Une invitation à un dîner en famille, cela faisait bien longtemps que Hestia n’en avait pas reçu. Oh, il ne s’agissait pas du tout d’une invitation de la part d’un des membres de la famille Carrow, loin de là. Ses parents continuaient certainement à nier son existence, Helios levait toujours le nez pour bien montrer qu’il l’ignorait royalement quand ils se croisaient dans les couloirs de Poudlard et le silence était toujours des plus complets -et lourds de menaces- de la part de son oncle Euron. Pour le moment, tout ça convenait parfaitement à la Serpentarde, et elle doutait même que cela change un jour. Clairement, quand il s’agissait de famille, Hestia n’avait plus que le visage de Thalia qui lui venait aussitôt à l’esprit. Et un peu Maëlle aussi, mais étant donné que les Rosier vivaient aux Etats-Unis, elle ne pouvait pas dire qu’ils avaient quoi que ce soit de proche. Pourtant, quelques jours plus tôt, elle avait bien dû ouvrir les yeux et réaliser qu’il y avait toute une part de sa famille qu’elle n’avait jamais réellement considéré comme telle, et qui vivait bien plus proches : les Rausales. Certes, Hestia connaissait bien Kayla, d’autant plus maintenant qu’elles avaient commencé à se lier autour de sa potion d’animagus, mais elle n’avait jamais véritablement songé à l’entourage de sa cousine. Or, il s’agissait également de sa famille. Alors quand Kayla l’avait invité à venir dîner chez eux, Hestia avait été surprise. Rencontrer les Rausale n’avait jamais vraiment fait partie de ses plans, elle avait beau avoir quitté sa propre famille, ce n’était pas pour autant qu’elle cherchait à les remplacer. Elle n’avait connu qu’une famille toxique, ça ne lui avait pas vraiment donné envie d’en rencontrer d’autre. Désormais elle n’avait plus que sa sœur en qui elle plaçait une confiance absolue et des cousines à qui elle était plus ou moins liée et ça lui suffisait amplement. De toute façon, ce n’était pas comme si elle savait faire autrement.

Et c’était bien là le problème. Parce que l’invitation de Kayla, Hestia s’était retrouvée à l’accepter. Elle ne savait pas trop pourquoi, sûrement avait-elle était prise d’un bref moment de faiblesse. La réponse positive lui avait échappé avant qu’elle ne puisse en mesurer toute l’ampleur. Maintenant que la date choisie par les Rausale approchait, elle se rendait compte de l’étendue de son ignorance. Et de la nervosité qui la gagnait peu à peu à l’idée de ce dîner. En réalité, ce n’était pas le repas en tant que tel qui lui posait souci, c’était tout le reste. Le repas, elle ne doutait pas de maîtriser, après tout elle avait été éduquée à la perfection parmi les sang-purs. Elle savait se montrer charmante sur commande, faire preuve de conversation et distiller des compliments au bon moment. Mais tout ça c’était bon dans le monde ultra exigent des sorciers de la haute société magique. Même si elle ne connaissait rien des Rausale, elle ne doutait pas vraiment que les choses seraient différentes. Et c’était là que son ignorance lui explosait en pleine figure. Lorsqu’elle avait rencontré les Campbell en aout dernier, Hestia ne s’était pas posé la moindre question parce qu’ils venaient du même monde. Or, ce n’était pas le cas des Rausale, c’était même encore pire parce que de ce qu’elle savait, le père de famille était né-moldu, ce qui voulait dire qu’il appartenait à une culture dont elle ne savait pas grand-chose. Soudainement, elle se sentait bien démunie. Parmi les sang-purs, la Serpentarde savait parfaitement ce qu’on attendait d’elle et pouvait y répondre sans même avoir à réfléchir. Mais avec d’autres familles, plus normales, plus terre à terre, elle était complètement paumée. Il y avait sûrement des différences, mais lesquelles ? Qu’est-ce qu’ils allaient attendre d’elle exactement ? Si elle n’associait aucune attente, aucun espoir, à cette rencontre avec cette partie de sa famille, elle voulait tout de même que les choses se passent bien. Ou du moins le mieux possible. Alors soudainement les questions se pressaient dans l’esprit de la verte et elle se rendait compte qu’elle n’en possédait pas les réponses.

C’était donc ça qu’il lui fallait : des réponses. Une entrevue de ce que pouvait être une famille normale. Une famille qui mêlait vie moldue et vie sorcière. Pendant un premier temps, Hestia avait envisagé d’interroger Kayla à ce sujet. Ca aurait certainement été le plus simple, la Gryffondor était après tout la mieux placée pour parler de sa famille. Mais l’idée de montrer à Kayla combien elle était ignorante l’avait poussé à renoncer. Elle n’était clairement pas assez proche de sa cousine pour lui montrer la moindre trace de vulnérabilité. Ce repas en famille promettait déjà d’être une épreuve pour la Serpentarde, elle ne voulait pas en rajouter une couche. Garder ses faiblesses pour elle était préférables. Hestia s’était donc interrogé sur la marche à suivre. Elle n’avait aucune envie de passer encore des heures à la bibliothèque, elle investissait déjà bien trop cet endroit de malheur pour ses études. Elle devait donc se tourner vers quelqu’un, mais qui ? Quelqu’un qui ne la jugerait pas trop, ou du moins à qui elle pourrait répondre sans avoir à se sentir blessée. Quelqu’un qui connaissait le monde moldu du bout des doigts, bien évidemment. Quelqu’un en qui elle avait assez confiance pour montrer juste une once de ses faiblesses. Ca ne laissait pas grand monde tout ça. Adèle était à peu près aussi ignorante qu’elle au sujet des moldus. Thalia aurait été parfaite dans ce rôle, mais étant donné qu’elle vivait actuellement chez les Rausale, Hestia préférait éviter. Maëlle, n’était pas indiquée en tant que sang-pur, même si Hestia ne doutait pas que sa cousine aurait accueilli cette tâche avec enthousiasme. La liste se réduisait à toute vitesse et finalement, juste avant que le désespoir ne la pousse à abandonner et à classer cette idée parmi les idées stupides, la Serpentarde su vers qui se tourner.

Elise. Bien sûr. Celle qui lui avait fait découvrir le monde moldu dans une escapade qui s’était révélée pleine de surprises et de bons moments. Celle qui venait d’une famille où la culture moldue était aussi omniprésente. Celle qu’elle pourrait envoyer balader sans risquer de vraiment la froisser si jamais elle se montrait un peu trop moqueuse. C’était vers la Serdaigle que Hestia devait se tourner. Une fois ses cours du jours terminés, ce fut à sa recherche que la Serpentarde s’attela. L’avantage, c’était qu’aujourd’hui elle n’avait pas d’heures de prévues au Purple Vial, elle avait donc tout son temps devant elle. Ce qui était dommage, c’était qu’aujourd’hui Elise et elle n’avaient pas finis par leur cours commun de potions avancées ou de biologie magique, Hestia devait donc partir à sa recherche. Heureusement, elle savait par Adèle que les étudiants en médicomagie de son année finissaient la journée par leur cours de médecine magique et savait donc où trouver la Serdaigle. Sans perdre de temps, poussée par l’envie d’en finir au plus tôt avec cette tâche qui lui mettait un peu la pression, Hestia parcourut les couloirs de Poudlard et ses escaliers capricieux pour tenter de croiser la de Lestang à la fin de son cours. Elle n’avait pas envie de courir dans tout le château à sa recherche, et encore moins de se retrouver à faire le pied de grue devant la salle commune des aigles en attendant que quelqu’un en sorte. Lorsqu’elle arriva à hauteur de la salle, Hestia s’aperçut avec satisfaction que le cours devait avoir fini avec un peu de retard étant donné que les élèves n’avaient pas fini d’en sortir. Elle ignora royalement les quelques étudiants qui avaient fait partis de son ancienne vie de sang-pur et qui avait choisi de lui tourner le dos et fit signe à Adèle qu’elle la retrouverait plus tard quand celle-ci passa à ses côtés.

Enfin Elise apparut dans le couloir. Elle était seule, ce qui arrangeait grandement Hestia. Non seulement ses camarades de promo étaient pour la plupart des neuneus de première qu’elle n’avait aucune envie de côtoyer, mais la verte n’était toujours pas la sorcière la plus sociable de Poudlard. En outre, elle n’avait pas non plus envie que quiconque puisse l’entendre poser des questions sur les moldus et nés-moldus à Elise. Hestia assumait parfaitement d’avoir tourné le dos à sa famille et de ne pas suivre les idéaux des sang-purs mais elle savait préférable de ne pas se faire remarquer. Les étudiants qui avaient été les plus vindicatifs après son changement de statut s’étaient enfin désintéressés d’elle, inutile de raviver la flamme de leur haine. C’était donc tant mieux qu’Elise ne soit pas entourée. Lorsqu’elle arriva à sa hauteur, Hestia lui adressa un sourire. « Bonjours Elise. » Elles en avaient parcouru du chemin toutes les deux depuis quelques années. Ce qui était assez remarquable, étant donné les caractères de l’une et de l’autre. Mais Hestia en était satisfaite. Elle n’avait pas beaucoup d’amis et c’était bien loin de la déranger, mais elle était sincèrement contente de pouvoir y compter Elise. « Tu aurais un moment à m’accorder ? » Elle avisa du regard le sac de la Serdaigle, certainement plein d’ouvrages de cours et de parchemins gribouillés. En tant qu’étudiante en troisième année, Elise avait certainement beaucoup à faire, tout comme Hestia en réalité, mais ça n’empêchait pas de demander si elle pouvait lui réserver quelques instants. Après, si elle avait un examen qui approchait et à tout prix besoin de filer réviser, la verte comprendrait également. « Ne jubile pas trop, mais j’ai besoin de ton aide. » Reprit-elle avec un petit sourire en coin. Si les Serpentards étaient ambitieux, les Serdaigles ne manquaient pas de fierté. « C’est à propos des moldus. Pas d’escapade cette fois, j’ai juste des questions. » Même si elle devait reconnaitre que leurs aventures au centre commercial avaient été plutôt sympas.

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Demander de l’aide n’était pas vraiment dans les habitudes de Hestia. C’était à la fois une question d’éducation, d’égo et d’habitude. Elle avait été élevée ainsi, dans l’idée qu’elle devait toujours se suffire à elle-même, qu’elle ne devait surtout pas compter sur les autres. Qu’elle ne pouvait même pas avoir confiance en les autres. A force d’entendre tout ça, la Serpentarde avait fini par l’intégrer et même à s’y retrouver. Pour une fois, elle était d’accord avec les préceptes de ses parents, ce qui était franchement assez rare pour être souligné. Mais cette fois, les Carrow n’avaient pas tort, compter sur les autres, c’était être dépendant, être à leur bon vouloir et c’était bien quelque chose que Hestia ne supporterait pas. Elle voulait se débrouiller par elle-même, c’était déjà assez difficile comme ça d’avoir confiance en elle, alors en les autres ce n’était pas la peine d’y compter. Et puis elle devait l’avouer, il y avait une certaine fierté, à réussir par soi-même, à prouver qu’elle était capable de réussir tout ce qu’elle se mettait en tête. Devoir s’abaisser à demander de l’aide, ça froissait son égo alors plus elle pouvait l’éviter, mieux elle se portait. De fait, chez elle c’était devenu une habitude de se débrouiller seule. Parce que souvent c’était ce qu’elle était : seule. Impossible de se reposer sur les autres quand on ne les laissait pas entrer dans sa vie. Et c’était très bien ainsi, Hestia ne s’en plaignait pas. Elle avait des amis, ils étaient peu nombreux mais ça lui suffisait amplement, mais ce n’était pas pour autant que se tourner vers eux à la moindre contrariété était devenue une habitude. Loin de là. Ce n’était pas que ses amis refuseraient, elle était persuadée que ce ne serait pas le cas, c’était simplement qu’elle préférait réfléchir par elle-même et trouver des solutions seule. Ses réussites et ses échecs, elle voulait les devoir qu’à elle-même.

