Fucking hell... Voici la première pensée qui traversa l’esprit d’Elwyn quand il entendit Anje quitter son atelier dans un craquement sonore. Partagé entre douleur et soulagement, le tumulte de ses émotions ambivalentes commençait tout juste à être réduit au silence par l’alcool et la drogue. Du Hell tout craché. Brûler la vie par les deux bouts. Une frustration ? Besoin d’oublier ? Envie de réconfort ? Il tombait dans ses vieux vices. Eux seuls qui pouvaient, maintenant que le Quidditch n’était plus une option, soulager un tant soit peu les vagues d’émotions intenses qui le submergeaient. La raison d’un tel chaos interne ? La réponse tenait en un mot et quatre petites lettres dont la seule mélodie lui arrachait le cœur : Anje. La belle italienne avait débarqué, furibonde, dans son atelier après avoir trouvé un magasine à scandale dans son garage dont ils faisaient la couverture. Enfin, pour être exact, Elwyn en était la cible principale, Zabini n’étant désignée que comme son « vif d’argent ». Les journalistes et leurs métaphores de merde… Il ne manquait plus que cela. Non seulement le même journal qui avait osé parler de sa blessure de façon abjecte avec les détails les plus personnels ne semblait pas avoir appris la leçon de leur précédent procès mais en plus ils mettaient Anje en lumière ? Si ça se savait elle risquait de passer un sale quart d’heure. Leur moment d’égarement charnel n’avait pas été que passionnel. Il y avait eu de la tendresse. Un comportement qu’il ne s’expliquait pas quand on savait à quel point il faisait tous les efforts du monde pour la détester. Elle et tout ce qu’elle représentait de son passé révolu et inatteignable a présent. De cette époque seuls les souvenirs, remords et regrets restaient. De cette nuit, quelques traces subtiles du passage de ses doigts sur son épiderme et les moments que son esprit pervers, en plus d’être très probablement sadique, rejouait encore et encore dès qu’il baissait sa garde.

Au craquement sonore annonçant son départ, Elwyn pencha la tête en avant dans un profond soupir las et presque désespéré comme si secrètement il avait espéré qu’elle ne reste. Il ne pouvait que la comprendre. Pourquoi prolonger sa présence à ses côtés ?! Celui qui lui avait menti, lui avait caché plusieurs vérités pour à présent vider son sac tout en continuant de la repousser car il refusait sa nouvelle réalité. On marchait sur la tête. Probablement car Elwyn n’avait plus complètement la sienne. Il se retrouvait donc là, dans cet atelier parfait miroir de l’état de ses émotions, sans dessus dessous. Le silence assourdissant que même ses pensées ne parvenaient pas à faire taire poussa l’ancien champion à revenir chercher la compagnie de sa bouteille de whisky. Il n’avait pas de temps à perdre en dégustation inutile, son seul et unique but était bel et bien d’anesthésier ses sentiments. S’il pouvait par la même occasion augmenter ses chances de tout oublier le lendemain matin ça serait la cerise sur le gâteau. Les chances étaient minces mais tout de même, si elle se trouvait quelque part au fond de cette bouteille, il s’en voudrait de la manquer. C’est ainsi qu’il finit le liquide avec un certain empressement. L’impact quasi immédiat de l’impressionnante quantité d’alcool ingurgitée l’obligea à s’accrocher à son établi, cherchant un point d’ancrage visuel. Un peu comme si de la sorte il pourrait plus facilement se libérer du tournis qui le prenait subitement.

Les secondes s’étiraient sans fin, peinant à se transformer en minutes. Tout semblait contre lui si bien qu’il attrapa d’une main rageuse le petit pochon de poudre noire magique avant de transplaner, tant qu’il le pouvait encore, chez lui. A peine ses pieds eurent-ils foule le parquet de sa petite maison de banlieue qu’il manqua de perdre complètement l’équilibre et finir sa soirée à même le sol. A la place, Elwyn parvint à se rendre jusque dans le salon et telle la larve qu’il était devenu, il sortit son téléphone moldu d’une de ses poches pour faire la seule chose logique : contacter Maxime. Un simple texto envoyé et voilà sa bouteille de détresse envoyée à la mer. Il connaissait sa meilleure amie, il savait qu’il pouvait compter sur elle pour le rejoindre dans pareille situation. Il faut dire que depuis son accident lui ayant coûté sa carrière, Hell avait un comportement inquiétant. Si jusque-là sa propension à prendre des risques était encadrée par la pratique d’un sport riche en adrénaline, et quelques bagarres ici et là, tout avait changé avec son accident. L’adrénaline junkie qu’il était avait mué. Devenu progressivement dépressif et suicidaire, il inquiétait tout son entourage par ses propos, son attitude, son caractère toujours plus sombre sans parler de ses longues disparitions. Si Elwyn restait le même jeune homme à la profonde tristesse enfouie en son sein, plein de rage et bouillonnant d’une énergie difficilement canalisable, il avait appris à appeler Maxime quand plus rien n’allait.

Affalé sur son canapé face à l’imposante baie vitrée qui donnait vue sur la city, Yuki, son Akita Inu était venu se lover contre lui. Alors qu’il caressait machinalement sa fourrure dense et légèrement dorée, Hell tentait de se faire violence pour ne surtout pas venir inspirer une nouvelle dose de poudre noire. Il attendait Maxime. Peut-être parviendrait-elle à le distraire suffisamment longtemps pour que l’envie de s’autodétruire ne lui passe complètement et qu’il puisse retrouver un semblant d’équilibre. Une tache herculéenne mais s’il y avait bien quelqu’un capable d’accomplir pareil exploit c’était la louve. En prévision de son arrivée, sachant qu’elle ne pourra transplaner que devant chez lui, sortilége de protection des lieux oblige, Hell avait préalablement déverrouillé la porte d’entrée laissée entrouverte. Ainsi, dès qu’il entendit le craquement sonore de quelqu’un transplaner, le sorcier ne bougea pas d’un iota mais à la place se contenta d’envoyer son patronus. Le lycaon bleuté trottina alors jusqu’à Maxime pour la guider dans le salon avant de disparaître en un nuage bleuté. Entre temps, Elwyn avait usé de sa baguette pour faire venir sur la table basse un seau à champagne rempli de bières bien fraîches. Déjà une en main, il observa Yuki saluer avec enthousiasme la jeune louve à grands coups de langue et petits couinements distinctifs. Quelque part, son chien devait sentir la nature canine de Maxime, créant ainsi ce sentiment affectif puissant. « J’ai fait une connerie… » Lâcha-t-il alors quand ses prunelles bleutés vinrent enfin capturer celles de son amie. « Une grosse connerie. » Ajouta-t-il en lui tendant une bière alors qu’il en était déjà à sa seconde gorgée.

Il arrivait parfois à Elwyn de regretter d’être né sorcier. Si cet univers qui s’était ouvert brutalement à lui avait apporté son lot de merveilleuses découvertes et moments de bonheur intense notamment grâce au Quidditch, il l’avait et continuait également de le faire souffrir. En ne naissant pas sorcier, ses parents ne se seraient peut-être pas séparés… Il aurait pu continuer de vivre à leurs côtés en Italie ou dans le prochain pays où son père aurait été envoyé. Il aurait fait des études barbantes pour probablement s’éloigner d’un foyer encore intact où il aurait pu toujours avoir sa place. Pas de Poudlard. Pas de Moïra. Pas de Diego. Pas de Maxime. Pas de Kayla. Pas non plus de Quidditch. Pas de frissons et moments d’exaltation intense. Pas d’équipe nationale et de coupe du monde. Pas de matchs en Italie. Pas de mission secrète avec le Ministère de la Magie. Pas d’infiltration. Pas d’Anjelica… Autant de souvenirs dont il serait privé, d’expériences qu’il n’aurait pas vécues. Peut-être occuperait-il un boulot bien rangé avec déjà une femme et un premier chiard en route. Si aujourd’hui rien que l’idée lui filait la nausée, sans une vie où il se découvrait une passion pour les sports extrêmes peut-être mènerait-il une existence morne, tout aussi déprimante que ce qu’était devenue sa vie actuelle. Peut-être même serait-il plus heureux qu’il ne l’était aujourd’hui. En même temps, pas bien compliqué de faire mieux… Oui, Hell était au fond du trou, les ailes coupées et le plus grand mal à se relever, les différents éléments de la vie semblant l’accabler toujours plus pour qu’il reste à terre.

