La fin du mois d’aout approchait. Pour beaucoup ça signifiait la fin des vacances. Il fallait dire au revoir à la liberté donnée par les mois d’été, oublier les après-midis passés à ne rien faire au bord du lac de Ullswater et tirer un trait sur les journées insouciantes passées entre amis et les fêtes qui se déroulaient jusqu’au petit matin. Une fois que le Poudlard Express prendrait sa place sur le quai 9 ¾ l’été toucherait officiellement à sa fin. Mais tout ça n’avait jamais vraiment posé de problème à Erin. Elle ne faisait pas partie de ces jeunes qui se lamentaient à l’idée de voir le mois de septembre arriver ou qui se plaisait à s’imaginer en vacances éternellement. Tout ça ne lui ressemblait pas. La française pouvait dire sans rougir qu’elle avait parfaitement sa place dans la maison des érudits : les études, elle adorait ça. C’était qu’elle était curieuse, alors apprendre de nouvelles choses lui avait toujours plu, mais maintenant qu’elle était en plein milieu d’études supérieures, c’était encore mieux. En droit magique elle avait de quoi satisfaire sa soif de connaissance alors elle n’avait aucune raison de redouter la rentrée scolaire. Enfin, du moins c’était le cas jusqu’à récemment. Parce que maintenant Erin ne pouvait prétendre le contraire, l’idée que la rentrée approchait l’emplissait d’une appréhension qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Le pire, c’était que ce sentiment l’étreignait pour deux raisons, comme si une seule n’était pas suffisante. Désormais elle avait un secret à conserver et si elle s’en était sortie sans trop se poser de question pendant les vacances, elle savait qu’une fois de retour à Poudlard, les choses seraient plus délicates. Il y aurait bien plus de personnes pour l’observer, ses amis, ses camarades de classe ou de dortoir. Plus de regards posés sur elle, ça voulait dire plus de risque que quelqu’un trouve son comportement suspect et rien que cette idée la rendait nerveuse. Mais ce qui était encore pire, c’était que la pleine lune aurait lieu de lendemain de la rentrée.

Comme si la Serdaigle n’avait pas assez de choses à gérer comme ça, il fallait en plus que la pleine lune s’invite à la rentrée. Apparemment, celle-ci ne serait pas sereine. De toute façon, Erin ne s’était fait aucune illusion à ce sujet, si elle avait profité avec soulagement des jours qui avaient suivis la pleine lune d’août, elle avait assez rapidement compris que cet état de grâce n’était que temporaire. C’était l’inconvénient à être aussi organisé qu’elle, elle ne perdait jamais la notion du temps. Alors, les jours, elle les avait vu défiler sans rien pouvoir y faire, peu à peu elle avait vu les semaines s’égrener et la rapprocher de la prochaine pleine lune. Sa tranquillité n’avait été que temporaire avant que l’angoisse de voir l’astre rond revenir ne la saisisse de nouveau. C’était ça qu’était sa vie désormais, un cercle vicieux dont elle ne pourrait jamais se défaire totalement. Elle savait qu’elle devait l’accepter, mais elle en était toujours incapable. De toute façon, elle n’avait pas le choix, mais ça ne l’aidait en rien de savoir ça. De toute façon, plus la pleine lune approchait et moins elle arrivait à faire la part des choses. C’était tout simplement peine perdue. La dernière semaine d’aout était déjà bien entamée, ce qui voulait dire que la pleine lune n’était plus que dans quelques jours. Et même si Erin n’avait pas tenu de calendrier, elle n’aurait pu louper cette information. Parce qu’elle pouvait le sentir au plus profond de son être, l’astre se faisait plus rond de jour en jour et elle le sentait. Avec un mélange de désespoir et de résignation, elle avait vu son sommeil devenir difficile, jusqu’à ce que finalement il ne finisse par la fuir. Ses émotions exacerbées semblaient la pousser dans ses retranchements. Elle se sentait sur les nerfs, un rien l’irritait alors qu’habituellement la française était un modèle de patience. Apparemment pardon, je ne le pensais pas était en bonne voie pour devenir la phrase préférée de la Serdaigle. Elle l’avait déjà répété plusieurs fois à Evan après l’avoir à moitié agressé verbalement alors que celui-ci n’avait fait que lui montrer son inquiétude. Elle savait que son frère comprenait mais elle redoutait qu’un jour ce ne soit plus le cas. Et si son propre frère pouvait en arriver là, alors il ne serait probablement pas le seul dans ce cas. Et ça, Erin avait bien trop peur que ça arrive.

Pour une fois, la française n’avait pas de solution. Pas de livre dans lequel se plonger, ou d’expert vers lequel se tourner. Elle avait bien tenté d’entrer en contact avec une meute de loup-garou mais le résultat n’avait pas été à la hauteur. Non seulement, elle avait dû faire face à un traumatisme encore bien trop récent, mais en plus le chef de meute ne lui avait pas été d’une grande aide. Alors en attendant, elle faisait ce qui était le mieux pour elle et pour les autres : elle se cachait. C’était une solution lâche qui ne résoudrait jamais rien mais elle ne voyait pas quoi faire de mieux pour le moment. Se sentir si mal ne lui ressemblait pas et ça ne manquerait pas de provoquer des questions et suspicions, or elle n’avait aucune envie de sauter à la gorge de ses amis sans raisons apparente. Eviter de voir du monde restait donc la solution la plus évidente, même si finalement cet isolement forcé la faisait aussi souffrir. Le seul qu’elle ne pouvait -et ne voulait- éviter totalement, en dehors de son frère avec qui elle partageait un appartement pendant les vacances, c’était Balthazar. Sauf que les effets de la lune ne s’estompaient pas face à lui alors pour éviter de se montrer infecte avec celui qu’elle aimait elle avait dû espacer les moments où ils se voyaient. En guise de double sécurité, elle évitait également de voir trop de monde pendant les jours qui précédaient la pleine lune, ainsi avant de voir son petit ami, elle n’était pas déjà irritée par les gens qui avaient croisé sa route. Cependant, aujourd’hui, Erin n’avait pas pu échapper à une sortie, ce qui jetait instantanément à l’eau son plan de voir le moins de monde possible quand ses nerfs étaient à fleur de peau.

Des livres l’attendaient à Fleury et Botts. Fidèle à elle-même, la Serdaigle s’était occupée de ses achats pour l’université dès qu’elle s’était sentie mieux. Sa vie avait beau avoir été foutue en l’air par une morsure, ses manies étaient toujours là et son besoin de tout contrôler aussi. Comme toujours, tout devait être prêt bien avant la rentrée alors elle avait fait ses achats au plus tôt pour ne plus avoir à s’en soucier ensuite. Mais c’était sans compter sur les stocks de la librairie magique et les ouvrages pointus demandés par ses professeurs. A quelques jours à peine de la rentrée, il manquait deux livres importants à Erin et ce simple détail qui l’aurait déjà passablement exaspéré en temps normal, l’irritait complètement. Ce n’était pas grand-chose, mais elle ne pouvait s’en empêcher. Merci la pleine lune. Heureusement -ou pas- elle avait reçu le matin même un hibou de la librairie lui indiquant que ses ouvrages étaient disponibles et qu’elle pouvait venir les récupérer dès qu’elle le voulait. L’idée de s’exploser aux regards lui déplaisait fortement mais Evan avait refusé d’y aller à sa place, leur prise de bec du matin même n’y était sûrement pas étrangère, alors elle avait dû se résigner. Voilà comment, quelques heures plus tard, Erin se retrouvait au beau milieu de Fleury et Botts à tenter par tous les moyens d’éviter au maximum les interactions sociales. Mais apparemment elle s’en sortait vraiment mal. Au début elle avait cru qu’elle se faisait des idées, que c’était son esprit qui lui jouait des tours et qu’elle était en train de virer parano. Puisqu’elle ne voulait voir personne, bien sûr qu’elle allait tomber sur quelqu’un de sa connaissance. Mais non ce n’était pas juste elle qui se faisait des idées, c’était bien un regard insistant qu’elle sentait sur elle alors qu’elle feuilletait le premier livre qu’elle avait trouvé en attendant que le libraire revienne avec sa commande.