Mais cette fois, tout faire par elle-même lui semblait impensable. Le fait était que dès qu’il s’agissait du monde moldu, Hestia manquait cruellement de connaissances. Certes, elle avait passé toute une journée avec Elise à découvrir leur culture et leur quotidien, mais ça n’avait pas couvert ce dont elle avait actuellement besoin. Les cinémas et laser-machin, c’était bien sympa, mais ce n’était clairement pas ce qui l’attendait chez les Rausale. Du moins elle l’espérait parce que sinon ça voulait dire qu’elle avait comprit d’invitation complètement de travers, ce qui n’était pas du tout rassurant. D’accord, elle aurait pu tout simplement se plonger dans un livre d’étude des moldus à la bibliothèque et ainsi récupérer toutes les informations dont elle avait besoin par elle-même. Mais ça voulait dire passer des heures dans cet endroit de malheur qu’elle détestait tant et elle n’en avait aucune envie. Hestia y passait déjà bien assez de temps pour ses études, elle n’avait pas envie de s’en rajouter davantage. Il ne fallait pas exagérer non plus. Elle voulait bien faire des efforts pour ce repas, après tout, si elle n’en attendait rien elle voulait tout de même que ça se passe bien. Mais elle ne voulait pas faire des sacrifices non plus. Ce qui voulait dire que sa dernière solution viable -puisque celle d’y aller en totale ignorance était inimaginable à ses yeux- était de se tourner vers quelqu’un pour avoir un peu d’aide. Et là, Hestia n’avait pas mis longtemps à réaliser que ses options n'étaient vraiment pas nombreuses. De ses connaissances, il n’y avait tout d’abord pas beaucoup de personnes à qui elle accepterait de demander de l’aide sans avoir l’impression d’être prise en faute -toujours cette histoire d’égo. Et parmi celles qu’il restait, plus rares encore étaient les personnes qui connaissaient assez bien la société, et surtout la vie de famille, moldue pour la renseigner.

Au final, le choix avait été plutôt évident. Elise de Lestang était la seule qui répondait à tous les critères de Hestia. C’était une amie et elle avait grandi aussi bien avec la culture sorcière que celle moldue. Elle connaissait tout ce qu’il y avait à savoir sur le sujet et au moins Hestia n’aurait pas envie de mourir de gêne à l’idée de lui demander de l’aide. Même si elle savait d’avance qu’elle allait devoir affronter le rictus satisfait de la Serdaigle. Elle appréciait assez Elise pour pouvoir gérer ça. Ce fut donc sans tarder, et sans trop réfléchir afin de ne surtout pas se laisser le temps de changer d’avis, que Hestia alla retrouver l’étudiante à la sortie de son cours. Sans grande surprise, le sourire d’Elise en disait long sur combien elle appréciait la situation. Oui, oui, Hestia Carrow qui demandait de l’aide, ça n’arrivait pas tous les jours, ce n’était pas la peine de prendre cet air-là. Qu’elle en profite, ce ne serait pas long. En revanche, l’air surprit de la Serdaigle quand elle lui annonça qu’elle avait besoin d’informations sur les moldus la surprit moins, il était vrai que la Serpentarde n’était pas connue pour son intérêt pour les moldus. Contrairement à la plupart des autres Carrow, elle ne souhaitait pas leur annihilation, elle se fichait simplement de leur existence. Et aurait aimé que l’inverse soit également vrai. Mais ça c’était un autre problème, auquel elle ne pouvait pas grand-chose. « Je ne jubile pas. » Hestia pencha la tête sur le côté, pas dupe une seconde. Ca c’était le mensonge du siècle. Et Elise était très mauvaise comédienne. Peut-être qu’elle allait devoir lui donner quelques cours de mensonges, ça serait utile. « Ou plutôt j'essaie de ne pas le montrer. » Oui alors pour faire ça, il aurait fallu qu’elle évite d’afficher un énorme sourire sur son visage, ça aurait été mieux. Parce que là, Hestia n’était absolument pas convaincue. Bon sûrement Elise aurait-elle pu jubiler encore plus mais ça aurait été l’assurance de faire faire demi-tour à la Serpentarde. Au moins elles n’en étaient pas là. « La prochaine fois que tu ne jubile pas, essaye de ne pas trop sourire. » Lui glissa-t-elle. Un conseil qui pourrait servir. Au moins s’y était-elle préparée psychologiquement.

Sans se faire prier, Hestia suivit Elise jusqu’à un petit banc en pierre éloigné. Elle n’était pas mécontente de ne pas rester dans le passage où tous les élèves pourraient les croiser et surtout les écouter. Elle n’avait plus d’image à tenir, ni de famille à contenter alors elle se fichait bien que les autres étudiants soient au courant qu’elle se renseignait sur les moldus, mais elle préférait simplement éviter que les autres ne mettent le nez dans ses affaires. Sa vie privée avait été bien assez débattue comme ça par les autres. A son tour, elle alla s’assoir sur le banc et déposa bien plus délicatement son sac à ses pieds que sa camarade. « Donc, tu veux en savoir plus sur les moldus. Je suppose que tu ne t'es pas découvert une nouvelle passion en te levant ce matin. » Un air désabusé fila sur les traits de la Serpentarde qui hocha la tête. Se prendre de passion pour les moldus aurait pu être parfait pour finir d’enterrer son image d’héritière de sang-pur, mais ce n’était pas ça. Elise avait raison, elle n’en était toujours pas là et elle savait que ça n’arriverait jamais. Ca montrait que la Serdaigle la connaissait bien désormais. « Tu supposes bien. » Confirma-t-elle. Une passion pour les moldus, il ne fallait pas exagérer, jamais leur société ne pourrait dépasser le domaine des potions à ses yeux. Leurs technologies étaient bien sympas, mais ce n’était pas comparable. « Notre petite virée au centre commercial était sympa, mais il ne faut pas exagérer non plus. » Elle eut un sourire. Contre toute attente, Hestia gardait un bon souvenir de cette journée avec Elise. Elle avait été pleine de surprises et de rebondissements, mais ça avait été positif. Si ça n’avait pas forcément donné davantage envie à Hestia de se plonger dans le monde moldu, ça lui avait au moins montré qu’il n’était pas si inintéressant que ça.

« Pourquoi tu as besoin d'en savoir plus ? » La Serpentarde prit le temps d’organiser ses pensées avant de répondre, ce qui laissa tout le loisir à la Serdaigle de reprendre. « Je suis prête à répondre à toutes tes questions, tu vas être incollable tu vas voir. » Hestia eut un rictus amusé. Ca, ça ne l’étonnait pas du tout d’Elise. Elle n’était pas une Serdaigle pour rien, et la verte le reconnaissait même si elle considérait qu’elle aurait également eu sa place dans la maison des serpents. C’était pour ça qu’elle devait réfléchir à sa manière de présenter les choses, justement pour éviter qu’Elise ne lui fasse un cours pendant trois heures. Elle ne doutait pas qu’une fois la de Lestang partie dans ses explications, il était difficile de l’arrêter. Hestia avait beau apprécier Elise, elle n’avait pas vraiment envie de ça. « Je n’en demande pas tant, juste le nécessaire suffira. » Souligna-t-elle avec un sourire. Elle n’avait pas besoin de détails, d’historique, ou de quoi que ce soit qui aille jusque-là. Elle voulait juste des explications et des conseils. De quoi ne pas faire de faux pas une fois chez les Rausale. Et également de quoi ne pas être surprise une fois là-bas. Hestia n’avait pas envie de se sentir en décalage, ce serait sûrement inévitable mais elle préférait l’éviter au maximum. « On m’a invité à un dîner de famille. » Expliqua-t-elle finalement. Jusque là rien de bien surprenant, même si techniquement elle n’avait plus que Thalia et Maëlle qui correspondaient à la définition de famille. Bref, pas de quoi s’interroger, ce fut pourquoi elle précisa « Autant les repas chez les sang-pur, je maîtrise, les soirées mondaines et toutes ces bêtises, je connais par cœur. Mais un repas chez une famille avec des origines moldues, qui n’a ni elfe de maison, ni magie pour tout, je maîtrise pas du tout. » Elle était sûre qu’il y avait des similarités, mais ce qui l’interrogeait c’étaient les différences et tout ce à quoi elle ne penserait pas.

Hestia remua sur le banc inconfortable. Décidemment, demander de l’aide n’était pas naturel chez elle, même si c’était vers une amie qu’elle s’était tournée. Il fallait dire que reconnaitre ses lacunes n’était pas exactement agréable. Elle soupira. « Je ne sais pas ce que je dois faire ou ne pas faire. Ni même ce qu’on attend de moi en fait. » Peut-être rien. Les Rausale n’étaient pas les Carrow, sûrement ne vivaient-ils pas par les mêmes préceptes. En fait ça aurait été étonnant étant donné que justement la mère de Kayla avait quitté les Carrow pour ne pas devoir vivre comme eux. Mais Hestia était tellement habituée à ce qu’on attende quelque chose d’elle qu’elle avait du mal à s’imaginer l’inverse. Que ce repas soit totalement désintéressé avait du mal à se faire une place dans son esprit. « Je ne sais pas pourquoi j’ai accepté. » Lâcha-t-elle. Sûrement avait-elle été prise d’un moment de faiblesse face à Kayla, elle ne voyait que ça. Ce n’était qu’un repas, pourtant elle avait l’impression qu’elle allait marcher droit dans la gueule de loup. Ce qui en disait long sur combien elle n’était pas habituée à ce genre de situation. Elle posa ses prunelles sur Elise. « Tu peux m’aider ? » Hestia était sûre de la réponse, ce qu’elle se demandait c’était combien elle aurait à apprendre.

