La boutique tournait bien. Le bouche-à-oreille avait visiblement fait son travail. Chaque client ressortait avec son bien précieux, sourire aux lèvres et Alcyone était ravie. Elle s’épanouissait professionnellement. De nouveaux défis s’offraient à elle, notamment la demande d’Erin qui lui donnait toujours plus d’idées à développer. Elle s’était plongée à corps perdu dans le travail et cela avait le mérite de porter ses fruits. Ses amies, notamment Maxime l’avait attirée en dehors de son atelier pour qu’elle fasse enfin un peu la fête et elle devait reconnaître qu’un peu d’insouciance parsemée d’alcool lui avait aussi fait du bien. Elle s’était donc promis de relâcher un peu la pression. Célibat n’était pas égale à une vie de recluse (n’en déplaise à Theo). Alcyone encaissa une cliente qui quitta finalement les lieux en lui indiquant vouloir lui faire une commande personnalisée. L’Etoile acquiesça ravie de compter une nouvelle fidèle à son atelier. La plupart des échanges se passaient bien. Il y avait parfois deux ou trois complications, mais le reste l’emportait largement.

En parlant de complication, voir Théo débarquer sans prévenir dans la boutique en pleine journée l’inquiéta rapidement. « Theo, tout va bien ? Qu’est-ce que tu fais là ? » Alcyone observa son aîné, inquiète. « Ferme ta boutique, on a une mission pour l’Ordre. » La dernière née des Greengrass regarda son frère comme s’il était devenu fou. Qu’est-ce qu’il racontait ? Il n’avait pas accueilli son envie de devenir membre des Phénix avec une grande joie. Alcyone prenait son temps sur le sujet depuis qu’elle l’avait évoqué avec lui et Soledad. Mais qu’il vienne la chercher pour une ‘mission’ ? « Euh… Tu débloques ? Je te rappelle que tu as failli m’enfermer dans un placard pour me protéger quand je t’ai parlé de rejoindre le mouvement… » Alcyone parlait avec sarcasme mais l’idée n’était pas si loin. Si la brune aimait son frère plus que n’importe qui, il avait toujours eu cette tendance à la couver. Alors, la traîner sur le terrain, alors qu’il était farouchement opposé à cette idée… cela dénotait totalement. Alcyone ne parvenait pas à comprendre son frère. Elle sortit de derrière le comptoir pour le rejoindre et lui faire face. « Je vais pas fermer la boutique en plus. On est pleine journée. Tu me fais une blague, c’est ça ? » La jeune femme ne voyait que ça. Une plaisanterie dont elle ne saisissait pas réellement le sens. Etrange façon de procéder. Surtout que cela ne ressemblait pas réellement à son frère même s’il était taquin, lui aussi avait un travail. A Poudlard… Donc bien loin de Londres et du Chemin de Traverse. Il était motivé pour venir raconter des bêtises. Pourtant, quand les prunelles d’Alcyone s’attardèrent sur les traits fermés de son frère puis regard. Elle finit par comprendre qu’il n’était pas là pour plaisanter : « T’es vraiment sérieux ? » Il délirait. Il débarquait sans prévenir. Elle n’était pas prête. Pas préparée. Il sortait de nulle part. Elle le fixa intensément, se demandant finalement si ce n’était pas volontaire…