Il lui avait suffi de relever la tête pour se retrouver presque face à un de ses camarades de maison. Aidan. Ils se connaissaient un peu, être dans la même maison et faire les mêmes études ça aidait, même s’ils n’étaient pas de la même année. Et puis, le Serdaigle sortait avec sa cousine Elise depuis quelques mois maintenant alors Erin n’avait pas pu le louper. Elle l’appréciait mais elle devait avouer qu’elle ne le connaissait pas plus que ça. Et que la manière qu’il avait de la fixer n’était pas vraiment pour la mettre à l’aise. « Salut Erin, tu vas bien ? Je cherchais euuuuh... » La française s’efforça d’afficher un sourire avenant sur ses lèvres. Ce n’était pas un exercice facile dans son état, mais peut-être que si elle se répétait que tout irait bien, alors tout irait bien. Après tout, Aidan lui avait toujours paru comme sympathique, il n’y avait pas de raison que cette rencontre fortuite se passe mal et elle ne voulait pas rester éternellement l’esclave de ses émotions exacerbées. « Oh, salut… » Se contenta-t-elle de souffler une fois la surprise passée. Elle oublia volontairement que le sorcier s’était enquis de sa santé, elle accumulait bien trop les mensonges à son goût en ce moment alors elle voulait éviter d’en ajouter un de plus à sa liste. En consultant ce qui était sûrement une liste, le Serdaigle lui avait fourni l’excuse parfaite pour ne pas répondre. « "Les grands procès du Magenmagot au XXe siècle", tu ne l'aurais pas vu par hasard ? » C’était une perche presque salutaire qu’Aidan lui tendait là, pourtant une petite voix dans la tête d’Erin lui soufflait qu’il la prenait pour une libraire. Elle repoussa ces pensées désagréable, inutile de voir le mal partout, et encore plus de mettre mal à l’aise son camarade. Lui répondre ça aurait été injuste et Aidan ne le méritait pas. En fait, ça ne ressemblait pas à la blonde de réagir ainsi, du moins avant la morsure. Car maintenant les choses étaient différentes. Elle réussit à repousser cette voix cruelle dans sa tête et désigna le rayonnage sur leur gauche. « Euh, je crois que c’est dans ce rayons, là. Un vendeur devrait pouvoir t’aider si tu as besoin. » Voilà qui était bien mieux. L’allusion au vendeur avait clairement pour but de tenter d’éloigner Aidan c’est beau l’espoir mais au moins elle ne donnait pas l’impression de lui sauter à la gorge.

Pour le coup, ça lui semblait pas mal pour diriger Aidan vers une tierce personne sans passer pour une grosse impolie. Ce n’était pas qu’elle n’aimait pas le Serdaigle, mais aujourd’hui c’était elle qui n’était pas vraiment de très bonne compagnie et elle n’avait pas envie que son impulsivité temporaire lui coûte une amitié. Tant qu’elle ne saurait pas comment mieux contrôler la tempête qui se passait sous son crâne à l’approche de la pleine lune, elle jugeait plus prudent de ne pas trop se mêler aux autres. A Poudlard ce serait bien sûr mission impossible, et cette idée la stressait d’avance, mais là elle en avait l’occasion alors elle comptait bien s’en saisir. Mais Aidan avait un tout autre plan en tête. « J'ai une idée, ça te dirait d'aller boire un verre ? Qu'on se raconte nos étés avant de retourner dans la routine des cours ? Allez je te l'offre même ce verre ! » Erin ouvrit de grands yeux surprit. Alors ça, elle ne s’y était pas attendue, et encore moins avec un tel enthousiasme. Son sourire se fit un peu plus crispé mais elle se força à le conserver. Mince, comment dire non à Aidan maintenant ? Voilà qui ne l’arrangeait absolument pas. Vite, il lui fallait une excuse et d’ailleurs elle en avait une. « Oh, tu sais j’attends encore le libraire avec ma commande et puis… » Commença-t-elle en jetant des coups d’œil un peu partout autour d’eux comme pour chercher le fameux libraire du regard. En réalité elle espérait bien qu’il allait prendre tout son temps pour revenir avec ses livres. Ainsi elle aurait l’excuse parfaite. Bon, sauf si Aidan se décidait soudainement à attendre avec elle. La française se sentait coincée et elle n’aimait pas trop ça. Bien sûr, ce fut pile ce moment que choisi le libraire pour revenir avec ses livres dans les mains. La repérant, il lui adressa un signe pour l’inviter à se rendre au comptoir pour régler sa note, elle hocha la tête dans un geste un peu raide. Son excuse venait de s’évaporer. « Bon, d’accord. » Capitula-t-elle alors que le Serdaigle prenait déjà la direction de la caisse.

Bien trop rapidement au goût d’Erin, qui avait l’impression d’assister à la scène sans rien pouvoir faire, ils se retrouvèrent à la sortie de Fleury et Botts, chacun avec un sac contenant leurs achats du jour. La française n’eut pas le temps d’inventer d’autres excuse, déjà Aidan l’entrainait à sa suite jusqu’au Chaudron Baveur. C’était qu’il était motivé le Serdaigle, il n’avait donc pas prévu de passer un peu de temps avec Elise plutôt que de trainer avec la préfète de sa maison ? Il fallait croire que non. Quelques minutes plus tard, les deux étudiants s’attablaient dans le bar, Erin se laissa entrainer vers un coin peu peuplé de l’endroit. Tant qu’à faire, elle préférait ne pas avoir à être entourée de trop de monde, surtout qu’elle savait que certains clients des lieux pouvaient se montrer particulièrement lourds. Elle prit place face à Aidan et lui adressa un sourire qu’elle espérait naturel. « Alors, qu’a donné ton été ? » Demanda-t-elle après quelques instants de silence. C’était bien de ça qu’il souhaitait parler non ? Leurs étés, leurs projets, leurs amis, des choses innocentes qui ne causeraient pas de problèmes lol. Erin pouvait s’en sortir avec une conversation innocente, même si elle avait envie de se trouver partout sauf ici. « Tu as fait des trucs sympas avec Elise ? » Reprit-elle un peu distraite par l’arrivée d’un serveur au visage lugubre. Elle demanda un jus de fruit, se doutant que l’alcool même celui peu fort d’une bièraubeurre n’était pas une bonne idée, et tourna ses prunelles bleutées vers Aidan pour lui demander ce qu’il souhaitait.

En temps normal, Erin était la sociabilité même. Souriante et avenante, elle n’avait aucun mal à aller vers les autres. En fait, elle adorait ça. Elle aimait se mêler à ses camarades, découvrir de nouvelles personnes, vivre des expériences avec ses proches, être là pour les autres, c’était ainsi qu’elle s’épanouissait. Pas seulement pour elle, mais aussi pour ceux qui l’entouraient. Erin était cette bonne amie toujours partante pour discuter au coin du feu, prête à passer des heures à réviser à la bibliothèque mais aussi à aller danser jusqu’au bout de la nuit dans une de ces fêtes clandestines que les étudiants de Poudlard savaient si bien organiser au nez et à la barbe des professeurs de l’école. La française n’aimait pas cette étiquette mais les faits étaient là : elle était plutôt populaire, et cette réputation, elle ne l’avait pas volée. Il fallait dire qu’elle était solaire, toujours le rire aux lèvres et un mot sympathique pour les autres. Elle aimait être entourée, tout simplement, et, la plupart du temps, les autres le lui rendaient bien. Mais ça, c’était en temps normal. Parce qu’en ce moment, plus rien n’était normal pour la Serdaigle. Elle avait beau faire de son mieux, elle voyait la normalité lui filer entre les doigts sans qu’elle ne puisse rien faire pour la retenir. Avec désespoir, elle sentait ses émotions s’exacerber au fil des jours, du soulagement qui avait suivi la fin de la pleine lune, elle était passé à la frustration de sentir la prochaine approcher à grands pas. Elle avait à peine eu le temps de souffler, à peine eut le temps de se retrouver, que déjà elle plongeait dans un nouveau cauchemar. Et le pire, c’était qu’elle ne pouvait rien faire. Elle était condamnée à vivre cet enfer encore et encore. A sentir ses émotions lui échapper, ses réactions lui devenir étrangères et sa vie partir en lambeaux. La créature qui l’avait attaqué lors de ce fameux soir ne s’était pas contenté de lui laisser une cicatrice sur le corps, il avait marqué tout ce qu’elle était. Et elle ne pouvait rien, absolument rien faire.