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Franchement, c’était ridicule. Elle, Hestia Carrow, qui craignait de se rendre à un dîner. Elle n’aurait jamais cru se retrouver un jour dans une telle situation. Ca lui semblait tiré par les cheveux, une idée complètement stupide. Et pourtant réelle. Elle avait été élevée aux rythmes des dîners donnés par sa famille et ceux auxquels elle avait été trainée dès son plus jeune âge. Hestia avait grandi au milieu des invités et des plats raffinés, su quels couverts utiliser pour quel plat avant même de savoir lire correctement. Elle avait maitrisé l’art de la conversation, de la flatterie et de la tromperie avant même de se pencher sur son premier chaudron. Et maintenant qu’elle se trouvait confrontée à la perspective d’un simple dîner de famille, elle perdait tous ses moyens. Ca allait même au-delà du ridicule, elle se désespérait elle-même. Ca n’aurait pas dû lui poser le moindre problème. Des dîners, elle en avait assisté à un si grand nombre qu’elle avait cessé de les compter depuis bien longtemps. Elle savait comment ça se passait, elle maîtrisait tout sur le bout des doigts, pouvait même y évoluer les yeux fermés, mais pas comme ça. La Serpentarde connaissait les grands repas donnés par les sang-pur, ceux où l’objectif était de voir et surtout se faire voir. Elle savait quelles en étaient les attentes et les objectifs, les ficelles qui étaient tirées en arrière-plan et les secrets qui se cachaient derrière chaque mot. Mais un dîner familial, ça c’était nouveau pour la Serpentarde. Ce genre de repas, les Carrow ne l’y avaient pas habitué, ce n’était pas vraiment ce qu’elle avait connu pendant toute son enfance alors elle ne savait pas trop à quoi s’attendre. Déjà qu’elle ne connaissait pas les Rausale, l’idée de partager tout un dîner en leur compagnie n’était pas vraiment pour la mettre à l’aise. Soudainement, les lignes bougeaient, tout était différent, et elle se retrouvait confrontée à un quotidien qui n’était pas le sien.

Clairement, si elle se sentait ridicule, c’était à raison. Il suffisait de voir l’air qui se peignit sur les traits d’Elise lorsqu’elle lui annonça pourquoi est-ce qu’elle avait besoin d’en apprendre plus sur les moldus. La Serdaigle la dévisageait avec de grands yeux comme si elle venait de proférer la bêtise du siècle. Ce qui était peut-être un peu le cas d’ailleurs. Les dîners de familles faisaient partie de la vie d’à peu près tout le monde, ça n’avait rien d’exceptionnel, sauf pour elle. Ce qui montrait bien que l’éducation des sangs pur était à part, et pas forcément d’un point de vue positif. D’un coup, Hestia se retrouvait avec une montagne de choses à rattraper, tout un monde auquel s’habituer. Si elle n’avait toujours aucune intention de côtoyer des moldus au quotidien, elle préférait savoir dans quoi elle mettait les pieds exactement pour éviter de faire n’importe quoi dès le début de cette rencontre. Une part d’elle préférait que les choses se passent bien, ou du moins correctement. Les Rausale n’avaient jamais fait partie de sa vie, mais maintenant que les choses se passaient enfin bien avec Kayla, autant ne pas tout gâcher. « Tu me fais penser à mon père. » Hestia s’arrêta dans ses réflexions pour observer son amie. Son sourire compatissant l’interrogeait. Est-ce qu’elle était en train de se moquer ou juste de la comprendre ? La ligne était fine, surtout avec Elise et ça Hestia le savait bien. Elle réfléchit une seconde à cette question, tentant de se remémorer ce qu’elle savait du père de la Serdaigle. Même si elle avait fréquenté Amaury pendant un temps, leur relation n’avait jamais été assez poussée pour qu’elle rencontre ses parents. La verte ignorait donc à peu près tout du père de son amie. « C’est une bonne ou une mauvaise chose ? » Ne put-elle s’empêcher de lui demander, histoire d’éclaircir les choses.

Pourquoi est-ce qu’elle avait accepté au juste, Hestia se le demandait régulièrement depuis sa dernière conversation avec Kayla et encore plus maintenant qu’elle faisait face à Elise. A ses yeux ça avait juste été un moment de faiblesse, elle s’entendait enfin bien avec sa cousine et avait été prise au dépourvue par son invitation alors elle avait accepté sans même y réfléchir. Maintenant, elle s’interrogeait davantage, surtout alors que l’étendue de son ignorance sur les moldus s’étalait sous ses yeux. « Tu voulais faire plaisir à cette personne. C'est la famille de ton petit ami ? » Hestia fit la moue. Faire plaisir à Kayla. Vraiment ? Etait-ce pour ça qu’elle avait accepté ? Elle ne s’était pas posé la question et n’en était pas vraiment sûre. Cela ne faisait que quelques mois qu’elle fréquentait réellement sa cousine, elle ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était attachée à elle et qu’elle cherchait à lui faire plaisir. Elle appréciait Kayla et les moments qu’elles pouvaient passer ensemble, mais tout ça restait trop récent. Et puis Hestia n’était pas du genre à s’attacher facilement, alors elle avait du mal à accrocher à la proposition d’Elise. « Non, ce n’est pas ça. » Répondit-elle en secouant la tête. Elle parlait plus de le seconde question d’Elise que de la première. Un sentiment d’amertume l’envahi brièvement à la pensée que la question référait à Orion. Pour le coup, apprendre à évoluer dans une famille moldue aurait été bien inutile pour faire plaisir aux parents sangs pur conservateurs du Gryffondor. De toute façon, leur rupture remontait à des mois maintenant, la question ne se posait plus. D’ailleurs, elle n’avait pas envie d’y penser. En revanche, celle à laquelle Hestia préférait avoir une réponse c’était est-ce qu’Elise pouvait l’aider ou pas, une réponse qui ne tarda pas. « Je peux t'aider et je vais le faire. » La verte retint un soupir de soulagement. Elle n’en avait pas vraiment douté, mais elle était quand même contente d’entendre la de Lestang le dire. Elle lui adressa un sourire reconnaissant. « Merci. »

Maintenant, la suite de cette entrevue était entre les mains d’Elise. Hestia était prête à l’écouter et à apprendre. « Tu sais si la magie est utilisée chez eux ? Si tu n'en sais rien. » Ah, déjà première question et elle lui posait une colle, ça commençait bien. Des Rausale, Hestia ne savait vraiment pas grand-chose et elle se rendait compte seulement maintenant que ces lacunes pouvaient se révéler très handicapantes. Elle s’efforça néanmoins de réfléchir à la question et de trouver une certaine logique. De ce qu’elle savait, la famille était composée en partie de moldus et vivait dans le Londres moldu. « Je suis pas sûre, mais je sais qu’ils vivent dans le Londres moldus et ont l’habitude d’être entourés de moldus. Je ne pense pas qu’ils utilisent la magie non-stop chez eux. » Déduit-elle lentement. Ce n’était pas une déduction très risquée, mais elle lui paraissait cohérente. Il y avait aussi l’option d’aller directement des informations à Kayla, mais Hestia savait que ça n’arriverait pas. Demander de l’aide à Elise était déjà un sacré effort pour elle, elle n’irait pas plus loin, encore moins devant sa cousine. « Fais l'impasse sur ta propre magie, oublie que tu es une sorcière et que tout est plus facile d'un coup de baguette magique. » La Serpentarde hocha la tête, notant le conseil dans un coin de son esprit. Penser ainsi était logique. Utiliser le moins possible sa magie serait certainement le mieux à faire. Et le plus simple aussi, jamais Hestia n’avait connu de dîner ou l’utilisation de sa baguette était obligatoire, même chez les sorciers. Elle pouvait le faire, tout comme éviter de tout ramener à la magie ou mentionner le monde sorcier à chacune de ses phrases. Dit comme ça, ça ne paraissait pas si difficile que ça.

« Hestia, tu sais ce sont des gens normaux, tu as pas besoin de faire tes preuves, ils attendront rien de toi si ce n'est que tu manges. » Les derniers mots de la Serdaigle frappèrent Hestia sans qu’elle ne s’y attende. Ils n’attendraient rien d’autre d’elle qu’elle mange. De simples mots qui la laissèrent presque stupéfaite. Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas pensé à ça. Elle avait accepté de se rendre à un dîner de famille, elle qui ne parvenait même pas à faire un repas normal en compagnie de ses camarades de maison. « Je… » Merde. Elle n’avait pas pensé à ça. S’il y avait bien des choses sur lesquelles elle pouvait mentir aisément, son rapport à la nourriture n’en faisait pas vraiment partie. Encore un cadeau laissé par ses parents, surtout sa mère. Comme quoi, l’éducation des sang-pur était vraiment au-dessus du lot, impossible de totalement s’en défaire même une fois sorti de la famille. Un instant, Hestia dévisagea Elise, tentant de lire sur son expression ce qu’elle savait au juste. Disait-elle cela par hasard ou avait-elle comprit quelque chose ? La Serpentarde n’avait pas le souvenir de lui avoir déjà parlé de ses difficultés avec la nourriture, même quand elles avaient passé une journée au centre commercial moldu. Se pouvait-il que la Serdaigle ait remarqué son petit manège ? Ou alors ses propos n’avaient peut-être aucun lien. C’était difficile à déterminer et Hestia n’avait pas vraiment l’intention de lui poser la question, dans tous les cas ça aurait voulu dire s’engager dans une conversation avec laquelle elle n’était pas à l’aise. Autant faire comme si de rien n’était et changer de sujet. Surtout que niveau inquiétudes liées à cette invitation, il y avait de quoi faire. « Hum… Eh bien, étant donné qu’il s’agit de la famille de ma tante, qui est née Carrow et a été reniée de la famille parce qu’elle a choisi d’épouser un né-moldu… » Elle laissa filer quelques secondes pour qu’Elise ait le temps d’emmagasiner ces informations et tout ce qu’elles impliquaient. « Je suis à peu près sûre qu’ils doivent s’attendre à ce que je sois la pire sorcière au monde. La digne fille de mes parents, quoi. » Ce qui était loin, très loin d’être un compliment et elles le savaient toutes les deux.

En fait, la question ce n’était pas pourquoi est-ce qu’elle avait accepté, mais pourquoi est-ce que les Rausale l’avaient invité en premier lieu ? D’accord, elle avait aidé Kayla et tissé quelques liens avec elle, mais ça ne voulait pas dire grand-chose. Ce n’était pas comme s’ils partaient du bon pied avec tout le passif de la famille Carrow derrière eux. Hestia ne pouvait même pas les en blâmer, pas alors que sa propre émancipation était si récente. Ils devaient faire ça pour Kayla, pas pour elle. Ce qu’elle pouvait comprendre aussi et qui la ramenait aux paroles d’Elise. Elle haussa un sourcil en direction de la blonde. « On a toujours besoin de faire nos preuves, Elise. Tu ne vas pas me faire croire que tu penses le contraire. » Pas alors qu’elle était la personne la plus compétitive qu’elle connaissait. Enfin, avec Adèle. Mais si elle soulignait ce fait, ça allait encore créer de la compétition entre les deux cousines. C’était dire combien elles étaient hyper-compétitives. Comme quoi, c’était dans le sang ces choses-là. Mais là n’était pas la question. Elise avançait que les Rausale n'attendraient rien d’elle mais Hestia n’était pas vraiment d’accord. « Je porte un des pires noms du monde sorcier et ma famille a rejeté sa mère. Je pars avec déjà cinq balais de retard. » Ce qui, à ses yeux, voulait dire que les Rausale s’attendaient certainement à ce qu’elle aggrave les choses, ce qu’elle serait bien capable de faire. Mais qu’elle devait éviter à tout prix. Et c’était là qu’Elise entrait en jeu. « L’idéal ce serait que je n’empire pas tout en enchainant les faux pas. » Au moins elle s’en rendait compte, et surtout elle avait l’intention de bien faire. Mais malgré sa bonne volonté, ça ne paraissait pas simple à Hestia. Elle soupira avant de se concentrer sur la Serdaigle. « Qu’est-ce que je dois savoir ? Il y a des choses que je dois éviter à tout prix ? » Est-ce qu’Elise réalisait l’ampleur de la tâche qui l’attendait ? Parce que Hestia, oui.

