Il y avait quelque chose qui clochait. Je connaissais Kayla depuis des années maintenant, nous étions restées en contact même lorsque j’avais décidé de dire ciao au monde des sorciers pour rejoindre celui des moldus. S’il y avait bien une personne qui me suivait dans toutes mes aventures habituellement, c’était elle et là, je n’avais plus de nouvelles ? C’était impossible. Comment avec cette information je pouvais rester tranquille à attendre des nouvelles ? Poudlard était un véritable enfer, les objets électroniques ne fonctionnaient pas bien et plus d’une fois ces derniers jours j’avais eu envie de balancer le portable contre le mur avant de me souvenir que si je faisais ça, il ne me serait d’aucune utilité, que je devrais me racheter un portable et qu’en prime Kayla n’aurait plus mon numéro. En théorie, je n’aurais plus son numéro non plus mais Eirian me le filerait sans problème, ça n’était donc pas un problème. A la boutique, ça n’était pas forcément mieux, s’il y avait du réseau, le portable restait incroyablement silencieux… Oui, un peu comme celui de la gérante, qui était passé de vibrer très régulièrement, quel pot de colle ce pompier, à ne plus vibrer du tout. C’était d’un compliqué, j’avais beau savoir que Soledad avait besoin que je sois à cent pour cent présente pour l’épauler et faire tourner la boutique, je ne pouvais m’empêcher de vérifier l’écran de mon téléphone, son réseau et de constater qu’il n’y avait pas le moindre message et aucun problème de réseau, bien entendu. S’il était possible qu’elle fasse la boude parce que je l’avais explosé à la course, à la bagarre et à toutes les choses que les grosses bestioles font lorsqu’elles sont lâchées en pleine nuit dans une forêt, il était impossible qu’elle n’aille pas en cours, impossible que ça dure. Toute cette histoire n’avait aucun sens et j’avais la sensation de tourner en rond. La pleine lune n’arriverait que dans pratiquement un mois, je ne pouvais donc pas compter sur la vitesse d’un loup lancé à fond, devant me contenter de mes jambes… tout de suite on couvre moins de kilomètres et ça va quand même moins vite de suivre des pistes. A quoi ça pouvait servir d’avoir un odorat si je ne pouvais pas couvrir assez de terrain pour repérer les pistes ?

Très vite, il devint évident que j’avais besoin d’aide pour mener à bien cette tâche, à savoir retrouver Kayla. Soledad, ça n’était pas la peine de compter sur elle, non pas qu’elle ne m’aiderait pas mais vu son état de forme actuel, proche de zéro pour faire simple. Si j’avais très, très envie de contacter Kesabel pour lui dire que j’avais besoin de lui, je n’étais pas sûre qu’il accepte et cette non certitude me faisait douter. Ça n’était pas une question d’ego, venir lui demander de l’aide, ça n’était pas un problème, il pouvait aider et je le savais, je me fichais bien qu’il se la pète derrière. Quel était le problème alors ? Qu’il me dise non, actuellement, ça n’allait pas très fort, je me retrouvais à devoir gérer une boutique, ma patronne était dans un état déplorable, ma meilleure amie ne donnait plus signe de vie et clairement, imaginer Kesabel me dire désolé, j’ai pas que ça à faire, j’ai une meute à gérer, ça me tétanisait. Alors oui, je savais bien que cette meute, je n’en faisais plus partie parce que j’étais incapable de voir Kesabel autrement que comme mon copain… Là où lui arrivait visiblement très bien à dissocier copine de chef de meute. Tu parles d’un ego démesuré le garçon. Je ne pouvais donc pas aller le voir, si c’était pour me faire jeter, ça risquait de fortement dégénérer, de me mettre en colère et si ma priorité devenait de rabattre le caquet de Greyback, ça ne ferait pas beaucoup avancer mes affaires. Elwyn était dans une période un chouya sombre de l’année, le mieux, c’était encore de lui foutre la paix, même si pour le coup, lui il appréciait Kayla, il ferait sûrement l’effort. Il y avait quelqu’un de plus qualifié que toutes les personnes précédemment citées, quelqu’un qui traînait TOUT LE TEMPS avec Kayla et qui en plus l’emmenait à la bibliothèque pour réviser, wouhou grosse éclate.

En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, je quittai ma salle commune où bien évidemment Kayla n’était pas pour partir à la recherche d’Eirian. Si Poudlard était gigantesque, qu’il y avait plein d’étages, des escaliers qui n’en faisaient qu’à leur tête, trouver Eirian n’avait jamais été compliqué, bibliothèque ou cours, voire la grande salle pour l’heure du repas, là ce fut un peu plus compliqué. C’est comme si Eirian avait changé du tout au tout, ses camarades de promotions sur qui je tombais me glissèrent qu’il n'était pas venu la veille, le jeudi donc. Je fronçai le bout du nez, ça ne sentait pas bon ça, pas bon du tout, le mercredi forcément, j’étais dans le coltar, ça faisait une semaine que je prenais une potion dégueu – oui comme d’hab – que je dormais moins bien, sans oublier que ce mois d’avril quelle blague entre Soledad mourante – si si elle était mourante – la boutique à gérer SEULE – oui avec Jack en vrai mais lui c’est pas forcément un cadeau -  et la découverte d’un membre de la famille très proche, je dormais mal donc croyez moi qu’après avoir crapahuté dans les bois et avoir EXPLOSE Kayla à la course j’avais eu besoin de repos. Jeudi bah j’étais à la boutique à harceler cette pauvre Kayla et aujourd’hui j’apprenais qu’Eirian ne venait pas en cours… petit génie pas en cours ? Oh bonjour l’angoisse et s’il avait disparu lui aussi ? Est-ce qu’ils étaient partis ensemble ? Non ça c’était impossible, il y en aurait au moins un des deux qui m’aurait envoyé un texto sur notre groupe à trois. Et s’ils avaient eu des problèmes ? Merde j’avais peut-être mis trop de temps à réagir, foutu transformation, foutu métier, foutu moi. « Vous l’avez vu quand la dernière fois ? » J’avais des palpitations là non ? J’avais très chaud en tout cas, jusqu’à ce qu’ils me répondent qu’ils l’avaient vu il y a cinq minutes. Je ne comprenais plus rien, il était à Poudlard mais il n’allait pas en cours ? Il allait vers où du coup ? Il descendait les escaliers. Sans attendre ni dire au revoir, je fonçai à mon tour dans les escaliers, courant à toute vitesse pour rattraper Eirian.