Alors elle passait son temps à lutter. Contre cette pleine lune qui lui gâchait la vie et contre elle-même, qu’elle ne reconnaissait même plus. Elle s’empêchait de dire des horreurs à tous ceux qu’elle croisait, de cracher sa frustration à ses proches, de s’en prendre à ceux qui n’avaient rien demandé. Mais, par Merlin, c’était terriblement difficile. Bien plus difficile que ce à quoi elle s’était attendue. Le manque de sommeil mettait ses nerfs à rude épreuve et un rien l’irritait. Soudainement, la française était bien loin de celle qu’elle était habituellement et elle ne savait plus quoi faire. Alors elle s’isolait. Tant qu’elle le pouvait, c’était la meilleure solution qu’elle avait trouvée. Si elle était seule alors elle ne pouvait s’en prendre à personne et ainsi personne n’aurait de soupçons quant à son comportement erratique. C’était cependant une solution imparfaite, et surtout temporaire. Car une fois de retour à Poudlard, Erin savait qu’il lui serait impossible de s’isoler pendant si longtemps. Peut-être pourrait-elle gagner une heure ou deux de répit, prétendre avoir besoin d’être seule pour se concentrer sur ses révisions, mais ça ne pourrait pas durer. Au sein de l’école il y avait toujours du monde, elle était sans cesse entourée. Expliquer à ses amis que soudainement elle ne souhaitait plus voir personne quelques jours avant la pleine lune était impossible. Pour ses proches, ça n’aurait pas de sens alors ça trahirait son secret presque immédiatement, ce qui n’était pas une option envisageable à ses yeux. La française allait devoir trouver une solution, ou tout du moins un moyen de prendre sur elle et de ne plus se sentir si à fleur de peau lorsque la pleine lune approchait. Mais pour le moment, alors que ce n’était que sa seconde pleine lune qui approchait à grand pas, tout ce qu’elle ressentait, c’était du désespoir, et beaucoup de frustration.

Le pire, c’était qu’Erin ne voyait aucune amélioration. Pendant un moment, elle avait caressé l’espoir que sa sensibilité à l’astre rond s’estompe avec le temps. Après tout, elle n’avait pas été mordue par un loup garou complètement transformé, alors tout était possible. Mais les semaines avaient passées et alors que ses réactions à l’approche de la seconde pleine lune se faisaient aussi fortes que la première fois, elle avait dû renoncer à cette idée. Elle subissait de plein fouet les effets et c’était encore plus difficile à vivre que la première fois, parce que cette fois, elle savait parfaitement ce qui l’attendait. Et qu’elle ne pourrait pas y échapper. Ainsi, une simple virée à la librairie pour aller récupérer des ouvrages en commande devenait une véritable épreuve à ses yeux. Non seulement elle avait perdu du temps à cause des stocks mal gérés du magasins -ce qui habituellement ne l’aurait pas fait sourciller- mais en plus elle devait sortir se mêler aux autres, ce qu’elle aurait franchement préféré éviter, aussi bien pour elle que pour eux. Mais ce n’était pas le tout. Erin avait espéré ne croiser personne de sa connaissance, alors bien évidemment elle était tombée sur Aidan. Camarade de maison, élève de droit magique, petit ami de sa cousine Elise, faire comme si elle ne le connaissait pas n’avait pas été envisageable. Pour couronner le tout -puisqu’apparemment le destin était vraiment contre elle aujourd’hui- le Serdaigle semblait absolument ravi de la voir et l’entrainait boire un verre en sa compagnie. Erin était dépité, ce n’était pas qu’elle n’appréciait pas Aidan, c’était que le moment était terriblement mal choisi. Quelques jours plus tôt, elle aurait été ravie de passer un peu de temps à discuter avec lui, mais là elle avait surtout le sentiment que rien de bon ne pourrait ressortir de cette entrevue. Cependant, elle devait faire des efforts, elle le savait, s’habituer à être entourée pendant ces moments compliqués. Affronter une seule personne serait déjà un bon exercice pour le moment où elle serait entourée à Poudlard, mais la volonté n’y était pas. Pourtant, à court d’excuse, elle suivi le Serdaigle jusqu’au Chaudron Baveur, priant intérieurement pour que tout se passe au mieux. Et que ça passe le plus vite possible.

Une fois assis, Erin prit le parti de lancer la conversation en première. Peut-être que ces instants seraient plus faciles à vivre si c’était elle qui menait la danse. Pour le moment, l’été d’Aidan ne l’intéressait pas vraiment, mais elle préférait ça à ce qu’il s’intéresse à elle. Et puis, il était le copain de sa cousine, elle ne pouvait décemment pas se montrer désagréable avec lui sous peine de voir Elise lui tomber dessus coucou Elise. La française n’avait aucune envie de voir sa nouvelle condition gâcher ses amitiés en plus de lui gâcher la vie. L’air perdu du Serdaigle lui montra qu’il ne s’attendait pas à ce qu’elle l’interroge. Bah quoi alors ? Il s’attendait à ce qu’elle reste plantée là en silence ? Non, elle ne devait pas penser comme ça. Elle ravala ces pensées désagréables avant de commettre l’erreur de les prononcer. « Elise ? Oui bien sûr, on a tenté l'expérience d'un escape game... » La blonde hocha la tête patiemment, s’efforçant de se rappeler ce que c’était qu’avoir une conversation normale avec une personne normale ah lol. Intérieurement, elle cherchait une échappatoire, mais elle savait que pour le moment elle était piégée. Elle avait accepté de suivre Aidan, elle allait devoir rester au moins un peu avant de pouvoir trouver une bonne excuse pour partir. « J’avoue que je ne connais que de nom. » Lança-t-elle d’une voix qu’elle tenta de maintenir égale. Ca au moins ce n’était pas un mensonge. Balthazar avait déjà mentionné les escapes game mais sans rentrer dans les détails. Peut-être pourraient-ils parler de ça ? Erin préférait largement l’idée d’écouter un exposé complet sur les escapes game à celle de voir Aidan lui retourner sa question. Ca aurait été parfait, et bien sûr, ça n’arriva pas. « Et toi ? » Erin pinça les lèvres, cherchant une manière de détourner le sujet, ou de répondre sans trop en dire. Elle leva les yeux de sa carte, à la recherche d’un serveur. « Moi ? Hum... » Marmonna-t-elle dans l’idée futile de gagner un peu de temps. Elle finit par trouver un serveur dans un coin, l’air complètement blasé. Pourquoi est-ce qu’il ne se bougeait pas ? Elle résista difficilement à l’envie de lui faire un signe pour le faire venir plus vite.

« Oh tiens ! Je n'avais jamais vu cette boisson sur la carte, ça a l'air sympa, Elixir du loup-garou ! » Erin sentit ses mains se contracter brusquement sur sa carte en entendant les derniers mots d’Aidan, manquant de la froisser. Merde. Pourquoi fallait-il qu’elle réagisse au quart de tour ? Elle ne pouvait donc pas se comporter de manière normale ? Pour tenter de camoufler sa réaction disproportionnée, elle plongea derrière sa carte, faisant mine de chercher la fameuse boisson. « Hum, pardon… » Marmonna-t-elle rapidement comme si elle avait eu une simple quinte de toux. Mince, mince, mince. Pourquoi est-ce qu’il avait fallu qu’Aidan choisisse pile cette boisson ? D’ailleurs, était-ce vraiment innocent ? Les doutes assaillirent la française. Non, ça devait-être un hasard. Un désagréable hasard, voilà tout. Il n’y avait aucune raison qu’il soit au courant de quoi que ce soit. C’était juste mal tombé. Peut-être que si elle se le répétait assez elle le croirait, elle aussi. « Ca… Ca ne me dit pas vraiment. » Lança-t-elle lorsqu’elle jugea que les battements de son cœur avaient assez ralentis et qu’elle ne pouvait plus faire semblant d’être fascinée par le choix des boissons. Quand le serveur arriva enfin -terriblement en retard cet incompétent, il ne pouvait pas débarquer deux minutes plus tôt ?- elle se rabattit sur un jus de fruit tandis qu’Aidan prenait une bièraubeurre. Leurs verres arrivèrent assez rapidement grâce à la magie -ce serveur ne sert à rien- et Erin en prit une gorgée plus pour se redonner une contenance que par réelle envie. « Et donc du coup, ton été ? Tu as voyagé ? Des soirées sympas entre amis ? » Bon, cette question, elle s’y attendait, mais ça ne rendait pas la réponse plus facile. Pourquoi fallait-il que le Serdaigle se soit soudainement pris d’envie d’être sympa avec elle ? Il ne pouvait donc pas se contenter de la saluer à Fleury & Bott avant de reprendre son chemin ?

