It's like looking into a mirror

Aodhan O'Brian &  @Olivia V. Baring

☾☾
Janvier 2020


_ Tu te casses de mon pub ou j’appelle les flics !

Ce soir, toutes les portes qu’il avait poussé s’étaient refermé sur le coin de son nez. Il faut dire qu’il l’avait bien cherché. Il avait semé le chaos dans tous les établissements où il était passé alors lorsque le personnel l’avait vu arriver il se heurta à leur toute toute petite rancœur.

Il y a peu de temps encore, il allait dans les pubs pour rire, s’amuser, draguer et passer du bon temps… mais depuis un mois, tout ce qu’il voulait c’était mettre le feu au monde, libérer sa rage. Sa sœur, incarcérée à Azkaban et son tuteur, homme qu’il considérait comme son père, tué dans la foulée... Voilà qui laissait Aodhan tout simplement brisé, laissé à l’abandon comme une marionnette désarticulée, sans plus de raison ni repères, à faire n’importe quoi et sombrant chaque jour davantage. Il n’avait jamais été un exemple de stabilité et cette déchéance le prouvait bien.

Les combats clandestins étaient très utiles pour canaliser toute la violence qu’il contenait mais voilà, les jours sans, il devait bien s’occuper l’esprit. Du coup il allait en ville, dans les bars pour boire tout seul jusqu’à ce qu’il oublie pourquoi il était là, pourquoi il respirait et chaque réveil était pire que la veille.

Mais il fallait qu’il expurge cette fureur de sa tête pour y survivre. Lorsqu’il n’y avait plus rien ni personne à détruire, c’était à lui-même qu’il s’en prenait. Ses résultats scolaires avaient chuté, ses amis lui tournaient le dos -il faisait tout pour-, sa copine l’avait largué et plus rien n’éveillait son intérêt.

Alors ce soir il en était là, à chercher un bar dans un quartier où il n’avait jamais foutu les pieds -pour autant qu’il se souvienne- pour être sûr d’être servi. Lorsqu’il poussa la porte de la première enseigne qu’il trouva c’était pour jeter un œil au barman. Le mec servait une Guinness à une fille seule accoudée au bar et préparait des commandes. Lorsqu’il le vit entrer il le salua et reprit son activité. Dhan avait eu ce moment d’arrêt et avait attendu une ou deux secondes… bon ok l’autre ne le connaissait manifestement pas, il pouvait y aller. Il s’installa non loin du comptoir à une table libre et se laissa tomber sur la chaise comme un sac, le regard sombre et les mains dans les poches. L’allure du Gryffondor était basique, sapé comme n’importe qui : jean noir, baskets blanches abîmées, sweet à capuche un peu usé et blouson noir… bon en fait, il avait pas grande allure à bien y repenser mais… rien à foutre.

Il ne calculait personne, ni n’entendait personne. Tout ce qu’il voulait c’était être servi, picoler et défoncer la gueule du premier venu, sans oublier de recevoir quelques coups bien sentis qui lui rappelleraient gentiment qu’il était encore en vie pour finir la nuit dieu sait où et se réveiller dieu sait quand. Ça c’était du projet !

La soirée avait donc fort bien commencé et il prenait bien soin à payer toutes ses consommations au fur et à mesure pour éviter que le serveur imagine qu’il avait pas les moyens et finisse par refuser de le servir. C’était arrivé un soir et bien sûr, c’était le serveur qui avait tout pris du coup.

L’alcool commençait son œuvre. Déjà il se sentait dériver. Le chant de la fille, la musique, les applaudissements… tout lui parvenait de façon lointaine et déformée jusqu’à ce que ça ne l’atteigne plus. Doucement, il ferma ses paupières et se laissa bercer par le néant et ses murmures incompréhensibles dont le son semblait enfler progressivement. Subrepticement il fronça ses sourcils. Quelqu’un murmurait à son oreille, il en était persuadé. Putain, y a pas moyen de rester tranquille ? Avait-il l’air d’être disponible ? Peut-être que s’il l’ignorait, ce mec partirait. Ce ne fut pas le cas. Une sensation de brûlure envahit sa tête et sa poitrine se compressa. Une crise… Fais chier… Pourquoi ce soir ? Ça ne lui était pas arrivé depuis Ciaran et il n’était pas prêt à revivre ça.
Il réalisa trop tard. Trop tard pour s’éclipser. Trop tard pour prétexter une envie de pisser. Il allait faire sa crise de nécromancie en plein milieu d’un bar moldus. Alors ça si c’était pas une chouette idée ! Il n’avait plus qu’à rester calme et attendre que ça passe sinon on allait lui jeter de l’eau bénite dessus et c’est quand-même vachement moins cool que de la bière…