Aujourd’hui avait été un coup de grâce, explosant largement la limite de ce qu’il était à même de supporter. Pour être exact, tout avait débuté il y a quelques jours avec cette putain de soirée mondaine où il avait fait l’erreur monumentale de se lancer dans un jeu de provocation dangereux avec Anjelica. Les deux convives avaient vite dérapé et maintenant la presse sorcière à scandales en parlait. On ne pouvait pas faire pire. Non seulement c’était LE journal qui avait osé parler de façon cruelle de son accident mais en plus cela mettait une cible à la fois sur son dos et celui de l’Italienne. Était-ce également bien inutile de préciser que maintenant les images délicieuses de leurs ébats hantaient son quotidien. Véritable torture à laquelle s’ajouta cette mauvaise nouvelle. Sans elle, il n’aurait pas découvert ce torchon infâme. Sans cet article à dégueuler, il ne lui aurait jamais avoué une vérité longtemps cachée. Un non-dit qu’il avait préféré garder pour lui, sa punition pour l’avoir trahie, lui avoir menti…

Le retour de bâton avait été instantané et d’une violence à laquelle Elwyn ne s’attendait pas. S’il savait que pareil aveu serait compliqué, il n’imaginait pas la réaction d’Anje si posée ou même être pris dans une telle tourmente. Partagé entre haine de tout ce que la belle représentait et attirance indéniable, l’ancien joueur ne pouvait que constater à quel point il était perdu. Son monde n’était pas suffisamment sans dessus-dessous pour qu’un douloureux rappel du passé sous les traits de l’Italienne ne vienne encore plus le perturber ? Sa seule solution avait donc été la fuite et appeler Maxime. Seule personne à même de lui maintenir la tête hors de l’eau quand il avait la sensation de couler. Son arrivée ne se fit tarder et il l’observa sans la moindre once de joie sur le visage. Cette dernière avait été remplacée par l’expression du tourment qui faisait rage en lui à l’instant présent. Pris entre deux eaux : haine et attirance. Rejet et attraction. Hell ne savait plus comment réagir, quoi faire ou encore comment mettre de l’ordre dans son esprit confus.

Neuf mois. Voilà la durée de sa relation avec Anjelica à l’époque. Neuf long mois ça n’était pas rien. Rien qu’un mois c’était déjà énorme pour Hell, grand habitué des relations purement charnelles et éphémères. Il faut dire qu’à Poudlard comme une fois qu’il eut intégré l’équipe nationale de Quidditch, les demoiselles ne s’intéressaient à lui que par le biais du sport volant. C’était la notoriété associée au fait d’être vu avec l’attrapeur qui les séduisaient plus que son caractère imbuvable. La seule qu’il avait connu sous ce prisme là et qui était restée c’était Maxime. La jeune femme devenue sa meilleure amie était donc la personne toute désignée pour se confier. Fait rare réservé à seulement une toute petite poignée d’individus triés sur le volet. Sans un mot il la regarda câliner Yuki qui l’accueillait avec joie avant de finalement s’exprimer. Face à ses propos, il n’esquissa pas l’ombre d’un sourire, bien trop tourmenté pour avoir la place pour pareille émotion. Hell finit sa seconde bière avant d’en reprendre une troisième qu’il entama.

« Tu te souviens d’Anjelica ? L’Italienne avec qui j’étais sorti à un moment ? » Demanda-t-il finalement dans un profond soupir, le regard perdu dans le vague. Question rhétorique. Elwyn savait que Maxime se souvenait d’elle. Bien qu’il ne se soit jamais trop étalé à son sujet à l’époque, notamment en raison des informations sensibles entourant la jeune femme ainsi que le contexte secret dans lequel leur relation avait débuté, Hell se doutait que sa meilleure amie avait compris l’attachement qu’il éprouvait envers la belle méditerranéenne. Neuf mois c’est pas rien. Il attendit à peine sa confirmation pour reprendre. « Y a quelques jours j’étais invité à une soirée mondaine. Elle y était aussi. Comme ça s’est pas super bien fini entre nous, y avait une certaine tension dans l’air. On a fini par coucher ensemble dans un des bureaux du manoir… » C’était très résumé dans l’ensemble mais c’était ça. Il leva sa main dans sa direction pour lui indiquer d’attendre avant de lui dire quoi que ce soit. Hell prit le temps de finir d’une traite sa bière comme pour se donner le courage d’enchainer. « Elle est venue tout à l’heure à la boutique en furie car elle est tombée sur ça. » Il extirpa de sa poche la une du journal à scandales les montrant tous deux, dangereusement proches, au gala avec un titre des plus racoleurs. « Pour ma défense on était en train de s’insulter en italien… C’est après que ça a dérapé. Et en privé. » Une précision anecdotique mais qu’il jugeait tout de même nécessaire. Il faut dire qu’à l’époque de Poudlard, Hell ne se gênait pas pour se livrer à certaines activités charnelles avec ses partenaires dans des lieux où le manque d’intimité frôlait parfois l’exhibitionnisme.

Quelle idée de merde ! Pourquoi avait-il fallu qu’il appelle Maxime quand noyer son désaroi dans l’alcool et la drogue était plus simple ?! Au moins avec ces substances, pas de questions, pas de remise en cause de ce qui s’était passé, pas d’explications et encore moins de réflexions à fournir. Avec alcool et drogue il pouvait se complaire dans une forme de léthargie enivrante où plus rien n’avait la moindre importance. Il pouvait prétendre pendant l’espace d’un instant que tout ceci n’était pas arrivé, il pouvait se construire une autre réalité afin de ne plus être tourmenté. La compagnie de Max ne permettait rien de tout cela. Non seulement car il avait fait la connerie monumentale de l’appeler, son état pouvait être inquiétant avec sa mine défaite et à puer l’alcool, le caractère bien trempé de la jeune louve la rendait incapable de la fermer sans parler de sa curiosité maladive parfois complètement déplacée. Elle avait beau être sa meilleure amie, il l’adorait sincèrement mais à l’instant présent il se mordait les doigts. Elwyn savait d’avance qu’elle n’allait pas vouloir le lâcher. Tous les signaux de sa détresse clignotaient au maximum, la Gryffondor refuserait probablement donc de se faire congédier. Il s’était lui-même condamné à tout déballer, tout revisiter et au final pour quoi ?! Hell demeurait perdu dans ce flou artistique où attirance indéniable et haine féroce se mêlaient.

Face à l’expression lassée de Maxime, il devina non seulement qu’elle se souvenait très bien d’Anje (au moins pas besoin de tout réexpliquer) mais en plus ne semblait pas surprise d’apprendre pour la une de la presse à scandales. A croire qu’elle continuait de vérifier la presse comme à l’époque… Un élément qui agaça Elwyn autant qu’il le surprit. Déjà si elle avait vu le fameux article, pourquoi ne l’avait-elle pas prévenu ?! Et puis pourquoi par Merlin devait-elle s’intéresser à ce qu’on écrivait sur lui ?! C’était bien à cause de tels comportements que les journaux pensaient bon de continuer d’écrire à son sujet. Si les gens lisent c’est qu’il y a de l’intérêt… Un beau cercle vicieux. Pour l’instant, l’ancien champion préféra passer outrer ces éléments histoire de ne pas rajouter à sa peine et lui expliqua donc les faits afin de donner un peu de contexte à ce qui allait suivre. Visiblement une « erreur » vu la gueule que tirait Maxime. Enfoncé dans son canapé, le regard rivé sur le sot contenant les nombreuses bières fraiches, il triturait à travers le jean son petit pochon de poudre noir. La tentation était là, grandissant à chaque instant et à mesure que les paroles fusaient d’entre les lippes de sa meilleure amie. Bien trop blasé pour réagir à sa première phrase qu’il prenait comme une tentative de plaisanterie pour détendre l’atmosphère, un profond soupir de lassitude lui échappa en l’entendant résumer la situation. « Non. » Grogna-t-il simplement en guise de réponse, préférant ne pas se lancer dans le sujet des photographes pour l’instant. Le jeune sorcier avait repassé suffisamment de fois les événements de la soirée dans sa tête pour être sûr et certain qu’Anje l’avait suivi de son plein gré et avait été une des principales instigatrices de leurs ébats en l’embrassant la première avant de retirer sa robe.

Ce fut quand Maxime commença à s’attaquer à Anje qu’il releva ses prunelles océan vers elle. L’entendre ainsi l’accuser ne lui plaisait pas. Difficile à admettre. Malgré tout ce qui s’était passé, malgré la colère que générait l’italienne en lui, il ne pouvait s’empêcher d’être agacé que Max insinue pareilles choses sur elle. C’est à ce simple mot, innocent et pourtant si significatif qu’il s’anima. Un détail lui échappait… Oui, c’était bien le moins qu’on puisse dire. Dans le soucis de préserver Anje, Hell n’avait jamais complètement expliqué l’histoire à son amie. Impossible. Aujourd’hui, pour que Max comprenne, pour que sa vision de la belle soit moins biaisée il allait falloir passer à table. Un profond soupir lui échappa tandis qu’il plaçait ses paumes sur son visage. L’alcool et la drogue étaient en quantité suffisante dans son organisme pour le rendre déjà mou et pas franchement bien. Lentement, ses mains glissèrent dans sa tignasse au noir de jais avant de marmonner quelque chose d’incompréhensible dans sa barbe absente. Comment allait-il se sortir de ce merdier au juste ? Parler de tout ça sans réellement en parler. Un beau casse-tête. Sans oublier qu’il était saoul et complètement stone ! Double peine. Après quelques secondes, il finit par articuler enfin, ses mains toujours logées sur le haut de son crâne. « Il te manque plus d’un détail… Je t’ai pas tout dit de l’histoire que j’ai eu avec elle. »

Tant pis ! Elwyn sortit son pochon de sa poche et préleva une pincée de poudre qu’il vint inhaler avant de rejeter la tête en arrière pour s’appuyer contre le canapé. Les yeux clos, l’ancien champion eut un nouveau soupir avant de lâcher. « Je peux pas tout t’expliquer en détails mais… Anje fait partie d’une grande famille influente de sang-purs en Italie. Quand j’ai commencé à pas mal y aller pour le Quidditch, j’ai été contacté par le Ministère de la Magie italien. Vu que je parle la langue, ils m’ont demandé de me rapprocher de cette famille pour obtenir des informations sur eux. J’ai accepté mais je ne savais pas que la belle demoiselle sur qui j’avais des vues à l’époque était la fille de ce chef de famille. Quand j’ai compris c’était déjà trop tard, on avait commencé à se voir de façon sérieuse. » Le simple fait de reparler de tout ça faisait monter un profond sentiment de malêtre en lui. Pour palier : nouvelle dose de poudre noire. « J’ai continué de récolter des infos sur eux en la laissant à l’écart car je voulais pas la manipuler mais ce qui devait arriver arriva, je me suis fait choper. J’ignore encore pourquoi mais elle m’a aidé à m’enfuir alors que je l’avais trahie et qu’elle avait toutes les raisons du monde de me haïr. Je te passe les détails mais j’ai pu m’en sortir relativement facilement. » Anje avait eu beau lui dire pourquoi, sa raison restait peu plausible pour lui. Autant ne pas l’évoquer avec Maxime donc. « A cette soirée mondaine on ne savait pas qu’il y avait des paparazis. Je ne les ai même pas vu alors que j’en ai eu l’habitude pendant longtemps… Si elle était autant énervée tout à l’heure c’est que si sa famille apprend qu’elle est proche d’un traitre ça va mal se passer pour elle comme pour moi. » Élément de taille non négligeable quand on savait ce que la mafia faisait subir à ceux qui les manipulaient ou sortaient des rangs. « Et puis… Tout à l’heure je lui ai avoué qu’elle n’avait jamais fait partie du plan initial. Que je ne savais pas qui elle était au début, que je n’avais jamais voulu la manipuler et l’utiliser pour ma mission puis je lui ai demandé de partir… Je n’arrive pas à rester plus de quelques minutes en sa présence… » Souffla-t-il finalement en revenant capter le regard de Maxime, craignant cependant d’y déceler une quelconque forme de jugement à ces nouveaux éléments qu’il lui confiait. Certains étaient à nouveau omis par soucis d’aller à l’essentiel et d’autres pour son propre confort.

Se confier n’avait jamais été un problème pour Elwyn… Du moment qu’il s’agissait de Maxime recevant les confessions ! La jeune louve avait su gagner le coeur du joueur de Quidditch avec une facilité déconcertante. Les deux s’entendaient si bien (enfin, tout est relatif surtout s’il est de « bonne humeur » et même ça c’est relatif…) que c’était devenu presque une évidence pour lui de se confier à elle. Hell n’avait plus besoin d’y réfléchir. Bourré, drogué ou sobre, il savait pouvoir compter sur sa meilleure amie et lui demander de passer quand ça n’allait pas. Aujourd’hui était un de ces jours comme il avait la sensation qu’ils s’enchainaient cruellement depuis son accident. Bien évidemment que les deux jeunes gens s’étaient vu pour des moments plus joyeux mais Elwyn ne semblait plus capable que de retenir le pire depuis presque deux ans maintenant… D’ailleurs, l’anniversaire de son accident arrivait à grand pas. Un autre élément qui ne serait pas simple à traverser quand le précédent avait été si horrible à traverser. Cette année, histoire de bien compliquer la tâche, s’ajoutait le problème « Anjelica ».

A peine eut-il confirmé à Max qu’elle ne possédait pas toutes les informations pour aussi durement juger l’Italienne que cette dernière lâcha une phrase qui lui déplu au plus haut point. « T'es sérieuse là ?! Pars pas sur ce terrain Max, putain ! » Grogna-t-il en lui lançant un regard noir  empli de reproches. Qu’elle en vienne à lui faire une telle remarque à cet instant précis l’agaçait profondément. Il l’appelait pour un problème bien précis, se montrant vulnérable et évoquait même un secret bien gardé avec elle… Comment pouvait-elle affirmer pareil non-sens ?! Hell préféra ne pas en rajouter sur ce sujet et lui expliqua enfin l’histoire de façon à ne pas clairement mentionner les détails les plus sensibles. A Maxime d’en faire ses propres déductions. Comme il s’y attendait, le récit était tout sauf simple, testant à plus d’une reprise sa résilience face à l’alcool et la drogue. Un test qu’il échoua lamentablement, cédant à la tentation de sa poudre noire bien qu’il ne considérait pas cette dernière comme une vraie substance néfaste pour lui. La drogue magique avait plus une action boostante que réellement addictive sur son organisme.

A peine Maxime eut-elle reprit la parole, qu’il se félicita d’avoir cédé à la tentation. Elle le traitait de naïf. Rien de nouveau sous le soleil mais tout de même. Ça n’avait jamais rien de particulièrement plaisant à entendre surtout en position de vulnérabilité comme la sienne actuellement. Un profond soupir d’exaspération lui échappa, levant les yeux au ciel par la même occasion avant de s’exclamer. « Je vois pas pourquoi ils continuent de s’intéresser à moi… Je suis plus personne. Ma vie n’a strictement rien d’intéressant, c’est comme si j’étais mort. Pourquoi continuer de me suivre ?! » A la rigueur qu’il soit populaire et médiatisé du temps de sa participation aux matchs, ça se tenait, mais là. Pourquoi suivre un ancien joueur pro gravement blessé au point de ne plus pouvoir entrer en compétition ?! Qu’avait-il de si intéressant pour qu’on veuille encore parler de lui dans la presse ?! Un véritable mystère pour Elwyn qui considérait sa vie comme tout bonnement misérable et sans aucun intérêt. Vous la voyez la déprime latente prête à ressurgir à tout instant ? Ce qu’elle marmonna ne lui échappa pas, lui-même y ayant songé. Il avait surtout exprimé à Anje sa volonté d’assumer son acte si Luca ou même Zabini père venait à tomber sur le journal. A l’époque il avait fui, aujourd’hui Elwyn voulait assumer ses actes.

Le crâne appuyé contre le dossier de son canapé, il fixa longuement Maxime sans broncher, seul l’expression de son visage et le profond soupir qui souleva son torse laissa paraître ce qu’il pensait vraiment. La simple idée de fuir, de se préparer à une confrontation le fatiguait. Non seulement il n’y croyait pas vraiment, sachant comment cela avait tendance à se passer mais en plus, quoi que fasse Max, s’ils voulaient l’avoir, ils y parviendraient. Autant se montrer conciliant et ne pas opposer de résistance. « Max… » Souffla-t-il dans un nouveau soupir, les yeux clos par la fatigue qui commençait à assommer ses défenses. « Arrête. Tu pars trop loin là. Déjà ils s’en seraient pris à moi depuis un moment s’ils étaient au courant. Sans parler de l’accord qu’ils ont avec mon père… Fuir ne ferait qu’aggraver la situation pour elle et c’est pas ce que je veux. » Plus il pouvait alléger la faute des épaules d’Angel et mieux il se sentirait, préférant endosser toute la responsabilité du cours des événements à cette soirée mondaine. Si cet aspect de la question était simple, les véritables interrogations de Maxime s’avéraient plus épineuses. Elle tapait exactement là où ça faisait mal, là où Elwyn ne voulait justement pas aller. Durant tout ce temps il avait soigneusement évité le sujet, se doutant qu’il faudrait y arriver tôt ou tard cependant.

Un bref grognement de lassitude lui échappa, se prenant le visage entre les mains pour tenter de se détendre un minimum. Malgré l’alcool et les drogues consommées depuis l’irruption d’Anje dans sa boutique, rien ne semblait faire effet. Il en était même arrivé à un stade où le simple fait de se redresser du canapé paraissait complexe et bien trop gourmand en énergie. Tant pis… « Elle était pas énervée, juste… Je sais pas comment le formuler. Comme déçue que je ne veuille pas en parler plus mais c’était trop dur. Dès que je la vois j’ai envie de la toucher et en même temps j’ai cette rage… » Céda-t-il en fixant le plafond mansardé de son salon. Le simple fait de penser à elle était une torture amer. Les images encore vivaces de leurs ébats partagés au gala le hantaient. Comment ne pas avoir cette envie viscérale de la toucher, de la sentir proche de lui, de l’embrasser et s’abandonner à cette passion si sulfureuse. Angel était la pire des drogues. Un simple moment d’égarement et le voilà accro, incapable de s’en défaire. « Elle réveille des souvenirs trop douloureux d’une époque bel et bien révolue. » Voilà quel était le réel problème. Anje représentait son passé, sa vie d’avant l’accident, sa notoriété, son sentiment de toute puissance et en même temps ses erreurs. Elle lui rappelait cette trahison qu’il lui avait fait subir, les mensonges se soldant par l’arrêt brutal de la seule vraie relation qu’il ait jamais eu. S’emmurer dans la colère avait été un mécanisme de défense comme un autre pour justifier leur rupture et ne plus y repenser avec nostalgie. Pourtant… Pourtant Anje lui prouvait bien qu’il résidait encore entre eux quelque chose. La dernière question de Maxime le torturait au plus haut point. Que faire. C’était bien là tout le dilemme. « Je sais pas quoi faire si ce n’est l’éviter au maximum en espérant que ça se tasse et refouler mes envies. » Avoua-t-il en toute transparence. Il se doutait que ça n’allait pas satisfaire sa meilleure amie mais au moins il avait le mérite d’être complètement honnête avec elle. Si Elwyn avait bien une qualité c’était bien de ne pas voir l’intérêt dans le fait de mentir. Certaines circonstances particulières faisaient exception bien évidemment mais dans l’ensemble il préférait cracher la vérité. Qu’importe qu’elle soit facile ou non à entendre. « J’ai déjà songé à me retirer les souvenirs d'elle mais j’y arrive pas… » Avoua-t-il également dans un nouveau soupir, son regard océan venant enfin rencontrer celui de Maxime.

Pour Elwyn, évoquer le passé était synonyme de souffrance. Une torture mentale dont il préférait se passer, la douleur physique se rappelant déjà suffisamment à lui dans son quotidien pour en plus ne pas en rajouter une couche. Tout lui rappelait sa vie d’avant. Il avait beau avoir déménagé pour acheter cette maison en périphérie de Londres, les trophées étaient là. Dissimulés dans une pièce, à l’abris des regards, cachés de tous pour ne surtout pas évoquer sa gloire d’antan. Ses prunelles orageuses ne les croisaient pas mais au fond de lui, l’ancien champion savait. Il était bel et bien conscient de leur existence. Quand ça n’était pas sa demeure principale, la seconde s’avérait synonyme de deuil. Lieu reclus de tout dans lequel il s’était exilé de la presse et la plupart de ses proches. Même sa nouvelle occupation s’avérait être un rappel constant de son triste sort. Condamné à réparer les balais des autres ou confectionner ceux de légendes et futurs champions. Elwyn l’avait choisi, son choix avait été ferme et définitif, n’empêchant pas la dépression de durablement s’installer. Seul l’univers du Quidditch trouvait grâce à ses yeux. Moyen dérisoire, terrible même, de garder le lien avec ce sport. Unique domaine dans lequel son existence ne semblait pas veine et dénuée de sens.

Un triste paradoxe dans lequel quelques fugaces instants de légèreté venaient se glisser. Principalement instigués par Maxime, Moïra ou Diego, Hell savait pouvoir compter sur ses amis les plus porches pour se changer les idées quand le moral faisait trop défaut. Quand affirmer « aller bien » semblait de l’ordre de l’utopique, l’Irlandais se contentait plus d’une morosité latente ponctuée par quelques éclats de colère. Explosions de rage qu’il tentait de faire passer par la pratique de courses de motos volantes. Du moins jusqu’à ce qu’il n’y croise Anjelica. La belle Italienne, nouveau vestige d’un passé tumultueux, nouveau rappel de sa vie brisée, était venue semer le trouble. Une simple confrontation, joute verbale avant de s’entraîner mutuellement dans une chute libre aussi bien physique que morale, et Elwyn se débattait à présent avec des sentiments qu’il pensait mort à jamais.

Quoi de pire que de tout remuer avec la principale concernée et maintenant avec Maxime. Sous prétexte de lui donner un peu de contexte, Hell se retrouva à évoquer dans les grandes lignes sa mission pour le gouvernement Italien à l’époque puis les événements de cette fameuse soirée mondaine où tout avait basculé. La cerise sur le gâteau qui tenait plus de l’amas de merde que du parfait au chocolat ?! La presse s’en était mêlé. Rappel cruel et déballage à qui veut bien l’entendre (ou en l’occurrence le lire) qu’ils avaient remis le couvert dans un moment d’égarement. Un moment fugace mais pourtant emprunt d’une tourmente de tous les instants. Recoucher avec une ex n’était pas inconnu d’Elwyn. A plus d’une reprise l’ancien champion s’était laissé aller à pareille folie mais Anje faisait figure d’exception. La jeune femme, malgré leur histoire, malgré toute cette haine féroce qu’il s’évertuait à cultiver pour elle, Anje parvenait à  l’obséder comme au premier jour. Il n’y avait rien à faire. C’était physique, presque chimique. A peine ses pensées se tournaient vers la belle motarde et voilà qu’il s’avérait incapable de penser à autre chose que ses courbes enchanteresses et la chaleur de son étreinte. Constater qu’on pouvait donc écrire à ce sujet le mettait hors de lui et les propos de Maxime ne l’aidèrent en rien à ne serait-ce que commencer à concevoir qu’il intéresse toujours le public. « Les gens sont cons, putain ! » Soupira-t-il bruyamment en passant sa main sur son visage, las de constater qu’après toutes ces années, le cirque était toujours le même. Plus il y pensait et plus la colère montait en lui. « Qu’est-ce que ça peut leur foutre ?! Qu’ils s’intéressent plutôt aux autres joueurs de Quidditch et leurs frasques plutôt qu’à moi dont la vie n’a plus rien de passionnant. » Un triste constat, brève évocation du fond bien sombre de sa pensée. « J’aurais dû y passer sur ce putain de terrain… » Marmonna-t-il pour lui-même dans sa barbe, accompagnant le tout d’un profond soupir d’exaspération. Cette fascination pour la vie des autres le sidérait. Il ne comprendrait jamais comment on pouvait trouver de l’intérêt dans l’existence d’une personne dont on ignorait tout.

La suite de leur discussion ne l’aida en rien, principalement l’emballement de Maxime, se voyant déjà combattre la mafia italienne alors même qu’il n’avait jamais prononcé le mot une seule fois. Si dans d’autres circonstances il aurait été touché, fortement alcoolisé, sous drogue et avec la discussion mouvementée qu’il venait d’avoir avec Anje, Hell n’était tout simplement pas d’humeur. « Je peux pas rentrer dans les détails exacts Max mais elle m’a dit qu’ils ne consultaient pas ce type de presse et je veux la croire à ce sujet. Dans tous les cas elle n’est pas clairement citée et apparaît à peine. En soit ça pourrait être n’importe qui avec la peau un peu bronzée et une chevelure claire. » Une façon de se justifier mais surtout d’espérer qu’ils pourraient passer entre les mailles du filet. Si à l’époque Anje l’avait sauvé, Hell n’était pas sûr qu’elle reproduise l’acte aujourd’hui. Encore une autre façon détournée de toujours plus provoquer le danger autour de lui. Pulsions suicidaires, tout ça tout ça… Histoire de bien en rajouter une couche, il fut amené  à évoquer son réel ressenti vis-à-vis de la situation. Tâche à laquelle il se pliait sans trop broncher, le fait qu’il s’agisse de Maxime aidant grandement pour se livrer ainsi sans filtres. En revanche, accepter les propos formulés par sa meilleure amie, ça c’était déjà tout autre chose. A sa question, le jeune homme ne put s’empêcher de répondre du tac au tac. « Les bons souvenirs sont trop douloureux… » Triste réalité. Principale raison pour laquelle il avait souhaité son départ mais pensait également à l’oublier définitivement pour la sortir de son esprit. « Comme le simple fait de toucher un balais ou monter dessus est une torture. Sa simple présence me fait mal. » Pourquoi donc continuer de s’infliger pareil supplice quand une solution simple pouvait se présenter à lui. Il suffisait simplement d’un peu de courage pour passer à l’acte. Une autre paire de manche en revanche.

