaux, découvrant de magnifiques et terrifiantes créatures, elle avait vu des paysages d’une beauté inouïe. Elle regardait ce temps avec la tendresse d’années formatrices de jeunesse. La seule chose pour laquelle elle ne reviendrait pas à cette époque c’était les incursions déchirantes de Nikolaï dans son esprit. Un frisson lui parcourut le dos, à cette simple pensée son esprit se referma comme une huître.
A mesure qu’elle tournait les pages, elle se rendit compte que la pluie avait délavé toutes ses notes sur les sombrals. Une connaissance manquante ? Il fallait y remédier. De toute façon, elle n’avait plus la tête à travailler encore. Un picotement, signe d’anciennes blessures, se réveillait. Elle voulait se dégourdir les jambes pour ne plus y penser. Elle rangea ses piles et effectua un rapide sortilège pour les couvrir d’un voile les rendant flous, vieux souvenir pour qu’on ne fouille pas dans ses affaires. Elle mit un petit mot par-dessus « J. Auburn ». La bibliothécaire avait l’habitude, le bordel rangé de Jean restait dans son petit coin de la bibliothèque, elle aurait même dû y installer un lit de camp tant la professeure de DCFM y passait de temps.
Le caméléon avec son sourire à l’envers, bringuebalé sur l’épaule de Jean, fit savoir qu’il n’aimait pas ce brusque changement en léchant l’oreille de Jean.
— Beurk, tu aurais pu t’en passer. C’est juste un peu d’air frais, histoire de refaire quelques croquis, on reviendra vite.
En chemin vers l’enclos des sombrals son pas volontaire ralentit. Elle croiserait peut-être Abigail ? Non improbable. Abigail était souvent malade, et il y avait tant d’enclos, quelle était la probabilité qu’elle soit aux écuries pile ce jour-là. Ce qui risquait plus d’arriver c’était de voir les sombrals s’écarter en la voyant. Elle reprit la cadence avec entrain, hors de question de se laisser douter. Hop, les inquiétudes sous le tapis. Hop le sourire sur les lèvres.
En vue des écuries, son allure se fit instinctivement plus furtive. Il restait de ses années de contrebandière, la discrétion des affûts. Un contrebandier bruyant était un contrebandier nul. Pour approcher les créatures, il fallait discrétion et patience. Pour les élever il fallait douceur, pour les capturer il fallait cruauté. Jean n’avait que la discrétion et la patience. C’était peut-être pour cela et parce qu’elle avait ce petit supplément de sensibilité qu’elle avait du, sans connaissance aucune, s’occuper de certaines des créatures blessées dans les camps de trafiquants. Les soigner comme elle pouvait, puis les remettre en cage. Impossible d’oublier le regard d’un fléreur que l’on a sauvé et que l’on remet en cage.
Jean s’arrêta quand elle put les apercevoir. Elle ne voulait pas les effrayer. Cependant la puissance des souvenirs la surprit. Son sourire se figea. Sous le tapis, sous le tapis les souvenirs, les heures à regarder ses majestueux animaux qui apportaient toujours le réconfort quand elle se sentait seule et encagée. Ses animaux qui la haïssaient sans doute. Ambivalence des sentiments. Elle ressentait le même réconfort en les voyant. Doucement, elle se mit à griffonner la silhouette des créatures mortifères. Puis, sans même qu’elle ne s’en rende compte elle se rapprocha, happée par la vision magique. Peut-être que cette fois-ci, rien que cette fois elle pourrait en toucher un.
— Bonsoir Jean. Je peux t’aider ?
Elle ne sursauta pas malgré la surprise. Elle mit la main à sa baguette avant de détendre ses épaules et seulement effleurer le manche, espérant qu’Abigail n’ait pas vu ce malheureux réflexe d’une autre vie. Abigail. Bien sûr. La probabilité n’était pas de son côté. Elle remit ses lunettes et lui sourit. La Jean Professeure, toujours le mot pour rire, la Jean solaire mit la Jean pleine de trauma sous le tapis avec la Jean enfant jalouse et timide devant cette femme qu’elle devait considérer comme un nouveau membre de la famille. Cela faisait longtemps qu’elle connaissait Abigail, elle faisait partie du groupe de sa sœur, groupe qui avait passé du temps à faire des farces et moqueries pendant la première année de Poudlard de Jean, pour l’embêter, sous le regard distant d’Harper. Abigail avait toujours fait partie des plus gentils, des plus réservés, ce qui la rendait d’autant plus difficile d’approche.
— Eh bien… je me suis rendue compte que la pluie a ...
Elle avait levé son carnet, prête à lui dire la vérité, avant de se rappeler deux choses. La première était qu’il ne serait pas de bon ton de dire à la Professeure de soins aux créatures magiques qu’elle avait été contrebandière même pour de faux, la deuxième des tréfonds de sa mémoire… qu’elle avait déjà croisé Abigail. Que cette scène avec des sombrals et Abi lui rappelait quelque chose et elle avait du mal à mettre le doigt dessus… elle avait déjà vu Abigail pendant ces années de voyage ? Sa phrase restée en suspens. Pieux mensonge vite trouvé.
— Je n’ai plus toutes mes notes sur les sombrals.
Pourvu qu’il n’y ait rien de compromettant sur ce carnet ou dedans. C’était juste un carnet d’observations après tout. Par contre, son regard fut troublé par deux choses. Elle les regardait l’une après l’autre, son sourire perdant de sa sincérité face à son incrédulité. La première était qu’un jeune sombral accompagnait Abi, qu’il n’avait pas l’air ravi de sa présence… et que Jean le reconnaissait. Elle ne pouvait en être sûre, la probabilité était vraiment contre elle si c’était le cas. Petit corbeau , c’était le nom qu’elle lui avait donné dans le camp de trafiquants. Ce petit sombral qui n’aurait pas dû survivre, qui lui semblait attachant de loin. L’autre chose, c’était Abigail en elle-même. Elle semblait plus … moins… différente. Une idée fit son chemin avant que Jean ne la chassa de son esprit.
Dis quelque chose, dis quelque chose…
— Il fait beau en ce moment. Et encore jour, alors je me suis dit...