CODAGE PAR AMATIS

S’intéresser aux moldus, Hestia n’en avait jamais vu l’intérêt. Elle n’avait pas grand-chose contre eux, contrairement à ce que ses parents avaient toujours tenté de lui inculquer, mais elle n’était pas curieuse non plus. Elle avait bien assez à faire dans le monde magique comme ça. Les moldus et leurs technologies incompréhensibles ne lui étaient d’aucune utilité pour ses potions alors elle n’avait jamais cherché à en savoir plus sur eux. Peut-être que si ça avait été le cas, que leur monde avait pu lui apporter quelque chose pour nourrir sa passion ou la diriger dans un sens nouveau, elle aurait fait cet effort. Mais ce n’était pas le cas, alors du point de vue de Hestia, le monde magique pouvait bien rester où il était. C’est-à-dire loin de ses préoccupations. Elle était consciente que vu la situation avec le Blood Circle ce n’était pas l’idéal de penser comme ça, mais il en allait ainsi. Si certains de ses camarades s’intéressaient aux moldus pour mieux comprendre la menace qu’ils représentaient, pouvoir y répondre, ou se fondre dans leur société si besoin, Hestia n’avait jamais fait cet effort. A quoi bon puisqu’elle ne côtoyait pas de moldu et ne se baladait encore moins dans leur monde. Sauf avec Elise. Et pour dîner avec la famille de Kayla apparemment. Ce qui était exactement ce qui se révélait un problème en cet instant : elle avait accepté de dîner dans une famille dont elle ne savait rien, dans un monde dont elle ne maitrisait aucun code. Niveau bonnes décisions, ce n’était vraiment pas ça. Au moins, Hestia s’en rendait compte, ce qu’elle considérait à la fois comme un point positif et un point négatif. Positif car elle en était consciente et ne restait pas sans rien faire. Négatif parce que justement ça voulait dire chercher de l’aide, et ça c’était tout de suite plus difficile à accepter pour elle. Trouver vers qui se tourner n’avait pas été difficile, Elise était la mieux placée pour ça. Elle connaissait le monde moldu, elle l’y avait déjà emmené une fois, et la Serpentarde l’appréciait. Ce qui était certainement le point le plus important de cette liste. Même si elle se serait bien passée de voir la Serdaigle jubiler à l’idée qu’elle ait besoin d’elle, ça passait mieux qu’avec quelqu’un qu’elle aimait moins. Encore plus maintenant qu’elle rappelait son père à Elise. Une bonne ou une mauvaise chose, Hestia ne le savait pas trop alors elle préféra tout simplement poser la question. « Tout dépend de si tu vois ma venue au monde comme une bonne ou une mauvaise chose, pour ma part c’est une très bonne chose. Pour mes grands parents paternels, c’est une très mauvaise chose. » Hestia fit la moue. Il était vrai que les histoires de sang n’avaient pas épargné la famille d’Elise, elle avait tendance à l’oublier. Son père avait dû se faire à une société dont il ne connaissait rien, au final la comparaison n’était pas négative, elle était juste. « Tes grands-parents sont des idiots. » Souligna-t-elle tout de même avec un haussement d’épaules. Hestia trouvait que le monde était très bien avec Elise dedans. « Sans vouloir t’offenser. » Ajouta-t-elle avec un regard plus résigné que d’excuse. Ce n’était pas de sa faute si ses grands-parents rentraient dans la catégorie des personnes étroites d’esprit.

L’ouverture d’esprit, d’ailleurs, Hestia voulait bien en faire preuve, mais il fallait reconnaitre que ce n’était pas si simple que ça lorsqu’il s’agissait d’entrer dans un monde dont elle ne savait rien. Elle voulait bien faire des efforts, dans une certaine mesure au moins, mais ce n’était pas pour autant qu’elle allait vivre tout ça avec sérénité. Elle avait beau afficher un masque d’indifférence, elle n’était pas dénuée de sentiments, et si la plupart du temps elle peinait à les comprendre -voire elle ne faisait pas l’effort de tenter de les comprendre- là elle se rendait bien compte que la perspective de ce dîner la mettait mal à la l’aise. Ca n’aurait pas dû, il s’agissait d’un simple dîner, elle avait assister à des tas de moments comme celui-ci, elle savait se tenir, se montrer polit, faire preuve de conversation. Ca n’aurait pas dû lui poser de problème. Mais voilà, non seulement ce dîner avait lieu dans le Londres moldu, auprès de personnes qui vivaient possiblement comme telles, mais en plus il serait en compagnie d’une partie de sa famille dont elle ignorait tout. Pire, une partie de sa famille qui avait été rejetée par les Carrow et dont elle-même n’avait jamais fait le moindre effort pour tenter de s’en rapprocher. Comme point de départ, il y avait mieux. Les Rausale n’attendaient peut-être rien d’elle -enfin si, ils attendaient qu’elle mange, ce qui posait déjà un premier problème en soit- mais il ne fallait pas oublier que les Carrow avaient rejeté Thémis, et que Hestia en était leur descendante, difficile de ne pas faire de lien. Et de ne pas s’imaginer qu’elle partait avec un sacré handicap. La Serpentarde voulait bien faire de mieux pour que tout se passe bien, mais il y avait des choses qui échappaient à son contrôle. Elle avait du mal à croire que le passif de leur famille ne viendrait pas mettre son grain de sel dans cette rencontre. Et que ça ne lui fournissait pas une réputation qui n’était pas franchement engageante. « Tu penses que c’est une sorte de test ? Ils veulent voir si tu ressembles à tes parents ? » Hestia prit le temps de réfléchir, en expliquant tout ça à Elise, elle n’avait pas envisagé cette explication. Maintenant que la bleue la soulignait, ça ne lui paraissait pas si déconnant que ça. Peut-être qu’ils voulaient réellement juste la connaitre, ou alors ils voulaient d’abord jauger de qui elle était avant de décider de lui laisser la moindre place dans leur cercle. « Je ne sais pas. Tout est possible. » Admit-elle avec un haussement d’épaules. Sûrement en aurait-elle fait de même à leur place. « Je ne les blâmerai pas si c’était le cas. » En fait, c’était plutôt malin d’agir ainsi. De lui laisser le bénéfice du doute, mais sans se précipiter. Elle était peut-être là la raison que Hestia cherchait à cette invitation.

« Pourquoi quelqu’un t’inviterait si c’est pour te faire passer un repas catastrophique. » Hestia pinça les lèvres. D’accord, Elise visait sûrement juste, les Rausale n’avaient pas l’air d’être comme ça. Enfin, du moins Kayla n’avait pas l’air d’être ainsi, de ce que la verte en avait vu. Mais les raisons par contre, ça elle pouvait en trouver pas mal sans même avoir à se creuser la tête. « Pour se venger ? Pour s’amuser ? Par ennui ? » Enuméra-t-elle avec juste ce qui lui venait à l’esprit. Hestia était sûre que si elle réfléchissait un peu plus à la question, elle pourrait en trouver d’autres. Elle adressa un petit sourire en coin à Elise pour lui montrer que si elle avait une réponse à lui fournir, elle ne croyait pas réellement que c’était ce qui l’attendait. « Pourquoi tu y vas si tu n’es pas sûre que leurs intentions sont bonnes ? Bon et même si c’est le cas, tu n’es pas tes parents, tu n’as jamais jugé personne en fonction de son sang et ils remarqueront ça comme des grands. » Merde, c’était qu’elle posait les bonnes questions la Serdaigle. Décidemment, les bleus ne volaient pas leur réputation d’intello, elle réfléchissait à tout bien plus que Hestia ne l’aurait pensé. Elle qui était venue pour des conseils sur les moldus, se retrouvait avec une conversation bien plus profonde que prévu sur les bras. « Parce que je suis trop bien élevée pour refuser une invitation ? » Lâcha-t-elle après un instant de réflexion. Son sourire se fit un brin ironique. D’accord, même si elle avait effectivement été bien élevée -l’éducation des sangs pur avait au moins ça de bon- Hestia n’avait jamais eu aucun scrupule à refuser des invitations qui ne lui plaisaient pas. Elise n’y croirait pas une seule seconde. « Non… En fait j’en sais trop rien. » Malgré sa réponse, elle se força à réfléchir un peu plus. Pourquoi avait-elle accepté cette invitation qui la mettait si mal à l’aise ? Elle devait voir la réalité en face. Et ce n’était clairement pas très réjouissant. « J’ai plus vraiment de famille pour le moment. » Bien sûr elle avait Thalia, mais Elise devait se douter qu’elle allait au-delà de sa sœur. « J’ai un peu renoué avec Kayla, ma cousine, et on s’entend plutôt bien. Alors… Autant voir ce que ça peut donner. » Hestia n’était pas vraiment du genre à se bercer d’espoir, mais si Kayla avait fait un pas vers elle pour renouer un lien, sûrement pouvait-elle en faire de même en acceptant ce dîner. Au moins son issu rendrait tout plus clair.

Elle n’avait pas besoin de faire ses preuves, alors ça c’était certainement le plus gros mensonge qu’Elise pouvait lui sortir. La Serdaigle vivait littéralement pour faire ses preuves, elle ne pouvait pas lui affirmer le contraire et s’attendre à ce que Hestia la croit. « D’accord, je reconnais, je pense comme ça mais tu n’es pas obligée de penser comme moi. » La Serpentarde eut une expression amusée. Il était trop tard pour ça, Hestia pensait déjà comme elle. Bien sûr qu’elle avait besoin de faire ses preuves, rien que parce qu’elle portait le nom de Carrow et que pour cette raison tout le monde s’attendait à ce qu’elle soit la pire des sorcières. « Ce n’est qu’un nom, ça ne définit pas qui tu es et les actes de tes parents ne sont pas les tiens. S’ils étaient aussi négatifs envers toi que tu le penses pourquoi t’inviteraient-ils ? Je pense que tu pars de ce principe pour que si ça se passe mal, tu puisses te dire que c’était couru d’avance. Ça ne l’est pas. Il ne s’agit pas du procès des Carrow mais de la rencontre d’une nièce qu’ils n’ont jamais pu voir, peut-être même qu’ils sont impatients et qu’ils veulent rattraper le temps perdu. » Hestia retint un soupir, mince, c’était qu’Elise avait vu juste. Comme quoi, le Choixpeau ne s’était pas trompé en la répartissant chez les Serdaigles. La verte avait toujours été pessimiste et clairement il était plus facile d’imaginer que ce repas pouvait mal tourner. Il y avait tellement de choses qui n’allaient pas dans son sens qu’elle avait du mal à voir comment cela pouvait se passer autrement. Au-delà de son nom et de l’histoire de la famille, il y avait toutes ses lacunes sur le monde moldu. Il lui serait terriblement facile de faire un faux pas s’en même s’en rendre compte. Entre ce qu’elle devait savoir et ce qu’elle devait éviter, ce n’était pas les erreurs qui manquaient. « Oui oui, je réfléchis, je ne veux pas te donner des informations évidentes. » La Serpentarde eut une moue perplexe. Elise ne devait pas oublier qu’elle ne connaissait rien, absolument rien au monde moldu, tout ce qui pouvait lui paraitre évident ne le serait certainement pas pour elle. « Déjà, même s’ils te lancent sur le sujet moldus ou pire Blood Circle, tu n’en parles pas, éloigne toi de l’image des Carrow,  sors un truc bateau du genre tu te concentres sur tes études. » Hestia hocha la tête, parfaitement attentive. Le Blood Circle était certainement le sujet qui fâchait actuellement alors la bleue avait raison, autant l’éviter. Lancer un débat serait contreproductif Puisque les Carrow étaient connus pour leur haine des moldus, Hestia devait montrer qu’elle-même n’allait pas jusque-là. « Parler de mes études. Facile. » Répéta-t-elle pour montrer qu’elle avait bien enregistré ce conseil. Discuter de ses études était une bien meilleure idée que de parler politique, au moins elle maîtrisait le sujet et ne s’empêtrerait pas.

