Leah & Evan

Symphony,

Mai 2021

Evan ne fait pas tâche parmi la foule de moldus se pressant vers les divers bars que proposent Londres. Il ne porte rien d’extravagant. Aucun indice sur le fait que bien calée dans ses vêtements, se trouve une baguette magique. Rien ne fait sorcier. D’ailleurs, qu’est-ce qui caractérise vraiment un sorcier hein ? Le jeune homme compte bien profiter de ce début de week-end sans arpenter les rues avec la peur au ventre de tomber sur des chasseurs de démons à baguette. Le Delacour a toujours côtoyé des moldus tout autant que des sorciers. Ses parents n’ont jamais fait de distinction. Il a été élevé avec l’idée que tout le monde vit sur le même pied d’égalité. Il n’est donc pas bien difficile pour lui que de se fondre dans la masse ce soir-là. Vêtu d’une veste d’aviateur, il n’a pas l’air beaucoup plus différent des autres jeunes adultes autour de lui.

Pourtant, il l’est. Ses préoccupations ne sont pas les mêmes que les autres jeunes hommes et femmes se pressant dans les ruelles blindées. Ses pensées dévient inévitablement vers sa sœur aînée, Erin. Qu’il aimerait qu’elle soit avec lui ce soir à profiter d’un moment d’allégresse avec des amis, peut-être même Balthazar. Mais là encore, tout a changé. La Delacour n’est plus la même personne – ce n’est plus vraiment sa sœur. C’est comme si parfois il y avait une autre personne aux commandes. Quelqu’un qui ne connait pas la réelle Erin comme son frère et son petit ami.  Sentant l’émotion lui tordre les tripes, le garçon carre la mâchoire. Il s’était promis, ce soir, de simplement profiter sans se laisser distraire par de désagréables pensées.

La proposition de Raphaël était plus que bienvenue. Le jeune homme avait sauté sur l’occasion et avait accepté sans même prendre une seconde de réflexion. Rencontrer une amie à Raphaël qui se produit musicalement dans un bar sympa ?  Qui refuserait ? Il faudrait à moitié fou ou totalement associable. L’étudiant ne l’a jamais été. Sous la coupe d’une timidité durant une bonne partie de sa vie, oui, mais il a toujours su apprécié le contact d’autres êtres humains. De plus, il aime la musique et l’ambiance que cela crée. Nonchalant, le Delacour avait jeté vite fait un petit coup d’œil à l’adresse et l’emplacement du bar en question avant de sortir de son appartement partagé avec Erin.

Il lui avait griffonné un petit mot à la hâte pour lui expliquer où il se rendait et qu’il ne rentrait pas trop tard. Une petite voix dans sa tête lui disait qu’il la fuyait volontairement et cela avait le don de l’agacer. Ce n’était pas vraiment une fuite non ? Erin avait aussi besoin de son intimité et de voir son propre cercle d’amis. Evan espérait sincèrement que sa sœur ne s’éloignerait pas volontairement de toutes les personnes tenues hors de son secret. Impuissant, le jeune homme s’évertuait à être un bon ami pour elle. Parfois, il est dur de savoir à quel point il faut être là et la confronter à quel point, il faut lui laisser de la liberté pour gérer tout ça. Un peu perdu, Evan regrettait n’avoir personne à qui le frère et la sœur pourraient se confier et demander des conseils.

Le blond s’arrêta devant la devanture du bar. Il jeta un petit coup d’œil au nom indiqué en grand. Un sourire étira ses lippes. Son instinct ne l’avait pas trompé. Un coup d’œil sur la grande horloge lui indiquait qu’il était à l’heure avec quelques minutes d’avance avant que le show ne commence. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à trouver Raphaël, à supposer que celui-ci soit déjà là. Evan ne connaissait pas assez bien le moldu pour deviner s’il faisait partie de la catégorie de personne toujours en avance ou toujours en retard. De toute manière, il allait bien vite s’en rendre compte.

Passant devant un groupe de jeunes moldus éméchés, il pénétra dans le London Bar. Sa grande taille lui permettait de se faufiler facilement entre les différents clients. Autour de lui, il y avait déjà une petite foule qui s’installait. Apparemment, le show de ce soir se produisait à plusieurs reprises et visiblement l’amie du moldu devait avoir du succès. Le blondinet fit un petit tour rapidement essayant de repérer son ami. Après plusieurs minutes de recherche, il dû bien admettre que Raphaël devait donc faire parti de la deuxième catégorie de personne. Amusé, il s’en alla trouver et réserver deux places pas trop loin de la petite scène. Après de longues minutes d’attente, il commençait à se poser des questions. Bien sûr, il n’avait pas le moyen de communiquer avec Raphaël. Inquiet, il jeta un nouveau coup d’œil à sa montre. Est-ce qu’il était arrivé quelque chose à son nouvel ami ? Tergiversant, il ne vit pas approcher une serveuse. Nerveusement, il commanda une boisson sans trop se soucier du contenu du verre. Les gens s’installaient autour de lui. La soirée n’allait pas à tarder à débuter.