Sa voix s’était baissée au fur et à mesure qu’elle parlait, elle ne savait plus comment terminer sa phrase.
Quelque chose d’intelligent grosse maline.
PRETTYGIRL
Abigail MacFusty
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Non loin de l’enclos des Sombrals, je trouvais, non sans surprise, ma belle-sœur qui, tout absorbée dans une contemplation que je n’identifiais guère. Depuis qu’elle était entrée dans le corps professoral de Poudlard, j’avais toujours pris soin de l’éviter, comme je savais si bien le faire, en me fondant dans la masse, en disparaissant dans les ombres, en évitant d’attirer le regard sur moi. Non pas que je souhaitais constamment fuir Jean, au contraire, j’aurai aimé que notre relation soit meilleure… mais le regret de mes agissements de l’époque, bien que nous étions enfants, me hantait quelque peu. Il s’agissait seulement de jeux, pourtant, de mes yeux d’adulte, je trouvais aujourd’hui la situation injuste. Enfin, je ne désirais en rien me risquer entre Harper et Jean, alors je préférais réduire au maximum mes échanges avec la cadette des Auburn afin d’éviter tout impair. Bien sûr, je savais que je me montais la tête toute seule et qu’Harper ne m’avait jamais demandé une telle chose et qu’elle ne me le demanderait jamais. Enfin, et Sleipnir me le rappela d’un renâclent nerveux, son sabot frappant le sol, les naseaux dilatés, je m’éloignais de Jean parce qu’il y avait ce souvenir. Le douloureux. Ce jour, où tout avait basculé pour moi, ce jour où j’avais tout perdu. Peut-être était-ce dû à mon imagination de l’époque, à l’adrénaline du moment, à la douleur de la perte de mon frère, mais que Sleipnir réagisse de la sorte me confortait dans les images brumeuses de mes souvenirs. Jean était là-bas. Ce jour. Mais pourquoi ? Je l’ignorais, bien qu’une idée piquait ma poitrine comme la morsure d’un venin. La réaction du sombral d’ordinaire si calme n’était pas pour me rassurer. Pourtant, je posais une main sur son encolure en murmurant des paroles réconfortantes.
A la réponse de Jean, je levais le regard sur son carnet et ne put m’empêcher d’arquer un sourcil à son interruption. Puis, la conclusion étira mes traits en un sourire aussi amusé que chaleureux. Puisque Sleipnir ne se calmait pas, je le renvoyais d’un claquement de langue autoritaire et d’un geste de la main. Si le cheval ailé renâcla, il n’obtempéra pas de suite, comme il le faisait d’ordinaire. Sans brusquerie aucune, je me fis au contraire rassurante et l’incita à rejoindre les autres sombrals. L’animal finit par faire volte-face et parti dans un galop léger et gracieux. Là, je revenais sur Jean qui s’improvisait miss météo, m’arrachant alors un petit rire.
— Il pleut moins ici que dans les Hébrides, si ça peut te rassurer. Suis-moi.
D’un geste de la main, je l’enjoignais à me suivre jusqu’à un bureau jonché d’onguents, de bandages, de pansements, de potions et d’une multitude d’autres instruments. Il ne faisait aucun doute qu’il s’agissait de mon bureau lorsque je préparais les soins pour les animaux. En faisant le tour du meuble, je désamorçais la sécurité magique du tiroir, évidemment bien plus complexe à lever qu’avec un simple « Alohomora ». De là, j’en tirais mon propre carnet de notes à la couverture écorchée. Pourtant, je ne le confiais pas immédiatement à Jean, les yeux scintillants d’une gentillesse non feinte. Malgré mes craintes, j’étais contente de passer du temps avec elle, alors, je n’allais pas lui donner toutes les clés sur un plateau d’argent. Surtout que je ne croyais pas en le hasard. Nous avions des choses à nous dire. Pourquoi ne pas utiliser cette rencontre pour tenter une amélioration dans notre relation ?
— Pose-moi n’importe quelle question sur les sombrals, je me ferai un plaisir de te répondre ! je suis ta femme !
À ses mots, mes joues se tintèrent immédiatement de rouge, alors je m’empressais de corriger.
— Enfin, non, ma femme c’est ta sœur, mais je voulais dire que je suis la sorcière de la situation. Enfin, je crois. Je me dis que mes connaissances sont suffisantes pour…
Et si j’arrêtais de m’enfoncer et de paniquer ? Je m’ébrouais comme un chien et souris maladroitement. Pour chasser mon malaise, j’entraînais à présent Jean non loin de l’enclos des sombrals afin qu’elle ait tout le loisir de les observer. Je m’appuyais contre la barrière non sans un soupir de soulagement. Rester debout commençait à engendrer de sacrés vertiges à mesure que mon ventre s’arrondissait. Pour autant, je souris. Silencieuse, pour laisser d’abord Jean travailler, je me risquais à l’interrompre après m’être éclaircie la voix.
— Tu… tu n’as pas posé un sortilège de protection contre les intempéries sur ton carnet de notes ? Je la regardais en enfonçant ma tête dans mes épaules comme si je craignais qu’elle me dévore à cette suggestion qui, à mes yeux, mais forte de mon expérience avec les créatures, était une évidence. Je… Je peux t’aider à le faire, si tu veux.
Je remuais le nez, mal à l’aise, et changeais mon pied d’appui. Instinctivement, je posais une main douce et protectrice sur mes rondeurs avant de reprendre.
— Je suis contente de te voir ici. Comment tu vas en ce moment ?
Si, dans une conversation ordinaire, la tournure de cette phrase pouvait devenir rhétorique, il n’en était rien pour moi. J’avais à cœur de savoir comment se portait ma belle-sœur. Elle était de ma famille, elle était la tante de Jackette… et surtout, sans que je n’aie jamais pu me l’expliquer, ses sourires m’évoquaient depuis l’enfance, une certaine tristesse. Cela pouvait tromper les autres, et peut-être que cela m’avait trompé bien plus souvent que je ne voulais l’admettre. Aujourd’hui, pleine de méfiance pour protéger l’enfant qui grandissait en moi, je m’en étais rappelée en voyant Jean me sourire, mais pourtant secouée de légers mouvements nerveux, comme celui de son bras lorsque j’avais surgi dans son dos. Je n’y avais guère porté plus d’attention, mais je l’avais aperçu. Je souhaitais simplement me rapprocher de Jean. Que nous puissions, enfin, former une vraie famille. Celle dont Harper et elle avait cruellement manqué pendant leurs enfances et qui, du haut de mon adolescence, j’avais bénéficier et fait bénéficier Harper… au mépris de Jean. Peut-être était-il trop tard pour me rattraper, mais je voulais faire mon possible pour y arriver.
