Fin août 2021
L’été était arrivé, et cette fois-ci il s’était révélé différent des précédents. Ce qui était parfaitement normal, étant donné que la vie d’Erin ne ressemblait plus à ce qu’elle avait été avant l’été précédent. Mais cet fois, cet aspect
normal des choses, n’avait rien de réjouissant. En fait, il n’y avait rien, absolument rien, de normal à vivre au rythme d’une morsure et de la pleine lune, mais Erin n’avait pas d’autre choix. Alors cette année, l’été avait été un peu différent, parce que ça avait été nécessaire, que de toute façon, elle n’avait pas eu d’autre alternative. Comme chaque été, la Serdaigle était retournée passer un peu de temps auprès de sa famille à Paris. Ca lui avait fait le plus grand bien de retourner dans la ville où elle avait grandi, d’arpenter les rues qu’elle connaissait par cœur et surtout de se ressourcer auprès de ses parents. Cependant, Erin n’avait pas réussi à faire taire la culpabilité qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle voyait les sourires fiers de son père et qu’elle était l’objet des gestes affectueux de sa mère. Elle ne leur avait toujours pas parlé de la morsure et de la condition que cela avait créé en elle, l’avouer à Balthazar avait été terriblement dur, bien plus que prévu, et elle n’était pas parvenu à en faire de même avec ses parents. La peur était toujours là, bien trop ancrée en elle pour qu’elle réussisse à la dépassée. Elle avait donc conservé un silence plein de culpabilité et quitté ses parents et la France plus tôt que d’habitude, avant que les effets de la pleine lune ne commencent à se faire sentir et ne viennent gâcher son temps en famille. Autre différence notable, elle n’avait pas quitté Paris pour rejoindre Balthazar. Chaque fois qu’elle y songeait, Erin sentait son cœur se déchirer en deux. Elle ne savait plus où ils en étaient, elle ne savait plus où elle en était elle-même alors c’était sûrement mieux ainsi. Du moins c’était ce qu’elle tentait de se dire.
Au final, l’été qu’avait vécu la Serdaigle s’était révélé plus morne que les précédents, alors pour occuper son temps, elle avait réussi à trouver un emploi au Ministère de la magie, dans le département de la justice. Ce n’était qu’un petit contrat de quelques semaines seulement, pour un post qui lui faisait faire essentiellement du secrétariat, mais c’était suffisant à ses yeux. Non seulement, ça lui permettait de rester occupée et de ne pas passer trop de temps à broyer du noir, mais en plus ça lui permettait de mettre un pied au sein du Ministère. Erin n’oubliait pas qu’à la rentrée elle commencerait sa dernière année à Poudlard et elle se devait de commencer à se faire un nom au Ministère. Jusqu’à présent, les différents stages qu’elle avait fait pour ses études avaient été dans des cabinets privés ou dans des services différents du Ministère, désormais il était temps d’assurer sa place. Ce premier emploi était le meilleur moyen de décrocher un stage au département de la justice pour sa dernière année universitaire. La Serdaigle le savait, c’était une occasion à ne pas louper alors si pour cela elle devait réduire un peu la durée de ses congés d’été, elle le faisait sans hésiter. Pour le moment, ce poste n’était pas celui auquel elle aspirait une fois sortie de Poudlard, mais elle savait que personne ne commençait directement avocat. Il fallait faire ses armes, se faire sa place et un nom. Pour l’instant elle était simple secrétaire, petite main à tout faire du département de l’immense fourmilière qu’était le Ministère de la magie, mais ce n’était que le début. Là au moins elle avait l’occasion de côtoyer de grands sorciers, de pouvoir récupérer quelques connexions, de se faire bien voir afin que lorsque viendra le moment, on pense à elle pour un poste.
Débuter en bas de l’échelle ne posait aucun problème à Erin. Elle avait sa fierté, certes, et ses ambitions, mais elle savait qu’il fallait bien débuter quelque part. En France, son nom était reconnu et aurait pu lui ouvrir des portes, mais il n’en était pas de même en Angleterre où les sangs purs avaient la main mise sur à peu près tout, encore plus depuis l’élection de l’Augurey à la tête de leur gouvernement. Elle devait se débrouiller par elle-même et prouver sa valeur. Un système qui au fond lui convenait, le travail n’avait jamais fait peur à Erin, elle n’était pas une fière Serdaigle pour rien. Au moins, ce qu’elle obtenait, elle savait qu’elle le méritait et que ce n’était pas dû juste à son nom où aux connexions de ses parents. Elle voulait réussir par elle-même. Et si pour cela elle devait passer des semaines à faire des copies de dossiers, à trier des documents ou à envoyer des hiboux par dizaines pour des avocats qu’elle n’avait même pas l’occasion de côtoyer réellement, elle le faisait. Et sans rechigner. Elle commençait en bas, mais savait qu’elle n’y resterait pas. Tout simplement parce qu’elle se donnerait les moyens d’avancer et qu’elle avait toujours vu les choses ainsi. Mais pour le moment, son rôle de secrétaire, elle le remplissait avec application et sans jamais s’en plaindre. Même quand elle voyait les dossiers d’affaires intéressantes lui passer sous le nez pour aller dans d’autres mains mieux placées que les siennes, même quand elle entendait des discussions intrigantes lors de réunions auxquelles elle n’était pas conviée. Ce n’était qu’une question de temps, Erin le savait, sa patience finirait par être récompensée, ainsi que le travail qu’elle s’efforçait de rendre irréprochable. Et s’il y avait une chose dont la Serdaigle ne manquait pas, c’était bien de patience. Et d’application.
