C’était les pires jours de sa vie. Elle en était totalement convaincue. Elle pouvait bien se dire que sa mère avait le cancer et que le jour qu’elle l’avait appris avait été intense en émotion, qu’elle pensait que c’était la pire chose sur terre. Depuis trois jours par contre… c’était la folie. Kayla avait disparu. Elle ne savait pas… comment faire pour la trouver. Elle avait contacté Eirian, elle avait tenté de communiquer avec Lyam des dizaines, des centaines de fois ! Kayla ne pouvait pas être partie sans lui donner de nouvelle, sans lui dire ! C’était tout simplement impossible et même avec les applications de portable, elle ne l’avait pas trouvé.

Depuis 3 jours, elle ne savait même pas ce qu’elle avait mangé, elle ne savait même pas si elle avait dormi vraiment. Elle était dans une mode de recherche intensive. Elle aurait envie de s’en arracher les cheveux, mais ça ne servirait à rien de paniquer, de s’asseoir dans un coin à pleurer. Ça n’aiderait pas à trouver Kayla. Elle s’était permis quand même les pleurs, mais elle était en mode solution. Elle devait trouver des idées. Elle n’aurait pas de repos tant qu’elle ne sait pas ce qui se passait avec sa cousine. Bien sûr qu’une partie plus terrifiée se disait qu’elle… Non, elle ne pouvait pas être… Non. Elle l’aurait senti. Elle était convaincue que si Kayla était morte… ses trippes lui auraient dit. Leur relation était trop forte, trop importante pour qu’un truc pareil ne se ressente pas, pas vrai ?

C’était peut-être pour cette raison qu’elle se refusait au sommeil. Elle ne voulait pas fermer les yeux de peur de savoir ce qu’on lui dirait à son réveil. Paul et Eirian pouvaient bien lui dire qu’elle ne devait pas s’épuiser, mais c’était impossible de faire autrement. De toute façon, ils étaient bien mal placés pour parler aussi ! Lorsqu’elle l’avait appris, elle avait tout de même pris le temps d’écrire au bar pour dire qu’elle ne pourrait pas travailler durant quelques jours. C’était étrange qu’elle ait pensé à ça dans un temps de crise comme ça, mais peut-être à cause d’Eirian aussi qui y travaillait, elle ne savait pas. Elle avait eu la pensée de le faire. Elle qui ne manquait jamais. Limite, il fallait vraiment qu’elle ait un virus de la mort qui tue presque pour manquer une journée de travail la jolie Julia.

Ce troisième jour était déjà bien avancé, elle avait tenté plusieurs lieux pour trouver sa cousine, tentée d’appeler, d’écrire à Lyam aussi. C’était de longues journées, mais elles passaient aussi trop rapidement, les heures s’écoulaient pour l’effrayer. Elle avait cependant oublié son chargeur portatif à la maison, elle avait vraiment besoin de pouvoir avoir un portable avec toute sa pile au cas. Au cas que Kayla l’appelle. Qu’elle lui écrive. C’était peut-être obsessionnel en ce moment, mais… non, il n’avait pas de mais, c’était carrément ça. Elle était donc entrée à son appartement qui avait la même allure que quand elle avait commencé à s’inquiéter pour sa cousine. Julia avait le teint terne du manque de sommeil, des cernes marquaient son visage. Elle alla lancer sa machine à café, parce que si elle ne mangeait pas, elle tentait de garder l’esprit aiguisé avec du café. Le silence de son appartement lui semblait oppressant quand elle ira se changer dans sa salle de bain. Quand la jeune femme croisa son reflet, elle eut comme un petit étourdissement, elle avait l’air malade, mais elle voyait presque les traits de sa cousine, elle s’imaginait des centaines de scénarios tous plus angoissants les uns que les autres.

Elle secoua ses bouclettes brunes, se redressant pour attacher ses cheveux en une queue de cheval. Julia passa ensuite à sa chambre pour prendre son chargeur et regagner sa cuisine quand un cognement à sa porte manqua de lui faire un arrêt cardiaque. Elle se précipita. Et si..?