Quelque chose en Jean fourmillait étrangement. Quelque chose qu’elle avait vu, qui l’avait titillé mais qu’elle avait mis de côté sans même y penser consciemment. C’était comme si elle avait quelque chose d’important sur le bout de la langue sans s’en rappeler. Voir le jeune sombral réticent lui avait fait un peu de peine mais … ce n’était pas ça. Le malaise entre elle et Abi.. ce n’était pas ça non plus. Alors qu’était-ce ?
Rien de grave se dit-elle comme elle se le disait souvent. Et, elle appréciait la douceur d’Abigail envers elle. En effet, contrairement à Harper, Abigail avait l’air sincèrement heureuse de la voir.
— Les hébrides… je n’ai pas le souvenir d’y être allée…
De toute façon, ce n’était pas une grande fana des dragons. Ce n’était pas leur dangerosité qui lui faisait peur, après tout elle avait combattu pire (si c’était possible), elle gardait surtout une peur du feu. Une terreur qui lui venait des tripes. Elle n’était pas prête à recommencer l’expérience d’être dévorée de l’intérieur par le feu, elle souffrait encore de brûlure. Un jour elle devrait s’y confronter mais elle comptait repousser ce jour au plus tard. Suivant docilement la sorcière aux mille créatures, elle se trouva dans un capharnaüm bureau, cela lui rappela sa sœur. Tout ici sentait l‘amour et l’observation des animaux, en un sens cela lui rappelait vraiment la contrebande. Certains des outils étaient les mêmes, pourtant ni la façon de traiter les animaux ni l’objectif n’étaient les mêmes. Qu’Abigail la fasse rentrer dans son antre lui fit l’effet d’être accueillie. C’était une expérience agréable, chaleureuse. Elle restait sur la réserve mais se sentait plus détendue. Évidemment, Abi avait un carnet, probablement bien plus fourni et plus complet que celui de Jean. La curiosité insatiable de Jean reprit le dessus. Voilà un sujet plus intéressant pour la discussion que le beau temps. Elle aurait presque voulu le lui prendre pour dévorer les connaissances qu’il contenait. Ce qu’elle ne fit pas. Car c’était une adulte après tout.
Jean ouvrit la bouche prête à poser la première question à Abi… avant de rire en un éclat aussi sonore que sincère.
Je suis ta femme...
Voyant la sorcière rougir et s’emmêler les pinceaux, Jean posa sa main sur l’épaule d’Abi et lui fit un grand sourire.
— Tu n’es la femme que d’une sorcière, je le sais, j’étais là. J’ai très bien compris Abigail. Et oui… j’ai tout un tas de questions. Déjà, pour commencer, comment peut-on voir qu’un sombral est mal en point ou malnutri ?
Aucune crainte pour Jean qui n’avait jamais été dans un rapport de séduction de près ou de loin avec Abigail, qui n’était de surcroit pas vraiment intéressée par les femmes aux dernières nouvelles et qui était bien trop loyale à sa sœur pour faire un coup de trafalgar de cette nature. Elle avait remis ses lunettes sur son nez, Jean Génie mode activé. Sa question n’était pas anodine. Ce jeune Sombral qui avait traîné dans les pattes d’Abi… Jean avait été persuadée qu’il n’était pas bien quand elle s’en était occupée mais incapable de détecter les bons signaux elle n’avait pu apporter que des soins précaires. Avait-il été malnutri sans qu’elle s’en rende compte ? Elle se laissa ensuite guider vers l’enclos, le point de vue était idéal, elle prit son fusain et commença ses propres observations en oubliant toutes ses questions. Ils avaient l’air heureux tous ensemble. Sa plume virevoltait, précise. Le silence était reposant. Cela lui rappela avec plaisir ses années de voyage, lorsqu’elle était posée devant les cages ou devant une plante exotique, toujours en plein air, souvent seule. Des moments de paix. La présence de ces animaux, visibles qu’à ceux dont le cœur avait souffert d’une perte, était réconfortante. De plus en plus dans ses pensées, elle dessinait plus lentement. Elle commença une phrase qui se superposa à celle d’Abi. Elle voulait lui demander si elle voyait les Sombrals depuis la mort de Kyle, elle voulait… maladroitement peut-être crever l’abcès.
— Désolée, commence. Ah oui… mon carnet. C’est vrai qu’il en a vu des tempêtes. Je l’ai commencé jeune, je ne connaissais pas le sortilège de protection...et je ne le connais toujours pas d’ailleurs.
Elle laissa son regard divaguer vers le ciel. Sa plongée dans le monde professionnel avait été brutale, à l’image du reste de sa vie. Et malgré sa spécialisation, la défense, Jean allait toujours au devant des conflits, affrontant les intempéries en oubliant parfois (consciemment ou inconsciemment) de se protéger. Comme son carnet. La sorcière fit alors quelque chose dont elle ne se serait pas crue capable. Elle tendit son carnet à Abi. Sa belle-soeur avait ouvert son bureau, elle essayait de créer quelque chose, Jean voulait elle aussi montrer son bon vouloir. Faire preuve de confiance. Et … apprendre un sortilège par la même occasion.
— Avec plaisir, montre-moi.
Jean avait fait face à Abi, ce qu’elle n’avait presque pas fait depuis le début de leur rencontre. C’est à ce moment précis que le fourmillement que Jean avait ressenti se transforma en tremblement. Elle se sentait vibrer. Son geste s’était arrêté, paralysé. Une douleur lancinante la parcourut. Abigail avait posé la main sur son ventre. Rond. Abritant quelque chose. Quelqu’un.
Les souvenirs de Jean depuis le début de leur rencontre se superposèrent. La méfiance du sombral, possessif. L’allure presque lente, fatiguée d’Abi. Jean l’avait vu sans le voir. Les absences de la professeure s’expliquaient. Impossible qu’Harper n’ait pas été au courant, le ventre était déjà bien rond. Impossible. Ou alors Abi avait eu un enfant avec quelqu’un d’autre ? Non. Ou peu probable. Mais … alors pourquoi ? Pourquoi personne ne l’avait dit à Jean ? Pourquoi ? Il sembla à Jean que quelqu’un appuya sur son cœur, le serrant douloureusement. Elle oublia de respirer. Son sourire retomba doucement alors qu’elle clignait des yeux, son bras restait tendu. Elle n’entendit pas les mots d’Abigail. Elle ne voulait pas comprendre.
Ce qui aurait dû être un évènement heureux brisa le cœur de Jean. Encore une fois. Encore une fois, l’espoir qui s’efface. Encore une fois des images rêvées d’une famille unie. Encore une fois ravaler sa fierté. Encore une fois repousser la désagréable sensation de rejet. Ce sentiment d’exclusion comme un acide qui lui remonterait à la gorge. L’impression fugace de n’être rien, de flotter, de ne plus exister. De n’avoir jamais été assez. Regarder la porte fermée derrière Harper qui part à Poudlard sans un regard, son doudou dans la main et sa mère ivre morte sur le canapé. Le bourdonnement dans les oreilles. Le chagrin si fort qu’il menace de tout engloutir.
Son carnet se baissa doucement. Elle eut le courage de détacher son regard du ventre. Elle aurait du avoir d’autres pensées que cette peine qui lui serrait le cœur. Elle allait être tante, sa sœur allait être mère, un bébé dans la famille, de la joie, des félicitations, s’enquérir de la santé d’Abi… De tout cela rien. Un picotement parcourut son nez mais ses yeux restèrent secs. Ses lèvres tremblèrent quand elle murmura.
— Tu es enceinte n’est-ce pas...
Il était difficile de faire tomber le masque souriant de Jean. Cela n’arrivait pas, jamais. La carapace de déni était si bien ficelée au fur et à mesure des ans qu’elle ne se fissurait jamais. Pourtant à cet instant, elle se sentait si petite, si vulnérable. Cela n’aurait pas dû l’affecter autant. Elle ne savait pas pourquoi cette fois-ci elle avait cette impression de vide qui l’aspirait. C’était peut-être la fois de trop ? Peut-être que c’était trop important ? Elle était venue de France, entre autres dans l’espoir de se rapprocher de sa sœur, elle y avait cru. Vraiment. Elle avait été invitée au mariage. Et elle découvrait maintenant, comme un quidam, juste avant la fin du terme, elle découvrait qu’Harper allait créer sa propre famille. Sans elle. Cela n’aurait pas dû être une surprise et pourtant. Des larmes coulèrent de ses yeux, et au moment où elle les sentit, elle se mit à sourire, un sourire tellement entraîné qu’il paraissait sincère. Seule sa voix trahissait ses sentiments.
— Quelle bonne nouvelle ! Je suis tellement heureuse pour vous.
Elle aurait voulu partir sur le champ. Elle voulait être seule. Jean s’essuya les yeux. Aujourd’hui, ici n’étaient ni le moment ni l’endroit.
— Excuse-moi, c'est l'émotion, je suis une vraie madeleine tu sais.
C'était faux. Jean n'avait plus pleuré devant quelqu'un depuis des années. Et pourtant elle souriait déjà, les yeux secs, détournés du ventre rebondi. Elle combattait toujours la furieuse envie de prendre ses jambes à son cou. Cela aurait été si simple et si réconfortant de revenir dans le passé, avant la douleur, la souffrance. Elle ne voulait pas ressentir ces choses là, ni même y penser.
Mentalement, elle se fit la liste de ce qui lui restait à faire. Se détachant complètement du reste. - Fignoler les derniers cours pour les buses - Synthétiser le dernier chapitre de son livre sur les modalités de sortilèges de renforcement - Répondre au Hibou d’Apollon - Refaire du philtre calmant - S’entraîner à la felix felicis une nouvelle fois - Organiser la prochaine thématique du club de duel
Mentalement, elle continuait sa liste, elle se la répéta ajoutant ci et là des choses jusqu’à ce qu’elle ne sente plus son cœur.
PRETTYGIRL
Abigail MacFusty
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Le malaise de ma maladresse passée, je retournais dehors en compagnie de Jean sans m’étonner qu’elle puisse voir les sombrals et non pas sa sœur. Pas la même vie, pas le même vécu, et même si Harper aurait largement été en mesure de voir les chevaux ailés, elle c’était souvent prémunie des dangers véritables qui impliquaient la mort. Certes, elle se foutait souvent dans une merde noire, mais ça n’impliquait jamais, ou presque, des vies. Que Jean ait vécu cela m’incitait à lui porter un certain respect, comme un contrat tacite entre nous. Nous avions vécu la même chose, ou tout le moins, nous l’avions vu. Nous avions toutes les deux cette blessure gravée de manière indélébile au fond de notre cœur, qui restait là, à s’ouvrir dans les moments les plus inopportuns, et que nous prenions bien garde à ne pas révéler. À cacher sous derrière des sourires, de la gentillesse, de la politesse, de la timidité ou une paire de lunettes. Que nous ayons des secrets ne me perturbaient guère, nous en avions tous. La vraie question à se poser c’était de savoir si cela allait nous rapprocher ou au contraire, nous éloigner davantage. Déjà, je n’avais pas osé sous-entendre une invitation alors qu’elle m’avait confié ne jamais s’être rendue dans les Hébrides. Je ne voulais pas le faire sans consulter Harper auparavant… et après tout, elle lui avait annoncé pour ma grossesse, je ne pouvais pas forcer davantage les choses entre elles.
Je serrais les mains dans mes poches tout en observant les sombrals derrière la clôture puis, je réfléchissais aux questions de ma belle-sœur, désireuse de n’omettre aucun détail. Si d’ordinaire mon attitude restait effacée et timide, lorsqu’il s’agissait de créatures magiques, je me transformais sans m’en rendre compte. Mes épaules en arrière, un nouvel air assuré, je pris une grande inspiration et parlais d’une traite, sans bégayer ni hésitation, la voix sûre.
