5 décembre 1991

L’hiver frappait aux carreaux d’une maison au toit orné de nombreuses guirlandes qui luisaient de mille feux, aux lampes si innombrables que leur éclat répliquait à la perfection le ciel déjà étoilé du crépuscule.. La famille qui vivait là avait déjà préparé Noël en avance, depuis plus de deux semaines déjà. M. et Mme. Jester, don’t le nom résonnait comme un couple de joyeux plaisantins aux oreilles de leurs voisins, fêtait ce soir-là l’anniversaire de leur enfant aîné, alors âgé ed 6 ans, depuis le matin même. Lui n’était pas aussi joyeux que ses parents, lui était plutôt grincheux et amer, capricieux, aussi. Il pleurait souvent, contrairement à sa petite soeur, jeune, si jeune que sa mère la portait encore dans ses bras en la berçant. Elle était calme et s’appelait Judy,, elle était d’ailleurs si calme que le battement de l’horloge dans la penderie derrière sa mère semblait se calquer sur sa douce respiration.

- Pourquoi tu t’occupes d’elle alors que c’est MON anniversaire ? - demandait Cyan, qui regardait sa mère de biais.

- Parce qu’elle est encore petite, Cyan, et que toi, toi tu deviens un petit homme.

Il n’aimait pas beaucoup partager, ni même les jouets. Il n’aimait pas les pâtes, les légumes, la télévision, les jeux … il n’y avait rien que Cyan semblait apprécier. Juste une chose avait réussi à provoquer un sourire chez lui cette semaine.

- On va encore au parc d’attraction demain ?

- Bien sûr, à moins que ton père n’ait annulé !

- Ce que je n’aurais sûrement pas fait.

Le voilà qui arrivait, son père, Cyan ne l’aimait pas beaucoup non plus. Il le trouvait niais, toujours à rire tout le temps, à faire des blagues idiotes qui ne le faisaient même pas sourire. Celui-ci renfrogna d’ailleurs son visage en une expression dégoûtée lorsque le bruit du baiser que son père avait déposé à la joue de son épouse s’acheva. Plutôt que supporter ça, le garçon se retourna pour ouvrir ses cadeaux.

6 décembre 1991

Au parc. Cyan ne semblait toujours pas content. Il tirait la tronche, comme disait son père qui semblait plus décidé à prendre soin de Judy, plutôt que de lui, et ça aussi ça l’enervait. Alors il passait du temps avec sa mère, qui fit quelques manèges avec lui, comme les chaises volantes qu’il avait beaucoup aimées. Toutefois, et à sa grande surprise, son père eut l’envie soudaine de faire un tourniquet avec eux. Ils confièrent Judy à la garde d’enfants, le temps de trouver le manège et grimpèrent à trois dans ce qui semblait être une tasse de thé dansante. Son père était chargé du volant, évidemment, c’était lui qui avait les plus gros bras, mais Cyan était sûr qu’il pourrait le faire aussi après.

Le manège se mit à tourner, et doucement son père commença à faire pivoter la valve centrale, et la tasse dans laquelle ils étaient tous avec. Au fur et à mesure, l’attraction commençait à accélérer de plus en plus vite et M. Jester eut l’inspiration de continuer à aller plus vite.

- On va plus vite ?! Allez, c’est parti !

Il n’avait pas entendu le “NON” pourtant audible de son fils qui commençait à être terrorisé par la vitesse de rotation.

- Moins vite …

Marmonna-t-il deux, trois fois, mais la tasse tournait toujours plus rapidement et son père semblait déterminer à battre un record de rotations. Mais Cyan se sentait malade, toujours plus nauséeux et anxieux. Et si le manège s’arrêtait ? Et si la tasse se décrochait ? Un vent de panique s’immisçait de plus en plus dans l’estomac de Cyan. Les rires de son père résonnaient et sa mère semblait aussi bien s’amuser, mais lui ne rigolait pas du tout.

- Arrête de tourner !! - hurla-t-il. - ARRÊTE-TOI !

La tasse de thé s’arrêta net, et Cyan bascula en arrière sur la banquette douce du siège qui rattrapa l’arrière de son crâne. Manquant de vomir, il leva les yeux. Son père était avachi sur le siège, lui aussi, son front était ensanglanté. Sa mère était allongée le long du canapé et sur le haut de la hanse de la tasse géante qui dépassait un peu dans l’intérieur du tournique, une importante tâche de sang était éparpillée. Heureusement, sa mère ne dormait pas, à l’inverse de son père … elle avait les yeux ouverts, complètement ouverts. Inexpressifs. Cyan était encore sonné, le manège continuait à tourner, autour, les gens continuaient à s’amuser. Sur la hanse de la tasse, un levier rouge. Il tira dessus.