Par chance, s’il était certainement pressé, il ne courait pas lui, je réussis donc à le rattraper avant qu’il franchisse les immenses portes d’entrée du château « EIRIAN ! » Oh bordel, j’avais plus de souffle, ma voix s’étrangla dans ma gorge, est ce qu’il m’avait seulement entendu ? Je repris donc « ATTENDS MOI. » J’eus l’impression que ça résonnait mais je crains que ça soit mon imagination ou l’espoir qui me fasse dire ça. Quoi qu’il en soit, il s’était arrêté, sûrement qu’il m’avait entendu ou alors c’était pour une toute autre raison, je me mis une nouvelle fois à courir pour être sûr… après on marchait, sinon j’allais jamais tenir la distance. Une fois à sa hauteur, je demandai entre deux inspirations pour reprendre mon souffle « Tu t’inquiètes pour Kayla toi aussi pas vrai ? » Je n’étais pas passée par la grande salle, forcément, on avait pas pu faire un état des lieux. Si ça se trouve, il en était arrivé à la conclusion que j’avais eu deux minutes avant à savoir que j’avais disparu avec Kayla, et bah non surprise ! Puisqu’il était évident que nous avions le même but, je demandai à mon petit génie préféré « Tu as un plan pour la retrouver ? » Il savait peut être même où elle était et l’affaire serait réglée en un claquement de doigt.

De retour en coup de vent à Poudlard, tu ne prends que le temps de t’équiper, ignorant les questions de tes camarades de dortoir qui se demandent où tu as passé la journée – Eirian qui saute des cours, c’est presque une première depuis ton entrée à l’école et ça les amuse autant que ça les intrigue. Tu envoies promener rudement les plus insistants, l’esprit tourné vers une seule chose : Kayla. Où elle est ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Les questions tournent et retournent dans ta tête, lancinantes, sans que tu puisses y apporter le moindre début de réponse. La seule certitude, c’est qu’elle a disparu.
Ton ton sec dissuade les autres d’enchérir, et ils doivent sentir aussi ce côté plus dur qui te vient dans ces moments, quand tu te prépares à te battre – cette dureté forgée depuis ton enfance, dans les fuites désespérées et les affrontements violents avec le Blood Circle, qui te place dans un perpétuel décalage avec le reste du monde. Une dureté qui s’accompagne d’un instinct que tu aurais mieux fait d’écouter une fois de plus. Nul doute que ton attitude ajoutera quelques pages au chapitre de tes bizarreries, mais depuis le temps, tes condisciples ont l’habitude, et si ce n’est pas le cas… tu ne peux plus rien pour eux et c’est le dernier de tes soucis.

Les événements de la veille tourbillonnent dans ta tête, tandis que tu termines de prendre ce qu’il te faut pour passer au moins la soirée et une partie de la nuit dehors – le temps file, ça fait déjà vingt-quatre heures qu’elle a disparu. Tu jettes un coup d’œil à ton téléphone, pas de réponse de Maxime, mais tu n’es pas sûr qu’elle ait bien reçu tes messages, entre ton vieux téléphone qui commence à te jouer des tours et le fait que tous les messages ne parviennent pas jusqu’à Poudlard.
Si seulement tu n’avais pas mis tant de temps à te rendre compte du problème alors que vous passez une bonne partie de votre temps libre ensemble, que ce soit pour courir ou étudier à la bibliothèque ! Mais vous avez aussi chacun vos vies et vous n’empiétez pas dessus – enfin, surtout elle, plus que toi, parce qu’il faut bien avouer que tu n’es toujours pas un grand fêtard et que tes relations restent globalement peu nombreuses, même si elles ont entamé une petite courbe ascendante ces derniers temps.
Hier tu as été surpris de ne pas la croiser. Tu as d’abord mis son absence du matin sur le compte de la fatigue de sa nuit avec Maxime, tu sais qu’elles s’en donnent à cœur joie, la louve et la panthère, et tu les imagines sans mal se courir après et se bagarrer pendant des heures. C’est devenu un peu plus surprenant au déjeuner, ta meilleure amie étant un ventre à pattes, mais pareil, ça pouvait s’expliquer, elle avait très bien pu passer demander quelque chose aux cuisines et profiter de la pause pour faire une sieste. Quant à la soirée… elle t’avait dit vouloir la passer avec Lyam. Ça n’a quand même pas empêché l’inquiétude de se créer une petite place au creux de ton ventre, et tu prends conscience que tu as tellement l’habitude de la voir, ou au moins de la croiser, qu’une journée sans elle te paraît étrange, surtout en semaine. Tu as repoussé le nœud dans ton ventre, mettant ton inquiétude sur le compte de ta paranoïa et de tes angoisses habituelles, rejetant l’idée qu’il ait pu arriver quelque chose à Kayla. Et puis, s’il y avait eu un problème, elle aurait activé son bracelet, n’est-ce pas ? Tu l’aurais senti, alors que là… rien.
Mais tu devrais accorder davantage de crédit à ton instinct au lieu de le rejeter. Tu sens quand quelque chose n’est pas normal, tu sens l’anomalie avant les autres, tu sens cette inquiétude particulière – certes renforcée par tes traumatismes au point que tu ne sais plus faire la différence entre les moments où elle est normale et ceux où c’est simplement ton esprit qui essaie de justifier sa vigilance constance en s’inventant des dangers à chaque angle de couloir. Une vie de cavale et des années à la rue te l’ont appris de force, ont forgé cet instinct, ce sixième sens qui t’est bien utile pour tes études et pour les missions de l’Ordre.
Et ton inquiétude s’est trouvée confirmée dans la journée lorsque tu as reçu les messages de Julia pour te demander des nouvelles de Kayla et si tu pouvais passez chez elle pour en discuter.
Il est arrivé quelque chose à Kayla et tu as mis 24h pour t’en rendre compte.
Tu as directement transplané, abandonnant tes cours à leur sort sans le moindre état d’âme.