Une mission, oh ça faisait longtemps – pas du tout – qu'il n’avait pas été missionné, un peu plus et ses muscles auraient eu le temps de fondre. Franchement une mission facile, ramener trois petits pépères détraqueurs à leurs postes en deux coups de baguettes c’était fait. Il avait le droit de choisir son partenaire, encore heureux avait envie de dire Théo. Le problème c’est que la partenaire qu’il aurait choisi naturellement n’était pas en grande forme, que ce soit physiquement, le problème de se faire démolir par des moldus à Azkaban mais aussi moralement. Être face aux détraqueurs ne ferait que lui rappeler des mauvaises choses. Il était donc exclu de lui demander de l’aide. En revanche, parce que cette mission était un jeu d’enfant, qu’il était certain de pouvoir gérer seul en réalité, il pouvait entraîner Alcyone avec lui et en profiter pour la dégouter des missions. Si laisser l’infirmerie n’était pas un problème, parce qu’il y avait d’autres personnes pour gérer à sa place, il savait pertinemment qu’Alcyone allait avoir un peu plus de mal à lâcher sa boutique et cette idée le faisait grandement sourire, mission dégoutée sa sœur enclenchée. Avant de se rendre là-bas, il récupéra deux gilets pare-balle dans sa chambre de Poudlard, oui il en avait deux, en même temps il faisait assez de missions pour avoir du stock.  

Une fois dans la boutique, il dû faire un gros effort sur lui-même pour ne pas aller faire un bisou à sa soeurette, ne pas oublier sa mission, pas se comporter comme un frère. Allez hop, il fallait qu’elle bouge.  Elle sortait de derrière son comptoir, elle verrouillait tout comme il fallait par la magie et ils étaient partis. Bien évidemment, la façon un peu particulière de Théo étonna Alcyone qui osa lui râler dessus. L’enfermer dans un placard... n’importe quoi, il n’était pas si cruel, juste l’enfermer chez elle et mettre des dragons pour garder la porte d’entrée... la base quoi. Ah, elle ne voulait pas fermer la boutique en pleine journée, semblait chercher dans son regard s’il plaisantait ou non avant de vérifier qu’il était bien sérieux « Parce que tu crois que lorsqu’on a un ordre de mission, on t’envoie un petit papier où on te demande tes disponibilités ? » Eh bien elle apprenait en direct que ça ne fonctionnait pas comme ça. Il s’écarta du comptoir, se dirigeant vers la porte d’entrée « Alors Alcyone, tu la fermes cette boutique et tu viens ou tu prends conscience qu’être dans l’Ordre du Phénix c’est galère et tu oublies cette idée ? » S'il ne précisa pas de merde, la façon dont la phrase était prononcée le démontrait assez aisément. Pareil, il n’avait pas l’intention de lui dire pourquoi ils avaient été mandatés, après tout il y avait plein de fois où il allait à des endroits et il ne savait pas pourquoi. Bon là ce n’était pas le cas mais Alcyone n’était pas obligée de le savoir. En attendant qu’elle se décide à dire non je ne fermerais pas la boutique, trouve-toi quelqu’un d’autres, Théo s’amusait avec la pancarte de la boutique, la tournant sur fermé, puis sur ouvert, le bruit étant un chouya agaçant par ailleurs.

Alcyone était loin de l’avoir vu venir celle-là. Theo était de tout quand il s’agissait de la couver. Même de la traîner sur le terrain pour lui prouver que son idée de vouloir intégrer l’Ordre du Phénix était nulle. Le voir débarquer ainsi au milieu de la journée dans sa boutique l’a pris totalement par surprise. Connaissant parfaitement l'énergumène qui lui servait d’aîné, il était clair qu’il l’avait fait exprès. Alcyone n’était clairement pas une personne de terrain, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle avait créé ses bijoux qui avaient un certain succès. Elle ne voulait pas être une femme d’action comme Theo pouvait l’être. Elle voulait simplement tamponner son travail au nom de l’Ordre. Avec le père qu’ils avaient eu, il aurait pu comprendre ce besoin de se détacher toujours plus. Surtout que lui-même l’avait également fait. Elle fronça les sourcils alors qu’il se fichait clairement d’elle. Elle se doutait bien qu’on n’allait pas d’adapter à elle pour ce genre de chose. Elle lâcha un soupir agacé. « Oh c’est vrai ? Je pensais qu’ils s’arrangeaient pour que ça tombe les week-ends. » répondit-elle avec une pointe d’ironie mordante.