« C’est deux bises pour dire bonjour. » Hestia ouvrit de grands yeux en entendant ça. Oh non, Elise n’était pas sérieuse quand même. Ah si, si, elle n’avait pas l’air d’en profiter pour se moquer d’elle. La verte ne retint pas une grimace. « C’est obligé ça ? » Franchement, faire la bise ce n’était pas son truc, pourquoi est-ce que les gens s’infligeaient ça ? Bon, s’il le fallait, Hestia se plierait à cette pratique, elle avait été bien élevée, mais elle espérait bien pouvoir s’en passer. Cette soirée promettait d’être bien assez éprouvante pour ses nerfs comme ça, il n’y avait pas besoin d’en rajouter une couche. « Si tu fais fausse route au sujet de ta tante, peut être qu’elle te fera un câlin en te disant qu’elle est si contente de te voir, évite l’air pincé, c’est vexant. » Non mais voilà, pile au moment où elle se disait que ça ne pouvait pas être pire. Après la bise, les câlins. Prendre dans ses bras une personne qu’elle rencontrait pour la première fois, ça lui paraissait totalement inconcevable, mais apparemment tout le monde ne pensait pas comme elle. « Ugh, pourquoi tout le monde est si tactile ? » grommela-t-elle à mi-voix. C’était quoi ces habitudes. Hestia espérait y échapper mais comme elle n’avait jamais eu beaucoup de chance dans la vie, elle en doutait un peu. Très bien, elle s’y ferait, son objectif était quand même que ce repas se passe bien. Pas de tout gâcher dès les premières minutes. Avec une inspiration, elle hocha la tête pour montrer à Elise qu’elle s’y ferait. « Tu as déjà vu une télévision ?  Certains foyers adorent mettre la télévision pendant le repas, évite de fixer l’écran même si ça te surprend un peu, ça a tendance à monopoliser l’attention et les interlocuteurs n’aiment pas trop parler dans le vide. » Hestia prit le temps de réfléchir. La télévision, ça ne lui disait rien, c’était sûr, elle n’avait que rarement mis les pieds dans le monde moldu, et soit ça s’était mal terminé, soit Elise avait été présente. Quant à se rendre dans un foyer moldu, ça n’avait jamais été le cas. Mais Elise parlait d’écran et d’attention et ça, ça lui rappelait quelque chose. « C’est comme le truc où tu m’as emmené ? Le cinéma ? » Comme quoi, cette sortie avait été utile. La verte se stoppa, prise d’un affreux doute. « Attends, ça bouge pas comme là-bas ? » Non parce qu’elle se souvenait parfaitement s’être prise de l’eau en plein visage et avoir été surprise par son siège qui bougeait dans tous les sens. Les moldus n’avaient quand même pas ça chez eux ? Hestia voulait bien faire des efforts, mais entre la bise, les câlins et ça, ça commençait à faire beaucoup. Ce qui lui faisait penser à autre chose. « Ils utilisent tant que ça leurs technologies les moldus ? » Un sujet auquel la verte ne connaissait rien du tout.

Finalement, peut-être que Hestia allait avoir plus de choses à apprendre que prévu. Soudainement, il lui semblait que la liste de tout ce qu’elle ignorait au sujet du monde moldus et de leurs habitudes ne cessait de s’agrandir. Ca ne lui avait jamais problème jusque là et elle doutait que ça soit réellement le cas plus tard, après tout ce n’était pas comme si elle comptait intégrer le monde moldu, mais elle avait la sensation de se retrouver face à une montagne alors qu’il s’agissait d’un simple dîner. « A quel point un dîner chez les moldus peut être différent d’un dîner chez les sorciers ? » Elle n’avait pas cru qu’il y aurait tant de différences, mais maintenant elle en doutait franchement.

CODAGE PAR AMATIS

En réalité, Hestia ne craignait pas vraiment d’avoir insulté les grands-parents d’Elise de par ses paroles. Certes, elle n’avait pas vraiment envie de se mettre son amie à dos, non seulement parce qu’elle savait d’expérience combien la bleue pouvait être casse-pieds quand elle était piquée à vif, aussi un peu parce qu'elle l'appréciait, mais aussi et surtout parce qu’elle avait toujours besoin de son aide. Ce n’était clairement pas le moment de la braquer, même si elle assumait parfaitement son opinion et ses propos. Ses grands-parents étaient des idiots, tout comme l'étaient de nombreux sorciers de sang-pur qui refusaient d'ouvrir les yeux sur la société et sur le fait que leur manière de vivre datait d'un autre siècle. Hestia avait vécu assez longtemps au sein d'une famille qui portait ce genre d'idée pour pouvoir les reconnaitre facilement. Elle savait parfaitement de quoi elle parlait. Et là, elle n'avait pas besoin d'en savoir plus pour déterminer que les grands-parents d'Elise entraient dans cette catégorie. Facilement en plus. Si elle prit la peine d'ajouter qu'elle ne voulait pas offenser Elise, Hestia ne comptait pas non plus s'excuser d'avoir cette opinion. Et encore moins changer d'avis. « Je pense pareil. » La Serpentarde eut un sourire en coin. Parfait. Les grands-parents de Lestang étaient officiellement reconnus comme des idiots -une place qu'ils méritaient amplement elle en était sure même si elle n'avait pas vraiment l’intention de demander plus de détails à la Serdaigle- et Elise n'était pas vexée. Tout allait pour le mieux.

S'il était toujours agréable de tomber d'accord avec Elise lorsqu'il s'agissait d'insulter les autres, ce n'était pas le sujet. Hestia n'était pas venue la trouver pour parler des grands parents de Lestang, même s'il était plutôt clair pour elle qu'elle préférait parler des autres que d'elle. Néanmoins éviter le sujet signifierait qu'elle repartirait sans réponses à ses questions alors la verte se décida à faire des efforts et se lancer sur le sujet qui l'avait poussé à trouver Elise. Le truc auquel Hestia ne s'était pas attendu, c'était à obtenir autant de questions de la part de la bleue, qu’elle-même en avait à lui poser. C'était de sa faute, elle le savait pourtant qu'élise était une curieuse qui n'hésitait pas à réclamer toutes les réponses qu'elle voulait et à pointer du doigt tout ce qui lui posait question. Cette fois elle rebondit aux propos de Hestia en se demandant si l'invitation des Rausale n'était au final pas un test. Une éventualité que la verte n'excluait pas, après tout c'était une manière comme une autre de déterminer si elle était semblable à ses parents ou non. Une méthode tordue, mais efficace, elle ne pouvait pas dire le contraire. « Tu n'es pas responsable. Je dirais même que si c'est là leur intention, ils ont manipulé leur enfant pour qu'il te fasse venir. » Hestia considéra Elise un instant. Au moins elle pouvait compter sur la Serdaigle pour faire la part des choses et les dire sans fard. Elles ne voyaient pas le monde de la même manière, c'était une certitude, Hestia se savait encore habituée aux coutumes de sa famille, mais elle accueillait l'avis de la blonde sans rechigner. « Au moins ce serait une méthode digne des Carrow. » souligna-t-elle avec un haussement d'épaules. Ce qui la rendait certainement encore moins probable de la part d'une sorcière qui avait été exclue de cette famille justement parce qu'elle refusait de suivre leur exemple. « S'ils agissent ainsi, ils n'ont rien à envier à tes parents. » Et ça voulait tout dire. Pas un seul instant Hestia n'imaginait qu'il s'agissait là d'un compliment. Elise savait comment était sa famille, elle connaissait l'histoire des Carrow, ce dont ils s'étaient rendus coupables par le passe, ce dont ils étaient capables même maintenant. « J'imagine que certains sont prêts à tout pour obtenir des réponses à leurs questions. » encore une fois, elle tentait de considérer la situation d'un œil extérieur mais elle devait admettre que le point de vue de la Serdaigle lui faisait voir les choses avec moins de pessimisme.

Ce qui ne voulait pas dire pour autant que Hestia y voyait soudainement plus clair. Si elle voulait bien admettre que les intentions des Rausale n'étaient certainement pas mauvaises -ce qui ne voulait pas dire qu'elle les comprenait mieux- ce n'était pas facile pour elle de regarder en face les raisons qui l'avaient poussé à accepter cette invitation à dîner. Plaisanter sur la politesse était un moyen d'éviter le sujet mais puisqu'elle venait demander de l'aide à Elise, elle pouvait bien faire preuve d'un peu d'honnêteté avec elle. Même si ce n'était clairement pas la chose la plus aisée au monde pour la Serpentarde. Garder tout pour elle était presque un réflexe de survie à ce stade alors admettre qu’elle voyait là l’occasion de voir si elle pouvait renouer avec une partie de sa famille ne fut vraiment pas simple. Au moins Elise se garda de tout commentaire à ce sujet et Hestia lui en fut reconnaissante. Son statut d’héritière était loin d’être un secret mais ce n’était pas pour autant qu’elle souhaitait en parler. « Je ne connais pas trop Kayla mais je m'y connais en cousine qui n'a pas envie de rencontrer sa cousine. » Un rictus amusé vint flotter sur les lèvres de la Serpentarde. Il était vrai qu’entre Adèle et Elise ça n’avait clairement pas été l’amour fou. Maintenant que les deux cousines s’entendaient mieux, elle avait un peu tendance à l’oublier, mais les débuts avaient été difficile. Et c’était un euphémisme. « La façon de faire est très différente. » Hestia prit une profonde inspiration pour se laisser le temps d’assimiler les propos de sa camarade. Il était évident que sa relation avec Kayla n’avait rien à voir avec celle qui liait la Serdaigle à Adèle. Même si elle avait ignoré sa cousine pendant des années, au moins elles n’avaient jamais été en conflit ouvert. « C'est vrai. » Admit-elle à mi-voix, plongée dans ses réflexions. Ou alors Kayla et ses parents cachaient particulièrement bien leur jeu, ce qui était franchement inquiétant. Mais Hestia garda cette idée pour elle, elle savait que tout ce qu'elle disait à Elise était bien assez pessimiste comme ça. « Kayla et moi ne nous sommes pas battues en plein milieu du Hall. » Glissa-t-elle avec une expression ironique. Oh, ça avait été un grand moment entre les de Lestang, Poudlard ne l’oublierait certainement jamais. « Mais je ne pense pas que Kayla soit du genre à tendre des pièges. » Elle pouvait se tromper, sa cousine pouvait être douée en manipulation sans qu’elle le sache -après tout elle avait du sang Carrow- mais Hestia en doutait. Elles avaient passé du temps ensemble pour faire sa potion et elle avait plutôt eut l’impression que Kayla ne passait pas par des chemins détournés pour dire ce qu’elle avait à dire.