Les sirènes suivirent.

25 avril 1992

On avait enterré sa mère dans un cimetière à l’ombre de plusieurs buildings, dans un quatier don’t il avait oublié le nom. Judy avait fait ses premiers pas sans elle, sans son père non plus. Ils aaient déjà déménagé dans un appartement bien moins lumineux que leur ancienne maison. Désormais, c’était Cyan qui prenait soin de Judy. Il la faisait marcher sur ses petits pieds en lui tenant les mains en l’air, pour qu’elle ne trébuche pas. Elle souriait toujours, elle, et plus encore, donnait à Cyan envie de sourire, même si sa mère lui manquait terriblement. Un sentiment de culpabilité perdurait aussi, sans qu’il ne sache pourquoi.

La situation de son père, elle, se dégradait sans arrêt. De verre en verre, il sombrait dans les tréfonds de l’alcool, confus, perdu, il ignorait pourquoi le ménage s’était stoppé et une véritable obsession s’était emparée de lui. Qui avait tué sa femme ? Ce ne pouvait pas être lui, de toute évidence, alors il fallait trouver qui. Les techniciens n’avaient détecté aucun problème technique sur le ménage, et quelle ne fut pas la fureur du père Jester lorsqu’il se fit entendre dire que rien n’aurait pu causer cet arrêt inopiné. Entêté, il se mettait à croire de plus en plus facilement aux complots cachés, et aux théories absurdes qui forment les fantaisies mondaines. Cyan le regardait s’effriter doucement.

15 Juillet 1996

Une chouette venait d’entrer dans la vitre brisée de l’appartement, une lettre à la patte. Son père était effondré sur le sofa mais réveillé, il s’était mis à gromeler en voyant la bestiole, partant chercher un balai, il alla à l’entrée un instant. Le jeune garçon vit cependant une lettre accrochée à sa patte, et son nom était marqué dessus. Une convocation, une convocation à une école de sorcellerie.

- Donne-moi ça !

Balai à la main, M. Jester avait arraché la lettre que son aîné tenait. Judy qui avait maintenant 4 ans, se tenait maladroitement derrière la table, visiblement intimidée par son père. Ce dernier parcourut la lettre, encore et encore, avant de regarder Cyan comme s’il lui avait enfoncé un poignard dans le dos. Sanglotant, il balançait ses mains en avant, essayant d’attraper son fils par l’épaule, mais le chagrin semblait toujours lui faire glisser sa main.

- C’était toi … c’était toi … Pourquoi ?!

C’est à cet instant que les coups commencèrent, et que Cyan connut le pire aspect de son père. Il avait brûlé la lettre, mais le jeune garçon se souvenait de l’adresse et de l’horaire. Mais Judy … Il fallut attendre deux semaines avant que son père, en pleine après-midi, ne s’effondre sous le poids de l’alcool en un sommeil tonitruant de ronflements. Le jeune garçon prit sa soeur avec lui et s’en alla. Enveloppée dans des lambeaux percés, le soleil d’été illuminait leur peau pâle. Cyan s’arrêtait occasionnellement pour demander aux gens où était l’orphelinat le plus proche, on le lui indiquait sans mal, une vieille dame les accompagna même jusqu’au devant des portes. Les habits de Cyan étaient encore incrustés des plumes de la chouette qui lui avait apporté encore et encore des lettres jusqu’à ce que son père se lasse de les brûler, il frappa à la porte en ressemblant plus à un oreiller qu’un enfant.

Un homme ouvrit et Cyan expliqua la situation, mais seulement pour sa soeur. Il avait volé un peu d’argent à son père pour payer, mais cela s’avéra inutile. Il fit entrer Judy, tandis que Cyan restait dehors. Expliquant qu’il pourrait venir la voir quand il le désirerait, le directeur de l’établissement referma la porte sous les pleurs de la jeune fille qui regardait son frère la laisser derrière. La vieille dame qui l’avait accompagné jusque là s’enquit alors.

- Tu ne restes pas avec elle ?

- Non, je dois aller à l’école en Septembre.