La rencontre chez Julia s’est révélée aussi catastrophique que tu le redoutais. La cousine de Kayla n’avait pas davantage de nouvelles alors que tu sais qu’elles s’écrivent tous les jours – de même pour les parents de ton amie, pas de nouvelles. Les messages n’ont même pas été lus.
Avec Julia, tu as paré au plus urgent : ne pas prévenir la police moldue pour l’instant, trop de risques que la nature de sorcière de Kayla émerge pendant l’enquête ; à voir pour les Aurors, c’est aux parents de décider, mais tu es pour, ils auront davantage de moyens que vous pour chercher et tu sais que Sean prendra la situation au sérieux, tu lui en parleras dès que tu pourras, ne voulant pas outrepasser les parents de Kayla. Et vous avez commencé de premières recherches, plutôt à la façon moldue, mais tu as l’intention de continuer à la façon sorcière, c’est sans doute la seule chance d’obtenir des indices après tant de temps. C’est pour cela que tu as laissé Julia, morte d’angoisse, en essayant de la rassurer et en lui promettant de la tenir au courant à la moindre information.

Dès que tu seras sorti de l’enceinte de Poudlard, tu as bien l’intention de recontacter Maxime, voire de la harceler de messages, pour qu’elle te rejoigne et que vous cherchiez ensemble. Est-ce qu’elle est seulement au courant de ce qui se passe ? Peut-être qu’elle est en train d’en prendre conscience, comme vous.
Ton téléphone à la main, tu descends les escaliers d’un pas rapide, empruntes un ou deux raccourcis pour arriver plus vite en bas, esquives un professeur qui te hèle au détour d’un couloir pour te demander ce que tu as fait de ta journée, tout en passant en revue mentalement les endroits où tu pourrais chercher, repoussant l’angoisse qui te tord le ventre en songeant à tout ce qui a pu lui arriver – ta première pensée va au Blood Circle, parce que c’est ce qui régit toute ta vie, mais il peut aussi s’agir d’une mauvaise rencontre – tu es bien placé pour savoir que même en étant expérimenté, capable de se défendre, on n’est pas à l’abri de se faire avoir.

On t’appelle et tu ne prends pas la peine de tourner la tête ni de ralentir, toujours aussi décidé à ne pas répondre à ceux qui veulent savoir ce que tu fais. C’est fou, ils te fichent la paix la plupart du temps, mais c’est pile quand tu es plus que pressé que tout le monde s’intéresse à toi. Mais l’exclamation suivante te fait marquer un arrêt brutal. Dans le « Attends-moi » qui résonne, tu reconnais la voix de Maxime. Tu jettes un coup d’œil en arrière. C’est bien elle, en train de dévaler les escaliers dans ta direction, et le soulagement t’envahit. À deux, vous serez bien plus efficaces – et vous avez déjà eu l’occasion de constater que vous fonctionnez bien ensemble.
Elle te rejoint à bout de souffle. Elle s’inquiète elle aussi, et tu hoches la tête.

— Oui. Elle a disparu depuis hier matin, personne n’a de nouvelles, toi non plus ? J’espérais…

Tu n’y croyais plus vraiment, pas après tes échanges avec Julia, mais s’il y avait quand même une chance infinitésimale que Kayla n’ait pas vraiment disparu, tu étais prêt à t’y accrocher.
Maxime te demande si tu as un plan.

— Déjà, te contacter. Je t’ai écrit, mais je crois que les messages ne sont pas passés. Ça, du coup, c’est fait, c'est parfait. Ensuite… je pensais aller voir là où vous vous étiez séparées l’autre matin, parce que je ne l’ai pas vu à Poudlard de la journée hier, Julia n’a pas eu de nouvelles non plus, donc c’est peut-être à partir de ce moment qu’il a pu se passer… quelque chose. Ou tu as d’autres pistes ?