La française profita d’avoir sa boisson dans les mains pour prendre une nouvelle gorgée et réfléchir à la meilleure manière d’aborder les choses. Elle ne pouvait pas dire la vérité, c’était hors de question. Mais mentir n’était pas non plus la meilleure des options. Balthazar savait qu’elle avait été malade et alitée plusieurs semaines, peut-être l’avait-il mentionné à ses amis, elle ne pouvait donc pas contredire cette version des faits -qui contenait d’ailleurs une part de vérité. Pour le moment seul Aidan lui posait la question, mais Erin savait que ses amis voudraient savoir pourquoi ils ne l’avaient pas vu de l’été, elle devait dire la même chose à tout le monde afin de ne pas se piéger. Tout était déjà assez compliqué comme ça. « Oh, j'ai eu quelques soucis de santé pendant l'été alors je n'ai pas pu faire grande chose. Les voyages et soirées, ça a été sans moi cette fois. » Répondit-elle après un instant de réflexion. Une demi-vérité, voilà qui devrait faire l’affaire. Ainsi, si le slave venait à parler avec Taz -ce qui n’avait rien d’impossible vu qu’ils faisaient les mêmes études- il n’obtiendrait pas une réponse différente. « Mais ça va mieux maintenant ! Ce n’était rien de grave, tout va bien. » Affirma-t-elle rapidement pour essayer d’éviter de nouvelles questions gênantes. Ca par contre c’était un sacré mensonge, mais Aidan n’avait pas besoin de le savoir. Elle hocha la tête et tenta un sourire assuré tandis que ses prunelles balayaient la salle. Par Merlin, ça ne faisait même pas trois minutes qu’ils étaient là, combien de temps encore allait-elle réussir à maintenir un minimum les illusions ? Erin s’appliqua à ravaler sa frustration pour se concentrer sur le bleu. « Rien de très intéressant, je suis sûre que tu as plus de choses à raconter. » Reprit-elle pour l’encourager à reprendre la discussion le concernant. Franchement, il valait mieux qu’il lui raconte en long, en large et en travers son escape game. Voilà, c’était bien ça.

Plus les minutes passaient et plus Erin se disait qu'aller boire un verre avec Aidan ressemblait à un traquenard. Et qu'elle avait plongé droit dedans. Elle avait été incapable de dire non, comme une idiote. Pourtant de base rien ne laissait présager une telle chose. La Serdaigle connaissait un peu son camarade russe, certes elle ne pouvait pas vraiment dire qu'ils étaient de grands amis, ça aurait été exagérer un peu la réalité. Mais ils faisaient les mêmes études et devaient donc se côtoyer de temps en temps, notamment pour parler des cours et comme ils étaient dans la même maison, il leur arrivait de discuter de choses et d'autres. Bien sûr, elle devait aussi prendre en compte qu'Aidan était le petit ami de sa cousine Elise, ce qui, par définition, voulait dire que c'était une personne bien. Elle avait confiance en le jugement de la de Lestang et absolument aucune raison de le remettre en cause. Et puis la Delacour était sociable, il était rare qu’elle n’apprécie pas quelqu’un. En soit, Erin n'avait donc aucune raison de se méfier de son camarade ou de se dire qu'elle allait passer un mauvais moment en sa compagnie. A la limite se retrouver à boire un verre avec lui aurait peut-être été un peu gênant les premières minutes étant donné qu’ils n’étaient pas habitués à passer du temps seuls, mais ça n’allait pas plus loin que ça. Mais il y avait quelque chose, une impression dont elle ne parvenait pas à se défaire, qui lui disait de rester sur ses gardes. En temps normal ce genre de pressentiment ne lui arrivait jamais, mais depuis juillet dernier, plus rien n'était normal dans sa vie alors elle devait faire avec. Sauf que cette fois elle n'avait pas vraiment eu le choix, elle n'avait eu aucune envie de suivre Aidan jusqu'au Chaudron Baveur mais il avait réussi à la prendre au dépourvu avec son enthousiasme exagéré et elle n'avait pas réussi à protester. Elle avait eu l'impression que son avis n'aurait de toute manière pas compté, qu'elle en ait eu envie ou pas, l'aiglon l'aurait entrainé à sa suite à grands renfort d’arguments qu’elle n’aurait pu démonter sans se montrer affreusement malpolie. Exactement ce qu’elle voulait éviter si elle souhaitait conserver son secret.

Désormais assise en face d’Aidan dans le bar, la française commençait déjà à s'en mordre les doigts. Elle se sentait sur les nerfs, non seulement la pleine lune approchait mais en plus la rentrée était également toute proche, ce qui ne l’aidait pas à garder ses émotions sous contrôle. Elle s’était déjà pris le nez plusieurs fois avec Evan dans la semaine et elle n’avait pas envie d’en faire de même avec ses camarades d’université. Surtout que ceux-ci se montreraient peut-être moins compréhensifs et prompts au pardon que son petit frère. Le pire, c’était qu’en cet instant, le russe était loin de l’aider. En plus de l’observer avec beaucoup trop d’attention au goût d’Erin, voilà qu’il pointait du doigt une potion qui s’intitulait l’elixir du loup garou. Non mais qui appelait une boisson comme ça ?! Par Merlin, prise par surprise et bouffée par un vif élan d’anxiété Erin avait manqué d’en faire une syncope. Ses nerfs l’avaient trahi un instant et elle s’était retrouvée à agripper sa carte comme si c’était sa seule chance de survie. Il ne lui était plus restée qu’à plonger derrière le morceau de plastique défraichis en croisant les doigts pour qu’Aidan n’ait pas trouvé sa réaction trop étrange. Criblée de doutes, elle s’efforça de retrouver son calme. Pourquoi fallait-il que le contrôle de ses émotions lui échappe autant ? « Ça a l'air fort... Un peu tôt pour ce genre de boisson, une bièraubeurre du coup ! » Peut-être que le russe n’avait rien remarqué, finalement. Pourtant, le sourire qu’il arborait n’augurait rien de bon, il avait l’air du chat qui venait de manger la souris. A moins qu’elle ne soit en train de se faire des idées. Était-elle en train de virer parano ? C’était bien possible vu comment elle se sentait sur les nerfs. Juste un point de plus à ajouter à la liste des galères auxquelles elle devait faire face depuis la morsure. Super.

Son verre à la main, Erin s’efforça de retrouver une contenance. Elle aurait préféré se trouver partout plutôt qu’ici -enfin, pour être plus précis elle aurait préféré se trouver chez elle plutôt qu’ici- mais elle n’avait pas vraiment eu le choix. Cette petite conversation ne pouvait être évitée alors elle devait faire des efforts pour tenter de se montrer la plus naturelle possible, même si elle sentait déjà que c’était un échec cuisant. Par sagesse, elle choisit de ne pas mentir à Aidan quand celui-ci l’interrogea sur son été. A Poudlard les rumeurs allaient vite et elle ne doutait pas que son absence pendant les mois estivaux serait discutée à un moment ou à un autre, ne serait-ce parce que ses amis allaient vouloir savoir ce qui lui était arrivé. Elle devait donc se montrer prudente dans ce qu’elle répondait. Ainsi mentir n’était pas la bonne solution, puisque Balthazar savait qu’elle avait été malade, ce fut donc ce qu’elle répondit au Serdaigle. Une seule version de l’histoire, et même pas un mensonge, juste une petite distorsion de la réalité. Peut-être qu’ainsi elle allait cesser de se rendre malade à l’idée de mentir à tout le monde. Peut-être. « Vraiment ? » Les doigts d’Erin se crispèrent sur son verre. Comment ça vraiment ? Il ne la croyait pas ? Mais quel culot. La française fronça les sourcils, à la fois surprise et agacée par sa question. Il la remettait en cause et c’était particulièrement désagréable, surtout que c’était à raison et que ça la forçait à s’enfoncer dans ses mensonges. « Bien sûr, si je te le dis. » Répondit-elle en tentant d’adopter un ton détendu, comme si elle ne comprenait pas d’où venait cet interrogatoire. La Serdaigle aurait bien ajouté qu'elle n'avait aucune raison de lui mentir mais la vérité c'était que si, elle avait plein de raisons de ne pas tout lui dire. Elle préféra cependant garder le silence, jaugeant que le moins elle en disait, le mieux elle se porterait. Elle accumulait assez les mensonges comme ça.