« Oh, Salut Leah… »

Bon, c’était presque de la déception, elle aurait tout donné pour que ça soit Kayla, elle ne comprenait pas non plus pourquoi Leah se tenait à sa porte, non, elle n’avait pas à réfléchir convenablement.

Ma vie était totalement sur pause. Je n’avais pas la tête à penser à autre chose de toute façon. Tout me semblait tellement insignifiant face à la disparition de Kayla… Mon boulot, mes passions, ma vie… tout. Le seul moment où j’avais eu un sentiment semblable, c’est quand j’avais su pour le cancer de ma mère. Mais c’était aussi tellement différent. Un cancer, ça tombe comme une brique, ça fait mal, ça fait peur… mais on peut penser aux options. Kayla… C’était pire. Parce que les options faisaient peur. Parce que ça s’enfonçait dans mon crâne comme un parasite. Je ne répondais à aucun message, mais je les regardais tous. Au cas. On m’avait invité à aller prendre un verre et j’avais tout simplement ghosté la personne. Je lisais les messages des gens qui m’aidaient à trouver Kayla. Ou bien c’était moi qui aidais? Jamais ma condition de non-sorcière avait été aussi pesante. J’étais… pour ainsi dire… quasi inutile. On avait avisé la police, mais en voyant comment Eirian et compagnie y arrivaient… je me disais vraiment que je ne servais à rien. Limite, j’espérais ne pas être un problème, sauf qu’en même temps… ils ne pouvaient pas se débarrasser de moi comme ça. J’allais les suivre comme si… enfin, comme si ma vie en dépendait! C’est sans doute pour ça que je me disais que personne d’autre ne pouvait venir à ma porte que Kayla, parce qu’il n’avait qu’elle d’importante en ce moment. C’était dommage pour Leah qui venait en bonne foi quand même. Je ne réalisais pas totalement l’ampleur de ma réaction jusqu’à ce que je sente un peu sa confusion dans sa voix. Je secouais la tête en ne trouvant même pas la force de sourire.

« Tu peux entrer…je… je ne vais pas rester longtemps…et tu n’es pas intrusive, c’est moi… »

En tout cas, j’avais l’air totalement brisée aussi. Sans doute que jamais, jamais elle ne m’avait vu comme ça Leah. J’étais toujours ce petit bout de femme très énergique qui courait un peu partout et qui aimait rire et faire la fête. J’étais l’opposée devant ses yeux. Je repris, la voix enrouée par la douleur et une peine grandissante.

« C’est… ma cousine… Elle a … (Je dû expirer un peu pour prendre un peu de courage) Elle a disparu… il y a quelques jours et… (Mon regard se rempli de larmes alors que je tentais encore de respirer, juste pour avoir l’air le plus normale possible) et je tente… tout pour la trouver… Je… je ne voulais pas… t’inquiéter… »

Je tentais avec toutes la force du monde de faire un mince sourire, mais ça ne vint pas. J’étais affligée d’une douleur plus grande que moi et je sentais ses fichues larmes inutiles qui brûlaient mes yeux. Je l’avais laissé entrer en ayant l’air de chercher des choses autour de moi, comme confuse dans mon inaction du moment. Je finis par tourner toute mon attention vers elle, les yeux scintillants de fatigue.

« C’est vraiment gentil, Leah… d’être passé, tu as eu de la chance de m’attraper, je ne suis pas venu ici depuis…depuis 3 jours. »

J’hochais les épaules en sentant le poids de la fatigue m’envahir. Je ne voulais pas non plus impliquer davantage Leah dans cette histoire, mais si jamais elle en entendait parler pour une raison ou un autre. Qui sait? Je tentais de savoir peu importe la façon à ce point. J’allais vers ma cuisine, visible de la porte pour prendre mon chargeur et me préparer mon café d’une main tremblante. Je ne pouvais pas rester à ne rien faire plus de 2 secondes. Chaque seconde était si précieuse en ce moment… je n’allais pas les gaspiller.