- Merde Raph’, où est-ce que tu t’es fourré ? marmonna-t-il, à voix haute, pour tenter de faire baisser son stress.

Inconsciemment, sa jambe commença à gigoter. Nerveux, il entreprit de jeter un nouveau coup d’œil tout autour de lui. Ses yeux parcouraient le périmètre à la rechercher de la chevelure brune caractéristique de son ami moldu. Toujours aucun signe. La serveuse lui ramena entre temps son verre, qu’il paya à la hâte, la remerciant avec un sourire sonnant assez faux. Est-ce qu’un ami moldu, ça peut poser un lapin à son nouveau pote sorcier ?

Leah & Evan

Symphony,

Mai 2021

Ridicule. Vraiment ridicule. Le sorcier s’empresse de glisser son porte-monnaie dans la poche arrière de son jeans. Voilà, qu’il vient de bafouiller et renverser une partie de sa monnaie sur la table. Et tout cela devant une serveuse médusée par l’attitude du garçon. Le français se confond en excuses. Et plus le étrange dans tout cela, est le sourire qu’elle lui offre en retour. Gêné, il ramène une mèche de cheveux blond à l’arrière de son crâne. A l’apogée de l’amusement, la travailleuse le gratifie d’un dernier regard avant de rejoindre d’autres clients. Ayant soudainement très chaud, Evan jette un œil à sa droite et à sa gauche s’assurant que personne n’a remarqué son petit manège déplorable auprès de la gent féminine. Rassuré, il attrape son verre et y trempe les lèvres, curieux de découvrir ce nectar. Appréciant le goût dont il n’a pas l’habitude, il n’hésite pas à y retourner une fois, puis deux. Ses émois quittant enfin sa poitrine, il se relaxe quelque peu sur sa chaise. Toutefois, il doit bien admettre que malgré l’ambiance qui règne dans le bar, il lui manque toujours la présence de Raphaël. Le garçon a rencontré le moldu dans une librairie du chemin de traverse. C’est par la force de la maladresse que les deux jeunes hommes ont fait connaissance, liés par quelques points communs. Le Delacour a été ravi de découvrir que Raphaël est également français lui aussi. Et puis, le brun semble particulièrement intéressé par le monde magique et plus particulièrement les créatures qui le peuplent. Et c'est là, qu'Evan s'est dit qu’il ne pouvait qu’être quelqu’un de bien ce Raphaël Millet. Plutôt sociable, c’est le blond qui a fait le premier pas vers son ami, lui tendant facilement la main pour sceller cette nouvelle rencontre débouchant finalement vers un début d’une relation amicale. Mais est-ce bien normal de laisser son pote tout seul dans un bar rempli d’inconnus ?

Ayant déjà côtoyé quelques moldus, Evan doute fortement que ce soit une tradition moldue. Peut-être un genre de bizutage ? Raphaël n’a pas l’air d’être ce genre de personne. Alors que les élucubrations du français se poursuivent dans sa tête, le silence s’installe dans le London Bar. Evan cligne des yeux surpris par ce brusque changement d’ambiance dans le lieux accueillant. Suivant le regard des citoyens, il comprend que la soirée musicale est sur le point de débuter. Ses prunelles accrochent celles de la serveuse de tout à l’heure. Elle lui fait un clin d’œil avant de pointer de son index la scène. Le sorcier opine du chef et se tourne lentement sur son siège pour fixer la scène sur laquelle se trouve un piano. Le blond connait cet instrument sans pour autant savoir en jouer. Il n’a jamais eu la fibre musicale malgré l’enthousiasme de ses parents pour lui faire choisir un instrument dès son plus jeune âge pour développer son oreille et son sens du rythme. Le garçon est trop impatient pour un tel apprentissage. En revanche, le son qui en sort le fait parcourir le monde selon les mélodies qui y sont jouées. Et ça, rêver, c’est quelque chose qu’il connait particulièrement bien et qu’il apprécie vraiment. L’étudiant est plutôt doué et ne doute pas le moins du monde de ses capacités en cet exercice-là. Et ce qui suit, le fait chavirer vers d’autres mondes.

