Depuis quelques temps, les moments les plus agréables que je passais étaient ceux où je ne bougeais pas. Une nouveauté sans précédent dans ma vie où je n'avais jamais apprécié me poser préférant de loin être sur tous les fronts, tous les combats. Il faut croire que ma limite avait été atteinte et que j'avais un besoin de souffler. Mes ennuis avaient commencé avec Kesabel ou plutôt avec son absence. Cela faisait drôle de ne plus passer de temps avec lui et si je savais que rompre tout lien était la meilleure des décisions, ce n'est pas pour autant que c'était facile à vivre. Ce n'était pas seulement lui que j'avais perdu, ce qui était déjà bien assez voire même le pire, j'avais perdu aussi des amis au passage et la sensation un peu étrange de faire partie d'une famille. Mon humeur ayant déjà changée avec ça, il avait fallu que tout s'enchaîne sur les autres pans de ma vie, Kayla avait disparu. Mon odorat n'avait été d'aucun secours, à quoi cela pouvait-il bien servir d'être un loup-garou si on ne pouvait pas se fier à ses sens. Je ne comptais pas le nombre d'heures passées avec Eirian à chercher notre amie, sans succès. En prime comme si ça n'était pas assez, les problèmes de Soledad m'avaient affectée. Ça n'était pas une immense surprise, je passais des heures à ses côtés sa peine ça aurait été difficile de ne pas la percevoir. J'étais impuissante face à sa douleur. La façon dont nous vivions nos ruptures était diamétralement opposée. Ce qui n'était pas une surprise, moi j'avais fait le choix de, un peu aidée par le besoin perpétuel de Kesabel de se montrer tout puissant, inébranlable. Pour Soledad, elle n'avait pas choisi de rompre, ça s'était imposé brutalement à elle. Rien n'avait été prémédité et cela devait être terrifiant de savoir que la personne avec qui on avait passé des moments agréables, pour qui on avait des sentiments, qu'ils soient amicaux ou amoureux, pouvait attenter à notre vie. Je pouvais reprocher bien des choses à Kesabel Greyback, je savais qu'il ne comploterait pas dans mon dos. C'était d'un pratique tout ça, je passais mon temps libre en journée à chercher Kayla et mes soirées à veiller Soledad parce qu'autant ne pas se faire d'illusions même s'il déboulait dans son appartement avec l'intention de lui nuire, il y a fort à parier qu'elle ne lui ferait rien. C'était donc mon devoir de l'aider. Mais vivre dans la crainte qui se passe quelque chose n'empêche en rien que les problèmes arrivent. Ah le coup à Azkaban je ne l'avais pas vu venir, elle non plus de toute évidence. Non mais ma parole elle était en froid avec ses cartes ? Aussi utile en voyante que moi en loup garou. Pour ne rien arranger à cette frayeur à l'idée de la perdre, à cet étau qui m'enserrait le cœur à chaque fois que j'avais mis un pied dans la boutique et qu'elle n'y était pas, je n'avais pas eu droit de la voir. Je n'étais pas de la famille. Oui alors merci, ils ne m'avaient rien appris, il avait fallu ruser mais tout va bien, j'avais eu de l'entraînement des années en arrière avec Elwyn et je n'avais rien perdu, être déterminée et prudente pour pas me faire attraper, c'est comme le vélo ça ne s’oublie jamais. A partir de ce moment, ma présence en cours s'était faite inexistante, bien sûr que j'avais maîtrise l'art du oui oui face à Soledad, bien sûr que j'allais en cours... poulalah quel mensonge. J'avais une autre mission, celle de maintenir la boutique à flot. Je ne dirais pas que je m'étais bien débrouillée mais j'avais fait de mon mieux pour ne pas lui rajouter des problèmes. Trop de choses à faire, pas assez de temps pour être performante sur tous les fronts.   On aurait pu croire que les choses se seraient arrangées avec le retour de Soledad à la boutique et le fait d'avoir retrouvé Kayla, d'une certaine façon c'était le cas. Je n'avais plus besoin de courir partout mais je n'étais pas plus calme, je veillais à ce qu'il n'arrive plus rien aux deux filles. Je culpabilisais aussi, je souffrais de l'absence de Kesabel, il me manquait mais j'essayais tant bien que mal d'étouffer ma peine en étant avec les deux filles, sentant qu'elle n'était pas légitime, Kesabel était dans le même camp que moi - plus ou moins - je ne risquais rien, il ne débarquerait pas pour venir me buter dans mon sommeil et j'étais responsable de ma rupture. Là où Soledad et Kayla n'avaient pas choisi.

Comme un ange gardien veillant, Elwyn s'emmêla pour me sortir de cette zone inconfortable dans laquelle j'étais plongée. Il était parti loin du tumulte Londonien ces derniers temps, n'aimait pas spécialement faire la une des journaux. Alors ça c'était vraiment dommage parce qu'à chaque fois qu'il faisait les couvertures, j'achetais le journal en question, mon cœur battant à chaque fois plus fort. Une sorte d'électrochoc me rappelant que bien que nous faisions parti de deux mondes bien différent, mon monde étant aux antipodes de celui plein de strass, paillettes et du flash des photos, il restait la même personne qu'avant, mon meilleur ami. Bien sûr que j'avais dit oui pour sortir avec lui. A présent pourtant, je me demandais pourquoi j'avais dit oui, j'étais bien dans mon lit, ma main frottant doucement sous le menton de Poil de Châtaigne. J'avisais mon téléphone et si je décalais ? Un instant, je crois que j'eus un flash de mon futur, il allait débarquer. Merde je voyais mon avenir... ça c'est sûr que c'était à force de fréquenter Soledad, je choppais son don. Bon, ou alors c'était tellement une évidence que je savais d'ores et déjà que ça se passerait ainsi, parce que j'aurais fait pareil, je repoussai l'animal tricolore, tout en lui soufflant que c'était la faute d'Elwyn si je ne restais pas avec elle. Elle aurait tout le loisir de se venger dans le futur.

Si je fus à l'heure, j'en fus la première étonnée. Une très mauvaise gestion du temps mais pour une fois dans le bon sens du terme, tant mieux quelque part. Tout en l'attendant avec une impatience qui grimpait de seconde en seconde, je me demandai pourquoi ce lieu de rendez-vous avant de me raisonner, c'était sûrement une volonté de la part d'Elwyn d'éveiller ma curiosité. Guider par mon odorat, je tournais la tête vers l'endroit où il se trouvait. Ah l'odeur d'Elwyn, probablement l'odeur que je reconnaissais le mieux, en dehors de celle de Kesabel sur laquelle je m'étais concentré pendant plus d'une décennie. Je m'apprêtai à lui poser une multitude de questions, pourquoi ici ? On allait faire quoi ? On restait là ? Son sourire me fit comprendre que je parlerais dans le vent, il avait son air de petit cachotier. Prévu un truc chaud ? Je restai comme une idiote à le fixer. Alors comment dire, nous étions dans le début de l'été, s'habiller chaudement ça n'effleurait l'esprit de personne donc quand quelqu'un disait habille toi chaudement, c'était bien souvent une vanne. Néanmoins, étant donné que je n'étais pas sûre qu'en me disant ça la première fois, j'avais prévu une veste, au cas où. Si j'étais étonnée qu'il revienne sur cette histoire de veste, je hochai la tête « Dans mon sac à dos. » Tandis qu'il s'emparait de mon poignet, je le questionnai beaucoup trop intriguée pour rester sur mon idée première à savoir, ne pas poser des questions parce que je n'aurais pas de réponses « Si tu as prévu d'aller au Groenland pour voir les loups du Groenland, je pense que mes vêtements ne sont pas assez chauds. » Je le suivais volontiers, du grand Elwyn que de me donner un lieu comme point de rendez-vous et me faire marcher cinq minutes pour rejoindre un autre lieu... tout ça pour pas que je triche et que je sente directement ce qu'il voulait me cacher. Ce qui était moins courant ces derniers temps, c'était son entrain et sa joie de vivre. Cela contrecarrait totalement avec mon humeur mais je me réjouissais pour lui. Il finit par sortir sa baguette et faire apparaître une moto, son exaltation face au véhicule était contagieuse. Je comprenais mieux sa joie, dès qu'il était dans les airs, il était heureux. Quel dommage que son patronus ne soit pas un oiseau, je crois que je l'aurais incité à devenir Animagus, pour sûr que ça l'aurait aidé... enfin sauf si les problèmes qu'il avait sous forme humaine se répercutait sous forme animale... ça je n'en savais rien... il faudrait que je demande à Kayla. « Je peux conduire ? » Pourvu qu'il dise oui, ça avait l'air trop cool... bon le seul problème c'est que je ne savais pas où on allait et je n'étais pas sûre qu'on aille dans un endroit froid. Le seul fait qu'on soit dans les airs suffirait à nous rafraîchir suffisamment, pas mal pour contrebalancer les températures déjà trop chaudes. « On va où? Tu as un casque pour moi ? » Je m'approchai de la moto, c'est sûr que ça n'était pas tout à fait comme le Quidditch mais Elwyn devait avoir la sensation de revivre, ceci devait expliquer le fait qu'il soit rayonnant. Il fallait que j'arrive à calquer mon humeur sur la sienne et que je cesse de songer que si je n'étais pas proche physiquement de Kayla ou Soledad, il leur arriverait quelque chose, elles n'avaient pas besoin de moi et la peur de les perdre ne devait pas prédominer. Je secouais la tête pour essayer de me débarrasser de ces pensées