Maintenant, il s’agissait d’entrer dans le vif du sujet, et si Hestia restait aussi peu à l’aise, Elise, elle, en avait des choses à dire. Des choses qui déplurent aussitôt à la Serpentarde. Les gens étaient tactiles, c’était une évidence. Pour dire bonjour ils aimaient faire la bise ou, pire, serrer les gens dans leurs bras. Une aberration pour la Carrow qui n’avait jamais été élevée ainsi, mais un passage obligé dans les familles lambdas semble-t-il. Hestia aurait aimé pouvoir y échapper, mais la sentence tomba rapidement. « Ca dépend des familles je dirais mais s’ils arrivent pour te faire la bise, tu peux pas esquiver, ça se fait pas trop. » Un soupir fila entre les lèvres de la Serpentarde. Elle avait été habituée à serrer la main pour dire bonjour, d’accord c’était terriblement guinder mais au moins ça limitait les contacts et permettait de jauger l’autre grâce à son attitude et à sa poigne. Les embrassades ça n’était pas pour elle. Elle était déjà mal à l’aise à l’idée d’aller dîner chez les Rausale, mais alors leur faire la bise, c’était un tout autre niveau. « D’accord, d’accord, ils me reçoivent chez eux, je ferai un effort. La bise, les câlins, je m’y ferai. » Concéda-t-elle-même si franchement elle espérait ne pas avoir besoin d’en arriver là. Après tout elle avait été bien élevée, elle pouvait s’adapter à ça et ne pas faire partir ce repas du mauvais pieds. Et ce n’était pas comme si les Rausale allaient vouloir lui faire des câlins non-stop, non ? Hestia voulait bien croire qu’ils avaient envie de rencontrer leur nièce mais il ne fallait pas exagérer non plus. Ensuite, il fallait se faire aux technologies moldus, un autre point auquel la verte n’avait pas forcément songé et qui lui rappela qu’elle ne connaissait rien de ce monde. Les Rausale pouvaient avoir un écran d’allumé pendant le repas, ce qui lui fit immédiatement penser au cinéma de l’enfer où Elise l’avait emmené. La Serdaigle commença par hocher la tête, ce qui n’était pas rassurant du tout, avant d’inverser son geste, ce qui était déjà mieux. « Non, non l’écran est plus petit et rien ne bouge… sauf s’ils ont un canapé qui peut se relever mais ça m’étonnerait et au pire, ils te montreront. » Hestia fut d’abord soulagée d’apprendre que la télévision n’avait pas toutes les caractéristiques du cinéma où Elise l’avait emmené, avant de tiquer sur un point précis. « Attends, les moldus ont des canapés qui bougent ? » Alors là, elle était atterrée. Et après certains trouvaient le moyen de se plaindre qu'ils ne possédaient pas de magie. Même si, clairement, Hestia ne voyait pas l'intérêt à avoir un canapé qui bouge. Tout comme elle n'était pas sûre d'avoir besoin de voir ça. Les technologies semblaient vraiment partout dans le quotidien des sorciers, plus qu’elle ne l’avait imaginé. « Tout le temps, ils ont toujours leur portable sur eux. Les portables permettent aux moldus de parler entre eux à distance soit en s’appelant et en se parlant, on entend ultra bien, soit en s’envoyant des petits mots… ça va bien plus vite que les hiboux. » De nouveau, elle mit un certain temps à assimiler l’information. Elle hocha la tête, les portables ça lui parlait un peu, c’était les objets rectangulaires que les moldus passaient leur temps à regarder. Ca avait donc plusieurs usages, jamais elle n’aurait pensé que ça leur soit si utile. c’était bon à savoir. Soudainement, Hestia ressentit toute l’étendue de son ignorance. « T’en as encore des trucs comme ça à m’apprendre ? » Autant qu’elle lui balance tout maintenant, au moins Hestia sera prête.

Combien de trucs comme ça avait-elle encore à apprendre ? Certainement des tas et Hestia doutait que cette conversation suffise à couvrir absolument tous les sujets. D'ailleurs ce n'était pas ce qu'elle voulait. La Serpentarde voulait pouvoir s'en sortir pendant ce dîner, pas tout connaitre des moldus. Finalement, elle demanda à Elise si les dîners chez les moldus pouvaient être si différents que ça de ceux chez les sorciers. Au fond d’elle, elle n’en aurait pas parié -un diner c’était un diner, non ?- mais maintenant que la Serdaigle lui exposait tout ce qu’elle ne savait pas sur les moldus, elle n’en était plus si sure. Autant tout mettre au clair dès maintenant, ce n’était pas devant les Rausale qu’elle devait se laisser surprendre. « Je ne sais pas trop, je dirais que tout dépend des familles. Chez moi c’est un peu pareil, on parle de tout et de rien, on organise des vacances, des fois on parle des dernières inventions moldus, par exemple l’accroche couette ou les trottinettes électriques qui sont dangereuses mais chez les sorciers on peut aussi parler de nouveautés, le nouveau balai qui vole plus vite de nouvelles potions ou de nouveau sortilèges pour faciliter la vie. C’est semblable et différent à la fois non ? » Bon, d’accord. Il y avait des termes là-dedans qui ne disaient rien à Hestia, ce qui n’était pas une surprise, mais elle choisit de ne pas s’attarder dessus, ça ne lui semblait pas le plus important. En fait, si on oubliait les mots qui ne voulaient rien dire pour elle, ce que disait Elise allait plutôt dans le sens de ses suppositions. C’était plutôt rassurant. A la question de la blonde, Hestia hocha lentement la tête. « J'en ai bien l'impression, la seule chose qui change c'est les sujets de conversation au final. » Elle était songeuse. Ca paraissait facile dit comme ça, s’assoir à table en famille et juste discuter. Parler de la pluie et du beau temps, de ses études, de ses loisirs, des sujets faciles et légers. Poser des questions aux convives, s’intéresser, apprendre à se connaitre, c’était aisé pour la plupart des gens.


Mais justement, Hestia n’était pas exactement douée pour être comme la plupart des gens. Elle soupira doucement. « Tu te doutes que les repas ne se passaient pas vraiment comme ça chez moi. » Elle glissa un regard à Elise. C'était toujours aussi étrange de parler de chez elle alors que cela faisait maintenant plus d'un an qu'elle n'avait plus de foyer. Hestia ignora cette pensée, ce n'était pas le moment de se laisser parasiter, de toute façon Elise voyait très certainement de quoi elle voulait parler, il était inutile de lui préciser qu'elle parlait du temps où elle pouvait encore affirmer avoir une famille. Elles n’avaient jamais vraiment parlé de ses parents, mais ça ne devait pas être la peine. Les Carrow étaient tristement célèbres en Grande Bretagne, la bleue devait savoir ce qu’il y avait à savoir. « Les conversations étaient plus à sens unique et mon avis particulièrement facultatif. » Après, vu la conversation de Carrow père, ce n’était peut-être pas plus mal. Vanter les mérites de leur famille, parler politique, louer les sang-purs, tout ça Hestia n’en avait jamais vu l’intérêt. De toute façon, à chaque fois qu’elle avait eu quelque chose à dires, ses parents avaient trouvé à y redire alors au final, elle avait toujours préféré les laisser dans leurs délires. Une idée qui fit naitre en la Serpentarde un doute particulièrement désagréable. « Et si on tombe d’accord sur rien ? » Elle avait peut-être des points communs avec Kayla, mais encore fallait-il les découvrir. Quant aux Rausale alors là le mystère était complet. Ils ne vivaient pas dans le même monde, même si sa tante avait été une Carrow elle avait quitté cet univers depuis longtemps ils n’avaient surement rien en commun, ou alors que le négatif. Ce qui amenait à une autre question. « Oui pire, si on n’a rien à se dire ?» Qu’est-ce qui était le pire au juste, Hestia ne saurait le dire.

CODAGE PAR AMATIS

Maintenant qu'elle se trouvait devant le fait accomplis, Hestia ne pouvait s'empêcher de se demander comment elle aurait réagi si les rôles avaient été inversés. Clairement, cela aurait dépendu de la personne en face d'elle, si cela avait été un étudiant lambda il était clair qu'elle ne lui aurait pas accordé plus de cinq minutes. Et encore. Répondre à quelques questions oui, mais se lancer dans un exposé pour un presque inconnu, très peu pour elle. Hestia n’avait prétendue faire dans la charité, encore mois avec des personnes qu’elle n’estimait pas vraiment. Mais si elle inversait vraiment les rôles, si elle imaginait que c'était Elise qui était venue la trouver avec des questions similaires, alors les choses auraient été différentes. L'empathie n'avait jamais été son fort, mais pour ses amis elle était prête à faire un effort. Heureusement, elle n'avait pas tant d'amis que ça. Au fond, surement aurait-elle agi de la même manière, elle aurait pris le temps de répondre aux questions, d’expliquer les choses, de trouver des conseils. Bon, après, si la situation avait réellement été inversée, cela impliquerait qu’Elise irait dîner chez une famille de sang-pur traditionnelle, avec les coutumes et surtout idéaux de ces familles, et autant dire que Hestia aurait été loin de trouver que ça aurait été une bonne idée. En fait, le premier conseil qu’elle aurait pu lui donner aurait certainement été de fuir au plus vite. La Serdaigle ne voulait pas côtoyer de tels sorciers, Hestia savait qu’elle l’avait cru pendant un temps, mais elle pouvait en croire son expérience, elle était bien mieux loin des sang-purs. La preuve, Hestia envisageait réellement que ce diner avec les Rausale soit une manière de la tester ou, pire, de la piéger, tout ça parce que sa tante était née Carrow et que ça aurait été cohérent avec l’éducation qu’elle avait dû recevoir. Non, franchement, côtoyer des sang-pur était loin d’être l’idée du siècle, et bientôt Hestia saurait si c’était aussi le cas des autres familles. « Tu me diras s’il faut que tu te venges, je veux bien être ta partenaire. » La Serpentarde eut un sourire. Pour faire du sport, se balader dans la forêt ou côtoyer le moindre animal il ne fallait pas compter sur Elise -bon sur le dernier point Hestia était d’accord- mais s’il fallait se venger de quelqu’un ou réparer des torts, la Serdaigle était toujours partante. Du moins, du moment que ça n’impliquait pas de courir. « J’en attendais pas moins de toi. » Malgré son expression amusée, Hestia nota la proposition. Preuve du chemin qu’elles avaient fait.