Elle tapota des doigts sur son comptoir alors qu’il s’amusait avec la pancarte sur la porte. Merlin, qu’il pouvait être agaçant quand il s’y mettait ! Elle ferma la caisse d’un mouvement de baguette et commença à lancer tous les sorts de protections. « Bon tu sors que je puisse fermer ? » Alcyone fit mine de le pousser à l’extérieur, tira la porte derrière eux, éteignant la vitrine. Une fois dans la ruelle, elle le regarda et le questionna. « Nous allons où ? C’est quoi la mission ? On n’est pas censés être un peu équipés ? » Est-ce que la brune stressait ? Bien sûr. La plupart des missions n’étaient pas un voyage tranquille. Il y en avait des plus ou moins dangereuses, mais Theo ne la traînerait certainement pas dans une très risquée.[strike],mais les joueuses, ça, oui alors !![/color] » Ce n’était pas en petite robe et talons qu’elle allait faire ses preuves sur le terrain…

Ce qu’elle pouvait se montrer agaçante parfois avec son sarcasme à deux balles, répondre à ça lui aurait fait trop plaisir, Théo se contenta de la regarder, tout en jouant avec la pancarte et en espérant qu’elle allait le virer de sa boutique. Ce client, il ne voulait pas rentrer justement, visiblement non… crétin. Elle l’invitait à sortir – le dégageait aurait été plus véridique – chic il avait réussi. Elle voulait fermer, merde, c’était donc un échec. Il attendit qu’elle ferme tout et le noie de questions et plutôt que de dire la vérité, il décida de taire certains détails. « En quoi c’est important l’endroit où on va, je vais nous faire transplaner. » La mission du jour, donner le moins de détails possible « Une histoire de moldus à protéger. » Oui, il était un brin avare en information. En revanche lorsqu’il s’agissait de l’équipement, tout de suite, il était beaucoup plus précautionneux « Comme si j’allais te mettre en danger. » Il sortit de sa poche les gilets à qui il rendit leur taille initiale. S’il demanda à Alcyone si elle savait comment les mettre, il n’attendit pas sa réponse pour lui enfiler. Alcyone aurait pu répondre oui sans avoir la moindre idée de comment faire, par fierté, il préférait être prévoyant, même si, trois détraqueurs ça n’est pas la fin du monde à gérer.  

Une fois qu’il eut vérifié que toutes les lanières étaient bien scratchées, il tendit la main à sa cadette avant de transplaner à la lisière du monde moldu. « On va dans le monde moldu. Tu es prudente. » Un conseil complètement crétin, comme si de le dire ça changerait quoi que ce soit. « Et si je te dis de partir, tu pars. Tu ne discutes pas, tu ne me contredis pas, tu obéis. » Aucune négociation possible de ce côté, Théo ne jouerait pas avec la vie de sa sœur et si selon lui ça se passait mal, il voulait qu’elle se tire, il se débrouillerait mieux sans avoir à veiller sur elle.

Il franchit le mur de brique qui délimitait la séparation entre le monde sorcier et le monde moldu sans plus de cérémonie. Un silence les enveloppa, chose étrange puisqu’ils se trouvaient dans une taverne.  Quelle bonne surprise en arrivant, il n’y avait strictement personne. Théo fit quelques pas, non sans regarder Alcyone à chaque fois, prêt à l’épauler s’il y avait le moindre danger. Réflexe stupide, il voulut remettre une chaise mise n’importe comment sous la table et le pied buta contre quelque chose. Il arrêta donc de regarder sa sœur pour observer l’obstacle, un humain. Se baissant pour prendre son pouls, il constata non seulement que le cœur ne donnait aucune pulsion mais surtout que ses doigts étaient tachés de sang. Il se releva, les traits tirés, hésitant sur ce qu’il fallait faire, renvoyer Alcyone directement oui c’est ce qu’il faut faire ou enquêter ensemble et voir ce qu’il s’était passé ici. « C’est pas exactement comme ça que je voyais les choses. » Sans blague c’était censé être un truc de routine, ça c’est pas la routine.