La nouvelle question de Maxime, relativement rhétorique lui fit hausser les sourcils dans un bref rire cynique. Elle le savait, lui-même le savait. Pourquoi se voiler la face sur la question ?! Elwyn avait toujours été un monstre d’égoïsme. Si avec ses amis les plus proches il faisait des efforts, dès qu’il était question de son propre intérêt, plus rien d’autre ne comptait. Ici sa santé mentale était clairement en jeu. « Qu’est-ce qu’elle pourrait bien attendre de moi si ce n’est s’assurer que je ne lui ai pas tendu un piège ?! » Rétorqua-t-il en fermant les yeux, l’arrière du crâne appuyé contre le dossier de son canapé. « Je ne suis plus rien qu’un traitre à ses yeux. » Mensonge éhonté dans lequel Elwyn croyait malheureusement dur comme fer. Anje avait eu beau le lui dire, le formuler verbalement sans détours, cette réalité il ne voulait pas la prendre en compte. Affirmer que d’une certaine manière il continuait d’avoir une certaine forme d’emprise sur elle et sur son mental s’avérait plus dangereux qu’autre chose. Que faire de cela ? Comment se positionner quand son corps réclamait le sien mais que son cerveau mettait tous les freins possibles pour ne pas retomber dans un passé douloureux… La seule solution : oublier. Même ça il n’en était pas capable. Même le formuler faisait mal tant l’envie et la réalité différaient une fois de plus.

Les propos de Maxime n’aidèrent en rien à faire passer la douleur des aveux et de cette situation tortueuse dans laquelle il se trouvait depuis presque deux ans avec son accident et maintenant quelques mois suite à son altercation avec Anje. Cette version de lui-même, Elwyn préférait l’oublier. Tirer un trait sur son passé en tant que joueur pro, sur sa relation avec la belle Italienne, sur sa mission d’infiltration de la mafia… A cet instant précis son désespoir était tel qu’il voulait tout oublier. Dans un profond soupir las, fatigué aussi bien mentalement que physiquement, Hell ouvrit les yeux our longuement fixer les poutres apparentes de son plafond, sa main caressant machinalement la fourrure touffue de Yuki lové à ses côtés. « Si oublier n’est pas une solution, qu’est-ce que je peux faire alors ?! » Une véritable question à laquelle l’ancien champion attendait une réponse. Quelque chose de concret, quelque chose de réaliste. Un plan d’action à mettre en place dès à présent pour s’extirper de cette situation plus qu’inconfortable tant il était  déchiré intérieurement. « Je ne peux plus jouer malgré tous mes efforts pour améliorer l’état de ma blessure à  l’épaule, je ne peux pas être avec elle après tout ce qui s’est passé alors que son corps m’obsède… Je suis dans une impasse. » Bref résumé plus que pessimiste de la situation. « A part me noyer dans la drogue et l’alcool en attendant que ça passe ou retourner m’exiler en Irlande pour tout recommencer à zéro je vois aucune solution viable. » Aveu de faiblesse. Aveu dépité par le fait qu’il était tout bonnement incapable de gérer la direction prise par son existence.

Qu’il était plus simple de se voiler la face, tenter d’oublier, idéaliser le passé pour ne surtout pas tenter de construire un présent différent de celui originellement souhaité. Jamais ô grand jamais Elwyn ne s’était vu finir sa carrière en tant que confectionneur de balais magiques. Dans le pire des cas il se voyait entraîneur à Poudlard, professeur de vol mais certainement pas commerçant. Pourtant, c’était bien là qu’il avait atterri par défaut. Hors de question pour lui de fréquenter des plus jeunes, connaissant probablement son nom, idolâtrant l’ancien athlète qu’il était, en pleine guerre avec leurs hormones et prompt à l’inattention. Elwyn ne l’aurait pas supporté. Il aurait même très probablement commis l’irréparable dans un instant de frustration extrême. Mieux valait éviter. Malgré tout, les options ne s’étaient pas bousculées quand il avait été question de trouver une occupation pour ne pas continuer de broyer inlassablement du noir. Alors oui, l’Irlandais ne comprenait pas qu’on puisse s’intéresser toujours à lui après tout ce temps. Une éternité pour Elwyn, deux ans en réalité. Deux petites années depuis l’accident tragique. Pas assez pour l’éliminer des esprits, en faire un dinosaure dans ce sport certes compétitif et impitoyable à un haut niveau mais pourtant si jouissif quand on était aussi bon que lui. Je vous ai mentionné le fait qu’Elwyn ne se prenait pas pour de la merde ? Non ? Bah voilà, vous êtes avertis… Ainsi, évoquer l’accident, se plaindre de l’attention dont il disposait toujours mais surtout souhaiter sa mort n’avait rien de bien surprenant quand on connaissait les tendances suicidaires du jeune homme développées depuis ce jour là. Sujet toujours complexe à évoquer, d’autant plus avec Maxime. Comme il fallait s’y attendre, la louve ne put s’empêcher de formuler une remarque, évoquant les « bons moments ». Incapable de se contrôler, ses pupilles roulèrent outrageusement dans ses orbites, las qu’on lui sorte encore et toujours la même banalité. Oui, il l’adorait plus que tout, oui il était heureux de pouvoir continuer de passer du temps avec lui mais une partie de lui avait ce désir de mort devenu presque viscéral. Dès qu’il était question de Quidditch, de travail ou tout simplement dès qu’il se retrouvait seul avec lui-même, Elwyn ne voyait plus aucun intérêt à son existence. Il avait perdu son étincelle, sa véritable raison d’être, dépouillé de tout but louable à ses yeux. Comment le lui expliquer ? Elle qui semblait toujours si positive que cela en devenait épuisant. « Ptain Max… Tu mélanges tout ! » Grogna-t-il finalement comme pour clore ce débat sans fin dans lequel chacun resterait fermement campé sur ses positions.

Heureusement la conversation changea bien vite de sujet, malheureusement pas pour aller vers quelque chose de plus positif. Après tout, s’il l’avait appelée en urgence ça n’était pas dans le but de passer du bon temps en sa compagnie. Le problème « Anjelica » déballé sur la table, Elwyn évoqua une fois de plus l’association douloureuse que la jeune femme représentait dans son esprit, incapable de dissocier le tout de sa chute autant au sens propre que figuré. Sans grande surprise, la réponse fournie par Maxime ne lui convint pas. Comment le pourrait-elle ?! Sa meilleure amie était son opposée. Positive, joyeuse, tout ce qui lui manquait cruellement. Rien d’étonnant qu’elle ironise ses propos, tentant maladroitement de prouver par A plus B l’incohérence et l’absurdité de son raisonnement. Le problème ? Elwyn réagissait mal à l’ironie. Encore plus quand il était pris dans la tourmente, alcoolisé et drogué. Par chance pour Maxime, c’était ces substances qui empêchaient le sorcier de perdre son calme. Littéralement freiné dans sa colère et les témoignages physiques qu’ils prendraient. « Alors déjà c’est pas comme si j’avais fait des études ou que j’avais été particulièrement doué à Poudlard ! Les possibilités de reconversions étaient loin d’être fascinantes. » Hors de question de se retrouver simple vendeur dans un secteur qui lui était inconnu, serveur ou tout autre profession accessible sans qualifications particulières. « Pour ce qui est d’elle… » Reprit-il comme pour régler ses comptes avec les propos de Maxime. « J’ai pas besoin de conseils. J’y arrivais très bien jusque là, merci ! » Ouai, enfin, y a clairement des trucs à améliorer pour pas réitérer l’expérience du « on couche ensemble dans un événement public ». Tout avait réellement dégénéré depuis qu’elle lui était littéralement tombée dessus à cette course de motos clandestine. Avant cette fameuse nuit, ils avaient réussi à s’ignorer à la perfection malgré le fait qu’il fréquentait ce milieu très fermé. Si cette foutue nuit ne s’était pas produite, ils ne seraient pas là à en discuter et sa vie aurait été plus « simple », une merde en moins au compteur.