J’étais quelqu’un de tactile à la base. Pas intensément, mais quand je vivais des émotions, que ça soit joyeux ou triste, j’aimais les interactions plus physiques donc dès qu’elle m’ouvrit les bras, je m’y réfugiai. Je tentais de contrôler mes sanglots, parce que je savais que ça ne servait à rien et j’avais déjà suffisamment pleuré comme ça. Je fermais les yeux avec force comme si ça serait une barrière suffisante. Je me concentrais sur ce qu’elle me disait alors que je hochais la tête.

« Oui, j’ai appelé tout le monde qu’elle connaissait, j’ai été partout… je… rien du tout, Leah… »

Je me reculais un peu pour essuyer mes yeux, je n’allais quand même pas la tremper. J’acquiesçais d’un signe positif de la tête quand elle mentionna le prénom de ma cousine. Je me dirigeais ensuite vers la cuisine et avec toute sa gentillesse, Leah me proposa son aide. C’était gentil, sincère, je le savais. Je lui lançais un petit regard pour lui répondre, les yeux brillants de larmes qui ne coulaient plus au moins.

« Je… si tu entends quoi que ce soit. Je… elle a beaucoup de ses amis qui sont aussi sur le cas. On cherche partout. On demande aux gens d’ouvrir l’œil et les oreilles… »

Je pris une inspiration encore pour me calmer, me ressaisir un tout petit peu. Quand elle vint près de moi pour faire mon café, je lui cédai. J’allais en mettre partout, je le savais. Je fixais le vide, repassant tous les détails des derniers jours. J’espérais tellement trouver un tout petit détail de rien du tout qui m’aiderait à la retrouver. Mais je sais que les autres … étaient plus compétents que moi. Ils avaient la magie et disons qu’elle avait des amis qui étaient un peu comme des James Bond magiques. Moi, au plus, j’étais une personne qui entendait des potins. Rien de plus. Jamais avant aujourd’hui je ne m’étais senti autant inutile. C’est pour ça aussi que je ne voulais pas pleurer. Si en plus d’être inutile, j’étais désagréable, je deviendrais bien folle. Je tentais de les suivre, de pouvoir offrir une aide quelconque… mais c’était difficile. Très. Je ne savais pas me battre, je ne savais pas chercher comme eux le faisaient. Même si on me donnait une arme, je ne saurais pas m’en servir. À quoi bon me faire des illusions. J’étais loin dans ma tête quand elle me mena dans le salon, elle m’avait demandé de tout lui raconter donc dès que je fus assise, je me lançais, d’une voix un peu incertaine, le regard lointain.

« Ça faisait 2 jours environ qu’on ne s’était pas vu. Elle a une vie vraiment occupée Kayla alors ça, ce n’est rien d’anormal. Surtout qu’on s’écrit quand même tous les jours tu vois? Et si elle ne peut pas avoir son téléphone, bah elle me le dit toujours. Ça toujours été ça, elle et moi. (Je fronçais les sourcils en déglutissant difficilement) Ça faisait…peut-être une journée que je lui écrivais sans réponse. Elle ne les avait même pas vus et… j’ai commencé à m’inquiéter, à écrire à ses amis, notre famille…personne ne sait où elle est. Elle…elle a disparu. »

Je soupirais en allant chercher la tasse de mes deux mains. La chaleur se répandait dans mes mains, c’était agréable, pas tant rassurant, mais c’était une sensation qui apaisait légèrement. Je pris une gorgée. C’était amer comme je l’aimais normalement et je sentais mon corps crier de prendre quelque chose de plus nourrissant, parce que là je survivais vraiment au café. Ce qui n’était pas réellement la meilleure chose au monde, je suis bien au courant. Je tournais mon regard ensuite vers Leah.

« On a fait tout ce qu’il fallait. Mais je ne peux pas arrêter de la chercher et faire confiance à des gens plus expérimentés que moi. Pas…pas que je ne leur fais pas confiance, surtout que je ne sers presque à rien, mais… je dois continuer de la chercher… je ne peux pas juste attendre… »

Oh non, attendre serait bien pire. Attendre et compter les minutes, les heures qui passaient et qui faisaient que la retrouver serait encore bien plus difficile. Je n’étais pas idiote non plus, je le savais.