- Tu peux suivre des cours ici, pourtant.

- C’est une école spéciale, madame.

- Ne serait-ce pas une lettre de Poudlard à ta ceinture, mon garçon ?

Il apparut bien vite que la vieille dame n’avait accepté de le guider que parce qu’elle avait reconnu la lettre, ou les plumes dont il était enveloppé. Elle savait très bien de ce don’t il s’agissait et s’intéressa au garçon qu’elle avait alors invité sous son toit. Son écoute fut surprenamment compréhensive et elle semblait ressentir le fardeau de la culpabilité de Cyan comme si elle l’avait porté. Elle lui proposa un échange, elle l’hébergeait jusqu’à Septembre et lui, l’aiderait à garder la maison propre, faire à manger et le ménage de manière générale. Il accepta avec grande joie.

En à peine un mois, il étabilt un lien avec cette vieille dame comme il n’en avait jamais eu auparavant. Elle-même semblait se satisfaire grandement de cette nouvelle compagnie, et quelle ne fut pas la surprise de Cyan lorsqu’elle l’amena avec elle au Chemin de Traverse pour acheter des “fournitures”, apparemment. Il ne savait rien de ce qu’il était sensé acheter, mais pourtant, elle semblait savoir exactement ce dont il aurait besoin pour l’année à venir. Lorsqu’il eut sa propre baguette, Cyan l’observa longuement, et eut un sourire en coin, avec ça, il se sentait maître de lui-même. Il resta avec la vieille dame pendant une semaine supplémentaire, jusqu’à la rentrée où il partit du quai 9 ¾ de King’s Cross. A cette époque, tout le monde était obsédé par une drôle de personne pour des raisons qu’il ne comprenait pas. Il s’en fichait éperdument, une personne est une personne, qu’importe sa renommée.

Sa première année se déroula excellement bien à son goût, quand bien même il ne s’était pas fait beaucoup d’amis, il n’en avait aucunement ressenti le besoin. Le chapeau qu’on lui avait mis sur la tête avait hésité avant de s’écrier “Serpentard”, ce qui lui avait value de très nombreux regards noirs de la part des trois-quarts des tables. Il ne comprenait pas pourquoi, mais apparemment, on l’avait envoyé dans la mauvaise maison. Tant pis, c’était comme ça, s’ils avaient un problème avec lui, alors c’était leur souci. Lorsque l’année s’acheva. Le directeur de l’école fut assassiné.

Cyan regardait derrière toutes les silhouettes qui lui bloquaient la vue. Il ne comprit pas grand-chose de ce qu’il s’était passé, mais était horrifié du monde dans lequel on l’avait envoyé. En rentrant de l’école, la vieille dame était déjà là, prête à l’accueillir. Ils parlèrent longuement de Dumbledore, de Voldemort et de cet élève dont il ne savait rien. “Va avec le courant, mais nage à reculons”, lui disait-elle.

Durant l’été, il remarqua le passage de nombreuses personnes à l’air important qui remarquaient à peine sa présence. Il écoutait parfois, et entendait souvent le vieille dame, ou Germina, s’il fallait donner son nom, dire qu’il n’était pas prêt. Cyan était curieux, il n’eut aucune honte à lui demander pourquoi il n’était pas prêt. Germina consentit à lui dire à semi-mots la vérité, le faisant jurer de ne jamais révéler son secret et qu’elle le saurait s’il le faisait. C’était une mangemort, elle aussi, l’une des plus vieilles. Cyan s’en fichait, mangemort, ministre, sainte, démone, ce qui importait c’était qu’elle l’avait sauvé. Alors, il ne comptait rien dire et sa deuxième année, le jeune garçon fit l’anguille à glisser partout pour éviter tout conflit, tout risque.

Même lorsque l’école fut attaquée et que “l’élu” se révéla soudainement parmi les rangs des élèves présents, Cyan n’attendit pas pour sortir du hall où ils étaient tous rassemblés et à se cacher dans les couloirs le temps que le tout se calme. S’il avait bien compris, le camp de la vieille dame avait perdu, et le seigneur des ténèbres fut achevé ce jour-ci. Une fois encore, Cyan s’en fichait. Lorsqu’il rentra chez Germina, elle était encore là. Apparemment elle avait superbement bien caché ses traces, et elle fut fière de voir que le garçon qu’elle hébergeait faisait de même. Toujours aussi mondaine, Germina enchaînait les réceptions, mais dans son temps libre, elle commença à enseigner beaucoup de son savoir à Cyan qui continuait d’aller à Poudlard. Grâce à elle et ces cours de vacances, il prit une avance considérable en sortilèges, métamorphose et défense contre les forces du mal par rapport à ses camarades.