Il était grand temps d’arrêter de parler d’elle. Son été n’avait rien eu d’intéressant, elle l’avait passé alitée, écrasée par la fièvre, pas la peine de revenir davantage là-dessus. Il n’y avait rien de plus à dire, voilà tout. En plus, Aidan avait l’air de se crisper, ce qui ne voulait rien dire de bon, surtout alors qu’elle était déjà à fleur de peau. Craignant que le slave n’insiste encore, Erin le poussa à parler de son propre été à la place. Il avait mentionné un escape game avec Elise, qu’il lui parle donc de ça, ça avait l’air bien plus sage comme sujet que l’état de santé de la française. Du moins c’était ce qu’elle croyait. « Baaaah si on exclut le fait qu'avec Elise on s'est fait attaquer par des types qui était en fait des loups-garous dans notre jeu, j'ai rien fait de spécial. Vraiment des crétins... Dire que j'essaie de faire comprendre à ta cousine qu'ils ne sont pas si horribles que ça ! » La surprise fit l’effet d’un coup de poing à Erin. Des loups garous. Et il lui sortait ça comme ça, le plus naturellement du monde. Elle le regarda avec de grands yeux, un brin affolée. Comment pouvait-il se montrer si calme après lui avoir lâché une bombe pareille ? Ah non, non, non, ça n’allait pas du tout ça. « Quoi ? » Souffla-t-elle sans pouvoir s’en empêcher. Pour la maitrise de soi c’était loupé, complètement loupé. « Vous n’avez rien eu ? Elise va bien ? » Est-ce qu’elle avait vu sa cousine entre temps ? Sûrement qu’Aidan l’aurait mentionné plus tôt si elle n’allait pas bien. Il n’aurait pas été aussi jovial, même si sa joie de vivre sonnait faux. Lui avait l’air d’aller bien en tout cas. Pour le coup, qu’Aidan cherche à montrer à Elise que les loups garous n’étaient pas si horribles passa complètement à la trappe. Erin ne pouvait s’empêcher de faire le parallèle avec sa propre situation, trop obnubilée par la crainte que sa cousine vive la même chose qu’elle pour réfléchir à autre chose.

Comme s’il était insensible à son trouble, Aidan enchaina, ce qui ne manqua pas d’irriter Erin. « Tu as entendu parler de la soirée étudiante qui a mal tourné d'ailleurs ? » Nouveau froncements de sourcils de la part de la Serdaigle. Cette soirée, elle aurait amplement préféré l’oublier, tout comme la précédente. Si celle de juillet avait manqué de marquer la fin de son existence, celle d’août avait été dramatique dans un autre registre. Elle ne comprenait pas ce que cette question venait faire là. Aidan avait voulu qu’ils boivent un verre tranquillement et voilà qu’il l’interrogeait sur la nuit sanglante qu’avaient vécus les étudiants quelques semaines auparavant. Ce n’était pas exactement ce qu’Erin appelait une conversation détendue. En fait, ça la crispait plus qu’autre chose. « Tout le monde en a entendu parlé. » Rétorqua-t-elle plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu. Quelle question aussi. La presse en avait parlé pendant des jours et des jours sans épargner les moindres détails aux lecteurs. Impossible de passer à côté alors la question du slave n’avait pas de sens. « Balthazar y était, il m'a tout raconté. » Tenta-t-elle de reprendre avec plus de calme. Elle avait encore raté une occasion de se taire. Bravo Erin. Elle ignorait pourquoi elle avait parlé de Balthazar au lieu de la presse mais maintenant il était trop tard pour revenir sur ses paroles, son comportement était assez erratique comme ça, pas la peine d’en rajouter une couche. « En août, le Blood Circle s'est invité dans la forêt interdite. Pas de bol pour eux, c'était la pleine lune. Et forcément il y avait des loups-garous dans les parages... Ils ont aidé les sorciers ! Ça prouve bien que ce ne sont pas tous des monstres non ? » Erin tenta de soutenir le regard du Serdaigle mais c’était difficile. Quant à plonger dans son jeu de fruit pour gagner du temps, c’était inutile tant elle avait la gorge nouée. Pourquoi fallait-il qu’il parle autant de loups garous tout d’un coup ? Surtout pour souligner que ce n’étaient pas des monstres ? De toutes les conversations qu’ils avaient pu avoir par le passé, jamais il n’avait mentionné ce sujet et maintenant il n’arrêtait pas, agressant chaque fois un peu plus les nerfs de la française dont les doigts se crispaient un peu plus sur son verre. « Je ne sais pas, je ne m'intéresse pas autant aux loups garous que toi apparemment. » Non, elle ne s'intéressait pas au sujet des loups garous et elle ne voulait pas s'y intéresser. Le truc, c'était qu'elle n'avait pas le choix, c'était là toute la différence. Qu’Aidan s’amuse à défendre la cause des loups si ça l’amusait, elle, elle aurait préféré ne jamais avoir à en entendre parler.

« J'y étais à cette soirée. » D’accord, ça lui faisait une belle jambe. « Sous les ordres de Greyback. » Erin marqua un temps d’arrêt. Greyback. C’était le nom du sorcier, non, du loup garou, avec lequel elle s’était entretenu quelques semaines plus tôt dans ce bar plein de loups. Aidan s’épanchait sur les lycanthropes et maintenant ça. Il n’affirmait pas seulement connaitre Greyback mais être sous ses ordres. Ca ne pouvait pas être un hasard, Erin n’y croyait pas un seul instant. Dans sa tête les informations s’entrechoquaient, ça faisait sens, mais elle ne voulait pas l’entendre. « Qu'est-ce... Qu'est-ce que tu veux dire ? » Souffla-t-elle d’une voix blanche. Pourtant elle le savait, elle avait compris. Elle était loin d’être bête Erin, alors ce qu’Aidan tentait de lui dire n’était pas si difficile que ça à saisir. Mais à accepter c’était une tout autre histoire. Pourtant la révélation s’imposait doucement à elle, sans lui laisser le moindre choix. De seconde en seconde, elle lui coupait peu à peu le souffle. Aidan était un loup garou. Non. C’était impossible. Et pourtant… Cette idée fit manquer un battement à son cœur. La Serdaigle se sentit pâlir, désormais ce n’était plus l’irritation qui l’envahissait mais plutôt la peur. « Pourquoi tu me dis ça Aidan ? » Le cœur au bord des lèvres, elle le regarda avec de grands yeux terrifiés. Elle avait pénétré dans un bar plein de loups garous, discuté avec leur chef pendant de longues minutes, mais soudainement apprendre qu’Aidan était l’un d’entre eux était trop pour elle. Tout ce qu’elle avait fait, elle l’avait fait avec la peur au ventre, elle l’avait fait parce qu’elle n’avait pas eu le choix, qu’elle avait besoin de réponse. Mais là, face à Aidan, ses craintes ressortaient, plus fortes que jamais. C’était lui qui l’avait amené là, lui qui avait dirigé la discussion vers ce sujet. Elle se sentait piégée. « Je... Il faut que j'y aille. » Décréta-t-elle soudainement. Sans réfléchir un instant de plus, elle repoussa son verre encore à moitié plein, ses yeux cherchaient déjà la sortie la plus proche dans la ferme intention de s’échapper de là au plus vite.

Si Erin avait tenté de se raisonner en se disant que ce verre avec Aidan n’était qu’un moment à passer, elle savait désormais qu’elle avait eu tort. C’était un mauvais moment à passer. Et même certainement encore pire que ça. Peut-être que dans quelques heures, ou plutôt quelques jours, elle parviendrait à se dire qu’elle avait exagéré, que ce n’était qu’un verre avec un camarade de classe, qu’il n’y avait pas de quoi en faire toute une histoire. Mais pour le moment tout ce qu’elle voyait c’était qu’elle n’était pas du tout d’humeur sociable et qu’elle se retrouvait obligée de faire face à Aidan si elle ne voulait pas qu’il trouve son comportement suspect et qu’il se pose des questions à son sujet. Ce qui d’ailleurs était certainement le plus gros échec du siècle étant donné qu’elle avait le plus grand mal à se comporter de manière naturelle. Quelle idée aussi de parler sans cesse de loups garous, ce n’était pourtant pas un sujet de conversation si léger que ça. D’abord la boisson soulignée par le Serdaigle, au nom plus qu’équivoque, qui manquait de lui provoquer une syncope, et voilà que le récit de ses vacances, que Erin avait pourtant pensé innocentes, était peuplé de lycanthropes. Pour la conversation détendue, la Serdaigle pouvait repasser, à chaque mention de loup, elle se tendait un peu plus et n’avait qu’une envie : prendre la fuite au plus loin, le plus vite possible, et sans se retourner. Des loups elle en avait affronté assez ces derniers temps, elle en avait assez. Elle ne comprenait pas d’où venait ce sujet de conversation ni pourquoi Aidan ne cessait d’y revenir. La française aurait voulu qu’il change de sujet, elle aurait préféré entendre parler d’à peu près tout en dehors des loups garous, mais le sorcier semblait aveugle à ses signes. A chaque mot qu’il prononçait, elle se sentait un peu plus proche de dérapée. Elle l’avait senti que ce verre en sa compagnie avait été une très mauvaise idée.