Ses doigts se crispèrent et il serra les dents. Dans ces moments-là, les morts voulaient le forcer à voir, à entendre, et lui se battait comme un fou pour y résister. Il ne voulait pas voir leur connerie ni entendre leur foutue blabla. Il leur avait déjà dit, crié même mais ces connards n'en avaient rien à  battre et avaient un sacré avantage sur lui : ils n’avaient aucun corps contre lequel frapper. Contre eux, il ne pouvait rien.

S’il devait décrire certaines de ces crises, il les comparerait à des mains agrippant ses vêtements, se crispant sur ses membres, le tirant en arrière dans un flot de murmures incompréhensibles assourdissants d’où s’échappent parfois quelques mots plus ou moins clairs. Le vide semblait l’aspirer de l’intérieur et la peur d’être submergé le prenait. Un cauchemar en live.

La pression maintenue contre lui était si forte qu’il crut hurler mais ce n’était pas lui dont la voix résonnait et répétait… “ Oli ! “ combien de temps cela dura ? Et c'était quoi “Oli” ? Il avait l'impression de se prendre des coups dans le bide, cette crise était hallucinante. L’emprise, alors si forte, céda si soudainement qu’il faillit tomber de sa chaise et se retrouver le cul par terre. Il parvint à rester assis in extremis et frénétiquement ses yeux bleus balayèrent l’assemblée alors que son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Il reprenait son souffle comme s'il avait couru un 100 mètres.

Personne n’avait fait attention à lui. Chacun était bien trop occupé. Il y avait juste un mec du groupe des quarantenaires en costard cravate qui se foutait copieusement de sa gueule. Sans doute le croyait-il bourré. Oui bah pas du tout en fait. Sa crise venait de le faire dessaouler à vitesse grand V et il s’accouda à sa table en enfouissant ses mains dans ses cheveux longs, encore sous le choc.

_ Nom de dieu…

Inspirant profondément, il reprenait doucement ses esprits et sa contenance. Ok tout va bien. Tu vas commander une autre bière et on reprend tout depuis l'début.

Cette crise avait fait monter sa température et il essuya son front humide. Il se défit de son blouson et de son sweet pour rester en t-shirt noir et attacha ses cheveux. Arrivé au bar, il se hissa sur un haut tabouret en commandant une autre Guinness, s’asseyant juste à la droite du mec relou dont le portefeuille sortait à moitié de sa poche arrière. C’est pas très prudent ça mon pote.

C'était très bizarre. Dhan se sentait différent, sans savoir décrire pourquoi. Il n'y prêta guère plus d'attention et le bout de ses doigts tapotèrent le bois abîmé par les années de service. Malgré lui, il perçut la conversation entre la fille et le trader. Enfin… si on pouvait appeler ça une conversation. Ça ressemblait surtout à de la drague qui avait dépassé le stade du "gros-lourdisme". D'une œillade. Il observa le mec de dos. Il voulait visiblement se taper la fille seule au bar et avec ses potes en plus. Super classe les gars… Il ne voulait pas s'en mêler et voulut détourner la tête mais ses yeux s’étaient posés sur la fille en question. Elle devait avoir l’âge de Saoirse… -Cette simple pensée lui serra le bide. Il comprenait pourquoi ces mecs la cherchaient. Non seulement elle était très jolie mais en plus il émanait d’elle un truc inexplicable qui l’attirait. Cette fois, il détourna vraiment ses yeux. Arrête. Occupe-toi de tes affaires. T’es même pas bourré alors aucun intérêt de frapper ce mec maintenant. Et il fait quoi le barman avec ma putain de Guinness ? Il est allé la chercher à Dublin à la nage ?