— C’est somme toute comme pour les autres chevaux, magiques ou non. Un sombral est mal en point quand il refuse de boire et de manger, qu’il garde la tête basse, que ses oreilles restent molles et que son dos se voute. Quant à la malnutrition…
Je souris, la question était on ne peut plus pointue puisque le sombral, de base, n’était pas un animal très charnu, ce qui faisait en partie sa mauvaise réputation.
— Il y a plusieurs éléments. Déjà, si tu observes l’encolure, je dessinais de l’index le cou du cheval le plus proche, elle doit rester assez semblable à celle des autres chevaux. Charnue, si le terme est correct pour désigner un sombral, et musclée. Ensuite, le flanc est traitre puisque le sombral est squelettique et doit le rester. Seulement, l’aspect squelettique du sombral n’a rien à voir avec l’aspect d’un autre cheval qui subirait de la malnutrition. Comment dire…
Je levais les yeux pour réfléchir à comment étayer mes propos, puis, puisqu’une image valait mille mots, je tournais les pages de mon carnet pour présenter à Jean un Abraxan clairement maigre et souffrant de divers maux.
— Déjà, l’allure générale ne fait aucun doute, mais malgré le fait que les flancs sur le sombral est squelettique, son dos et le reste de son corps lui, ne l’est pas vraiment. Regarde la naissance des ailes. On y voit les muscles, mais c’est charnu. Un sombral malade ou mal nourrit ne pourrait même pas s’envoler, ses muscles là sont les premiers à s’abîmer s’ils ne sont pas entretenus.
Je déplaçais mon index.
— On ne voit pas les os sur son dos, il y a les crêtes, certes, mais encore une fois ce n’est pas au point de pouvoir compter les vertèbres. Enfin, tu as d’autres points, sur la croupe ou vers le garrot qui te permettent de juger la graisse, même si chez le sombral c’est différent que les autres chevaux, magiques ou non.
La main ramenée contre moi, je le glissais sans m’en rendre compte sur mon ventre légèrement arrondi avant de déglutir. Sans m’inquiéter de ce simple geste d’une douceur émanant d’un instinct maternel dont je n’avais pas encore conscience, je regardais ma belle-sœur.
— Est-ce que ça répond à tes questions ? Tu en as d’autres ? J’élargis mon sourire. Pourquoi as-tu besoin de toutes ces notes au fait ?
Peut-être aurais-je dû commencer par ça, mais en réalité, j’étais si contente de profiter d’un moment privilégié avec Jean que je n’y avais pas songé avant. Qui plus est, ce n’était pas avec Harper que je pouvais parler de technique animalière puisque mon épouse n’y entendait pas grand-chose, sans compter la botanique. La simple idée de lui mettre la main dans la terre la faisait hurler. Je laissais Jean dessiner en gardant le silence, épanoui par le simple fait de sa présence, celle des sombrals et de tout le vivant qui nous entourait. La forêt non loin, les oiseaux qui pépiaient dans les arbres et toute la vie à nos pieds, dans l’herbe. Voilà des années que j’avais la conscience de ces choses, et devenir animagus était pour moi une évidence afin de faire corps avec toute cette nature que j’aimais tant, car elle avait le talent de me détendre tout à fait. Plus qu’une passion, c’était ce qui me faisait vivre.
Alors que nous allions prendre la parole au même temps, elle me permit d’assouvir ma curiosité, et c’est avec un amusement non feint que je la regardais. Non, je ne me moquais pas, je ne me serais jamais permise.
— J’ai gâché une tonne de carnets avant que l’idée ne me percute, et pourtant, c’est si évident !
Bien que je ne le montre pas, j’avais conscience que me tendre son carnet était un geste lourd de sens. Moi-même, je n’offrais pas mon carnet à n’importe qui. Voilà pourquoi je le prenais avec ma délicatesse innée et que l’idée de l’ouvrir ne m’effleura même pas. Je ne le retournais pas non plus pour le contempler sous tous les angles. Il n’y avait aucune indiscrétion dans mes gestes alors que je coinçais mon propre carnet sous mon bras après avoir dégainé ma baguette à la forme d’une aile de dragon.
— C’est très simple en vrai, et tu peux l’utiliser sur d’autres objets, genre, tes chaussures. Je ne sais pas toi, mais je déteste avoir les pieds mouillés quand je veille sur mes dragons.
Ou même en sortant de la douche. Concentrée sur le sortilège, je ne remarquais pas immédiatement l’état de décomposition de Jean. C’est sa remarque, ou plutôt, son murmure, qui me tira de son carnet. La baguette en l’air, je levais des yeux arrondis sur elle et eut un hoquet de surprise en voyant son expression. Bien qu’il dure une fraction de seconde, bien que Jean le cachât avec brio, mon empathie me frappa horriblement le cœur. Une vive douleur flamba dans ma poitrine et me coupa la respiration. Il y eut les larmes. Puis ce sourire. Le même qu’elle m’avait adressé tout à l’heure, mais différent de celui qu’elle me montrait durant notre conversation à propos des sombrals. Plus mécanique. Plus entraîné. Plus sincère. Trop sincère ? Sans voix, je regardais ma belle-sœur s’essuyer les yeux devant moi alors que ma gorge se serrait. Non, ce n’était pas possible. Harper ne m’avait pas menti. Pas pour ça. Pas à propos de Jackette. Pas à propos de sa sœur. Pas encore une fois. Pourtant, même si l’attitude de Jean pouvait tromper, elle détournait le regard à présent. À moins que je ne me fasse des idées ? Je devais savoir. Je déglutis avec peine et demandais d’une voix cassée.
— Harper te l’a dit, n’est-ce pas ?
Face au silence, j’insistais.
— Harper te l’a dit ?
Mais il y eut encore un silence. Un frisson violent me secoua qui ne put échapper à Jean. Je lui rendis son carnet, les yeux écarquillés. Choquée, un vertige soudain m’assaillit et je manquais de m’effondrer. Seule la barrière me retint alors que mon bras glissa mollement dessus, incapable de me retenir. Mes jambes me trahirent et je tombais lourdement à terre en faisant tomber baguette et mon propre carnet.