Quand il lui parla d’Elise et des loups garous qui s’étaient invités à leur escape game, elle n’y tint plus. Elle ne comprenait pas comment il pouvait aborder un tel sujet avec autant de détachement. Par Merlin, il lui annonçait avec le plus grand des calmes qu’ils avaient été attaqués par des lycans. Que croyait-il ? Qu’elle allait balayer cette histoire de la main et passer à autre chose ? Lui il avait l’air d’aller bien, mais elle s’inquiéta aussitôt pour sa cousine. Elle ne supportait pas l’idée qu’Elise ait pu se retrouver aux prises avec des loups, pas alors qu’elle savait ce que ça faisait. « Oui ne t'en fais pas, elle va très bien. Quelques bleus, une belle frayeur, mais c'était juste des idiots qui n'avaient visiblement rien de mieux à faire. » Erin hocha la tête, un brin rassurée mais pas forcément plus calme. Il allait falloir qu’elle conserve la maitrise de ses émotions mais c’était terriblement dur, la pleine lune approchante mettait le bazar dans sa tête et Aidan était loin de l’aider. Au fond, elle aurait dû réfléchir avant d’interroger le slave. Si Elise n’allait pas bien elle l’aurait su, il ne lui aurait pas conté cette histoire de cette façon. Erin s’était montrée impulsive et maintenant elle le regrettait parce que ce comportement était loin de lui ressembler. « Ca me soulage, tu aurais dû commencer par là. » Souffla-t-elle à mi-voix en tentant un faible sourire destiné à camoufler combien sa réaction avait été disproportionnée. Elle aurait aimé être capable de lancer un rire léger pour montrer que finalement les révélations d’Aidan n’étaient pas si importantes que ça, pouvoir juste changer de sujet comme si de rien n’était, mais elle en était incapable. Sa gorge était trop serrée pour laisser sortir les mots et ses nerfs trop à fleur de peau pour jouer à un quelconque jeu.

Et ce fut de pire en pire. Erin ignorait ce qu’Aidan était en train de faire exactement, à quel jeu il semblait jouer avec elle, mais il ne lui laissa aucun répit. Voilà qu’après le récit des loups garous dans l’escape game, il enchaina à propos de la soirée étudiante qui avait dégénéré début aout. Le Serdaigle fit de son mieux pour réagir de manière à peu près naturelle, mais elle sentait bien qu’elle perdait patience et que ça s’entendait dans ses réponses. En temps normal, jamais elle n’aurait parlé aussi sèchement à son camarade. Tout ça ne lui ressemblait pas, mais plus la pleine lune approchait, moins elle avait le sentiment de se ressembler. Le couperet tomba finalement quand Aidan reprit la parole à mi-voix. Cette soirée, il y avait été présent. Mais pas juste parmi les étudiants qui se trouvaient là, pas parmi les sorciers qui avaient accourus pour aider. Il y avait été mais sous les ordres de Greyback. Il fallut quelques secondes à Erin pour faire le lien entre tout ce qu’il disait et tout ce qui était insinué et quand ce fut fait, elle eut l’impression de se prendre un coup en plein visage. Aidan était un loup garou. C’était ce qu’il était en train de lui révéler, là au milieu du Chaudron baveur, alors que la pleine lune était proche. Aussitôt, la peur afflua en elle, déferlant avec la force d’un raz de marée. Aidan était un loup garou, elle ne voyait plus que ça. Dans son esprit, cette pensée prenait toute la place, menaçant de l’étouffer complètement. Depuis l’attaque, elle s’était entretenue avec d’autres loups, mais ça avait été différent, le contexte n’avait pas été le même, c’était elle qui avait provoqué cette rencontre et même là, elle avait eu peur tout le long. Surtout qu'aucun d'entre eux n'avait vraiment pris soin d'agir de sorte à apaiser ses craintes.

Cette fois, Erin n’avait rien vu venir et elle se sentait mise au pied du mur. « Parce que je pense que je peux t'aider. » Elle entendit à peine ses mots, et en saisi encore moins le sens. Peu importe les intentions d'Aidan, elle ne voyait qu'une chose : il l'avait prise au piège. Erin avait beau avoir un esprit terre à terre, elle ne parvenait pas à faire la part des choses et à se raisonner, la peur avait pris le dessus. Son camarade était toujours là, mais les souvenirs s'imposaient à elle et avec eux venait la terreur. C'était un loup qui l'avait attaqué, qui l'avait changé à jamais, et Aidan en était un. Il n'y avait plus que l'appréhension qui comptait, et cette impérieuse envie de prendre la fuite au plus vite. Déjà la Serdaigle se reculait et ses prunelles cherchaient la sortie la plus proche. Elle devait sortir de là, ce n'était pas une envie mais un besoin. Erin avait senti que cette rencontre était une mauvaise idée, elle aurait dû écouter son instinct au lieu de tenter de camoufler son secret. « Non, attends Erin, laisse-moi au moins m'expliquer et si tu ne veux rien avoir à faire avec moi après, je te laisserais tranquille, c'est promis. » Les mains cramponnées à la table, la française suspendit son geste. Elle voulait fuir, tout son corps le lui criait, c'était comme un réflexe, et pourtant elle hésita. Elle observa longuement Aidan dont l'expression troublée laissait entrevoir que cet instant n'avait rien de facile pour lui. Sûrement était-il suspendu à ses réactions, tout comme c'était son cas à elle. Peut-être pas pour les mêmes raisons. « Comment tu l’as su ? » Souffla-t-elle à mi-voix, complètement figée. Pourquoi cette question plutôt qu’une autre, elle l’ignorait. C’était en cet instant la seule chose qui lui faisait un tant soit peu oublier la peur. Une autre peur, celle d’être découverte. Bien sûr, il était sous les ordres de Greyback, le chef de meute avait pu le lui dire. Mais et si ce n’était pas ça ? Et s’il l’avait compris d’une autre manière ? Si ça voulait dire que son secret pouvait être découvert aussi facilement. Cette pensée donna le vertige à la française.

« Nous sommes au beau milieu d'un bar bondé, il ne peut rien t'arriver ici, d'abord parce que ce serait stupide de ma part et ensuite parce que je ne suis pas comme ça. Je suis toujours le même Aidan. » Au prix de ce qui lui sembla un immense effort, Erin arracha ses prunelles de la porte pour les ramener sur Aidan. Comment arrivait-il à se sentir inchangé malgré sa nature de loup garou alors qu’elle-même parvenait à peine à se sentir encore humaine ? Ca lui semblait inimaginable. « S'il te plaît... » La Serdaigle prit une profonde inspiration pour se forcer à retrouver son calme. Elle devait se montrer raisonnable, faire preuve de réalisme, son esprit pratique en était capable. Une petite voix désagréable lui disait qu’un loup garou n’avait pas besoin d’un endroit parfaitement isolé pour s’attaquer à quelqu’un, elle en avait fait les frais déjà une fois, mais elle s’efforça de la faire taire. Aidan avait raison, s’il avait voulu lui faire du mal ce n’était pas ainsi qu’il s’y serait pris et il n’aurait certainement pas pris la peine de lui confier son secret avant. Sa peur n’avait pas de sens, une part de son esprit le savait, mais elle n’avait pas encore le dessus. Il était toujours le même, elle devait s’en rappeler. « Qu’est-ce que tu me veux, Aidan ? » Demanda-t-elle finalement après ce qui lui parut une éternité. Pourquoi est-ce qu’il l’avait amené là ? Que lui voulait-il exactement ? Erin ne comprenait pas à quoi rimait tout ce cirque, et surtout ce qu’il pouvait bien avoir en tête. Elle pinça les lèvres pour les empêcher de trembler et lâcha enfin le bord de la table pour y poser ses mains à plat. « M’aider ? Je ne vois pas ce que tu pourrais faire, il n’y a rien à faire… » Il était trop tard maintenant et de ce qu’elle savait son état était irréversible. Du peu qu’elle savait, rien n’allait aller en s’arrangeant, et ce serait certainement encore pire quand son secret finirait par s’étioler.