Elle a autre chose en tête. Une éventualité inconcevable. Une réalité qu’il ne pouvait tout simplement par admettre, lui extirpant un long grognement de frustration. « Mais je l’ai déjà trahie par le passé ! » S’exclama-t-il en haussant la voix, Yuki plaquant ses oreilles en arrière sous l’éclat soudain du timbre vocal de son maître. « Son comportement n’a aucun putain de sens !!! Si vraiment elle avait eu des doutes sur mes intentions, alors que je n’avais strictement aucun plan en tête puisque de base je ne pensais pas la croiser à cette soirée et que j’ignorais la présence des photographes, elle aurait déjà averti son père et son frère pour venir régler mon compte une bonne fois pour toute. » Oui, en dépit de l’alcool, de la drogue, de la fatigue, on pouvait aisément affirmer qu’Elwyn était en colère. Il était frustré, perdu, dans un déni total et frontal de cette réalité qui le torturait. « Qu’est-ce qu’elle pourrait bien avoir en tête ?! » Question sincère prouvant à quel point l’ancien champion se sentait paumé vis-à-vis de toute cette situation, refusant d’admettre l’évidence qu’elle pouvait simplement toujours tenir à lui malgré les années, malgré la trahison et son caractère de merde. Impossible. « C’est pas comme s’ils avaient un nouveau moyen de pression à présent… » Son père ne pouvait pas plus les aider que ce qu’il faisait déjà à son poste d’ambassadeur en Italie, il n’y avait plus de carrière de Quidditch à ruiner par des révélations embarrassantes… Elwyn O’Connor n’était plus personne. Il ne valait plus rien. Il n’hériterait plus que d’un bas de page dans le journal pour informer la communauté magique de sa mort suspecte pouvant être mise sur le compte de tout l’alcool et de la drogue qu’il ingurgitait au quotidien. La situation était devenue intenable. L’arrière du crâne appuyé contre le dossier du canapé, fixant le plafond, les aveux se succédèrent, laissant son coeur parler, incapable de cacher quoi que ce soit à sa meilleure amie.

Comme il fallait s’y attendre, la solution proposée par Maxime fut loin de le satisfaire. Il avait demandé l’avis de la louve mais n’était pas à même de l’écouter, encore moins de l’accepter. Vous le voyez le côté chieur ? A peine eut-elle ouvert la bouche qu’un profond soupir de mécontentement las lui échappa. « Ouai bah non merci ! » Réponse presque automatique sortie de but en blanc. La suite risquait de ne pas passer. Elwyn connaissait la rengaine. Sa vie ne se limitait pas au Quidditch, il avait encore pleins de choses à vivre, bla bla bla… Foutaises qu’il refusait encore, après deux ans, d’entendre. La nouvelle approche adoptée par Maxime eut au moins le mérite de le surprendre. On le lui avait jamais encore fait le coup de la nouvelle recrue. Bon, cela ne l’empêcha pas de rouler une nouvelle fois des yeux, incapable de comparer mentalement sa situation à celle où il aurait pu être mis de côté. Probablement car cela lui semblait tout bonnement impossible. Pour toute réponse, il offrit à Maxime un nouveau long soupir sans le moindre regard. A quoi bon ? Elle ne pouvait tout simplement pas le comprendre. En revanche, quand le sujet tout aussi sensible d’Anje émergea, sa réponse eut le don de l’agacer. C’était comme si elle n’avait rien écouté, éludé la question de sa trahison, de leur haine mutuelle certes troublée par cette attirance physique inéluctable. La simple idée de l’Italienne remuant ciel et terre pour tenter de retrouver sa trace le faisait doucement rire. Vu la tension de leurs rapports, si la belle se donnait ce mal là ça serait pour lui faire la peau. Non pas pour avoir disparu mais bel et bien pour venger l’honneur de sa famille qu’il avait sali par ses actes. Impossible cependant de rentrer trop dans les détails pour Elwyn sans compromettre le secret des activités pratiquées par les Zabini. Le silence s’installa alors entre eux, les doigts du sorcier enfouis dans la fourrure de son chien, les paupières closes et tentant en vain de faire le vide dans son cerveau. Il était fatigué. Aussi bien moralement que physiquement au point qu’il en retenait péniblement des larmes tentant de percer la barrière de ses paupières. Finalement, après de longues minutes, Elwyn reprit la parole, la gorge nouée par toute la frustration ressentie. « A t’entendre tout semble si simple. Comme si on était dans un putain de conte de fées avec des « et ils vécurent heureux jusqu’à leur mort » ! La réalité n’est pas binaire. C’est pas tout blanc ou tout noir, j’peux pas oublier le passé sous prétexte que j’ai failli crever et que j’ai tout perdu au passage. Ok elle m’a laissé fuir à l’époque alors que j’avais trahi sa confiance. Ok on a recouché ensemble une fois. Rien de tout cela ne veut pour autant dire que ça va se reproduire, que je compte pour elle, que j’ai la moindre petite chance de recoller les morceaux et même si tout ça était possible je ne sais même pas si j’en aurais envie ! » Une vérité qui lui arrachait la gorge tant mettre des mots sur l’ambivalence de ses sentiments le déchirait intérieurement. Sa tête bascula en direction de Maxime et il la fixa un instant, l’océan de ses prunelles se noyant dans les larmes retenues encore un peu par fierté. « Ma vie est déjà suffisamment douloureuse au quotidien sans que j’y rajoute une nouvelle source de potentielle déception et tourments. Tout en elle me rappelle le passé. Si je veux aller de l’avant je dois la tenir à distance de moi comme c’était le cas jusqu’à présent. » Ça lui faisait du mal de l’admettre mais Anje avait foutu un sacré bordel. Il n’était pas sûr d’être à même d’assumer tout ce qu’elle réveillait en lui, encore moins d’en subir les conséquences.

Elwyn était un être égoïste. Rien de nouveau sous le soleil vous allez me dire ! Rien de surprenant non plus quand on connaissait son histoire personnelle, les nombreux abandons auxquels il avait dû faire face et la nécessité de se prendre en main dès son plus jeune âge. Quand certains développaient en réponse à pareilles injustices un caractère des plus altruiste -coucou Cassie- Elwyn avait choisi la voie plus sombre de l’égocentrisme pur saupoudré d’un soupçon d’agressivité histoire de pimenter le tout. Pourquoi se simplifier la tâche et se rendre agréable aux yeux des autres après tout ?! Non. Il préférait amplement être détestable. Une façon détournée d’éliminer ceux qui n’en valaient pas la peine à ses yeux. Au moins par cette méthode il s’assurait que les rares restant dans les parages de sa présence exécrable l’appréciaient. Ils étaient peut-être fous, masochistes ou les deux mais au moins ils ne se servaient pas de lui. Une crainte bien trop grande liée à son enfance qu’Elwyn avait décidé d’éradiquer complètement. Rien d’étonnant qu’il se montre aujourd’hui méfiant vis-à-vis d’Anje, ses intentions alors que lui-même l’avait manipulée quelques années plus tôt. Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. Dicton étranger à Hell. L’Irlandais le trouverait même grotesque tant sa vision de l’existence était sombre et cynique.