— Elle te l’a dit… elle m’a assuré qu’elle te l’avait dit… Elle te l’a dit.
Je levais des yeux désespérés dans sa direction.
— Tu as peut-être oublié, ou alors tu n’as pas écouté ou…
Ou alors Harper m’a menti. Ou alors Harper n’a rien dit et a fui la situation, comme elle le faisait toujours, alors qu’elle m’avait à ce point poussé pour l’annoncer à ma famille. Pourquoi ? Pourquoi m’avait-elle encouragée alors qu’à côté, elle était incapable d’en parler à sa sœur ? Sa sœur avec qui la situation s’arrangeait petit à petit. Une larme s’échappa de mon œil droit et mourut sur mes lèvres.
— Elle n’a pas fait ça… elle n’a pas fait ça… elle m’a dit… elle m’a dit qu’elle…
Je plongeais mon visage dans ma main en me massant front et paupières d’un geste embarrassé, confus. Recroquevillée à terre, mes genoux gênés par mes rondeurs, je donnais l’air d’un petit animal blessé. Mais naïf est celui qui s’approcherait d’un animal blessé et apparemment sans défense. Je n’étais jamais sans défense. Après un instant de silence, je grondais comme un dragon.
— Oh, Harper… !
Ma voix tremblait d’une colère mal contenue et mes yeux lançaient des éclairs. Non, je n’étais pas sans défense. Fragile, certes, mais farouche. Je faisais face à des dragons, et à force, je devenais dragon moi-même. Surtout dans mon état. Lentement, à tâtons, maladroitement, je me relevais et fit face à Jean. Pour la première fois depuis des mois, je plantais un regard sincère dans le sien. Un regard où se mêlaient désolation, fierté, colère, empathie, douceur et fougue.
— Je suis navrée que tu l’aies appris de cette manière, Jean. Harper m’avait assuré qu’elle te l’avait dit et je l’ai cru. Je vais…
Je serrais la mâchoire et cette fois, mes yeux déjà sombres devinrent noirs.
— Je vais la tuer.
Si je pouvais être solaire, gentille, douce, avenante et très empathique, présentement, Jean vit pour la première fois de sa vie l’une des nombreuses autres facettes de ma personnalité. Personne en dehors de Harper ne pouvait me mettre dans des colères aussi noires. L’air autour de nous devint si électrique que les sombrals hennirent et partirent se réfugier dans la forêt interdite. Même Sleipnir recula. Mes narines se dilatèrent tandis que j’essayais de contenir toute ma colère alors que mes joues s’inondaient de larmes.
— Harper et moi avons décidé d’agrandir la famille, oui. Après de nombreuses discussions entre nous, la décision n’a pas été facile pour bien des raisons que je vais t’épargner. Le terme est prévu pour septembre. Je suis au cinquième mois. C’est une petite fille…
Je plissais les yeux. Cette fois, tout mon frêle petit corps se mit à trembler sous la tension. Une tension très mal venue dans mon état de santé et que je devais absolument éviter. Mais ça, Jean ne le savait pas, et je n’étais pas dans la disposition mentale pour m’en inquiéter pour l’instant.
— Nous voulions prévenir tout le monde une fois certain que tout se déroule bien… je…
Je fermais les paupières en prenant une profonde inspiration.
— Elle m’avait dit qu’elle te l’annoncerait…
Je me mordais la lèvre, puis, de colère, je donnais un coup de poing dans la barrière en hurlant. Elle craqua sous le coup. À moins que ce ne soit mon poignet ? La douleur eut au moins l’effet d’estomper quelque peu ma colère. Je me tenais le poignet en grognant de douleur et de rage.
— Je te promets, Jean. Je te promets que je vais la tuer. Puis la ressusciter pour que tu puisses toi la tuer. Puis on la ressuscitera à nouveau pour vivre à trois en famille, comme on devrait le faire depuis… depuis le début, putain ! Je… Ah ! Je déteste quand elle est comme ça bordel ! Je l’aime, mais au même temps, je la hais ! Quelle… quelle… Aaah !
Je secouais le poignet en faisant à présent des allées et venues devant Jean. Si je ne me calmais pas tout de suite, la tension allait sérieusement me mettre en danger. Nous mettre en danger.
Le sourire de Jean était revenu. La colère et la tristesse avaient rapidement fait place à une culpabilité familière. La surprise puis la colère d’Abigail étaient comme des montagnes vibrant sous un séisme. Jean redevenue enfant, comme devant sa mère ou sa sœur, n’espérant recevoir qu’une petite marque d’affection de leur part, ne pouvait, ne devait leur déplaire… d’aucune façon. Jamais Harper ne lui pardonnerait si elle brisait quelque chose entre elle et son âme sœur. Jean se morigéna intérieurement, par-dessus son cœur brisé qui n’était déjà qu’un vague souvenir enfoui tout au fond. Car, quoi de plus facile que d’être dans le déni.
Parce que… Abigail avait tout compris, d’un coup, facilement. Cette fille était douée d’une sensibilité et d’une intelligence émotionnelle qui rendait les choses plus difficiles à cacher. Il lui fallait donc une solution… A travers son sourire un peu faux, qu’elle rendit sincère au plus possible elle réfléchissait à toute vitesse. Il y avait toujours la légilimancie… mais après avoir eu le cœur à vif elle ne savait pas si elle pouvait se lancer sans risque dans une opération qui demandait autant de concentration et de volonté. Et puis… ce n’était pas très moral d’éliminer des souvenirs chez sa belle sœur enceinte non ?
Une solution, une solution, un subterfuge, un mensonge, une excuse pour Harper vite. Vite calmer l’ouragan, apaiser le volcan. Car, désormais l’état physique de la jeune femme préoccupa Jean. Elle ne s’y connaissait pas tant que ça en femme enceinte mais elle était presque certaine qu’Abigail absorbait un sacré choc.
Voyant la sorcière tomber, Jean écarquilla les yeux et se rapprocha immédiatement, ramassant sa baguette et son carnet. Elle tomba yeux dans les yeux avec Abigail qui, elle, était d’une sincérité désarmante. Sa détresse qu’elle assumait, quitte à ressentir des émotions aussi violentes… c’était comme un miroir désagréable, un miroir qui pointait Jean du doigt, Jean et son hypocrisie.