Le barman revint ENFIN avec sa stout. Il l’en remercia d’un bref mouvement de tête et avala une bonne gorgée et descendit la première moitié de la pinte.

Olivia a écrit:

« Continue comme ça petit con et toutes les livres sterling du monde ne pourront pas réparer les dégâts que va prendre ton joli visage en rencontrant à vélocité élevée le bois de ce bar. »

Les épaules du garçon furent secouées par un rire silencieux tandis qu’il reposait son verre. L’autre sembla s’en rendre compte et jeta un regard derrière lui pour toiser Dhan qui faisait tourner son verre sur lui-même l’air de rien.

_ Je rêve ou tu te fous d’moi petit merdeux ?

Ah ah ah…  Ok boomer. Attends deux minutes j’viens d’avoir une idée. Son visage pâle prit des airs d’innocence tandis qu’il tentait de paraître effrayé –chaud- en se tournant vers lui.

_ Non m’sieurs…

Bon, il deviendrait certainement jamais acteur mais l’autre était vraiment trop imbu de lui-même pour penser qu’il ne l’intimidait pas au moins un peu. Ce gamin, pourtant loin d’être gringalet, n’oserait jamais la ramener face à lui, l’autre en était convaincu. Lorsqu’il lui tourna de nouveau de dos, Aodhan jeta un bref coup d'œil aux couillons qui l'accompagnaient. Ils voyaient à peine Dhan derrière leur copain. Parfait, il serait caché. D’un mouvement rapide et discret, il tira le portefeuille qui dépassait sans que son propriétaire ne s’en aperçoive.

Au même instant, il croisa le regard de la petite brune qui venait de le surprendre en plein larcin. Ses lèvres s'arquèrent en un sourire narquois alors qu'il lui faisait un clin d’œil.

Tout naturellement, il l’ouvrit et tira sa carte d’identité. Il avait pas mal de fric en liquide mais l’irlandais n’était pas franchement voleur. Et puis, il avait un objectif précis. Bryan Murphy… Putain d’enfoiré de fils de pute. T’as des origines irlandaises… tes ancêtres doivent se chier d’ssus de honte. Ok, il en aurait hurlé tellement il était dèg'. Bref, il avait ce dont il avait besoin. Il cacha le portefeuille sur sa cuisse et… il tapota l’épaule de Murphy qui se retourna, cette fois clairement agacé.

_ Quoi !

O’Brian se fit violence pour prendre son air le plus emprunté et ne pas lui défoncer la gueule dans l'instant. En fait, la menace de la fille à la Guinness lui avait clairement vendu du rêve.

_ Vous êtes bien Bryan Murphy ?

Cette fois le mec écarquilla les yeux et fixait Aodh, interloqué. Comment pouvait-il connaître son nom putain ?! Déjà le Gryffondor jubilait.

_ Voilà… Je crois que vous êtes mon père… Ne ris pas sale enfoiré. Ne ris pas. Ne ris pas.

Il le vit dans ses yeux. Le trader était en train de penser à une vitesse vertigineuse. Il passa de "non mais mais n'importe quoi! Pff nan mais… "  puis par  "c'est pas possible de toute façon…" ensuite  "non mais c'est pas possible… a moins que… non" pour arriver à destination "putain… cette espèce de connasse me l'aurait jamais dit…?" Sa vie entière défilait devant ses yeux. Et son visage… ses mimiques involontaires tandis qu’il devait tenter de se souvenir de toutes les nanas qu'il avait baisées il y a vingt piges… c’était tellement savoureux… Ne ris pas bordel. Tiens bon !