Peu à peu, l’abattement prit le dessus sur la crainte. Ca faisait des semaines que la morsure avait eu lieu et elle ne sentait aucune amélioration, il n’y avait pas d’espoir à chercher. Erin avait tout son possible, elle avait interrogé le médicomage qui l’avait soigné, fait des recherches, même rencontré une meute de loups garous malgré la peur qu’ils lui inspiraient… Et rien. Elle n’avait rien trouvé. Rien pour l’aider, la soulager. Rien du tout. Et maintenant Aidan débarquait et affirmait qu’il voulait l’aider. Juste comme ça, en une fraction de seconde ce ne fut plus de la peur, ni de l’abattement qu’elle ressentait. « Qu'est ce que tu crois ? Que tu vas faire des miracles, vu que tu es un expert en la matière ? Que je suis une espèce de bonne action à accomplir pour montrer que tu n’es pas comme le taré qui m’a attaqué ? » Les mots étaient sortis avant qu’elle ne puisse les retenir, d’une voix hargneuse qui ne lui ressemblait pas. Toute la crainte, la frustration et la fatigue condensés en quelques phrases. Pas dénuées de vérité, mais certainement pas formulées de la façon dont elle l’aurait fait en temps normal. Tout ce qu’elle taisait habituellement, qu’elle aurait enrobé de politesse, lâché là, de la manière la plus laide possible. Ses propres mots la frappèrent, lui faisant ouvrir de grands yeux et plaquer une main sur sa bouche, comme si ça pouvait l’empêcher de sortir de nouvelles horreurs. Par Merlin mais qu’avait-elle dit ? Elle n’avait pas voulu dire ça, elle n’avait pas voulu s’en prendre ainsi au slave. « Pardon... Je… Je voulais pas dire tout ça, je sais plus ce que je dis, je sais plus ce que je ressens. Excuse moi je... Merde. » Balbutia Erin d’une voix faible. Alors que l’influence de la lune se faisait chaque soir un peu plus forte, elle ne se reconnaissait plus. Ca ne lui ressemblait pas, elle n’était pas ainsi. Ce n’était pas elle, elle ne voulait pas être comme ça. Elle pressa ses paumes contre ses paupières, complètement dépassée. « Je contrôle plus rien, Aidan… Ca va me rendre folle. » A moins que ce ne soit déjà le cas.

Aidan avait joué avec elle. Comme un chat avec une souris, non plutôt comme un loup avec sa proie. Tout ça n'avait été qu'une mise en scène, il avait porté un costume, dès le début il l'avait manipulé pour arriver à ce résultat. A ce qui l'intéressait. Son enthousiasme de la voir dans la librairie, son envie soudaine d'aller boire un verre en sa compagnie, ça n'avait pas été un hasard. Pour ce que Erin en savait, il avait peut-être même provoqué leur rencontre. Jusqu'à quel point tout avait été calculé ? Cette question ne faisait que renforcer le malaise de la française, elle avait été prise au piège et elle n'avait rien vu venir. Encore moins de la part du Serdaigle. Elle n'avait jamais imaginé qu'il puisse se montrer si manipulateur, peut-être ne le connaissait-elle pas si bien que ça finalement. Parce que cette rencontre lui montrait une facette d'Aidan qu'elle n'avait jamais vu auparavant, et qu'elle n'avait pas pensé voir un jour. Sous des airs affables et des sourires il s'était joué d'elle, il l'avait provoqué avec toutes ses allusions aux loup garous. La boisson sur le menu, les loups dans l'escape game, la mention de la fête étudiante qui avait mal tournée... Rien n'avait été laissé au hasard. Il avait accumulé les piques, ne cessant de faire grandir l'angoisse et l'épouvante d'Erin. Sûrement s'en était-il rendu compte, mais ça ne l'avait pas arrêté pour autant. Du moins pas tant qu'il n'avait pas atteint son objectif. Ou pas tant qu'il ne l'avait pas confirmé. Parce que c'était bien ça dont il s'agissait, Erin le comprenait maintenant. Dès l'instant où il l'avait vu, il avait compris, alors ça n'avait pas été des réponses qu'il avait cherchées, mais une confirmation. La française trouvait ça encore pire, il savait mais il n'avait pas fait preuve de compassion pour autant, laissant sa camarade chaque seconde un peu plus désemparée.

La Serdaigle ne savait pas ce qui était le pire. Le secret d'Aidan, ou qu'il ait découvert le sien. Si dans sa tête tout se chamboulait, une idée fixe ne cessait de revenir. Son camarade était un loup garou. Elle se trouvait face à un loup garou, avec seulement une table pour les séparer. Un loup garou semblable à celui qui l'avait attaqué en juillet et dont elle porterait les marques de morsure à vie. Même si le slave avait raison, qu'il serait particulièrement stupide de s'en prendre à elle dans un bar rempli de sorcier, Erin ne parvenait pas à surmonter la crainte qui l'envahissait. Une part d'elle savait que les loup garous n'étaient pas les monstres que certains sorciers dépeignaient, mais en cet instant, faire preuve de logique lui semblait presque irréalisable, l'appréhension étouffait tout le reste. Même la voix de la raison. La seule peur plus forte encore que celle que provoquait en elle le secret d'Aidan, c'était de savoir qu'il avait percé son secret. Refoulant à grand peine son envie de s'enfuir, Erin interrogea son camarade à ce propos. Trop occupée par ses tourments intérieurs, elle ne fit pas grand cas de l'hésitation du sorcier, pour lui ce n'était peut-être pas la première question à poser, mais pour elle, elle avait toute son importance. Savoir que son secret pouvait être aussi facilement mis au jour lui était intolérable, elle avait besoin de savoir. « Greyback... il n'a pas donné ton nom, mais l'histoire a fait le tour de la meute. J'ai juste fait le lien quand je t'ai croisée parce que... je ne sais pas si tu sais mais les loups dégagent une certaine odeur, on se reconnaît entre nous et tu as un quelque chose de cette odeur. » La française ne put retenir une grimace. Savoir qu'elle était l'objet des ragots d'une meute de loup garous n'était déjà pas pour lui plaire. Erin détestait l'idée d'attirer l'attention de ces sorciers-là. Quant à cette histoire d'odeur, c'était aussi ce que Greyback lui avait dit quand elle s'était rendue dans son bar à la recherche de réponses, qu'il avait pu sentir qu'elle était différente. Elle n'avait pas remis en cause son explication, il avait eu l'air parfaitement sûr de lui, mais en avoir la confirmation par un second loup, un qu'elle connaissait vraiment, était encore autre chose. Surtout que ça voulait dire que désormais chaque loup garou qu'elle croiserait serait capable de reconnaitre son odeur. Non, pire encore était l'idée de savoir qu'ils seraient certainement intrigués face à cette odeur particulière. Erin se sentit pâlir à cette pensée. « Ravie de savoir que je suis reconnaissable. » Souffla-t-elle à mi-voix. Savoir qu'elle possédait désormais une odeur de loup, même légère, lui filait la nausée. Elle porterait à jamais l'odeur de son agresseur, au-delà des cicatrices et de l'emprise sur son esprit, il avait changé qui elle était.