Purée, je n’aurais jamais cru que rattraper Eirian avant qu’il sorte aurait pu faire aussi mal. Pourtant, mon cardio était bon, sans vouloir me vanter, en fait si je m’en fous, j’étais toujours en activité, je ne tenais pas en place, sauf des fois dans le magasin de Soledad mais ça c’est parce que j’avais un thé à la main et que je me forçais à ne pas marcher partout pour petit un, ne pas en foutre partout, petit deux, ne pas me brûler, petit trois, il y a pas de petit trois. Mais les escaliers, c’est quelque chose quand il faut les dévaler pour rattraper un adorable petit Serdaigle qui ne m’attend même pas pour mener cette enquête. Si, si j’allais l’engueuler, juste pas tout de suite parce que j’avais plus de souffle, en plus quand je m’énervais, j’avais tendance à accélérer le débit de parole, autrement dit, là, en l’état, c’était impossible. Oh je l’enguirlanderais plus tard, il ne payait rien pour apprendre. Surtout qu’il semblait être arrivé à la même conclusion que moi, Kayla avait disparu. Même si je l’avais compris, le fait qu’il en soit arrivé à la même conclusion me fit mal au cœur. Lorsqu’il mentionna qu’il espérait certainement que moi je sache où elle était, qu’elle m’ait informé de quelque chose, je secouais la tête négativement. Non, je n’avais pas plus d’information que lui, Kayla ne m’avait en rien informé de ses plans. Avait-elle seulement un plan ? Pour ce que j’en savais, elle n’était pas très plan elle non plus, enfin toujours plus que moi – faut dire que moi et les plans, ça n’était pas vraiment une histoire d’amour, ça faisait perdre trop de temps.

Sauf que voilà, si moi je n’étais pas la fan numéro un des plans, Eirian était plus du genre à avoir un plan détaillé dans sa tête, sûrement qu’il avait même l’option deux et trois au cas où la une ne fonctionnait pas. Il réfléchissait beaucoup trop à mon sens mais puisqu’aujourd’hui ça allait me servir, je n’allais pas trop l’ouvrir. L’étape numéro un de son plan était de me contacter, je le regardais avec un sourire, alors ça, pas besoin du coup, j’étais là. Il m’avait envoyé des messages ? J’attrapais mon téléphone avant de grimacer « Qu’est ce que c’est chiant que les ondes ne fonctionnent pas bien dans cette école. » Et dire que les moldus se plaignaient quand ça captait pas bien, qu’est ce qu’on devrait dire nous ? Son idée était donc d’aller là où on s’était quitté après la pleine lune. Personne ne l’avait vu depuis ? Je fronçai les sourcils, elle allait très bien lorsque nous nous étions quittées, nous allions très bien toutes les deux, un peu fatigué mais ça c’était tout à fait normal après avoir crapahuté dans la forêt.

J’encaissai l’information comme quoi ni lui, ni Julia n’avait eu de nouvelles depuis. Depuis qu’elle se transformait en panthère et qu’elle passait ses nuits avec moi, je ne savais pas vraiment comment ça se passait pour elle derrière, je ne m’étais jamais posée la question. Il faut dire que le lendemain, j’étais épuisée au possible et je ne pensais qu’à roupiller dans un coin. Ensuite, la vie reprenait son cours normal et je ne me posais pas plus de questions que ça « D’habitude, quand la pleine lune est passée, elle vous envoie un message ? » Si c’était le cas, ça voulait dire qu’il s’était passé quelque chose très rapidement. J’essayai de faire marcher ma mémoire, est ce qu’il y avait eu des odeurs ce jour-là ? Forcément, je me souvenais de l’odeur du pelage de Kayla, celles des animaux qui s’inquiétaient de voir débouler deux prédateurs à toute vitesse, poussant des grondements un peu stupide. Rien qui ne puisse être bizarre, aucun risque que Kayla se fasse attaquer par trois mulots ou un lapin. Je regardai Eirian, prenant conscience que j’avais peut être fait une erreur « On aurait dû rentrer ensemble. » Ca n’était pourtant pas grand-chose de rentrer à Poudlard ensemble, elle n’avait sûrement pas rejoint son copain ce matin-là, il devait travailler le loustic. En parlant du Rosebury, se pourrait-il qu’il soit la clé de l’énigme ? « J’ai une autre piste mais je préférerais qu’on vérifie la tienne en premier. » Néanmoins, aucune intention de faire de la rétention d’information. « On peut aller faire un tour chez son copain après ? » Nous étions des sorciers, lui un moldu, il y a de fortes chances que nous arrivions à pénétrer chez lui. Toutes les personnes ne se ressemblent pas, ce n’est pas parce qu’un type est un assassin que sa fratrie l’est aussi, de la même façon, ce n’est pas parce qu’un gars faisait parti du Blood Circle que son frère aussi. Il n’empêche qu’il y avait, tout d’un coup, cette inquiétude réelle. J’avais ce besoin de mettre mon nez partout et de me rassurer moi-même, tout en ayant besoin d’Eirian pour qu’on ne puisse pas se rendre compte de notre présence.

La première étape de notre enquête se déroulant dans la forêt, nous transplanions là-bas. Le problème c’est qu’il avait un petit peu plu mercredi en soirée. Quant à aujourd’hui, nous avions de la chance, il y avait des nuages mais pour le moment pas de pluie, ce qui était pratique pour repérer les odeurs. J’essayai de repérer les empreintes de pas, cherchant toujours à faire fonctionner ma mémoire mais sur des choses qui m’avaient paru tellement futiles sur le moment, ça n’était pas évident. Je finis par trouver les empreintes que je cherchais, deux jeux d’empreintes, enfin plutôt quatre pour être plus juste. D’un côté il y avait de petits restes d’empreintes de loups, moi,  et quelques empreintes de panthère, ça c’était Kayla et elles finissaient par se changer en empreintes d’humains. Enfin, moi je pouvais voir cela parce que je savais ce qu’il s’était passé, en réalité c’était plutôt un amas d’empreinte informe, impossible de comprendre ce qu’il s’était passé, pas sûr que les chasseurs comprennent quoi que ce soit, si ce n’est qu’il y avait des bestioles étranges. Faut dire, c’est quoi cette météo de merde-là, il y avait de la boue partout, ça laissait des empreintes mais comme il pleuvait régulièrement, elles s’effaçaient aussi. Impossible de véritablement remonter une piste avec certitude et pourtant, j’étais plutôt douée dans ce domaine… c’était même mon domaine de prédilection. Je montrai à Eirian un jeu d’empreinte « ça il me semble que c’est moi. » Je disais bien semblait parce qu’il avait plu, que les odeurs étaient un peu émoussées et que les empreintes n’étaient pas parfaitement dessiné. Je fis la moue désignant l’autre paire d’empreinte qui me semblait encore plus effacée, ce qui était certainement mon imagination « Ce qui veut dire que ça, ça devrait être celles de Kayla, on peut voir si ça mène quelque part ? » ça me paraissait peu probable, Kayla savait transplaner, elle n’allait pas se balader pendant mille ans dans la forêt, mais bon, on pouvait suivre, nous verrons bien.