Il avait rêvé de lui coller une beigne mais honnêtement, cette méthode n’était pas moins jouissive. Complètement interdit, le trader donna soudain l’impression que le sol se dérobait de sous ses pieds et de rougeâtre il devint… blanchâtre… Ah ça y est mon pote. Tu penses à quelqu'un de précis… mais quel con tu fais…
Cette fois c’était trop. O’Brian avait donné tout ce qu’il avait. Ses lèvres se pincèrent et ses yeux brillèrent soudain et il pouffa de rire, incapable de se retenir plus longtemps. Le Gryffondor se plia en deux, éclaté de rire et posa son front contre le comptoir devant le mec qui n'savait plus où il habitait.

_ Mais nan bouffon, j'ai juste lu ta carte ! Dit-il entre deux soubresauts en reposant son portefeuille devant lui.

L’autre, encore désorienté et maintenant humilié devint très vite fou de rage et attrapa Dhan par le col de son t-shirt et lui jeta un coup de poing en plein visage pour le faire taire. Le bar se tût. La tête d’Aodhan bascula latéralement sous la violence du choc. Une gêne piqua sa lèvre inférieure. Et voilà, une nouvelle égratignure.
Immédiatement après le coup, Dhan releva la tête comme s'il n'avait rien senti en plantant son regard clair et défiant dans celui de son adversaire, ses yeux brûlant d'une exaltation proche du délire tandis que ses lèvres gardaient cet ineffable sourire. Sans rire, il appelle ça frapper !
Bryan Murphy tremblait des pieds à la tête et allait abattre sur l’insolent un autre coup lorsqu’il fut arrêté en plein élan par un allier presque inattendu. La fille.

Ses amis s’étaient levés d’un bond pour le rejoindre mais il ne sut pas si c'était pour l'arrêter ou lui porter main forte… Quel bordel il avait semé  -encore. Le jeune barman s’interposa en montant à moitié sur le comptoir pour protéger son client : LUI. L'irlandais en aurait presque été ému. C’était bien la première fois. Mais là il était bien trop rivé sur ce bouffon de Bryan à qui il jetait un regard carnassier. Il serra ses poings. Il allait le tuer. Déjà il sentait la rage irradier ses tripes et la chaleur monter à sa tête, étouffant sa raison. Mais alors qu'il se sentait perdre le contrôle une nouvelle fois, ce mot lui revint, ce murmure bizarre et il croisa le regard de la jeune femme. Le temps suspendit sa course. La haine qui le brûlait de l'intérieur se consuma, chassée sans ménagement par une profonde tristesse et il était incapable de dire si ce sentiment lui appartenait… Ses poings se détendirent et la chaleur s'évanouit. Depuis la première fois depuis longtemps, il n’avait pas envie de se battre. Il fronça ses sourcils et regarda ailleurs. Il avait cette étrange sensation d’avoir été mis à nu et cela ne lui plaisait pas des masses.

Les traders furent mis à la porte et le barman s’excusa auprès d’Aodhan et de la jeune femme, leur offrant une nouvelle Guinness. OMG suis-je dans un rêve ? Ou alors je suis mort… Le regard de la jeune femme à côté de lui le tira de ses songes. Il se tourna vers elle avec un sourire. Après l’agitation, les clients avaient repris chacun leur activité et leur discussion, comme si de rien n’était. Et ils avaient bien raison car au moins les deux silhouettes au bar avaient gagné un peu de tranquillité.

_ Salut. Dit-il en pinçant ses lèvres.  Je m’appelle Aodhan O’Brian et au nom de l’Irlande, je tiens à te présenter mes excuses pour le comportement de cette fiente de pigeon.

Un rictus aux lèvres, il leva sa bière.

_ A Bryan... qui était à deux doigts de me prendre dans ses bras ! Sláinte ! * Dit-il, savourant sa Guinness.


(*) “Santé” en irlandais

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Aodhan O'Brian &  @Olivia V. Baring

☾☾Janvier 2021

Olivia a écrit:

« A Bryan qui espérait être à deux doigts de me prendre dans les bras ! »

Quel euphémisme. Ils le savaient tous les deux mais c’était amusant. Le verre froid de sa Guinness sur sa lèvre enflée lui faisait du bien. C’était étrange de sentir les pulsations de son cœur à cet endroit même si cette sensation était loin d’être nouvelle. Il passa brièvement sa langue sur sa blessure pour en sentir la chaleur et savourer cet élancement lancinant qui devenait plus piquant dès qu’il parlait ou souriait. Cela ne l’empêcha pourtant pas de garder à ses lèvres un indéfectible rictus tandis qu’il regardait la jeune femme assise à côté de lui. Lorsque costume/cravate l’avait frappé, elle avait immédiatement réagi, quittant son quiétisme et son apparente fragilité du moins, le connard avait certainement vu les choses ainsi, mais le sorcier lui avait perçu chez elle une attitude bien différente et à aucun moment elle ne lui était apparue vulnérable.