Sourire, ne pas perdre la face, sourire, rester dans le personnage. D’autant, que pour cette fois, il ne fallait pas s’inquiéter pour Jean mais bien pour la belle sœur et le bébé. D’un sourire rassurant, elle planta ses yeux dans ceux d’Abi et s’agenouilla auprès d’elle. Sa voix se fit plus douce.
Mais oui, tu sais j’ai la tête dans beaucoup de choses c’est ma première année d’enseignement. J’ai bien le souvenir qu’Harper soit venu me parler… je n’ai pas dû bien y faire attention et tu sais, parfois elle n’est pas très compréhensible !
Elle leva les sourcils, tentant de communiquer sa légèreté à Abigail. Une larme coulait sur sa joue.
Oh non, ne pleure pas Abigail, c’est un heureux évènement, j’aurais dû être plus attentive… ça ne change rien. Oublie ça...Veux-tu quelque chose à manger pour te requinquer ?
Mensonges, mensonges. Mensonges doux et confortables mais mensonges quand même. Mensonges pudiques. Mensonges protecteurs.
De toute façon Abigail ne l’écoutait pas, son cœur franc avait aperçu la vérité et il n’en démordrait pas. Peu importaient la force de persuasion et les beaux mensonges de Jean.
La main de Jean, timide, hésitante, finit par se poser sur le dos de cette petite femme à terre. Elle ouvrit la bouche pour lui demander comment ça allait mais … la petite femme à terre devint… un dragon. Ce que Jean avait redouté arriva, cela retomberait sur Harper. Puis sur elle. Comme ça l’avait toujours été. Il fallait absolument qu’elle désamorçât la situation. Peu impressionnée, elle décida d’opter pour une posture plus légère comme si ce n’était pas si important.
Ne t’excuse pas, je suis sûre que je l’ai appris mais j’ai du l’occulter ! Pas la peine de la tuer, je ne veux pas d’une petite nièce ou d’un neveu semi orphelin.
Elle émit un petit rire. Ce qui ne collait absolument pas avec la fureur de plus en plus grande d’Abigail. Les yeux noirs, l’air froid autour d’elle, les larmes de colère qui coulaient en continu. Néanmoins malgré sa colère, elle expliqua, presque froidement qu’elle et Harper voulaient un bébé, qu’il arriverait pour septembre… cela en ferait des changements. Peut-être pas pour Jean qui risquerait d’être un peu mise à l’écart par Harper mais elle restait heureuse pour ces deux jeunes femmes qui bâtissaient leur coin de bonheur.
Une petite fille… L’imagination de Jean s’emballa très momentanément puisque Abigail repartit dans sa fureur, allant jusqu’à donner un coup de poing dans la barrière en hurlant. Jean sut immédiatement, après avoir déjà vu bien des blessures qu’elle s’était faite mal.
Ok, plan 2.
Abigail avait commencé un laïus de colère sur sa conjointe, Jean n’était plus du tout souriante. Cela n’était plus léger, cela ne la faisait plus rire. Abigail se mettait en danger, elle mettait en danger son bébé et elle mettait Jean dans une position de porte à faux vis à vis d’Harper.
Elle hésita une dernière fois à utiliser de la légilimancie pour au moins apaiser ce petit être en furie mais se décida à utiliser un autre moyen. D’abord, elle enleva ses lunettes, et plaça ses mains sur ses hanches. Puis d’un coup de baguette ce fut le silence. La lumière semblait s’être amenuie. Se plaçant entre Abi et sa colère, Abi la percuta à moitié et Jean l’enlaça fermement comme on dresse un animal apeuré. Elle appuya ses bras un peu gênée par le ventre rond, restant à distance, entourant ce nouvel enfant comme elle entourait sa mère. Elle enfouit son propre visage dans le cou tendu, plaça sa main sur la nuque. Changer le mouvement furieux, la colère inébranlable qui avançait en écrasant tout sur son passage. L’envelopper, l’absorber, l’accepter. Du calme dans la tempête. Après tout c’était à elle d’être blessée, et si elle décidait que ce n’était rien alors Abi n’aurait pas de prises… peut-être même qu’elle n’engueulerait pas à Harper qui ne considérerait pas que Jean était une nouvelle fois une source de problèmes. Dire son nom, doucement pour la réveiller.
« Abigail… calme-toi. S’il te plaît. »
Elle resta un moment. Sur le bout de ses lèvres, une petite phrase menaçait de passer. Mais accepter cette phrase c’était faire face à la réalité et Jean ne savait pas si elle en avait le courage. Affronter un dragon pourquoi pas, faire face à ses émotions négatives… pas encore.
Laisse-moi gérer ça avec ma soeur. Si tu t’interposes, cela ne rendra nos relations que plus difficiles encore. On peut arranger les choses.
La phrase se tortilla sur la langue, planquée derrière Abigail, Jean pouvait faire tomber le masque de son visage. La phrase menaçait de sortir quand elle se rendit compte qu’il y avait plus urgent. Il y avait toujours plus urgent.
« Tout va bien. N’en parle pas à Harper je t’en prie, c’est un oubli de ma part. »
Comme un mantra. Comme un aveu de faiblesse.
Elle se détacha doucement et jeta un regard aux alentours.
« Accio tabouret. Maintenant fini les bêtises… ça ne m’étonne pas que tu t’occupes de dragon finalement » fit -elle avec un air semi autoritaire semi amusé. « Montre-moi ton poignet. »
Alors qu’elle s’était abaissée à la hauteur du poignet, qu’elle avait remis ses lunettes et qu’elle regardait dans un de ces carnets de médicomagie, art qu’elle ne maîtrisait pas vraiment mais dont elle avait noté les principales potions et manipulations au cas-où, elle lui lança.
« Vous lui avez déjà donné un nom ? »
Elle fronçait à moitié les sourcils, concentrée sur ses notes mais habituée à faire deux choses à la fois.