Un sourire nait sur son visage lors des premières notes jouées par la jeune femme ayant pris place sur la scène. C’est notamment grâce à la prestation de la pianiste qu’il comprend le sens du mot art. Subjugué, Evan ne ressent plus les affres de la panique qui le tenait au collet quelques instants auparavant en remarquant l’absence de Millet.  Il se laisse emporter par le vague de notes émanant de ce brin de jeune femme faisant preuve d’une telle puissance musicale. Evan n’est pas le seul embringué par ce tsunami d’émotions. Tout autour de lui, les habitués ont les yeux rivés sur le spectacle de l’artiste. Certains ont même les prunelles qui brillent à cause de l’impact. Durant quelques minutes qui paraissent des heures, le blond ne pense plus à rien. Les polémiques. Les problèmes. Les drames. Ce monde-là lui parait bien loin soudainement, il n’y a que la bulle de quiétude qui émane de la scène et englobe tout le bar. C’est impressionnant. Raphaël ne mentait pas sur la qualité du show. Lorsque cela se termine, le Poufsouffle se laisse emporter par l’effervescence et se surprend à se lever pour applaudir avec les autres. Certains crient ou sifflent pour montrer leur contentement. Le garçon comprend sans mal qu’ils souhaitent de nouveaux morceaux. Mais c’est terminé. Evan se rassied perdant des yeux l’artiste aux boucles blondes. Il replonge machinalement dans son verre, appréciant l’ambiance du prochain interprète sans pour autant ressentir le même manège qu’auparavant.

Lorsqu’une voix l’interpelle, il sursaute. Involontairement, ses yeux parcourent le visage de l’artiste de tout à l’heure. Perdant sa voix, il ne saisit pas tout de suite ce qu’elle veut de lui. Est-ce qu’elle s’adresse bien à lui d’ailleurs ? Constatant que ses yeux bleus sont clairement fixés sur sa personne, il finit par réagir.

« Oh…bonsoir ! » dit-il, se raclant la gorge.

Puis, la jeune femme utilise son prénom. Intrigué, il hoche la tête avant de rappeler d’utiliser sa voix. Rapidement, il rajoute pour se présenter :

« Oui ! Evan. Evan Delacour. »

Porté par ses manières bien inculquées par les parents Delacour, Evan se lève et tend la main à la jeune femme. Perturbé par son arrivée et surtout par l’attention des tables voisines sur eux, il ne sent pas très à l’aise. Pourquoi et comment la jeune femme connait son nom et surtout vient vers lui ? Qu’est-ce qui se passe ? Dépassé par la situation, il parvient toutefois à lui offrir un sourire nerveux.

« Euh… je suis désolé mais je ne connais votre nom. Miss ? » s’excuse-t-il, désireux de ne pas faire de faux pas devant celle qui vient de faire chavirer les cœurs de l’entier du bar en quelques compositions.

Les lumières s’allument enfin lorsqu’elle lui explique la raison de sa présence. Sacré Raphaël ! Il ne pouvait pas lui dire que c’était son amie qui allait se produire ce soir-là ? Se sentant un peu idiot, ses doigts viennent passer à l’arrière de sa tête, sur sa nuque. Bon ben pour passer pour une andouille, c’était bien parti ! Que doit-elle se dire ? Incapable de reconnaître une amie de son soi-disant ami moldu. Ah. Quelle belle image donne-t-il.

« Oh d’accord. » lâche-t-il, avant de s’excuser de son accueil.


Peut-être que le français comptait joué sur l’effet de surprise pour impressionner Evan. Ou alors, ce qui semble probable, il n’y avait pas du tout songé lors de son invitation laissant les choses se faire simplement. Etonné par l’annonce de la jeune femme, Evan est soudainement vraiment mal à l’aise. Pourtant à bien regarder l’artiste, il constate qu’il n’y pas une once de malice dans son regard bleuté. Elle est simplement…bienveillante ? Se détendant face à cette constatation, le blond finit par prendre sa décision. Il répond alors aussitôt sur un ton aimable.

« C’est très gentil de votre part. »

Puis, porté par l’impulsion et quelque peu frénétique, il ajoute :

« Euh…votre prestation était vraiment superbe ! »

Hum. Ayant toujours la désagréable impression d’être un idiot, le sorcier essaie de reprendre une certaine contenance. Passant rapidement ses dents sur sa lèvre inférieur, il désigne la place en face de lui. Puis, lui propose, soudainement moins confiant malgré la proposition de la blonde.

« Tu veux t’asseoir ? »

Se rasseyant, il remarque son erreur. Lui jetant un coup d’œil, un peu inquiet d’avoir commis un impair ou d’avoir pu être lourd avec elle, il secoue son index créant un bruit en serrant ses deux lèvres, puis un sourire apparait sur son faciès.

« Hemm..Est-ce qu’on peut se tutoyer ? Normalement, on le demande avant mais… j’imagine que mieux vaut tard que jamais hein ? »

Peut-être est-ce trop d’utiliser une expression moldu ? Ah. Evan, fais un effort… Conservant un sourire penaud teinté par son sentiment d’être un gros faisan, le garçon sent qu’un certain français ne va pas s’en tirer aussi facilement après ce traquenard social.