Si tu es d’abord soulagé de tomber sur Maxime – ça t’évitera de perdre du temps à la contacter et à vous retrouver –, elle n’a malheureusement pas de bonnes nouvelles, achevant de tuer tes derniers espoirs que l’absence de Kayla soit normale. Elle n’a pas reçu tes messages et elle maudit les ondes qui passent mal à Poudlard – ça va finir par vous coûter cher, ce problème-là, vous perdez un temps fou à chaque fois.

— Ils devraient trouver un moyen de résoudre ça, tu réponds distraitement, l’esprit ailleurs.

Tandis que vous partagez vos informations, tes pensées fusent, pleinement concentrées sur la situation. Tu sais que les premières heures qui suivent une disparition sont cruciales, et vous en avez déjà perdu tellement… tu t’en veux de ne pas avoir compris plus tôt, de ne pas t’être posé davantage de questions. Tu as trop l’habitude que ta paranoïa te fasse voir les choses pires qu’elles ne sont et tu as fait taire tes inquiétudes en les mettant sur son compte. Plus jamais tu ne commettras cette erreur, tu te fous de ce que les autres penseront de tes angoisses. Depuis le temps, tu devrais savoir que ton instinct se trompe rarement lorsqu’il y a un danger quelconque. Que tu dois l’écouter, peu importe à quel point la situation te semble improbable. Il t’a trop souvent sauvé la vie pour que tu te permettes de l’ignorer.
Au fond de toi, tu as sans doute voulu te convaincre qu’il n’était rien arrivé à Kayla, parce que l’idée que quelque chose se soit passé était trop horrible – mais tu n’es pas censé penser comme ça. Tu sais que toute sécurité est illusion, que tout peut voler en éclats d’un instant à l’autre. Pour toi, comme pour les autres.
La vie ne fait pas de cadeau. Jamais.
Tu jettes un coup d’œil au bracelet que tu portes, qui aurait dû s’activer. Ça n’a pas été le cas. Le sortilège n’est pas défectueux – ce qui signifie que ta meilleure amie a été prise par surprise et qu’elle n’a pas eu le temps de l’utiliser. Ce qui implique soit une personne qu’elle connaît, soit une attaque trop brutale pour qu’elle ait pu réagir. Aucune des deux hypothèses ne te plaît.
Ça ne peut pas recommencer. La situation appelle les souvenirs de la disparition de ta mère, de ton impuissance à ce moment – de la promesse terrible de ne pas te jeter dans la gueule du loup à laquelle tu t’es tenu. Tu ne peux pas encore perdre quelqu’un à qui tu tiens à ce point. Mais cette fois, les choses sont différentes, tu peux agir, tu ne t’arrêteras pas avant d’avoir retrouvé Kayla – tu prendras tous les risques qu’il faudra pour cela. Tu ne l’abandonneras pas, où qu’elle soit.
Tu fermes les yeux une seconde, prenant une inspiration brutale.
Calme-toi. Vous êtes deux, et surtout c’est Maxime qui est avec toi, votre efficacité n’est plus à prouver.
On va la retrouver. Vivante. En bonne santé. Tu refuses d’envisager une autre issue. Rien d’autre ne compte.
Maxime t’interroge sur les suites de la pleine lune.

— Pas forcément, je sais qu’elle va parfois chez Lyam ou qu’elle essaie de dormir avant les cours. Par contre, je la croise toujours dans la journée, que ce soit au déjeuner ou après les cours, à la bibliothèque… là, rien du tout. C’est pour ça que je voulais aller là-bas, pour essayer de déterminer à quel moment il s’est passé… quelque chose.

Tu secoues la tête lorsque Maxime dit qu’elles auraient dû rentrer ensemble.

— Tu ne pouvais pas savoir, ça s’est toujours bien passé jusqu’à maintenant. Et peut-être que ça a eu lieu plus tard, quand elle avait déjà quitté les lieux, ça peut être à Londres, ou… je ne sais pas.

Est-ce qu’on peut vraiment disparaître si facilement, sans laisser la moindre trace ? Non, il y a toujours des indices, quelque chose même si ce n’est pas visible au premier abord. D’habitude, tu gères plutôt bien les mises en situation de tes cours ou les enquêtes auxquelles tu as pu participer lors de tes stages, mais évidemment tu n’étais pas personnellement concerné par les événements. Et là, tout de suite, Kayla a besoin d’un Eirian fonctionnel et pro, pas d’un Eirian au bord de la crise d’angoisse. Et c'est ce que tu t'appliques à redevenir, verrouillant tes émotions, retrouvant une allure neutre.
Maxime évoque une autre hypothèse, en lien avec Lyam. Tu hoches la tête.