Dire que son intérêt avait été immédiatement éveillé serait inexact car il l’avait en fait été bien plus tôt… néanmoins cela l’attisa simplement davantage. Et puis cette façon qu’elle avait eu de plaquer Murphy sur le comptoir… il avait trouvé ça particulièrement savoureux. Il aurait aimé en profiter un peu plus longtemps, peut-être lui écraser un ou deux mégots sur son visage bouffi d’orgueil pour être sûr que la leçon rentrait bien dans son crâne mais s’il avait laissé libre cours à sa brutalité il aurait été viré lui aussi et franchement, il n’en avait clairement pas envie. En fait, il ressentait le besoin de rester et de lui parler, sans pouvoir dire pourquoi, c’était important.

Olivia a écrit:

« Moi c'est Olivia. »

La boisson irlandaise coulait dans sa gorge lorsqu’elle prononça ces mots et il manqua d’avaler de travers. Le jeune homme reposa rapidement sa bière en essuya sa bouche d’un revers de la main.

_ Oli ? … via… se hâta-t-il de compléter. Comment c’était possible… C’était quoi l’explication ? On lui avait susurré ce mot : Oli ? Qui était en fait un prénom. Ca ne pouvait pas être un hasard. C’était vers elle qu’on l’avait poussé, c’était indéniable. Il ressentit soudain un grand vide au creux de son ventre, comme lorsqu’on tombe dans un rêve. O’Brian supportait mal l’autorité et qu’on lui dicte sa conduite et qu’un putain de macchabée l’oblige à faire quoi que ce soit avait le don de lui taper sur les nerfs… Sale enfoiré…

Avait-elle tiqué lorsqu’il avait dit « Oli » ? Ce n’était pas le pseudo le plus recherché mais il préférait ne pas avoir à s’expliquer auprès d’une apparente moldue. S’il manquait légèrement de discipline, il n’était pas assez bête pour trahir son identité magique. Avec le Blood Circle et tout le bordel ambiant il préférait ne pas aborder cet aspect.

_ Ok. Enchanté. Il tentait de se rattraper et avec un peu de chance, sa maladresse passerait inaperçue.

Olivia a écrit:

« Ça va ta lèvre ? »

Instinctivement, il passa ses dents sur sa lésion, ravivant agréablement la plaie.

_ J’ai connu pire. Dit-il simplement sans s’étendre davantage.

Olivia a écrit:

« Faut savoir tenir sa garde face à un adversaire O'Brian, ou sinon la prochaine fois ce sera bien plus qu'une lèvre fendue que tu devras endurer. »

Devant ses conseils avisés, l’irlandais ne put réprimer un nouveau sourire. Voilà qui appuyait ses certitudes. Olivia savait se battre. Mais maintenant il se demandait dans quel contexte elle avait appris. Il pinça ses lèvres. Dhan ne voulait pas qu’elle voie les troubles qui l’habitaient et le plaisir indéchiffrable qu’il pouvait prendre dans la douleur, même s’il se rendait bien compte que dernièrement, il ne devait pas dégager une image très flatteuse de lui-même. Si d’habitude il n’en avait clairement rien à battre, face à elle cela le dérangeait et s’il creusait davantage, il se pourrait bien qu’il y trouve un peu de honte.
Il ferma ses paupières un bref instant, comme s’il redoutait qu’elle puisse y lire tout le vice qui s’y cachait et observa à nouveau son verre.