« J’ai peur de faire pire que mieux. J’aurais bien une petite potion mais je ne sais pas si c’est contre-indiqué dans ton … état. »
HRP:
Avec toutes mes excuses pour le retard !
PRETTYGIRL
Abigail MacFusty
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Dans l’obscurité de la tempête qu’était ma colère, je restais aveugle et sourde aux émotions et aux paroles de ma belle-sœur. Focalisée sur le visage d’une Harper imaginaire, je me voyais lui remonter les bretelles comme jamais, emportée par ma furie comme le pouvait être un Noir des Hébrides que je protégeais si farouchement depuis ma naissance. Toute lumière éteinte, toute raison enfuie, je me perdais dans le propre gouffre que je creusais, égoïste et oublieuse de l’état de détresse de ma propre belle-sœur qui venait d’apprendre comme un cheveu sur la soupe ma grossesse. Un événement pourtant heureux qui, depuis le début, restait une source de bien des préoccupations. Abigail ne fait pas ci, ne fait pas ça. Abigail, pense à ta santé. Abigail, tu es fragile. Abigail, pense au bébé. Abigail, tu n’as plus le droit aux activités physiques de toutes sortes. Abigail, si tu continues comme ça tu termineras alitée. Abigail, ménage-toi. Abigail…. Aaaah ! mon quotidien était déjà compliqué, car on pouvait me voir comme une handicapée, mais maintenant, c’était pire ! Il n’y avait qu’avec Harper que le bonheur restait simple et pur… jusqu’à cet instant. La douleur, même physique, s’occultait face à ma fureur. Sourde, toujours sourde, je ne me rendais même plus compte du silence magique environnant, de la lumière tamisée et de la proximité de ma belle-sœur.
Elle me cueillit là, au milieu de la tempête. Tendue, je suspendais mon mouvement, les bras à demi levés, les yeux écarquillés. Peu accoutumée à être touchée par les autres, encore moins par Jean, ce contact me surprit tant qu’il souffla instantanément ma colère. Elle s’effondra comme un château de cartes face au souffle brûlant d’un dragon. L’amour était toujours la réponse. Je pris une profonde inspiration, et les cheveux blonds de Jean vinrent me chatouiller les narines. Les fragrances de son parfum s’insinuèrent en moi et remuèrent chacun de mes atomes. Savait-elle qu’elle avait la même odeur originelle que sa sœur ? Cette odeur si caractéristique qu’aucun savon ou aucun parfum pouvait me cacher ? Le prendrait-elle bien si je le lui confiais ? Je préférais taire ce côté un peu autiste de mon être. Et je la pris à mon tour dans mes bras, pour la serrer comme je serrai Harper contre moi. À demi sur la pointe des pieds, les mains s'accrochant à son dos. Jean reprit la parole, m’intima de ne rien dire, s’obstina encore à me dire qu’elle avait oublié. Encore ? Ah, peut-être que finalement, j’avais entendu dans ma colère. Entendu, mais pas écouté. Elle insistait, comme une poésie apprise par cœur, comme le refrain mainte fois répété durant notre enfance lorsqu’on voulait faire porter le chapeau aux cadettes. C’est Jean qui a commencé ou c’est Adélaïde qui a commencé. Jamais les aînées, si irréprochables, si complices, si… mesquines. Un amour gâché des deux côtés, même si chez les Auburn, la situation transpirait le malaise du passé. J’aurais tant aimé pouvoir arranger la situation entre elles.
Assise sur un tabouret apparu par magie, je reprenais lentement mes esprits, enfermée dans un mutisme ahuri tant mes pensées tournaient rapidement dans ma tête. Harper. Le bébé. Jean. Le mensonge. La nouvelle si soudaine. Puis la douleur. Physique cette fois. La douleur dans mon bas ventre, si familière et pourtant si alarmante, signe que j’avais trop forcé, encore. Je grimaçais et obéissais docilement à Jean en lui présentant mon poignet. Pourquoi demandait-elle cela ? Ah, oui, c’était difficile de le lui donner. La peau virait déjà un peu au jaune verdâtre. Un son guttural m’échappa.
— Je suis désolée. Je m’emporte rarement.
Il n’y avait qu’Harper pour me mettre dans cet état, en fait. Je fermais les yeux pour me reprendre tout à fait et calmer les douleurs dans mon bas-ventre. Tout va bien. Tout va bien. Quand ma belle-sœur me demanda pour le prénom, je rouvrais les yeux et répondis du tac-o-tac.
— Jackette.
Réalisant l’absurdité de l’information, je complétais à brûle-pourpoint.
— Enfin, c’est son surnom. Comme Jack et les haricots magiques. Parce que… parce qu’au début elle était comme un haricot.
Je me sentais obligée de rajouter pour une touche d’humour.
— J’avais proposé Ripley, en hommage à ce film moldu mais Harper n’était pas convaincue.
Puis je penchais la tête, voilant une partie de mon visage derrière un rideau de cheveux.
— Son vrai prénom, nous le dirons à la naissance, mais… oui, nous avons trouvé.
Enfin ouverte à mon environnement, je regardais enfin Jean, son visage, son attitude. Le pli sur son front marquait son inquiétude, qui trouva une grimace ennuyée en réponse.
— Je passerai à l'infirmerie, ne t’inquiète pas, ils ont l’habitude de me voir en ce moment…
J’allais finir enfermée à Azkaban si je continuais comme ça. Je soupirais, décontenancée par mon propre comportement inconscient. Mais je revins vite à un point essentiel : les émotions de Jean. De ma main valide, j’attrapais le poignet de ma belle-sœur et me penchais dans sa direction pour capter son regard.
— Jean… je suis profondément navrée que tu l’aies appris en ces circonstances, crois-moi, ce n’était pas du tout prévu. Je… je suis désolée et…
Je fronçais les sourcils, résolue, avant de continuer avec sincérité.
— Je voudrais que tu aies une part active dans la vie de cet enfant. Tu seras sa tante… c’est important pour moi, et je suis certaine que c’est aussi important pour Harper.
Un sourire maladroit se peignit sur mes lèvres tandis qu’un reflet doux scintilla dans mes prunelles sombres.
— Est-ce que tu en aurais envie ? S’il te plaît.
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Les jolies choses, nous on les danse [Jean]
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