— Je suis d’accord. Tu sais où il habite ? Ou tu as son numéro ? Julia lui a écrit, mais elle n’a pas eu de réponse pour le moment. Je ne le connais pas, tu as des infos sur lui ?

Kayla t’en a parlé, bien sûr, mais tu n’as jamais rien remarqué qui sorte de l’ordinaire. Est-ce qu’il aurait pu se passer quelque chose avec lui ? Quoi qu’il en soit, tu n’as pas l’impression que Maxime compte aller chez lui en s’annonçant.

D’accord sur la marche à suivre et efficaces comme toujours, vous transplanez en direction de la forêt. Aussitôt, tu comprends que vous n’allez pas avoir la partie facile. Une odeur fraîche règne dans les sous-bois, la terre est encore bien humide. Il a plu depuis l’autre nuit et le temps reste incertain, bien couvert. Tu observes les alentours, l’épaisseur des sous-bois, tâchant d’imaginer la louve et la panthère en train de se poursuivre sur les lieux, effrayant la faune locale. Tu suis Maxime, qui finit par retrouver leurs empreintes – celles massives de la panthère, celles plus fines de la louve, puis leurs traces humaines, là où elles se sont séparées. Tu lui fais totalement confiance sur ce point, le coin étant plus gadouilleux qu’autre chose, et si tu as eu des cours sur le sujet, ce n’était pas au point de te transformer en véritable pisteur – tu notes d’ailleurs que tu as bien plus l’habitude des environnements urbains, ça te fait un sujet de plus à creuser.
Maxime te désigne les empreintes qu’elle reconnaît comme les siennes, tu hoches la tête devant les marques creusées dans la boue, puis celles qui doivent appartenir à Kayla qui s’éloignent et sont à peine visibles. Tu les suis des yeux, redoutant le moindre faux pas ou la moindre glissade qui vous ferait effacer des indices précieux. On fait difficilement pire comme terrain pour trouver des renseignements.

— Oui. Si elle est repartie normalement, les empreintes devraient s’interrompre brusquement là où elle a transplané, et sans doute assez vite, elle n’avait pas de raison de s’attarder ici. Sinon… on trouvera peut-être d’autres traces.

Pendant tes stages, tu as appris des sorts qui aident à suivre une piste, des variantes du Pointaunord adaptées à la filature. Il leur faut en général peu d’éléments pour fonctionner – un point de départ, une première direction, et ensuite le sort agit… eh bien, pratiquement comme un chien renifleur. Tu le lances après avoir vérifié que vous êtes seuls et le petit filament qui apparaît, pointant dans la direction prise par les empreintes, est bien ténu. C’est déjà presque miraculeux qu’il y en ait un.

— Ça risque de ne pas être très fiable, mais entre tes sens et ça, on devrait y arriver…

Tu aurais aimé en être plus convaincu, mais en tout cas, tu ne comptes pas renoncer.

— Elle avait des affaires avec elle ? Un sac ?

Tu commences à remonter la piste en prenant soin de marcher à côté des empreintes de Kayla pour ne pas les abîmer, les yeux rivés au sol et sur ton sortilège pour suivre l’un et les autres au mieux, te reposant aussi sur les sens plus développés de Maxime, qui sont d’un grand secours dans ces circonstances. Des animaux sont passés depuis, les feuilles et les branches au sol ont bougé, rendant d’autant plus difficile de ne pas perdre les empreintes. Pour l’instant, pas d’autres traces humaines, c’est déjà ça.

En réalité, vous n’avez pas très loin à aller, quinze ou vingt mètres peut-être, ce qui est déjà beaucoup sur ce terrain. Vous rejoignez une petite clairière, et là, tu n’as pas besoin que Maxime te décrypte le terrain pour comprendre qu’il s’est passé… quelque chose. Le sol est chamboulé, couvert de marques profondes, les débris écartés sur les côtés. Pas besoin d’être sorcier pour comprendre qu’on s’est battus ici, et plutôt violemment. Tu te retournes. Les empreintes de Kayla aboutissent directement ici.
Quelles sont les chances pour que ce soit une querelle entre animaux, qui a eu lieu après son départ ? Tu n’y crois pas – ou en tout cas, pas avant un examen attentif des lieux. Le silence règne toujours autour de vous, au-delà des bruits habituels de la forêt. Vent dans les branches, frémissements de bois, léger bruit d’eau un peu plus loin, battement d’ailes. Le coin n’a vraiment pas l’air fréquenté – évidemment. Mais ça laisse de nouveau la place à de nombreuses hypothèses. Rencontre fortuite, quelqu’un qui avait les moyens de les repérer ? Tu essaies de n’en privilégier aucune tant que vous n’aurez pas exploré l’endroit en détail. Les faits, rien d’autre.

— S’il s’est passé quelque chose, c’est ici, tu dis à voix basse, soulignant l’évidence. Tu peux regarder s’il y a des empreintes qui repartent ? Elle a peut-être pu… ou voulu s’enfuir ?

Tu veux encore espérer – mais si Kayla avait réussi à s’échapper, vous auriez forcément eu des nouvelles. Des images horribles de faits divers te traversent la tête et tu les repousses avec férocité. Non. Elle est vivante. Et vous allez la retrouver.
Avec ton téléphone, tu prends des photos de la scène aussi précises que possible. Vos passages vont forcément changer un peu les choses, autant que les Aurors aient une vision de la situation la plus nette et la plus propre possible. Ton portable commence à être trop vieux pour ce genre de choses, la qualité n’est pas terrible, mais ce sera toujours ça.