31 Juillet 2000

Désormais fort de deux Buses optimales en défense contre les forces du mal et métamorphoses, Cyan fit preuve d’un flagrant manque d’ambition qui fut qualifié de gâchis par bien des professeurs. Décidé à simplement adopter un banal poste d’assistant administratif à la sortie de ses études, nombre des enseignants essayèrent de faire changer le jeune homme d’avis, à le pousser jusqu’au bureau des aurores, mais il ne se souciait d’aucune sorte de ce qu’ils disaient, il ne voulait rien avoir à faire avec ces gens-là.

Il enchaîna ses études jusqu’à la fin et comme promis, après avoir reçu ses ASPIC dans les mêmes matières, il intégra le Ministère de la magie en tant qu’assistant réceptionniste.

Dès lors, et sur la base de son maigre salaire, il achètera un appartement dans un quartier modeste de Londres, au milieu des moldus dont il avait une très basse opinion depuis les exactions de son père. Ce fut Germina qui lui suggéra qu’il pouvait se faire un peu plus d’argent s’il lui rendait une faveur. Apparemment, un moldu avait tenté d’abuser de son âge vénérable pour lui faire lui avaler un prétendu amour pourtant déjà peu convaincant sur le papier. Germina avait promis salaire contre la mémoire de son menteur, et Cyan n’avait pas cillé lorsqu’il avait dit oui. Aussitôt dit aussitôt fait, le sort d’oubli qu’avait jeté le jeune garçon sur le moldu lui valu une bonne récompense de la part de son amie de longue date. Celle-ci lui révéla alors que ce genre de contrats sous la table était monnaie courant dans un certain milieu et Cyan fut très intéressé par cette idée. C’est ainsi qu’il devint un genre d’homme à tout faire, réputé auprès d’un entourage précis.

Toujours d’un naturel discret, Cyan décida de poser sa démission quelques années plus tard auprès du ministère pour entièrement vivre sur ss contrats. Sa routine ressemblait de plus en plus à celle de son père. Boulot, alcool, boulot, alcool, dormir. Il le voyait et détestait ça, de toute évidence il y avait encore un démon qui survivait dont il ne s’était pas débarrassé. Quelques jours après cette réflexion, il retourna à l’appartement où il avait grandi. Personne. Ce fut le concierge qui l’informa du suicide de son père, deux ans après son départ du domicile. Le jeune homme eut une moue mi-impressionnée, mi-nostalgique, puis s’en alla voir sa tombe et y déposa un centime.

- Pour te rendre tout ce que tu m’as offert.

Et il sentait qu’il allait déjà un peu mieux et reprit sa routine. Malgré toute l’agitation autour de lui, ou plutôt, grâce à elle ces derniers temps, il avait toujours réussi à garder un profil bas. Ce n’était pas bien compliqué, personne ne s’intéressait aux moldus de toute manière et ça l’arrangeait bien. Mais lorsque le secret magique fut révélé, tout devint plus compliqué. Soudainement, les non-sorciers semblaient plus éveillés, moins idiots, ils avaient l’air méfiants et Cyan se bénissait lui-même de s’être accoutumé à la mode vestimentaire moldue. Toute personne louche aurait été arrêtée, mais lui passait partout.

Seulement voilà, le métier de tueur à gages n’avait plus tant d’attrait … il convenait de faire plus pour la société des sorciers, et faisant jouer de ses relations avec les quelques mangemorts qui rejoignirent le conseil, Cyan parvint à glisser sa candidature pour le poste de Professeur de Défense contre les forces du Mal, une matière qu’il portait haut dans son cœur. Il se trouvait par ailleurs que la Direction de sa maison d’adolescence était libre et il ne se fit pas prier, lorsqu’on lui proposa de jouer ce rôle, il accepta presque immédiatement. Rien ne servait de tuer à tour de bras, s’il pouvait juste réduire les pertes du côté sorcier en enseignant à ses élèves comment survivre. Et s’il s’avérait nécessaire de les protéger, eh bien il avait bien assez vécu de toute manière.

Il prit sa position le 30 Juin 2020.