Bouffer ou être bouffé. La voilà sa maxime. Le simple concept régissant toute sa vie. Hors de question de laisser une part du gâteau aux autres quand ces derniers pourraient devenir une menace et se retourner contre lui. Mentalité un peu bancale qui lui jouait des tours à présent. Si durant sa carrière de joueur pro de Quidditch ça avait été utile, permettant à son équipe de décrocher le titre de champions du monde, aujourd’hui il se retrouvait exclu, luttant avec toute forme de petit bonheur pouvant éclaircir son quotidien. Il suffisait de voir dans quel état une simple partie de jambe en l’air le mettait. Le problème ? Ça n’était pas juste du sexe, ça n’était pas n’importe qui non plus. Il avait une histoire avec Anje, pas des plus saine qui plus est. Pour ne rien arranger, elle était également la seule avec qui il avait entretenu une relation pouvant être qualifiée de « sérieuse ». A présent qu’elle était revenue de façon fracassante dans sa vie, Elwyn ne savait plus que faire. Il pouvait affirmer autant de fois qu’il le souhaitait être en contrôle, même Maxime n’était pas dupe. Le mensonge auquel il voulait croire ne marchait pas sur sa meilleure amie pourtant l’ancien champion persistait. Il voulait plus que tout s’y accrocher, y croire, se rassurer dans l’idée qu’Anje ne représentait rien, qu’il gardait le contrôle. Ainsi, les paroles prononcées par Max, ce sarcasme passaient mal. L’océan de ses prunelles se fit plus sombre, la foudroyant sur place. Non seulement elle osait remettre en question ses propos, comparant sa situation à celle qu’elle vivait avec Kesabel mais en plus elle se moquait ?! Pour toute réponse, il leva les yeux au ciel, une grimace écoeurée traversant ses traits, las d’avoir besoin de se répéter sur le sujet. Elle peut pas comprendre.

Ça pouvait être triste à dire mais Elwyn était habitué à ces conversations où ils n’étaient jamais d’accord avec Maxime. Sa meilleure amie avait la fâcheuse habitude d’être constamment opposée à ce qu’il pouvait dire. Difficile pour les deux de trouver un terrain d’entente. Elle était trop optimiste, il était trop pessimiste. Comment voulez-vous que cela puisse fonctionner ? Enfin… Cela ne les empêchait pas de s’adorer quand ils ne se tapaient pas mutuellement sur les nerfs l’un de l’autre. Ce soir, alors qu’il lui avait demandé de venir car il ne se sentait pas de rester seul après l’irruption surprise d’Anje dans sa salle de bain, Elwyn regrettait presque son geste. Elle lui disait littéralement TOUT ce qu’il ne voulait pas entendre, tout ce qu’il ne voulait pas admettre et surtout tout ce qu’il s’évertuait à rejeter en bloc. Maxime lui balançait violemment tout ça en plein visage avec la délicatesse qui la caractérisait si bien. Sa réaction ne se fit pas attendre. Il lui partageait son ressenti et elle l’attaquait car il s’agaçait ?! A l’instant même où elle se lança dans son long discours détaillant tous les malheurs qu’elle avait vécu, Elwyn rejeta une nouvelle fois la tête en arrière, ses paupières se fermant dans un profond soupir sonore. Pourquoi fallait-il qu’elle prenne tout personnellement mais surtout se bute à comparer les situations ?! Passif, l’Irlandais attendit qu’elle en finisse de sa diatribe pour reporter son attention sur elle, arborant également un regard froid, presque agressif. « C’est bon ?! T’as fini ?! » Attaque gratuite. « Je le sais tout ça Max, on fait pas le concours de « celui qui a la vie la plus merdique » là ! Quel rapport avec ta vie ?! C’est pas parce que toi tu as décidé de voir les choses du bon côté que ça veut dire que c’est la solution optimale. C’est tout ce que je voulais dire ! » Grogna-t-il avant qu’elle n’enchaine sur la suite, l’insultant même ouvertement. Putain mais elle a vraiment décidé de me casser les couilles !

Salement remonté, l’alcool, la drogue, la fatigue ou peut-être juste les nerfs commençaient à fragiliser la maigre patience dont il avait fait preuve jusque là. « Tu n’oserais pas… » La menaça-t-il, le regard noir comme pour la dissuader de relever le défi. Non seulement il ne laisserait pas passer qu’elle s’en prenne à Anje mais il refusait surtout qu’elle s’en mêle. Impliquer Maxime dans toute cette histoire n’était clairement pas l’idée du siècle. Que lui ait des problèmes avec la mafia italienne en fricotant avec la fille du boss c’était une chose mais mêler sa meilleure amie à tout ce bordel ça en était une autre ! « Le risque est trop grand, j’préfère me contenter de la fuir, retourner à quelque chose de connu que je peux maîtriser plutôt que de perdre mon temps dans un rapprochement de toute façon voué à l’échec. » Les mots étaient durs, tranchés et Elwyn voulait désespérément y croire. Que Maxime en doute, le pousse dans l’autre sens était une raison de plus pour s’agacer mais surtout se persuader qu’il avait raison. Esprit de contradiction, bonjour ! Le plaisir et la joie, surtout issus d’une relation et d’autant plus avec Anje semblaient illusoire, naïf presque. Même à l’époque où il était encore joueur de Quidditch, leur liaison avait été basée sur un mensonge, pourquoi aujourd’hui serait différent ? Pourquoi mériterait-il d’être heureux et avec elle ? Des questions en suspens auxquelles il ne trouvait aucune réponse mais qu’il savait pertinemment ne pas pouvoir partager à Maxime au risque d’avoir à subir une nouvelle leçon de morale. Elle aurait nécessairement à redire sur chacun de ses propos donc autant s’épargner pareille souffrance inutile, pas vrai ?!

Faire l’autruche : se voiler la face, nier la réalité.
Tête de mule : personne têtue qui ne prête pas attention aux conseils et remarques des autres et suit obstinément son idée de départ.
Synonyme : Elwyn O’Connor.

Voilà comment efficacement résumer l’ancien joueur de Quidditch professionnel. D’autant plus quand le Monsieur avait bu, s’était drogué et surtout depuis son accident. Avant ? Il était juste imbuvable et borné. Alors mettez le en contact avec sa vie d’avant, face à la seule demoiselle qui avait vraiment su toucher son coeur mais dont l’histoire était si compliquée qu’elle semblait sortie d’un scénario de film hollywoodien, déjà de base bien déprimé avec un terrain autodestructeur crevant tous les records… Forcément le mélange ne peut que être dévastateur. Rien de bien constructif, équilibré ou même sensé ne pouvait en découler. Raison pour laquelle Elwyn s’enfermait dans la boisson et se réconfortant en sniffant sa poudre noire plus que de raison. Ça calmait la spirale infernale de ses pensées négatives. Ça amoindrissait le tsunami de sentiments contradictoires. Et accessoirement ça le faisait prendre les pires décisions possibles mais ça, Elwyn se gardait bien de s’y attardait. Il n’était même pas capable de l’admettre. Encore moins de l’entendre et surtout pas de la bouche de Maxime. Ne vous méprenez pas, l’Irlandais aimait profondément sa meilleure amie. Elle était sa bouée de sauvetage, sa bouffée d’air frais mais bon sang ce qu’elle pouvait être chiante quand elle avait raison. Ok, ça arrivait très souvent et depuis son accident elle lui tapait quasi systématiquement sur le système mais il l’aimait quand même. Ainsi, faire face à ses réflexions, sa constante manie de toujours voir le verre à moitié plein et bourré de paillettes avec des licornes et arc-en-ciel en guise de déco le révoltait. Elle pouvait pas bêtement hocher de la tête, lui dire qu’il avait raison et juste boire en sa compagnie ?! Non ! Fallait qu’elle parle, qu’elle tente de lui montrer que tout n’était pas noir et qu’il y avait peut-être une autre issue à son problème. Une solution plus agréable. Comme s’il méritait de l’agréable lui. Ainsi, à sa réponse, Hell ferma les yeux, las d’avoir à débattre de cela avec elle. Ils étaient aussi têtus l’un que l’autre. « Ça fonctionne très bien pour moi… » Marmonna-t-il par principe. Bah oui ! C’est Elwyn O’Connor dont on parle je vous rappelle. Le mec veut TOUJOURS avoir le dernier mot… Que voulez-vous, on se refait pas hein !

La suite agaça un peu plus le passionné de Quidditch. La simple perspective que Maxime puisse s’en prendre d’une façon ou d’une autre à Anje le mettait hors de lui. A vrai dire, juste le fait qu’elle veuille s’en mêler l’agaçait. Sa réaction fut donc instinctive, viscérale même. Il avait beau vouloir fuir l’Italienne, l’idée qu’on s’en prenne à elle lui semblait insupportable. Difficile d’admettre que le tout était lié à cette profonde affection qu’il lui portait encore malgré les années. La détester semblait plus simple, moins douloureux. Facile de s’enfermer derrière cette façade, de transformer ce lien existant toujours en une aversion. Surtout quand on ajoutait à tout cela le rappel incessant de cette vie passée lui ayant filé entre les doigts. Plus simple de la haïr, de la rejeter et plus simple aussi de se cacher derrière la fuite. Une solution avec laquelle Maxime ne semblait visiblement pas en accord. Avant même qu’elle n’ouvre une fois de plus la bouche, Elwyn savait que cela serait pour démonter point par point sa stratégie. Dans le fond, il savait que la louve avait raison. Son comportement n’avait rien de constructif, encore moins de sain. Pansement dérisoire pour espérer stopper l’hémorragie provoquée par leur rencontre tombée du ciel autour de sa moto.