Dans la tête de la Serdaigle, tout se chamboulait, les révélations d’Aidan, la crainte que ça provoquait en elle, l’affirmation qu’il voulait l’aider, son envie de fuir le plus loin possible… Les sentiments bataillaient sans qu’elle ne puisse rien faire pour les maitriser et l’espace d’un instant, ce fut la colère qui gagna. Contre toute attente, elle se sentit furieuse contre Aidan. Mais pour qui il se prenait au juste ? Il débarquait et la mettait au pied du mur. Il affirmait pouvoir l’aider, tout ça pour quoi ? Pour soulager sa conscience ? Soudainement, Erin trouvait ça risible. Sa vie foutue en l’air n’était pas un acte de charité, elle n’était pas là pour permettre au slave de pouvoir se regarder dans un miroir. Sans qu’elle ne parvienne à s’en empêcher, les mots sortirent, peut-être vrais, mais trop hargneux pour lui ressembler. Ce ne fut que quand ils moururent dans sa gorge qu’elle réalisa toutes les horreurs qu’elle venait de balancer à la figure du sorcier. Aussitôt elle se sentit horrifiée par ce comportement dans lequel elle ne se reconnaissait pas mais qu’elle ne parvenait pas à contrôler. Peu à peu, Erin avait le sentiment de perdre toute maitrise d’elle et cet éclat venait de le prouver. « Je pensais ce que je disais, je peux t'aider. Je ne prétends pas être un expert en la matière, mais je sais ce que tu vis. Et je sais exactement ce qui se passe en ce moment, je peux t'expliquer. » La gorge nouée, la française se força à prendre quelques instants pour se calmer et faire le tri dans ses émotions. Une tâche plus ardue que jamais avec tout ce qu’Aidan faisait remonter en elle. Ce ne fut que quand elle se sentit un peu plus en contrôle, qu’elle ôta ses mains de son visage pour les passer dans ses cheveux. Elle se contenta de hocher vaguement la tête aux paroles du sorcier, prenant sur elle s’empêcher de vérifier que personne ne les regardait. Elle avait déjà bien assez fait de vagues comme ça, attirer l’attention sur eux était la dernière chose qu’elle voulait.

La Serdaigle releva difficilement ses prunelles sur Aidan. Savait-il réellement ce qu’elle vivait ? Erin avait du mal à le croire. Tout comme les loups dans le bar, il avait l’air parfaitement maitre de lui, comme si l’approche de la pleine lune ne changeait rien. Alors que pour elle c’était un combat de tous les instants. C’était vraiment injuste. « Quant à cette histoire de bonne action, je mentirais en te disant que ce n'est pas vrai, et je pense que j'ai assez de mensonges à mon compteur comme ça. C'est vrai, on a mauvaise réputation, mais nous ne sommes pas tous des monstres. Peut-être que je veux t'aider pour le prouver, mais je pense surtout que tu n'as pas à affronter ça seule. Je ne suis pas du genre à fermer les yeux quand quelqu'un est en difficulté. » Un léger soupir s’échappa des lèvres de la blonde, au fond pourquoi il faisait ça n’avait pas grande importance, qu’il souhaite redorer l’image des loup garous ne changeait pas grand-chose. Son attaque avait été gratuite et démesurée. Certes, elle réprouvait la manière dont le bleu l’avait provoqué depuis le début de leur conversation, mais il ne méritait pas de se faire agresser pour autant. Un instant la culpabilité envahit la française. « Je ne voulais pas t'accuser de faire ça par pur intérêt. Parfois, je ne contrôle pas totalement ce que je dis. » Souffla-t-elle piteusement. Pour ça aussi elle pouvait remercier les effets de la pleine lune. Elle ne comptait plus les horreurs qu’elle avait balancé à son frère, et maintenant c’était Aidan qui en faisait les frais alors qu’il cherchait à lui tendre la main. Erin aurait certainement même dû lui être reconnaissante. Il avait l’air de la comprendre, il ne voulait pas la laisser seule, ces mots-là résonnaient en elle, c’était ce qu’elle avait envie d’entendre. Ce qu’elle avait besoin d’entendre. Mais ce n’était pas aussi simple. Parce qu’elle ne pouvait oublier ses craintes, ses doutes et son désarroi. Elle ne pouvait oublier que dans quelques nuits, il se changerait en loup, exactement comme celui qui s’en était pris à elle.

« La pleine lune est dans quelques jours et tes émotions sont exacerbées. Chez les loups, je pense que c'est le corps ou l'esprit qui se prépare à la transformation. Toi tu ne ne te transformes pas n'est-ce pas, mais visiblement tu subis quand même cet espèce de processus. Si tu apprends à gérer ça, il n'y a pas de raison que tu deviennes folle. » les lèvres d'Erin se tordirent en une moue désabusé. Son corps qui se préparait à une transformation qui ne viendrait pas, s'en était presque ironique. Pour un peu, elle en regretterait de ne pas se changer totalement en louve, au moins tout ça n'aurait pas été pour rien. Elle secoua la tête, elle ne pouvait pas se permettre de penser comme ça. Elle avait évité d'être changée en loup garou, elle devait en être soulagée pas amère. Les choses auraient été bien pire le cas échéant. Néanmoins en cet instant ce n'était pas si facile que ça de faire la part des choses. « Ce n'est pas l'impression que j'ai. » Elle avait presque l'impression d'être une gamine capricieuse en disant ça, mais elle se sentait déjà tellement mal, tellement fatiguée, qu'elle ignorait si elle allait réellement pouvoir tenir. L'idée qu'elle allait devoir subir ça tous les mois pour le reste de son existence lui était intolérable. Pourtant elle n'avait pas d'autre choix, aucune solution ne s'offrait à elle. Enfin, aucune solution pérenne. « Tu n'es pas obligée d'accepter mon aide, tu n'es même pas obligée de le faire maintenant, mais je te promets que tu as beaucoup à gagner dans cette histoire en le faisant et si ça peut aider à te convaincre, je te promets aussi que je ne te ferais jamais de mal. » Un instant, Erin observa son camarade en silence, soupesant ses mots avec soins. Son impulsion première en apprenant sa nature de loup avait été de prendre la fuite et maintenant qu'il lui proposait son aide, c'était tout aussi impulsivement qu'elle avait envie de refuser. Un loup garou avait foutu sa vie en l'air, elle n'avait aucune envie de mêler un de ses semblables à sa vie. Elle luttait déjà bien assez comme ça. Mais justement, Aidan était-il vraiment semblable à celui qui l'avait attaqué ? De ce qu'elle avait compris l'espèce de semi-transformation de son attaquant était une aberration condamnée par les autres loups. Dans la forêt, elle avait croisé un sorcier violent et cruel, des mots qu'elle savait ne pas correspondre à Aidan du moins pas à la part de lui qu'elle connaissait. Même si elle craignait sa part de loup, il lui était difficile de l’imaginer ainsi. « Tu penses vraiment pouvoir m’aider ? » Demanda-t-elle finalement en croisant son regard. Erin se mordit l’intérieur de la joue, luttant contre la part d’elle-même qui lui susurrait que cette idée était absolument ridicule. Qu'il ne pouvait rien pour elle, que de toute façon, personne ne pouvait rien pour elle.  

Erin récupéra le verre de jus de fruit qu’elle avait abandonné sur la table et en bu une gorgée. « Que je te fasse confiance ou pas n'est pas la question n'est-ce pas ? Dans tous les cas ça ne change rien, je n'ai pas vraiment de choix. » Soupira-t-elle. Enfin si, un choix qui en était pas un. C’était ça, accepter la main tendue d'Aidan, ou continuer d'affronter les effets de la pleine lune seule. Et elle voyait bien ce que ça donnait pour le moment. La Sersaigle avait eu beau se plonger dans les recherches, même aller interroger un groupe de loup garous, elle ne s'en sortait pas. Erin savait que ce n'était pas ce qu'il voulait entendre, son état ne la rendait pas totalement hermétique aux autres, elle pouvait le lire dans ses yeux. D'ailleurs, ce n'était pas ce qu'elle avait envie de lui dire non plus. La méfiance et la crainte n’avaient jamais fait partie de son tempérament, jusqu’à aujourd’hui. Aidan, Erin le connaissait depuis longtemps, c'était une personne bien, elle le savait, elle aurait dû pouvoir lui accorder sa confiance les yeux fermés, pourtant rien n'était aussi simple. « Je ne pense pas que tu sois un monstre Aidan, mais c'est... C'est pas aussi simple que ça. » Reprit-elle. Elle tentait de s’expliquer mais le résultat n’était pas fameux, là aussi elle avait du mal à faire le tri dans ses sentiments. Cependant, elle ne voulait pas qu’Aidan pense qu’elle le croyait capable de lui faire du mal. Mais elle ne pouvait pas non plus lui affirmer que pour autant, il serait simple pour elle d’accepter son aide. Elle avait besoin de plus de temps, mais au final le résultat était le même : il était sa seule option. « Si tu es sûr de toi, alors je suis prête à essayer. »