Mais pour le moment, sa problématique première n’était pas de savoir si elle devait se venger des Rausale -ça viendrait peut-être après ça- mais de savoir ce qui allait l’attendre une fois parmi eux. Et ça commençait plutôt mal. Des embrassades et des câlins, voilà apparemment ce qui l’attendait. Autant dire que Hestia n’était pas ravie à cette idée. Les autres faisaient bien ce qu’ils voulaient, ils pouvaient se faire autant de bises qu’ils en avaient envie pour se dire bonjour, mais elle préférait largement qu’ils la laissent en dehors de ça. Par Merlin, les gens étaient si tactiles, s’en était vraiment irritant. De son point de vue, le plus loin elle se tenait des autres, le mieux la Serpentarde se portait, mais clairement cette fois elle n’allait pas avoir le choix si elle voulait que cette rencontre commence bien. « Ca ne durera qu’une poignée de secondes t’en fais pas. » Hestia retint de justesse le encore heureux qui lui brulait les lèvres. Elise était là pour l’aider, elle n’avait pas besoin de se faire à moitié râler dessus parce que, soudain, tout le monde se découvrait une passion pour les câlins. A la place, elle hocha la tête, résignée d’avance. Une poignée de secondes, c’était déjà ça. Elle pouvait y survivre. Même si une -grande- partie d’elle continuait d’espérer qu’elle n’aurait pas à en passer par là. Elle avait vécu pire, elle avait vécu tellement pire. Elle pouvait bien faire en sorte de ne pas plomber l’ambiance du dîner dès son arrivée. Peut-être que cela viendrait après, Hestia ne doutait pas que les moments de gêne risquaient d’être nombreux. Non seulement à cause de l’histoire en commun de sa famille et des Rausale, mais aussi parce qu’ils vivaient parmi les moldus, certainement avec des objets de moldus. Autant dire dans un monde où la verte ne comprenait pas grand-chose.

La preuve, quand Elise mentionna les télévisions et les canapés qui bougeaient, Hestia imagina tout de suite le pire. Non mais sérieusement, pourquoi est-ce que les moldus avaient besoin de meubles qui bougeaient aussi ? « On se comprend sur le bouger ? L’assise se déplie pour permettre à la personne assise d’être allongée, tu peux arrêter à tout moment. » La Serpentarde cligna des yeux, le temps que son esprit imagine ce qu’Elise était en train de lui expliquer. D’accord, ça ne lui semblait pas si terrible, finalement. Elle s’était attendue à un canapé mouvant, qui bougeait et vibrait comme les sièges du cinéma que la Serdaigle lui avait fait découvrir. Hestia n’aurait clairement pas compris pourquoi les moldus auraient ça dans leur salon, mais de toute manière elle ne comprenait pas grand-chose aux moldus tout court alors ça n’aurait pas changé grand-chose. « Oh, pas comme la dernière fois, donc. » Et encore heureux. « Tant mieux. » Ajouta-t-elle avec un lent hochement de tête. Elle était soulagée de savoir qu’au moins sur ce point elle ne risquerait pas d’être complètement prise au dépourvue. Non parce que pour le reste de leurs technologies, ce n’était pas la même chose. Les télévisions, les téléphones… Tout ça la Carrow n’y connaissait rien, et même si Elise lui faisait un cours accéléré, elle doutait de tout pouvoir comprendre et retenir d’ici le soir du repas. Elle finit par demander s’il y avait encore des choses qu’elle devait apprendre au sujet de la technologie. Histoire au moins de ne pas être prise au dépourvue à chaque minute qui passait. « Si ça t’intéresse je peux te parler de la cuisson des aliments, four, micro-onde ou plaque de cuissons. Ce n’est pas indispensable et je doute que tu fasses un tour à cuisine mais je peux te faire un cours sur ça aussi. » Hestia cligna de nouveau des yeux. Et voilà, elle était prise au dépourvue, preuve que lui parler des objets moldus n’était pas une très bonne idée. Il y avait tout de même des mots qu’elle connaissait là-dedans, des objets dont elle connaissait l’utilité, mais quant à la manière dont ils fonctionnaient, c’était le trou noir. Et ce serait encore pire si on lui demandait de les utiliser. Il lui fallut une seconde pour se décider. « Hm, non ça devrait aller, merci. » Refusa-t-elle poliment. Comme le disait Elise, elle doutait que les Rausale lui fassent visiter leur cuisine, ou alors juste pour faire le tour de la maison, sans s’attarder sur les objets qui composaient chaque pièce. Autant ne pas s’embêter avec tout ça.

Le truc, c’était que tout ça c’était le début. S’inquiéter des technologies, des manières de vivre, c’était une chose, mais réellement se retrouver en face des Rausale et tenir une conversation avec eux, s’en était une complètement différente. Même si elle avait été habituée à ce genre d’exercice depuis toute petite, Hestia pouvait sentir sa confiance en elle s’effriter petit à petit à cette idée. Parce que cette fois les choses seraient différentes. Cette fois elle serait dans un monde qui n’était pas le sien et dont elle ne maitrisait pas les codes. Et surtout, cette fois elle se préoccupait réellement de comment allaient se passer cette soirée, elle n’avait pas juste envie que cela passe, elle avait envie que ça se passe bien. Et ça, ça changeait tout. Cette fois ça n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait connu, et encore moins ce qu’elle avait connu avec ses propres parents. Les repas dont Elise lui parlait, où les conversations allaient bons trains où les idées et points de vue étaient échangés, elle n’avait jamais connu ça. Les repas n’avaient jamais ressemblé à ça chez les Carrow, et si elle aurait dû ressentir une pointe de honte en le disant à son amie, elle était surtout résignée. « Il y a peu de chance que ce soit la même chose chez les Rausale, quand bien même l’un des membres a du sang de Carrow et je suppose a été élevé comme ça. » Hestia prit une profonde inspiration. Elise n’avait pas tort, si la mère de Kayla avait quitté les Carrow, ce n’était pas pour reproduire le même schéma qu’eux dans sa propre famille. La Serpentarde voulait bien croire que certaines personnes étaient stupides, mais là, ce serait bien au-delà de ça. « Toutes les familles sangs purs un peu… » Voyant Elise chercher ses mots, Hestia choisit de garder le silence. Apparemment la blonde n’avait pas l’air aussi motivée à insulter les Carrow que Hestia l’avait été à insulter ses grands-parents. « traditionnelle » Hestia retint un sourire. Traditionnelle, comme c’était politiquement correct. Elise aurait pu choisir bien pire comme mot sans que cela ne fasse hausser le moindre sourcil à la verte. « se comportent comme tes parents ? » Rien que cette question montrait à la Serpentarde qu’Elise avait bien fait de ne pas s’approcher du côté sang-pur de sa famille. Se retrouver face à des gens aussi hautains et fermés, sans possibilité de maintenir un vrai dialogue, l’aurait sûrement rendue folle. Après un bref instant de réflexion, un peu inutile la réflexion, elle hocha la tête. « Dans les grandes lignes, oui. » Elle devait cependant tempérer un peu ses propos. « Mais j’imagine que certains parents doivent être plus ouverts à la discussion avec leurs enfants quand ceux-ci sont d’accord avec leurs discours. » Ce qui ne revenait pas vraiment à une discussion, puisqu’il n’y avait pas d’argumentation, mais l’idée était là. Tous les repas chez les sang-pur ne se passaient pas dans un silence pesant. « Ce qui n’a jamais vraiment été mon cas. » Ce dont Elise devait certainement se douter, désormais.

Hestia n’y pouvait rien, elle avait beau tenter de se raisonner, il fallait se rendre à l’évidence elle appréhendait ce dîner. Peut-être parce qu’elle y accordait une réelle importance, mais ça, elle refusait de le voir. Elle avait été déjà bien assez déçue comme ça par le passer, l’espoir elle préférait éviter. Mais ça n’empêcha pas les questions de fuser entre ses lèvres. Si les Rausale et elle ne tombaient d’accord sur rien, ou s’ils n’avaient rien à se dire cela promettait un repas affreusement long. Et une soirée encore plus décevante. Elle se figea en voyant Elise prendre une profonde inspiration, non mais voilà, elle était un cas désespéré. « Hestia, si vous tombez d’accord sur rien, tu sais exactement quoi faire, c’est comme avec ta famille, je suppose que vos avis divergeaient fortement, tu arrivais à te débrouiller avec eux et à donner le change alors qu’ils te connaissaient depuis toute petite, tu penses pas que réussir à duper des gens qui ne te connaissent pas est dans tes cordes ? » La Serpentarde pinça les lèvres à ces mots. Les paroles d’Elise faisaient sens. Tellement qu’elle se demandait pourquoi elle n’avait pas vu les choses ainsi toute seule. Peut-être parce que cela faisait des mois et des mois qu’elle n’avait pas eu à endosser un rôle qui n’était pas le sien et qu’elle avait cru en avoir fini avec tout ça. « Si. » Admit-elle après quelques secondes. « Si, tu as raison. » Oh, Elise allait adorer entendre ces mots. « Duper les autres, je l’ai fait plein de fois, je peux je refaire encore. » Ce qui ne l’enchantait pas, mais la fin justifiait les moyens. Seul le contexte changeait. Elle avait dupé des sang-purs, maintenant s’il le fallait elle en ferait autant avec des sorciers côtoyant des moldus, voilà tout. Ca ne pouvait pas être si compliqué que cela. Donner le change, elle pouvait le faire. Pincer les lèvres, réfréner les mots qui lui venaient, hocher la tête à des propos en lesquels elle ne croyait pas du tout, tout ça elle l’avait déjà fait et elle pouvait le faire encore. Ca ne pouvait pas être pire que tout ce qu’elle avait connu.

« Parle de Quidditch. » Hestia cligna de nouveau des yeux, elle ne s’était pas attendue à ce qu’Elise lui propose des sujets de conversation, et encore moins que ceux-ci soient si évidents. Elle se prenait vraiment la tête pour pas grand-chose, mais ce n’était pas comme si tout ce qu’elle entreprenait allait toujours dans son sens. La Serpentarde préférait être prudente, même si une petite voix dans sa tête lui soufflait qu’elle s’inquiétait bien trop. « Bonne idée. » Acquiesça-t-elle. « Kayla est dans l’équipe de Gryffondor, elle doit bien en parler avec ses parents. » Ce qui voulait dire que même s’ils n’étaient pas fans de ce sport, ils sauraient de quoi elle parlait et avec un peu de chance ils seraient assez polis pour rebondir sur ses propos. « Ca te va comme sujet de conversations ou tu veux que je t’en trouve d’autres ? » Oh, Elise était certainement capable de lui sortir des dizaines de suggestions de sujets à la seconde, Hestia n’en doutait pas. D’ailleurs elle appréciait que ça soit le cas, elle appréciait réellement l’aide qu’Elise lui offrait, le temps qu’elle prenait pour elle. Malgré tout, elle secoua doucement la tête. « Pas la peine, ça ira déjà avec ce dont on a parlé. Merci. » Et si ça n’allait pas, eh bien tant pis. Hestia se prenait bien assez la tête comme ça. Ce qui ne lui ressemblait pas vraiment, mais pouvait aussi se comprendre. Rencontrer la branche reniée de sa famille devait certainement faire cet effet-là. Néanmoins elle s’en rendait bien compte, ce comportement était loin de lui ressembler. Face à Elise, elle avait laissé tomber le masque de froideur et d’indifférence, peut-être même un peu trop mais tant pis. Ce qui était aussi la preuve qu’elle considérait vraiment la Serdaigle comme une amie, mais ça c’était une autre question. Après quelques secondes de silence, Hestia lâcha « Ugh, c’est juste un dîner, je suis ridicule, hein ? » Elle souffla et passa ses mains dans ses cheveux. Elle ne devrait pas se prendre autant la tête mais il était trop tard pour ça. Quand elle se tourna de nouveau vers Elise, un sourire ironique flottait sur ses lèvres. « Franchement, je suis étonnée que tu ne te foutes pas encore de moi. » Pourtant les occasions étaient nombreuses avec cette conversation. « A quel point tu prends sur toi ? »