Avec prudence, tu t’approches de l’endroit où la bataille semble avoir été la plus violente. Avec ta baguette, tu éclaires vivement le sol, à la recherche de la moindre trace – du sang, des cheveux, des poils de panthère, n’importe quoi qui indique la présence ou non de Kayla. Tu espères que Maxime comprendra mieux les traces qui s’étalent en tous sens.
Quelque chose scintille soudain sous l’éclat de ta baguette, et tu t’accroupis.
Des éclats de verre jonchent le sol, à moitié enterrés. Impossible de reconstituer l’objet, mais la matière fine et fragile te rappelle celle qu’on utilise pour les seringues. Tu déglutis, le cœur serré, refoulant les multiples pensées qui jaillissent. Stop. Arrête d’écrire l’histoire avant d’avoir les bons éléments. Les faits, encore, rien que les faits. Pour ce que tu en sais, ces fragments de verre sont peut-être là depuis longtemps et n’ont rien à voir avec ce qui vous intéresse. Mais ils sont relativement propres, trop pour des objets qui auraient passé du temps dehors.

— Maxime ? Viens voir.

La technologie à Poudlard c'était une plaie, non mais on va pas se mentir entre les battements d'ailes d'un hibou et les ondes, il n'y avait pas photo sur ce qui était le plus rapide. Je soupçonnais les sorciers d'être de vrais fans des hiboux et ne pas être très objectif quant au fait qu'ils étaient un peu dépassé. On va dire que c'était pour éviter que les moldus, le Blood Circle plutôt, n'intercepte les SMS... parce que c'est vrai que c'est difficile d'abattre des oiseaux en plein vols... ah ah ah ce que tout ce beau monde pouvait être futé tout de même c'était indécent. Je me contentais de lever les yeux au ciel en entendant les propos d'Eirian, c'était beau de rêver mais je craignais que ça n'arrive jamais.

Si nous avions eu un peu de mal à accorder nos violons, maintenant nous étions ensemble et c'est fou mais la présence d'Eirian avait quelque chose de très agréable, il était toujours très calme, posé, oh je ne dis pas qu'il l'était réellement mais de l'extérieur, il ne courait jamais partout, il se maîtrisait et ça me permettait de calquer un peu - un peu seulement- mon attitude sur la sienne. Je l'interrogeais sur des rituels qu'aurait pu avoir Kayla. Il était évident qu'elle ne m'enverrait pas de message à moi puisque nous étions ensemble mais qu'en était-il des autres. Bon pas de messages pour Eirian, dommage. Elle allait dormir chez Lyam avant les cours. Dormir ? Je fis la moue, alors là il y a un truc qui m'échappait, moi si je venais me coucher dans le lit de Kesabel vers 6-7h du matin et qu'il était encore dans le lit, les minutes qui suivraient ne seraient pas du tout reposantes. Kayla jouait avec le feu et si Lyam ne lui sautait pas dessus, franchement, joli self control. Eirian la croisait donc dans la journée habituellement, pas cette fois-ci. Je poussais une légère plainte, roh mais pourquoi je n'étais pas rentrée avec elle, ça ne me coûtait pas grand-chose et en plus on est toujours plus fort à deux. Eirian se fit la voix de la sagesse, ça aurait pu arriver n'importe où? Oui c'est vrai que parfois, les gens s'en prennent sans raison à d'autres et à des moments qu'on ne peut prévoir, je me souvenais fort bien de la boutique de Soledad, excepté la peur, la haine plutôt, qui se faisait de plus en plus présente dans les journaux, c'était difficile d'anticiper cela.   Lyam était peut-être la clé de l'énigme mais sauter aux conclusions hâtives et se baser sur les actions ou plutôt les engagements de son frère pour le juger responsable de la disparition de Kayla c'était une très mauvaise idée. C'était comme de dire que tous les loups étaient des bêtes assoiffées de sang à la manière du type ayant attaqué Erin, ou même de l'ancien Kesabel. Croulant sous les questions, je le laissais finir avant de répondre dans l'ordre « Oui je sais où il habite. » Je sortais assez souvent avec Kayla pour l'avoir retrouvé devant chez son mec plusieurs fois. « Non, J'ai pas son numéro. » Ca ne me paraissait pas important de l'avoir, Kayla répondait toujours aux textos - quand Poudlard ne faisait pas n'importe quoi - je n'avais jamais eu de raisons de demander à Lyam son numéro, c'était sans doute une erreur. Est-ce que j'avais des choses sur lui, non pas vraiment, sur son frère oui mais ma loyauté allait à Soledad et elle ne voulait pas attirer des ennuis à Doryan, je ne pouvais que la suivre aveuglément, elle savait ce qu'elle faisait ou plutôt voulait, ça n'était pas à moi de trahir ses secrets. « Rien de particulier mais s'il faut se faufiler chez lui pour vérifier qu'il n'est pas impliqué, je suis prête à le faire. » Nous étions des sorciers un petit coup de baguette magique et aucune porte ne me résisterait. Ma détermination n'ayant aucune limite quand l'un de mes proches était en danger. Avant de foutre le bazar dans la vie de Lyam et risquer d'avoir le frère sur le dos, nous allions commencer par l'endroit où nous nous étions séparés.

