« Le fils Terry m’a recontacté, qu’est-ce que l’on sait de nouveau sur leur famille ? » avais-tu demandé lors d’une réunion avec tes collègues, les langues-de-plomb affiliées à ce service secret au sein du Département des Mystères. Voilà quelques mois que tu avais été poussée sur cette infiltration, ton propre directeur peureux de la confier à un espion plus jeune. Évidemment, tu prenais toujours plaisir à revêtir la peau d’une autre personne, à jouer la comédie, te glisser dans la vie et les failles d’inconnus… Pour autant, cela ne faisait que renforcer le besoin réel de ton service de nouvelles recrues… Qui mettraient sans doute trop d’années à être opérationnelles.
Ton directeur te fit bien comprendre qu’il serait crucial d’enclencher les prochaines opérations et tu ignorais s’il était temps, tu ignorais si tu allais réussir une telle entreprise. Tu soupirais avant de te diriger vers l’armoire sans fond pour trouver le polynectar, les souvenirs, les carnets de notes ainsi que les tenues pour cette identité créer sur mesure : Delliah Keppel.

(...)

« Merci de m’honorer de ta présence. » Tu observais le majordome sortir après avoir servi vos deux verres, un sourire amusé étirant lentement tes lèvres. Mi-moqueuse envers les étiquettes et les manières de vos propres familles aristocrates, tu faisais une légère révérence en inclinant la tête : « Tout le plaisir est pour moi. » Tu ne touchais pas à ton verre, regrettant une nouvelle fois qu’Alexander ne boive pas d’alcool : cela aurait été beaucoup plus simple pour toi, qu’il ne soit plus dans le contrôle pour lui soutirer quelques informations, quelques gestes. Non, tout était un jeu subtile et de longue haleine… Alors que pourtant, tu pourrais te contenter de glisser un peu de potion et pour lui soutirer toutes les informations que tu désirais… Ou peut-être même l’emprisonner pour prendre sa place à lui, et devenir le fils rêvé de papa chéri pour gravir les échelons et savoir. C’était bien le sujet : tu devais savoir. Tu voulais savoir.

Tu t’éloignais un peu, occupant un peu l’espace : « J’ai toujours l’impression d’être en mission secrète, lorsque je viens ici… » Tu étais une nouvelle fois taquine, alors que tu lui jetais un coup d’oeil : « … lorsque ton cher père n’est pas là. » Lui, ou d’autres. « Carson ne lui dit jamais rien ? Sur tes vilains secrets ? »
Puis, comme souvent, tu t'approches de lui, laissant tes yeux de biche traîner sur lui : de son corps à son visage, cherchant son regard… et peut-être à terme son contact, qu’il fuyait parfois.

Lentement, tu t’arrêtais à ses côtés, lui qui était plus grand que toi, malgré tes talons. Tu tendais silencieusement ta main, pour obtenir ou pas, son autorisation pour le toucher. Tu murmurais tout bas, intimiste et secrète : « Tu m’as… » Quelle idée de dire une chose pareille ! « … manqué. » Delliha était tout aussi pudique que lui, n’est-ce pas ? Ce n’était pas chose aisée que d’exprimer ses émotions, pourtant tu soutenais son regard. « J’ai bien cru que je n’allais pas te revoir. » Un peu de silence, un peu de distance, un planning trop chargé pour s’inviter dans sa vie. Tu prenais la place de victime, de celle qui désirait de l’attention, encore et toujours. « Comment vas-tu ? » Tu fronçais les sourcils légèrement, te donnant l’air de sonder son visage, à la recherche du moindre mensonge. « As-tu… participé ? A ce qu’il s’est passé ? » Tu faisais allusion à Picadilly Circus, à un semblant d’inquiétude à son égard.