_ Merci du conseil. T’as l’air de t’y connaître. T’as appris ça où ? T’inquiète pas, je te jugerai pas, tu bois une Guinness, quoi que tu aies fait, tu fais partie des gens biens. Il prit une autre gorgée avant de poser son coude sur le comptoir.

Olivia a écrit:

« T'es pas le genre de garçon à qui je dois dire d'éviter de chercher la merde hein ? J'ai l'impression que t'adores y foncer tête baissée. Fais gaffe à ta belle gueule et évite de secourir les demoiselles qui ne sont pas en détresse. »

Aodhan haussa un sourcil.

_ Qu’est-ce qui te dit que c’était toi que j’ai voulu aider ? Je pouvais pas laisser Murphy se faire dézinguer sans bouger. Je pense pouvoir dire sans m’tromper que je lui ai évité le pire. Je suis pas un preux chevalier. Pure solidarité masculine.

Puis son regard se fit légèrement plus provocateur lorsqu’un sourire lézarda son visage, étirant sa lèvre tuméfiée.

_ T’es en train de m’dire que j’ai pris une patate pour rien ? Mais je note que tu me trouves beau. J’aime les compliments, d’autant plus lorsqu’ils viennent d’une belle femme, même d’un certain âge.

Pinçant ses lèvres à sa petite taquinerie pour s’empêcher de sourire trop largement, il mima un léger mouvement de recul, comme pour se protéger d’un éventuel revers.

Son regard azuré fut ensuite attiré par le mouvement de la main de la jeune femme, cherchant quelque chose dans sa poche. Se saisissant de sa bière, il leva le coude pour la terminer d’une traite et bien qu’il tenta de ne pas paraître indiscret, il ne put s’empêcher de la regarder avaler ses cachets. Reposant son verre, il passa son pouce sur ses lèvres et délaissa son sourire provocateur, paraissant plus soucieux.

_ Est-ce que ça va ?

Son silence fut perturbé par les gargouillis caractéristiques d’un ventre affamé. Il grimaça avant de frotter son estomac. Il crevait la dalle. Depuis quand n’avait-il pas eu un véritable repas ? Ses jobs à deux balles lui rapportaient peu et il avait cette fâcheuse tendance actuelle à tout dilapider dans l’alcool et les clopes alors les économies n’étaient pas vraiment au beau fixe. Levant sa main, il héla le serveur qui se tendit vers lui.

_ Y a moyen d’avoir un hot dog ou quoi que ce soit ?

Par chance, la réponse était positive. Il se voyait ironiquement déjà prêt à envisager le cannibalisme -ca reste de la viande après tout… Il croisa le regard d’Olivia et leva le menton en sa direction.

_ Tu veux manger quelque chose ?

Manifestement, le barman préférait que les clients ne mangent pas au comptoir alors il prépara une table à quelques pas de là pour que les deux puissent s’y installer. La musique jouait le titre Help des Beatles. Le serveur déposa la nourriture et si Dhan le remercia d’un bref mouvement de la tête, il n’attendit pas une seconde de plus et se jeta sur son hot dog pour le croquer à pleines dents. Il ferma les yeux comme si c’était la première fois de la semaine qu’il mangeait et à bien y penser, ce n’était pas si loin de la vérité. Lorsqu’il posa ses yeux clairs sur la jeune femme

_ J’adore cette chanson… articula-t-il entre deux bouchées. Mon tuteur détestait les Beatles, comme tout ce qui était anglais. Pour le faire chier je suis rentré un soir à la maison avec un t-shirt Sgt. Pepper… j’ai pris la branlée du siècle. J’ai cru qu’il allait me tuer… Façon de parler... Ce souvenir lui arracha un sourire hilare qui gagna vite en amertume. Sa mort violente et récente accompagnée de l’incarcération de sa sœur l’avait plongé dans ces abysses dont il ne parvenait pas à sortir.

Il chassa ses idées noires avant de poser ses yeux bleus sur Olivia.

_ Qu’est-ce que tu fais dans la vie ? Me dis pas que t’es videuse en boîte de nuit… ajouta-t-il avec un sourire en gobant sa dernière bouchée.

