La sonnette de porte sonna, le chien aussi. Comme toujours, dès que quelqu’un s’approchait un peu de cette porte, Gaïa, se précipitait en jappant et, en fonction du bruit qu’elle faisait ensuite, on pouvait parvenir à identifier s’il s’agissait d’un habitué de la maison, ou un casse-couille venu vendre ses merdes. En l'occurrence, Raph n’avait pas besoin du super-flair de sa chienne pour deviner que c’était le colis qu’il attendait. Il était censé être livré dans la journée, entre huit heures du matin et sept heures du soir. C’était rassurant de voir que les services de livraisons de colis étaient aussi précis en France qu’en Angleterre, à croire que l’incompétence n’est pas que l’apanage des français. En tout cas, il récupéra son colis sans aucun problème, en dehors de la frustration de ne pas avoir eu de fourchette horaire plus précise et des aboiements incessants de la jeune chienne. Le livreur parti, Raphaël s’installa dans le salon pour déballer son colis. Pas d’erreur sur la commande, c’était bien la lampe éblouissante qu’il avait commandée. Il ignorait s’il risquait à nouveau de se retrouver à être dehors pendant les heures de couvre-feu mais il savait que, malgré la boxe qu’il pratiquait depuis plus d’un an, malgré les entraînements au combat qu’il avait fait avec Théo, ce n’était pas le plus grand des combattants. Cette petite lampe torche éblouissante était un outil simple qui pourrait lui sauver la vie un soir.

Le jeune homme examina l’objet. En apparence, elle n’avait pas l’air bien impressionnante. Il l’alluma. L’éteignit. L’alluma à nouveau. Pas terrible. Il fallait dire que tester un objet basé sur l’éclairage, en plein jour, volets ouverts, c’était pas la meilleure des idées. Il décida donc de fermer les volets pour assombrir la pièce et tester son objet. (Alors moi, je vais toujours dans les chiottes pour tester les trucs qui font de la lumière, mais là ça m’arrange pas ici ). Une fois plongé dans l’obscurité, il se retrouva seul avec son chien, perdu dans ses pensées. Si Jonas ou Leah rentrait, il aurait bien l’air con ! Mais ils n’étaient pas encore là, il n’avait qu’à se dépêcher de faire ses tests. Il alluma de nouveau la lampe. C’était bien mieux. Il examina les recoins du salon avec le faisceau de lumière. Oui, la lampe éclairait bien, mais il n’avait pas vraiment le sentiment qu’elle soit si puissante que ça. Son téléphone aussi éclairait bien, certes moins bien que cela, mais le flash du téléphone n’avait pas pour vocation d’être une arme de défense. Il éteignit de nouveau la lampe, l’alluma. Tenta de comparer mentalement l’intensité lumineuse avec d’autres choses qu’il connaissait.

«Nan mais en vrai, j’aveugle que dalle avec ce machin.»

Et là… Quelle idée brillante il eut. Une idée si brillante que heureusement que ni Jonas, ni Leah n’étaient présents, parce qu’ils se seraient bien foutu de sa gueule ; et il y avait de quoi. Il pointa la direction du faisceau directement sur ses yeux… Et alluma à nouveau.

«Aaaah putain.»

Il lâcha le maudit objet, sans l’éteindre. La puissance du faisceau lui fit immédiatement mal aux yeux. Comme s’il sortait d’une longue séance de cinéma, plongé entièrement dans le noir et qu’il en sortait en plein jour d’été. Ça, mais en deux fois, trois fois, dix fois pire. La bonne nouvelle, c’était que sa lampe de défense fonctionnait bien, la mauvaise c’était que ça faisait un mal de chien. À ce propos de chien, il entendait l'animal s'agiter, mais n'y prêta pas attention. Il gardait les paupières closes tout en se massant doucement les yeux à travers elles. Allait-il retrouver la vue ? Il commençait à flipper. À quel point c’était une idée lumineuse de faire ça ? Non, c’était vendu pour un aveuglement de courte durée, pour déstabiliser un agresseur. Ah, pour déstabiliser, ça déstabilisait. Il était certain qu’après ça, ses entraînements suffisaient pour l'aider à se défendre contre n’importe qui.

Il entendit Gaïa, couiner près de la porte. Le jeune homme tenta d’avoir une voix rassurante.

«T’en fais pas ma belle, je vais survivre. Je crois. Faut pas s’inquiéter.»

Qui était-il en train d'essayer de rassurer ? Pas elle en tout cas, parce qu’en réalité, elle s’en contrefichait de la cécité de son gentil maître, ce qui l’intéressait, c’était de retrouver la personne familière qui était derrière la porte. Pour la deuxième fois de la journée, on sonna à la porte. Raph tâtonna pour arriver jusqu’à la porte. Sans ouvrir, il demanda.

«C’est qui ?»

Après un court silence, Thalia se présenta à travers la porte. Raph ouvrit timidement.

«Hello Princesse.» Jonas était un peu un genre de Prince, ou en tout cas il agissait comme tel, il était donc normal que son âme-soeur soit également de sang royal. «Euh, désolé si je garde les yeux fermés, j’ai eu un petit accident de lumière, mais ça va aller.» Il préféra ne pas s’attarder sur le sujet et pria de toutes ses forces pour qu’elle ne l’interroge pas plus que ça sur le sujet. «Tu dois voir Jonas, je sais pas quand il arrive, mais tu peux rentrer pour l’attendre si tu veux. Tu es toujours le bienvenue ici. »