Il suffit d’une phrase de Maxime pour lui faire lever les yeux au ciel, dépité par ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. Encore une longue tirade à endurer où elle allait lui prouver par A plus B que son raisonnement était merdique et qu’il valait mieux l’écouter elle dans son infinie sagesse. Bullshit ! Oui, autant vous dire que les soupirs et regards menaçants furent nombreux. Sans grande surprise, les « j’ai raison » se multiplièrent. De quoi un peu plus le mettre dans de mauvaises dispositions pour vouloir l’écouter et prendre en considération son point de vue. Je vous ai dit qu’Elwyn O’Connor était une tête de mule ? Sa plaisanterie de mauvais goût, car oui c’était bien une plaisanterie à ses yeux et elle était clairement de mauvais goût, lui fit hausser un sourcil, dubitatif. « Jamais de la vie ! » Déjà parce que c’était pas son genre ce style de connerie. Puis c’était admettre qu’il puisse être dans une relation un tant soit peu sérieuse avec Anjelica et ça c’était pas prêt d’arriver. Sans compter qu’il ne voulait surtout pas se faire arracher la tête par l’imbuvable petit ami de sa meilleure amie. Non franchement, son idée puait la bouse de de sombral. Il n’eut pas vraiment le temps de plus développer pourquoi c’était un si mauvais plan que Maxime revint à la charge au sujet d’Anje. Elle lâchait jamais l’affaire… Qu’est-ce que ça pouvait bien lui faire de connaître son nom de famille ?! C’était quoi le plan ? Provoquer une rencontre « par hasard », se renseigner sur elle, devenir son amie pour ensuite essayer de lui soudoyer des informations ? Ça ressemblait un peu trop à ce que lui avait fait des années auparavant avant de se faire pincer et frôler la mort. Non vraiment, Maxime n’avait que des idées de merde ce soir. « Cac naofa… » Grommela-t-il en gaélique, passant ses mains sur son visage comme pour tenter d’apaiser la tempête qui faisait rage en lui. Un long soupir lui échappa avant de finalement tourner son visage vers la louve, visiblement dépité par la tournure que prenait cette soirée. « Max… Tu veux pas, juste, oublier toute cette histoire ?! » Une demande sous forme de supplique en venant capturer le regard de son amie. « Il s’est rien passé, je t’ai rien dit et j’avais juste envie de te voir pour passer du temps ensemble et boire un coup. On peut pas faire ça ? » A la base c’était son plan en plus. Vider son sac et passer à autre chose. Il avait pas demandé une psychanalyse et un plan détaillé en quinze milles étapes sur comment réussir à se mettre Anjelica Zabini dans la poche. « On sera jamais d’accord. Tu n’arriveras pas à me convaincre, je n’arriverais pas à te convaincre non plus… J’suis fatigué et j’ai pas envie de te foutre dehors donc bois ta bière et on se met un film ou une série. » Sans trop lui laisser le choix, Elwyn attrapa deux nouvelles bières dans le sot à champagne posé sur la table basse. Il lui en fourra une dans les mains et d’un coup de baguette alluma la télévision pour commencer à chercher quoi regarder parmi les nombreuses plateformes de streaming dont il disposait.

Admettre avoir tort n’avait jamais été un problème pour Elwyn. Sauf, car oui il y a un « sauf » et c’est bien là que réside toute la subtilité des choses, quand il était question de Quidditch ou de tout ce qui pouvait toucher à sa vie « d’avant », Anjelica comprise. Large panel vous allez me dire… Certes. Son entourage proche en était aux faits. S’accommodant ou non à la chose. Dans le cas de Maxime, la jeune louve avait toujours préféré les confrontations frontales avec l’Irlandais. Pourquoi changer après tout ce temps ? Encore plus maintenant ? Rien d’étonnant donc dans le fait que leur conversation tournait en rond. Elwyn n’était pas prêt à admettre ce que Maxime tentait de lui dire ou même faire comprendre. Envisager pouvoir être encore réellement attiré par Anje, que les intentions de la belle soient pures, dépasser leur passé commun et tenter d’enterrer la hache de guerre semblait complètement impensable. A la place, l’ancien champion envisageait plus une bonne cure d’éloignement saupoudrée de prises d’alcool et de drogue pour garder le cap. Impossible donc d’admettre que sa méthode ne lui conviendrait pas ou ne correspondait pas à ses réels désirs. Il fallait rester consistant voyons !

Nier tout en bloc et s’auto-convaincre du contraire semblait plus prudent. Les risques associés au fait de se laisser aller dans les bras d’Anje paraissaient insurmontables. Après la façon dont il l’avait repoussée dans son atelier, les chances que l’Italienne revienne à la charge se retrouvaient réduites à néant, offrant ainsi l’espace mental à Elwyn pour tenter de l’oublier une fois de plus. Max aurait dû l’aider dans ce sens. A la place, elle lui faisait amèrement regretter de l’avoir appelée à l’aide. Plutôt qu’un discours moralisateur, il s’attendait à ce qu’elle aille bien sagement dans son sens. Erreur de base. Espoir illusoire et dénouement qu’il aurait dû prévoir. Après tout, les fois où Max et lui tombaient d’accord relevaient du miracle. Ce soir, Hell n’avait cependant pas la patience de se lancer plus amplement dans pareil débat aux détails superfétatoires. Il n’était pas prêt à lui concéder du terrain sur la question, la louve ne lâcherait pas le morceau… Autant s’arrêter là ! L’alcool, la drogue et la fatigue émotionnelle jouaient clairement en sa défaveur, la rouge et or s’amusant même à la taquiner, usant et abusant de sa verve pour tenter de lui faire cracher de plus en plus d’informations sur Anje. Tentatives systématiquement déboutées par Elwyn jusqu’à ce qu’elle ne lui propose un double-date. On atteignait des sommets de ridicule à ce stade !

« J’ai pas envie de me faire arracher la tête par ton mec juste parce que Monsieur est pas assez évolué mentalement pour comprendre que tu n’es pas sa propriété et que tu as eu une vie avant de le connaître. » Bien qu’il n’ait jamais croisé le fameux Kesabel, Elwyn doutait qu’ils puissent s’entendre. Le simple fait de le savoir jaloux suffisait à lui donner une mauvaise image du Greyback. Qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre qu’avant d’être sa meilleure amie, Max et lui aient eu une aventure ?! C’était fini à présent, elle était avec lui, que lui fallait-il de plus ?! Las de toute cette histoire et ne souhaitant pas repartir pour un tour, Hell proposa une trêve à grand renfort de divertissement télévisuel. Il ne lui laissait pas vraiment le choix pour être honnête. Sans douter une seule seconde du fait qu’elle puisse opposer une quelconque forme de résistance à son marché, l’Irlandais eut un haussement de sourcil aux propos tenus par sa meilleure amie. Un pacte ? De quoi elle parlait ?! Bien que sceptique, il préféra ne pas s’exprimer à ce sujet faisant plutôt venir à eux le contenu d’un de ses placards. Dans une farandole à vous en donner du diabète par un simple regard, un vaste assortiment de chocolats, bonbons, gâteaux et autres sucreries en tout genre vint se déposer sur la table basse. Un second sort et cette fois-ci une nouvelle valse de bouteilles de bières arriva. Les chocolats pour elle, l’alcool pour lui. Au moins avec ça, tout le monde était heureux. Armé d’une bouteille en main dont il préleva une première gorgée, Elwyn alluma sa télé pour commencer à chercher quoi regarder mais surtout sur quelle plateforme de streaming. « Tu te fous de moi ?! » S’exclama-t-il à sa remarque. « J’vais pas risquer de me faire radier mon compte juste parce que tu veux pas te payer un abonnement ! Non seulement t’as un boulot mais en plus t’es nourrie et logée à Poudlard ! » On marchait sur la tête… Face à l’immensité des choix et décisions à prendre, un profond soupir découragé s’échappa d’entre ses lippes alors qu’il confiait la télécommande à Maxime. « Tiens, mets ce que tu veux je m’en fous ! » Sa tête vint s’appuyer contre l’épaule de son amie après avoir pris une longue gorgée. Quoi qu’elle choisisse, Elwyn était quasi sûr de s’endormir au bout de cinq minutes, autant qu’elle regarde quelque chose l’intéressant.