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Aodhan O'Brian &  @Olivia V. Baring

☾☾Janvier 2021

Olivia a écrit:

« J’ai été dans l’Armée. Mais aujourd’hui réformée donc bon, ce sont surtout des vieux reflexes. »

_ T’as été dans l’Armée ? Il sourit encore, très amusé par cette révélation. Tu m’en diras tant… Vu la façon dont elle avait chopé le bras de l’autre, tout cela faisait sens. Ca doit être un sacré truc… je crois pas que j’aurais pu y rester bien longtemps. J’me serais sans doute fait virer. J’ai un problème avec l’autorité. Il paraît. Lui et son désamour légendaire pour tout ce qui représentait l’autorité… pourtant cela ne s’était pas toujours vérifié. Lorsque Ciaran l’emmenait au camp de l’IRA, aussi jeune fut-il, Aodhan s’était montré plutôt bien discipliné et obéissant avec instructeurs, mais ça… c’était parce qu’il était fier d’être là, mêlé à ses idoles et qu’il croyait en la cause qu’ils défendaient. Pour son pays, il n’y a rien qu’il n’était capable de faire. Ce souvenir le replongea dans sa putain de mélancolie à deux balles et il poussa un soupire en observant le liquide sombre et mousseux dans son verre. Une bonne paire de baffes, voilà ce qui lui ferait du bien. Murphy était vraiment un connard. Il aurait pu au moins lui en mettre une ou deux de plus avant de se faire jeter. Quel bon à rien. Ca veut dire quoi “réformée” ? Le langage militaire c’était pas trop son domaine. Ils t'ont virée ?

Olivia a écrit:

« Ai peur petit père, parce que la femme d’un certain âge peut encore te mettre au tapis sans renverser une goutte de sa pinte. »

_ J’adorerai voir ça. Dit-il, son sourire dévoilant deux rangées de dents blanches. Mais je crois que lui moins. Dit-il en montant d’un bref mouvement de la tête le barman qui secouait la tête de gauche à droite en lançant sur ces deux clients une moue réprobatrice. Et je doute pas de la force des femmes. Après la mort de ma mère c’est elle qui m’a élevé, avec mon parrain. C’est une guerrière. Les mecs qui l’ont sous-estimé l’ont toujours regretté.

Olivia a écrit:

« Et effectivement, je t’ai prêté trop de bonté d’âme, ma faute. Je vous laisserai entre couilles la prochaine fois !.

Son langage fleuri lui arracha un rire silencieux qui ne fut trahi que par ses épaules, brièvement secouées.

_ Ca changera pas le décor, j’crois que t’en as plus que lui.

Olivia a écrit:

Et puis ça se voit que t’aime te prendre des patates pour le genre

_ Ouais les coups… Ça fait mal mais ça remet les idées en place. Ça te maintient les pieds sur Terre. Il se redresse sur son tabouret et se penche légèrement sur elle, comme s’il lui faisait une confidence, lui lançant un clin d’oeil. Mais j’essaie d’arrêter. S’il l’avait dit avec humour, il ignorait comment se tirer de du bourbier dans lequel il s’était enfoncé mais il sentait bien que le chemin qu’il suivait n’avait rien de sain ou de normal. Il allait devoir changer de tactique. C’est ce que la raison lui dictait. Mais actuellement, il avait plutot tendance à l’ignorer prodigieusement.

Olivia a écrit:

Ça plait toujours aux femmes de la nouvelle génération d’ailleurs ? »

Aodhan soulevant brièvement ses épaules.

_ Ah les filles… J’en sais trop rien et j’m’en fous. De toute façon, en ce moment elles m’ont pas trop à la bonne.

Une poignée de secondes s’écoula avant qu’il reprenne.

_ J'étais plus ou moins avec une fille mais c'était pas très sérieux. Pour finir j'ai pas été très cool avec elle et ça s'est arrêté là.

A bien y repenser, il doutait qu’Amber veuille revoir sa gueule avant un sacré bout de temps. Elle avait perdu son père, lui son tuteur et ce point commun qui aurait dû les rapprocher les avaient envoyé dans deux mondes opposés. Aodhan s’était complètement fermé et avait envoyé chier son monde, sans que la moindre prise de conscience ne le percute encore.