CODAGE PAR AMATIS

Ainsi, il y avait encore des sorciers qui ignoraient comment les choses se passaient au sein des familles de sang-pur traditionnalistes, et Elise en faisait partie. Au fond, ce n'était pas si étonnant que ça, les sang-purs formaient un petit cercle restreint et particulièrement fermé, ce genre d'informations n'en sortait pas si facilement que ça. Il fallait dire que c'était tout de suite mieux de laisser tout le monde croire que l'univers des sang-pur était fait de luxe et d'élégance. Oh, d'apparence c'était le cas. Les beaux vêtements, les grands manoirs, les soirées guindées ou la tenue de soirée était exigée, tout ça faisait partie de cet univers. Mais ce n'était qu'apparence et les apparences étaient belles et bien trompeuses. Sous tout cet aspect tellement brillant qu'il en était aveuglant, la réalité était bien moins reluisante. Derrière les paillettes et les belles paroles -hypocrites- peu de choses étaient vraiment enviables. Ca si Hestia l'avait toujours su, ça ne semblait pas être le cas d'Elise. Comme quoi, il n'y avait pas d'âge pour voir ses illusions détruites. La Serpentarde savait que sa camarade avait pendant longtemps regretté de ne pas faire partie de la branche de sang-pur des de Lestang, au point de le reprocher à Adèle, et elle espérait bien que ce n'était plus le cas aujourd'hui. De toute façon, ce n'était pas comme si Elise pouvait encore entretenir le fantasme de la famille de sang-pur où tout n'était que classe avec ce que Hestia avait à lui dire. La Serdaigle était bien mieux avec ses parents et son sang-mêlé, c'était une certitude. « C’est fou que la dynastie des sangs purs ne se soit pas éteinte avec le temps comme celle des dinosaures, les enfants auraient dû vouloir autre chose. » Pensive, Hestia hocha la tête. Ils étaient de plus en plus nombreux à s'éloigner des idéaux de leurs familles, à ne plus se reconnaitre dans ces manières d'un autre siècle et à finir par les rejeter complètement. Les gamins reniés pullulaient depuis quelques temps, bien plus qu’avant. Elle en était la preuve. Adèle aussi, plusieurs mois avant elle. Mais il restait encore des jeunes sorciers à qui tout ça convenait. Tous ceux qui aimaient cette place privilégiée, cette fortune assurée, cet avenir promis. Toutes ces conneries d’hypocrites. « Il y en a toujours pour se complaire dans les bêtises dont leurs parents leur bourrent le crâne. » Lâcha-t-elle avec un haussement d’épaules désabusé. Des que ça arrangeait de se penser au-dessus des autres, meilleurs que tous les autres. Alors que franchement, c'était bien loin d'être le cas. Mais les illusions étaient fortes et le pouvoir alléchant alors les sang-purs faisaient ce qu'il fallait pour s'assurer que leur place dans la société ne serait pas menacée.

Malgré tout le mépris et l’amertume qu’elle ressentait à l’égard de l’univers des sang-purs, c’était là que Hestia avait grandi. Elle en connaissait les codes par cœur, les règles et les jeux de pouvoir, elle savait tout ce qu’il y avait à savoir et pouvait y évoluer les yeux fermés, sans même avoir à y penser. C’était encore le cas aujourd’hui alors que cela faisait plus d’un an qu’elle en avait été écartée. C’était le reste dont elle ignorait tout ou presque, le monde des sang-mêlé, des nés-moldus, des familles normale. En acceptant l’invitation de Kayla, elle avait accepté de plonger dans un univers qui n’était pas le sien, dans lequel elle ne maîtrisait pas grand-chose, et soudainement ça lui paraissait bien plus intimidant que de se retrouver à dîner avec de grands dignitaires sorciers. Elle avait besoin d’aide, et franchement ce n’était pas simple. Aussi bien de se tourner vers Elise pour lui demander de l’aide, que de tout appréhender en une seule leçon. Le monde moldu était terriblement vaste et si Hestia s’en était toujours douté, cette discussion lui en faisait prendre toute la mesure. Elle ne pourrait jamais tout comprendre ou tout retenir alors elle essayait d’assimiler au mieux ce que la Serdaigle lui disait et pour le reste, elle n’avait plus qu’à faire de son mieux pour éviter de faire des gaffes. Et tout ça c’était sans compter sur la présence des Rausale, sa famille. Parce que si la verte était habituée aux Carrow et à leur froideur, elle ne savait rien de cette part de sa famille et cette nouvelle rencontre était vraiment loin de la rendre sereine. Chaque fois qu’elle y songeait, les questions et les doutes se bousculaient dans sa tête, souvent surmonté par l’envie irrépressible de tout annuler. Cela aurait été tellement plus simple de refuser cette invitation.

Mais ce n’était pas ce qu’il s’était passé et même si elle ne cessait de douter, Hestia savait qu’elle irait au bout de cette démarche. Ce n’était qu’un dîner, elle en avait connu des tas et des certainement bien plus désagréables que celui qui l’attendait. Elle y survivrait et au moins elle en ressortirait avec de nouvelles certitudes concernant les Rausale. Parce qu’Elise avait beau lui assurer que cette invitation était sûrement désintéressée, Hestia ne pouvait s’empêcher de se demander quelles étaient les intentions exactes de Kayla et de ses parents et comment ce dîner allait se dérouler. Elle était certainement bien trop habituée à être entourée d’hypocrites manipulateurs. Après tout, elle avait passé la majorité de sa vie à côtoyer des sorciers qui choisissaient les personnes dont ils s’entouraient en fonction de ce qu’elles pouvaient lui apporter. Même après plus d’un an loin de ses parents et de leur univers toxique, il lui était difficile de ne pas voir ce schéma partout. Au final, au milieu de sujets de conversation divers et varié, le conseil principal d’Elise la faisait revenir à ses vieilles habitudes : mentir si besoin. Prétendre qu’elle était d’accord, qu’elle passait une bonne soirée, qu’elle appréciait les personnes qu’elle côtoyait. Ca au moins Hestia savait qu’elle en était parfaitement capable, elle avait passé les trois quart de son existence à prétendre. Une fois de plus une fois de moins, elle n’était pas à ça près. Si ça pouvait lui permettre de faire filer cette soirée, elle voulait bien duper absolument tout le monde. Même si au fond d’elle, elle espérait bien ne pas avoir à en arriver là.

Il n’empêche, si ce n’était qu’un dîner, Hestia ne pouvait s’empêcher de se sentir nerveuse et elle trouvait que s’en était parfaitement ridicule. Elle n’attendait rien des Rausale, elle n’attendait rien de cette soirée, alors elle se prenait vraiment la tête pour rien. C’était juste un repas, elle arrivait, elle se montrait polit, elle s’asseyait pour manger et elle s’en allait après avoir remercié ses hôtes. Ce n’était pas plus compliqué que ça. En fait, la partie la plus complexe pour elle serait certainement de devoir manger avec des inconnus dont elle serait possiblement le centre de l’attention, mais ça elle était à peu près sûre de pouvoir gérer. Non, vraiment, s’en était risible. Apparemment Elise était d’accord, ce qui était tout à fait normal. « On dirait surtout que tu vas manger chez la reine d’Angleterre en personne. » La reine d’Angleterre, rien que ça. C’était la preuve qu’elle était bel et bien particulièrement ridicule. « Ou alors l’Augurey. » Oh encore mieux. Hestia ne put empêcher un sourire ironique de venir ourler ses lèvres en entendant ça. Elise avait vraiment des exemples parfaits. « Franchement, je ne sais pas ce que je préfèrerais. » Lança-t-elle, tout de même amusée par les propos de la Serdaigle. D’ailleurs, à quoi ça pouvait ressembler un dîner avec l’Augurey ? Noyait-elle ses invités sous ses discours de domination du monde ? Y avait-il une petite session torture de moldus en guise d’apéritif ? Tout était possible et ça ne donnait pas beaucoup envie. Quant à la reine d’Angleterre, Hestia avait un peu plus de mal à imaginer comment ce serait de dîner en sa compagnie mais ça devait certainement être terriblement guindé. Dans un cas comme dans l’autre, Hestia préférait éviter.

Pour l’instant, et même si c’était sûrement un peu tendre le bâton, elle préférait discuter avec Elise et lui souligner combien elle était étonnée que celle-ci ne soit pas en train de se moquer d’elle. Puisque la Serpentarde la considérait comme son amie, la petite blonde avait gagné le droit de se moquer, dans une certaine mesure, sans risquer de représailles. Mais étrangement, Elise n’en faisait rien. Et qu’elle n’aille pas prétendre que ce n’était pas son genre, Hestia la connaissait. « Ce serait trop facile de se moquer. » Propos qui furent aussitôt contredit par le sourire parfaitement moqueur qui étirait ses lèvres. Mais oui, bien sûr. La Serpentarde laissa filer une expression amusée. « Et tu préfères la difficulté. Quelle bonne Serdaigle tu fais. » Souffla-t-elle en roulant des yeux, un brin moqueuse à son tour. Bon, en réalité elle n’en voulait absolument pas à Elise d’avoir envie de rire d’elle. Elle-même se rendait compte du ridicule de la situation et elle était la première concernée, alors d’un point de vue extérieur cela devait être plus drôle encore. Et puis, Elise avait tout de même pris de son temps pour l’aider, alors elle pouvait bien lui accorder ça. « Je ne prends pas sur moi, j’espère juste que ça se passera bien et que je t’ai donné les bonnes informations. Je trouve ça très mignon que tu veuilles faire plaisir à ta cousine de la sorte si tu veux tout savoir. Tu me raconteras comment ça s’est passé et comment grâce à moi tout s’est déroulé à merveille ? » Ah, il était vrai que la modestie n’avait jamais été le fort d’Elise, Hestia l’avait presque oublié. Au moins cette conversation lui servait de rappel. Et puis, elle n’allait certainement pas nier le rôle d’Elise dans toute cette histoire. Elle l’avait tout de même bien aidé et elle ne doutait pas que ses conseils allaient lui servir. « J’ai jamais dit que je voulais faire plaisir à qui que ce soit. » Marmonna-t-elle en premier lieu pour rétablir la vérité. C’était peut-être ce qui ressortait de toute cette discussion, mais Hestia n’était pas prête à le voir et encore moins à l’admettre à qui que ce soit. Elle avait accepté une invitation et voulait juste que les choses se passent bien. Ca n’allait pas plus loin que ça. Ceci clarifié, elle adressa un sourire à Elise. « Compte sur moi, si ça ne se passe pas autant à merveille tu m’entendras me plaindre et râler pendant des heures. » Oh non, ça elle n’allait pas y couper. Mais connaissant la Serdaigle, ce serait également la bonne personne pour pester et râler, alors pourquoi pas. « Et si tout se déroule autant à merveille, non seulement je te raconterai tout, mais je t’offrirai aussi un verre. » Son sourire se fit un peu plus grand. Vu comment Elise tenait l’alcool, ça promettait au moins une autre bonne soirée. Ceci dit, Hestia se leva du banc. Elle remit son sac à son épaule et porta sur la sorcière un regard reconnaissant. Au fond, elle était bien contente de pouvoir compter Elise parmi ses amis. « Merci Elise. » Maintenant, il n’y avait plus qu’à tout mettre en pratique.

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