L’autre avantage à travailler au Ministère de la magie pendant l’été, c’était qu’Erin ne voyait pas les journées défiler. Au Ministère, il n’y avait pas de temps mort, encore moins au sein du département de la justice où tous les dossiers devaient être traités rapidement, les papiers signés et les accords passés sans perdre de temps. Tout le monde courrait partout, tout le temps, et Erin n’était même plus étonnée quand des dossiers apparaissaient sur son bureau sans prévenir ou que l’ordre de ses priorités changeait d’une minute à l’autre. Alors quand une petite brune perchée sur les plus hauts talons qu’elle ait jamais vus s’arrêta subitement devant elle tout en sifflant un
« Psst Erin ! » strident, la française ne fut même pas surprise. Elle releva les yeux vers la sorcière, Agatha assistante en chef du Magenmagot, et la découvrit trépignante devant elle, un tas de parchemins impressionnant dans les bras. Sans plus attendre, la sorcière laissa tomber le tout sur son bureau.
« Erin est-ce que tu peux aller faire signer tout ça à Monsieur Nott, s’te-plait ? » La Serdaigle avisa la pile de documents devant elle et hocha la tête, c’était faisable. Elle n’eut même pas le temps de dire un mot que déjà la sorcière reprenait, avec un rythme plus rapide encore.
« C’est pour l’affaire Callaghan. On était prêts, mais Juliet a oublié des exemplaires de plusieurs documents, un hibou postal s’est fait attaquer par un chat -un CHAT, Erin, rends-toi compte- avec des pièces importantes et maintenant on a un juré qui est injoignable et… Ohlala je sais plus où donner de la tête. » Ah oui, et ça se voyait. La sorcière en était presque à trembler de nervosité. Ce qui pouvait se comprendre, la justice magique nécessitait que tout soit fait dans les règles de l’art pour pouvoir se dérouler sans encombre. Erin espérait qu’elle n’allait pas faire une syncope juste là, devant elle, parce que si elle avait étudié bien des sujets, elle ne savait pas comment prodiguer des soins de premier secours. Pour s’assurer que sa collègue restait connectée avec elle et ne cédait pas à la panique, Erin posa une main rassurante sur son bras.
« Agatha, Calme-toi. Respire ça va aller. » Répondit-elle. Sans plus attendre, elle se leva et commença à rassembler tous les documents sur son bureau.
« Donne-moi tout ça, je vais aller les faire signer et je te les ramène tout de suite. Occupe-toi du reste, je me charge de ça. » Un air de soulagement profond se peignit sur les traits de la sorcière qui la remercia d’un sourire avant de filer entre les bureaux aussi rapidement que possible.
Sans plus attendre, Erin abandonna sa tache en cours, qui était bien moins importante que celle donnée par Agatha, et se leva. Les bras chargés de tous les dossiers à faire signer, elle traversa l’étage où elle se trouvait pour rejoindre le service des raffleurs dont Nott était le chef. Erin n’avait jamais côtoyé Maverick Nott avant aujourd’hui aussi eut-elle besoin de se renseigner sur l’emplacement de son bureau. Après avoir exposé la raison de sa présence à la secrétaire du chef de service, celle-ci la laissa passer. Erin frappa deux coups à la porte et attendit une réponse avant de l’ouvrir.
« Bonjour Monsieur Nott. » Lança-t-elle en se parant de son sourire le plus polit possible. Elle fit un pas dans la pièce et laissa la porte entrouverte derrière elle.
« Vous avez un instant ? » Ce n’était encore qu’une formule de politesse puisque la secrétaire du sorcier lui avait assuré qu’il trouverait le temps de signer ces documents importants. Erin fit un nouveau pas dans le bureau, un peu déstabilisée par le regard du Nott.
« Je suis stagiaire au département de la Justice, service administratif. C’est Miss Adler m’envoie. » Expliqua-t-elle avec patience et professionnalisme. Il y avait tant d’employés au Ministère et tellement de changement de personnel pendant l’été avec les contrats estivaux qu’il ignorait certainement qui elle était. Il avait sûrement mieux à faire que de connaitre toutes les petites mains du département, surtout qu’Erin ne travaillait pas dans son service. D’un geste, elle désigna la liasse de dossiers qu’elle tenait.
« Ces documents auraient besoin de votre signature. » Elle n’osa cependant pas encore les lui tendre, préférant attendre un geste de la part du sorcier.