Olivia a écrit:

« Occupe-toi de ta bière. »

Il haussa un sourcil, son rictus étirant le coin de sa lèvre écorchée.

_ Putain, quel caractère… T’as déjà pensé à animer des soirées SM ? T’aurais du succès. Il pinça ses lèvres pour garder la satisfaction de sa connerie pour lui.

Le quart d’heure snack était une bénédiction. Il savourait chaque morceau avec avidité et il finit par se redresser, posant son dos contre le dossier de sa chaise, prêtant une oreille attentive à l’anecdote de la jeune femme qui parlait d’un moment précis de son enfance pas si bien rangée.

Il haussa ses sourcils et même sa mâchoire ralentit le rythme de mastication.

_ Tu m’charies ? Il manqua d’avaler de travers et posa le revers de sa main sur sa bouche avant de rire, sans la lâcher des yeux. La p’tite Oli est vraiment trop bad. Pourquoi t’es entrée dans l’armée quand-même ? Ta mère t’as pas dégouté du truc ?

Olivia a écrit:

« Je te pose même pas la question de si tu reveux une pinte ? »

Le garçon posa son index sur sa tempe avant de le pointer dans sa direction, mimant un salut militaire un peu dévoyé. Clairement, une autre pinte, il n’allait pas dire non.

Au même instant un mec qui tirait bien sur la cinquantaine entra dans le bar. Son allure tenait davantage du clodo que du mec bien rangé. Il portrait un grand manteau noir usé sur un pull tellement délavé qu’on ne pouvait plus vraiment en déterminer la couleur. Ce qui lui restait de cheveux grisâtres était noué en une queue de cheval, accentuant le contraste frappant avec le haut de son crâne, totalement dégarni.

Aodhan ne lui prêta pas la moindre attention. A cette heure-là, dans les bars, on pouvait vraiment croiser tout et n’importe quoi.

_ Sers-moi une Fisher. J’ai besoin d’un verre. Ils ont encore arrêté un sorcier dans le coin de Tottenham. Dit-il au barman qui ne releva pas. Certaines personnes se tournèrent vers lui à ces mots et clairement, l’ambiance se tendit. L’irlandais lui, ne semblait pas l’entendre, d’autant plus qu’il lui tournait le dos.

Au retour d’Oli, il avait déjà engouffré le hot dog. Essuyant le coin de ses lèvres du revers de la main, il poussa un soupir d’aise peu bruyant mais son visage semblait plus détendu.

Olivia a écrit:

« Et toi gamin, tu fais quoi dans la vie à part… »
« Taper du saoulards à main nues ? »
« Quoique ça semble être un de tes hobby vu la gueule que tu te traines. »

Terrain glissant.

_ Normalement je suis à l’université. Ca fait quinze jours que j’y ai pas foutu les pieds… Ils vont finir par me virer. Acheva-t-il dans un murmure avant de guider la Guinness jusqu’à ses lèvres.

Le mec au bar tourna la tête vers chacune des personnes présentes et les dévisagea chacune son tour. Lorsque sa Fisher lui fut versée, il la bu d’une traite, la mousse pâle s’accrochant à sa barbe. Une fois qu’il reposa son verre, il se tourna vers l’intérieur du bar.

_ Ils se baladent avec des baguettes magiques… Ca vous dérangerait de vider vos poches ? Comme ça on sera sûr qu’aucun de vous n’en est un, hein ? Vous en dites quoi ?

Personne ne répondit mais certains se regardèrent. Personne n’avait l’intention de lui obéir, pourtant on sentait un certain malaise s’installer. Ca commençait à craindre un peu dans l’coin. O’Brian ne posa pas les yeux sur le gars une seule seconde mais ses yeux se froncèrent et sa tête s’inclina légèrement.

_ Si on regarde bien je suis clairement la meilleure rencontre que t’auras pu faire ce soir.

Un sourire frondeur étira le coin de ses lèvres avant de reprendre une nouvelle gorgée.

_ Et ton frère au fait ? Il a suivi la tradition familiale ?