Une fois dans la forêt, disons les choses clairement mon talent était mis à rude épreuve. La pluie était passée par là, diffusant les odeurs, ce qui m'embêtait drôlement. Je me fiais bien plus à mon odorat qu'à ma vue et là c'était impossible de répéter des odeurs. Loin de me laisser abattre, je partis en quête de nos empreintes, sentant que je ne devais pas me louper sur ce coup là. Si Eirian ne m'en aurait pas tenu rigueur, la source de motivation n'était pas de me faire mousser mais bien de retrouver Kayla. Je finis par mettre le doigt sur la série d'empreintes qui n'avait rien à faire ici, je ne remerciais pas la pluie, ça aurait dû me prendre une minute à peine. Le travail n'était pas terminé, il ne suffisait pas de repérer le loup et la panthère, abusé comment elle avait des grosses pattes quand même. Il fallait trouver l'endroit où on s'était métamorphosé en humaine, un amas d'empreintes, si on avait voulu se montrer prudente et qu'on ne puisse pas nous suivre facilement, on n’aurait pas pu mieux faire. A force d'analyse de pas, de foulées, je finis par désigner celles de Kayla, totalement sûre de moi. Le problème soulevé par Eirian me posait problème à moi aussi, on pouvait la pister tant qu'elle ne transplanait et personne ne s'amusait à marcher dans une forêt au petit matin. Ça n'était pas une question de peur, surtout qu'à chaque instant Kayla pouvait se retransformer et foutre une trouille monumentale à ce qui l'effrayait. Non, le truc c'est qu'elle avait crapahuté toute la nuit et elle devait avoir envie d'une seule chose, se glisser dans son lit, zut. Pensive, je suivais Eirian plus que les empreintes, me refaisant la scène sans cesse dans ma tête, j'aurais dû lui dire on rentre ensemble. Je relevais la tête à sa phrase sur mes sens, relevant surtout le petit filament de couleur qui allait nous guider. « Je crois que ton filament sera plus efficace que mes sens, la pluie a effacé nos odeurs et elle a amplifié les odeurs de la forêt. » Est ce qu'elle avait un sac, je plissais les yeux avant de confirmer, timidement, la chose d'un hochement de tête « Je crois que oui, elle avait un sac. » Mais je n'avais pas été assez attentive pour l'affirmer sans doute dans la voix.

Remontant la piste, le point final de notre petite virée se trouva être une clairière. La raison de cet arrêt ne fut pas un cadavre, pas non plus la fin d’une piste en elle-même, disons plutôt qu’il y avait tellement d'empreintes s'entremêlant, que le sortilège d'Eirian ne pouvait parvenir à retrouver les empreintes de Kayla. Ma parole, il y avait eu une attaque par ici. J'observai attentivement les différentes traces s’en trop parvenir à comprendre quoi que ce soit. Déjà, il n’y avait pas de touffes de poils, signe que ça n’était pas un renard ou un autre prédateur de ce genre qui avait eu du mal à chopper sa proie. Ça aurait été une meilleure nouvelle parce que là, ça paraissait indiquer que la lutte opposait Kayla à quelqu’un d’autres. Il n’y avait pas d’odeur de sang, est ce que ça voulait dire que Kayla était indemne, ça je ne pouvais le dire. Je cherchais un indice, quelque chose qui expliquerait pourquoi Kayla ne s’était pas changé en panthère. La raison, je la connaissais pourtant, j’étais bien plus violente qu’elle et moi je n’hésiterai pas une seconde à protéger ma vie quitte à massacrer la personne qui m’attaquait. Alors que j’étais toujours en train de chercher à comprendre ce qu’il s’était passé en ces lieux, Eirian m’interpella. Sa voix me semblait blanche, comme s’il avait vu quelque d’affreux. Je me précipitai pour le rejoindre et suivis son regard avant de me baisser pour attraper un des éclats de verre. « Qu’est ce que c’est que ça ? » Enfin la question était un peu stupide, je savais très bien ce que c’était, des bouts de verres mais ce qui me questionnait c’est surtout ce qu’ils faisaient là. J’avais cassé assez de bouteilles dans ma vie, oui réparo j’avais pas vraiment la maîtrise du sortilège à la naissance, pour savoir que les éclats de verres ça ne ressemblait pas mais alors pas du tout à ça. Là, c’était beaucoup trop fin et ça me rappelait quelque chose, les seringues du Blood Circle. J’attrapais ma baguette tout en reniflant l’air ambiant avec bien plus de concentration que tout à l’heure, ne cherchant plus l’odeur émoussée de Kayla mais bien une odeur inconnue. « Tu penses qu’il peut s’agir du Blood Circle ? » Je savais très bien que certain moldus n’attendaient pas d’avoir des preuves concrètes, la moindre supposition pouvait les faire vriller. La boutique côté moldu de Soledad était une preuve en soi. Je marmonnais à mon camarade Serdaigle « Tu penses que c’est un membre du Blood Circle qui était là au mauvais endroit au mauvais moment ? » Enfin tout dépendait du point de vue bien entendu, le type du Blood Circle devait avoir la sensation d’être arrivé au bon moment. « Ou alors juste quelqu’un qui dès qu’il voit quelqu’un qu’il juge suspect se met en tête de lui injecter du produit anti-magie ? » Bon il y en a que ça dérangeait plus que d’autres, moi si on m’enlevait ma magie, ça allait je le vivais pas mal, mais je savais que tout le monde n’était pas comme moi, loin de là. Au moins, il me paraissait évident que Lyam n’était pas dans le coup, il ne se serait pas pris la tête à venir en plein milieu d’une forêt alors que la fille venait tranquillement dormir chez lui régulièrement. « Il faut qu’on rentre dans le QG du Blood Circle pour aller voir si elle n’est pas là-bas. » Oui pas préparés mais ça à la rigueur, ça n’était pas un problème, on se montrerait prudent, extrêmement prudent même Sinon Soledad va paniquer et c’était juste pour vérifier, pas dit qu’on fasse tout péter… même si j’admets que l’idée me plaisait bien.