Spoiler:

Theo avait vraiment le don pour la mise en scène. Il devrait peut-être se pencher sur une carrière d’acteur sur le fait d’être bientôt auror ne lui plaisait plus. Alcyone leva les yeux au ciel quand il indiqua qu’il allait les faire transplaner. Super. Il l’embarquait, elle ne savait où. Pas certaine que les missions se déroulent réellement ainsi. Qui d’autre avait un frère comme Theo, prêt à tout pour la faire flipper et renoncer à son désir d’intégrer l’Ordre du Phénix. « Je retiens… Visiblement foncer tête baisser sans savoir où je mets les pieds est donc la première règle pour intégrer l’Ordre. » Alcyone soufflait discrètement à sa seconde réplique. Elle attrapa le gilet anti-magie qu’il lui donnait pour l’enfiler. Elle eut à peine le temps de glisser un bras, que son aîné était en train d’accrocher les sangles entre elles pour bien le positionner. « Seconde règle, laisser l’autre tout gérer ? » demanda-t-elle un brin ironique en fixant Theo dans les yeux. Elle attrapa malgré tout sa main. Même s’il jouait les mystérieux pour la conditionner au pire, elle savait qu’il n’allait pas l’emmener dans un guet-apens. Ils transplèrent, Alcyone se laissant porter par la direction que Theo voulait prendre.

Arrivés devant le mur de briques, l’Etoile comprit rapidement qu’ils allaient quitter le monde magique. Une pointe serra son cœur. Elle n’allait presque jamais chez les moldus. Elle hocha la tête quand il dit qu’ils allaient de l’autre côté de leur monde. Ca, elle l’avait déduit toute seule. C’était plutôt ce qu’ils allaient y faire qui l’intriguait. « Troisième règle, pas de libre abrite. J’ai compris chef ! » Avec tout ça, c’était certain qu’elle serait capable de se débrouiller en mission si elle devait y retourner sans son frère. Courage à celui qui devrait l’accompagner. Elle serait tout simplement… bonne à rien. « Tu sais que je veux apporter mon aide avec mes bijoux, pas sur le terrain, hein ? » Du moins, c’est ce qu’elle comptait faire au départ. Mais ce que Theo ne savait pas l’aidait à mieux se porter…

Ils se retrouvèrent donc dans une taverne totalement désertée. Les moldus devaient travailler eux aussi la journée visiblement, pensa ironiquement la jeune femme. Néanmoins, suivant de près son frère, ses prunelles fauves observaient la pièce. C’était totalement vide. Pas de serveur, non rien. Ses prunelles se tournèrent vers Theo qui se débattait avec une chaise. Elle baissa son regard alors qu’il s’agenouillait. Elle fit de même et observa l’homme sans. Ses grands yeux le fixèrent de longues secondes comprenant qu’il était mort. C’était bien la première fois qu’elle voyait un cadavre si on omettait leur pauvre grand-mère dans son cercueil. « C’est pas un détraqueur qui a fait ça… » murmura-t-elle, perturbée par le corps sans vie. Non, ils ne tuaient pas… Ils vous vidaient de votre âme, de votre existence… Mais une loque restait en vie. Pas comme cet homme.

Alcyone tendit la main pour ouvrir doucement le manteau de la personne à terre. Sa tête bascula et du sang s'écoula sur le sol. Il avait été frappé à la tête. Elle plissa les yeux à cette vue et tenta de ravaler un haut le coeur. Elle tira sur les manches pour vérifier quelques choses. « Pas de blessures par balle, pas de bracelet, pas de piqûre... Ca semble laisser penser que ce n'est pas le Blood Circle. Ou alors pas du tout équipé, non ? » Un bruit de suite sembla monter vers les étages. Des portes claquèrent à plusieurs reprises. Peut-être la même personne qui cherchait à s'échapper ? Plusieurs qui voulaient se cacher ? « Je te laisse pas ici tout seul Theo... » dit-elle en agrippant sa baguette.

Dés gentils: