Belle conversation

Je feuilletais avec attention le dossier que mon assistante avait déposé à mon intention avant de prendre congé pour le reste de la journée. Je le connaissais par cœur, cependant je désirais toujours être parfaitement professionnelle et étudier un dossier avant son rendez-vous était dans les recettes gagnantes. Satisfaite je le fermais et le posais sur le coin de mon bureau tout en me levant pour me poster devant mon miroir sur pied, observant mon reflet pour m’assurer que tout était en ordre du côté de mon habillement. Lorsque j’avais vu le rendez-vous de Mr Lestrange à mon agenda j’avais esquissé un sourire, mon assistante savait où placer ce rendez-vous qui habituellement aurait été traité par un autre employé. Je ne m’occupais plus de ce genre de paperasse depuis que j’étais devenue directrice, mais pour Apollon je faisais une exception. Il était un homme capricieux et depuis le tout début de sa venue en Angleterre pour y faire prospérer son entreprise j’avais le nez plongé dans son dossier et je ne l’avais pas lâchée depuis. Nous avions bâti une relation de confiance et solide que je croyais bien teintée d’amitié, le pourquoi de ces rendez-vous à l’heure tardive. Le ministère se vidait peu à peu, gardant en son sein que les travailleurs chevronnés, ceux à qui le temps supplémentaire ne faisait pas faire de l’urticaire et aux concierges. Je me trouvais probablement entre les deux premières catégories.

Je replaçais une mèche de ma chevelure blonde qui avait décidé de sortir de mon chignon puis je me tournais vers le fond de la pièce. Je sortis ma baguette et l’agitais avec délicatesse vers une table où se trouvaient une théière et deux tasses en porcelaine. Les objets auparavant inanimés prirent vie, le thé fumant fut servi et les tasses flottèrent avec lenteur vers mon bureau. Je regardais l’heure sur une horloge installée au mur, plus que quelques minutes avant l’arrivée de mon visiteur. Le sachant habituellement à l’heure il ne me restait que peu de temps seuls avec moi-même avant qu’Apollon Lestrange toque à ma porte. Je rangeais ma baguette dans mon sac à main maintenant que tout était en place pour l’arrivée de mon invité. Il ne me restait donc qu’à attendre, je pris place derrière mon imposant bureau de bois massif, ma main glissa sur le bois de merisier alors que mes pensées dérivèrent. Depuis cette rencontre surprise la semaine dernière mes émotions et mes pensées en étaient chamboulées. Ce temps passé dans cet ascenseur avait fait resurgir bon nombre de souvenirs que je tentais de laisser sombrer dans les méandres de mon esprit. Quatorze années avaient passé et alors que je croyais cette histoire du passé, une simple fraction de seconde où nos regards s’étaient croisés avait réveillé toutes ces émotions que j’avais voulu oublier. Alors que je me perdais dans les chemins accidentés de ma mémoire on toqua à la porte, me sauvant de ce gouffre qui allait m’avaler entière si je n’y prenais pas garde.

Je levais mes iris vers la porte close tout en me levant de mon siège, habituellement j’avais assistante et elfe de maison pour m’accompagner dans mes tâches et répondre à la porte, mais lorsque j’avais rendez-vous avec Apollon je préférais m’occuper de tout moi-même et cela allait jusqu’à ouvrir la porte de mon bureau. Arrivée à destination j’ouvris en affichant un sourire sincère.

- Monsieur Lestrange, quelle joie de vous accueillir dans mon bureau.

Je m’effaçais pour le laisser passer puis je fermis la porte, nous procurant l’intimité dont nous avions besoin, car quoique le ministère se vidât de ses employés à un rythme effarant les murs avaient des oreilles et je souhaitais que mes affaires restent confidentielles. Pas question que je perds la confiance d’un imminent sorcier en laissant des brides de nos conversations passer le pas de ma porte. Ce pour quoi mon bureau ainsi que de nombreux autres au ministère était protégé par des sortilèges de sorte que personne ne pouvait entendre ni voir quoique se soit et ce même par magie. Je me devais de renouveler les protections magiques de mon bureau tous les mois et je me faisais un devoir de ne jamais les oublier.
Je suivis Apollon et alors que celui-ci pris place j’en fis de même.

-J’ai pris l’initiative de servir le thé.

Derrière mon bureau de merisier j’approchais la soucoupe qui contenait ma tasse, je pris celle-ci une fois qu’elle fut assez près et soufflais doucement sur le liquide brûlant avant de prendre une gorgée réconfortante. Doucement je déposais la tasse de porcelaine puis j’accordais toute mon attention à mon invité, mes mains jointes posées sur le bord de mon bureau et assise le dos bien droit je souris.

-Alors comment vas-tu Apollon? Cela faisait un moment que je ne t’avais pas vu dans mon bureau.

Maintenant que la porte était close je pouvais me laisser à quelques familiarités. Depuis le temps que je connaissais Apollon Lestrange le vouvoiement n’était de mise qu’en présence d’un milieu plus professionnel, ici dans l’intimité de mon bureau nous pouvions laisser tomber les formalités ennuyantes et profiter de la présence de l’autre pour discuter de façon plus détendu. Bien sûr le sorcier français était ici en premier lieu pour affaire et je me devais de rester professionnelle, mais prendre des nouvelles d’un ami n’entachait en rien mon professionnalisme exemplaire.

Alors qu’Apollon s’adressait à moi je repris doucement ma tasse de porcelaine sans quitter le sorcier du regard et la portais à mes lèvres. Le liquide brûlant emplit un instant ma bouche avant de poursuivre son chemin dans ma gorge, terminant sa course dans mon estomac. Je put suivre sa progression grâce à la douce chaleur que celui-ci dégageait sur son chemin, réchauffant mes membres crispés par les nombreuses journées de travail et les nuits d’insomnie qui m’assaillaient depuis quelque temps. La rencontre avec Rory avait fort probablement déclenché ces nuits sans sommeil, mais n’étant pas femme à me laisser distraire par les futilités de ce genre j’écoutais Apollon avec la plus grande attention, j’aurais tout le temps de penser à mon ex-fiancé plus tard.

Belle conversation

Je souris en écoutant Apollon, déjà douze ans que celui-ci s’était établi en Angleterre, le temps passe si vite que parfois cela pouvait me donner la nausée ou le tournis. Laissant ceci de côté j’acquiesçais face à la nouvelle de la nomination du sorcier français comme ambassadeur des entreprises, j’avais été mise au courant la journée même, intéressée par le résultat. J’avais peut-être fait pencher la balance en sa faveur, mais seulement par des belles paroles à son égard, jouer un peu de mes contacts pour discuter avec les membres du conseil en charge de cette nomination. Je n’avais rien promis, je n’étais pas de ce genre de femme qui achetait ce qu’elle voulait de la sorte, mais un éloge par ci et une belle parole par là ne faisaient aucun mal et ça je savais le faire, plus j’y pense plus j’aurais fait une bonne avocate…
Je pris une nouvelle gorgée de thé puis déposais la soucoupe et la tasse sur mon bureau tout en souriant aux nouvelles paroles du sorcier français, à vrai dire je croulais sous le travail. Les moldus pourrissaient la vie des sorciers et mon département n’en était pas exempté. La coopération entre sorciers de différents horizons était encore plus importante par les temps sombres que nous subissions, pour que l’ordre du phénix et les mangemorts collaborent ensemble il fallait que le niveau de cette crise soit à son paroxysme. Malgré tout j’encaissais le tout sans broncher, ne faisant pas partie activement de cette guerre autant par les combats que par les décisions je faisais mon travail comme il se devait pour garder mon département sur les flots et ce sans compter les heures supplémentaires à n’en plus finir. Ainsi je gardais mes lèvres étirées en un véritable sourire, profitant de cette agréable rencontre pour détendre mon esprit bouillant des préoccupations du quotidien.

-Je vais très bien merci. Ne t’inquiète pas j’ai tout le temps qu’il me faut pour régler ce genre de problème, surtout lorsqu’ il s’agit des tiens. De quoi s’agit-il cette fois?

Avec le temps j’étais devenue maître dans l’art de jongler avec les problèmes incohérents et régulièrement sans queue ni tête que pouvait causer la bureaucratie. Je n’étais pas devenue directrice comme par magie, j’ai dû travailler dur et mon temps passé à l’université m’avait aidé à atteindre mon but. Je pouvais être fière du chemin accompli, trente-trois ans et directrice de son propre département, je n’étais pas du genre à me vanter, mais cette réussite je ne pouvais m’empêcher de la mettre régulièrement de l’avant. Je joignis mes mains ensemble tout en les déposant sur mon bureau, le dos bien droit je scrutais Apollon du regard, cherchant à deviner de quel genre de problème administratif il pouvait bien s’agir. Petite curiosité sans conséquence qui faisait partie de mon charme.

Toujours aussi bel homme cet Apollon, je ne pouvais m’empêcher de le remarquer alors que mon regard était ancré dans le sien. Dommage qu’il était marié j’étais sûr qu’il aurait pu faire un bon amant. Cependant malgré mes pensées peu chastes je n’étais pas le genre de femme à briser les ménages des autres, ainsi mes pensées ne resteraient que cela, des pensées, mais il n’y avait rien de mal à ça. Je remarquais avec un certain découragement que mon goût pour les hommes à la chevelure sombre n’avait pas changé depuis la rupture de mes fiançailles, tous les hommes qui m’avaient attiré dans leurs bras avaient les cheveux foncés, cheveux que je m’empressais d’aller caresser de mes doigts fins lorsque j’en avais l’occasion. Une autre image de moi caressant la chevelure du sorcier assis devant moi passa rapidement dans mon esprit, mes lèvres s’étirèrent un peu plus, sourire amusé que je m’empressais de convertir en un sourire plus cordial. Nous étions ici pour affaire et j’avais un problème à régler pour Apollon, j’aurais tout le temps d’user de mon imagination une fois de retour à mon appartement.

- Sinon comment se portent les affaires? Avec cette guerre qui fait rage cela ne te nuit pas trop?

Je pris entre mes doigts fins la tasse de thé en porcelaine que j’avais déposée devant moi quelques minutes plus tôt. Le liquide odorant avait commencé à tiédir, me permettant de prendre une plus longue gorgée sans redouter de me brûler la langue. Je reposais la tasse dans sa soucoupe et remarquais que mon rouge à lèvres avait fait ses marques à l’endroit où j’avais posé mes lèvres, me faisant froncer légèrement des sourcils. Malgré que l’on paie une fortune pour du maquillage de qualité il finissait toujours par vous quitter à la fin de la journée, cela en devenait désespérant. D’ailleurs il allait falloir que j’aille faire les boutiques, un hibou était venu déposer une convocation à mon intention pour une magnifique réunion de famille. Magnifique ici était des plus sarcastiques, l’ambiance qui règne dans la plupart des familles de sang pur n’épargnait pas la mienne et franchement je m’en passerais bien, mais la bienséance et la possibilité de voir quelques membres des Selwyn cher à mon cœur me donnaient le courage de m’y rendre. Et cela me donnait une excuse parfaite pour dépenser! Une nouvelle robe ne serait pas de refus et pourquoi pas des nouveaux escarpins, si je trouvais le temps bien sûr…

Ma tasse de thé à présent vide de tout liquide après y avoir prélevé une dernière gorgée je frottais distraitement la trace rouge qui tâchait le blanc immaculé de la porcelaine. Mon pouce décrivant des cercles et des mouvements de gauche à droite pour y faire disparaître la tâche, malgré cela mon attention était tout entière portée sur Apollon, écoutant avec attention ce qu’il avait à me raconter, ne me rendant aucunement compte que la tâche qu’avait causée mon rouge à lèvres au lieu de disparaitre s’étendait au contraire. Par chance la magie existait pour ce genre de chose, je n’aurais qu’un coup de baguette à faire avant de prendre congé de mon bureau pour tout nettoyer et remettre à sa place, théière et tasses comprises.

Belle conversation

J’attendis qu’Apollon me fasse parvenir son document sortant tout droit de la sacoche du jeune homme. Dès que le papier en question fut sur mon bureau je me penchais légèrement pour y lire ce que le sorcier m’expliquait. En effet la nationalité du chef d’entreprise n’était pas la bonne, une petite broutille que j’arriverais à régler d’un simple message adressé à la bonne personne. Un travail que ma secrétaire aurait très bien pu faire elle-même, mais pour Apollon j’étais prête à rester plus tard au bureau avec joie même pour des erreurs minimes comme celle-ci et demain matin avant de prendre place à mon bureau je rendrais une petite visite à la personne concernée pour être sûre que le changement ne tarde pas. Je levais mon regard du document pour le planter dans celui du sorcier et je souris.

-Ce sera réglé dès demain matin.

Il se faisait tard et je savais que le sorcier s’occupant des nominations pour le conseil d’administration avait déjà pris la poudre d’escampette. Moi il y avait personne à la maison pour m’attendre, peut-être Pixie ma chatte savannah, mais je me doutais qu’elle devait être étendue de tout son long sur mon lit à attendre que je revienne seulement pour quémander quelques gâteries avant de reprendre sa place sur mon lit.
J’observais une dernière fois le document avant de le ranger d’un coup de baguette dans ma petite valise qui, comme la plupart des sorciers, pouvait renfermer beaucoup plus qu’il ne le semblait au premier regard. Levant les yeux sur le sorcier assis en face de moi au même moment que la magie prit fin je souris de nouveau, étant d’humeur joviale.

-C’est vrai que tu parles merveilleusement bien l’anglais Apollon, on peut facilement se méprendre sur tes origines françaises.

J’acquiesçais ensuite aux propos du jeune homme, les frontières étaient de plus en plus fermées et cela m’étonnait encore de ne pas entendre plus d’écho de guerre provenant d'autres pays. Mon travail avait doublé sinon triplé depuis deux ans, la coopération magique devenant de plus en plus importante entre les sorciers et les pays depuis cette fichue guerre. Malgré cela quelques ministères d'autres pays restaient obstinément fermés face à nos problèmes et aux changements que cela apportait dans le monde magique et des contrôles de plus en plus exigeant étaient fait aux sorciers voulant quitter ou entrer au pays. Je ne savais parfois plus où donner de la tête!

Je laissais ma tasse tranquille tout en riant des propos d’Apollon, il était encourageant de savoir que mon maquillage tenait le coup même à la fin de la journée, une preuve que j’avais faits un bon achat! Mais mon attention fut déviée de ma marque de maquillage pour se voir attirer par la possibilité d’un gala. Ce genre d’évènement pouvait devenir rapidement assommant, mais avec l’ambiance morose qui sévissait de plus en plus régulièrement un gala pouvait fort bien aider le moral. Et puis lorsque organiser par un homme comme Apollon il ne pouvait qu’être des plus divertissants. J’éloignais la tasse de thé vide ainsi que sa soucoupe de ma personne pour avoir l’espace de mettre mes mains sur mon bureau devant moi. Mes mains jointes je put m’appuyer légèrement dessus pour avancer mon buste jusqu’à ce qu’il soit appuyé sur le bord de mon bureau. Sourire éclatant aux lèvres je regardais l’homme assit devant moi avec une légère touche de malice dans le regard.

-Un gala! Enfin une occasion de porter une robe de soirée et de passer du bon temps. Et puis la France j’adore ce pays! Je ne veux pas t’influencer dans le choix de l’endroit, mais l’Angleterre est si déprimante comparée aux charmes français.

Je laissais mon corps reprendre sa place sur le dossier de ma chaise en riant légèrement. Une main allait replacer une mèche de cheveux rebelle et l’autre restait sur le bureau, se déplaçant un tant soit peu lorsque je m’étais redressée. D’ici là j’aurais peut-être trouvé un cavalier, pas que je cherchais quelque chose de sérieux, mais j’aimerais bien ne pas me retrouver seule à cette soirée. La pensée que peut-être Rory serait présent me traversa l’esprit, je n’étais pas certaine des sentiments qui se bousculaient à l’intérieur de ma tête lorsque je pensais à lui, mais l’idée de me retrouver face à face avec mon ex-fiancé et une future cavalière me donnait de l’urticaire.

En parlant de charme français celui assis en face de moi en avait tout un, un charme. Il était marié, mais j’avais bien le droit d’observer non? Je posais mon regard sur la tasse d’Apollon puis je le levais pour rejoindre ses pupilles.

-Est-ce que tu voudrais encore un peu de thé?

La magie était merveilleusement bien faite, d’un coup de baguette un sorcier était capable de faire du thé et de le verser sans en renverser une goutte. Cette satanée guerre avec les moldus était probablement causée par leurs envies et leurs peurs. Avoir peur de ce que l’on ne peut comprendre… Une émotion si puérile et simpliste. L’envie était beaucoup plus complexe comme émotion, une raison que j’avais moins de difficulté à comprendre que la simple peur de l’inconnu. Qui ne voudrait pas être capable de créer des merveilles comme un patronus, pouvoir se défendre par magie ou ranger une pièce d’un coup de baguette? Perdre mes pouvoirs et je serais anéantie, je connaissais de par mon travail principalement, des sorciers ayant fait face au blood circle et ayant subi des injections anti-magie. Juste en entendre parler me donnait des frissons. Par chance les effets n’étaient pas permanents, mais penser que je pouvais être privée de ma magie même une seule journée me donnaient la nausée. Ces moldus étaient horribles et j’espérais bien que cette folie allait prendre fin un jour ou l’autre, je n’étais pas stupide au point d’y croire réellement, il y aura toujours un fou quelque part sorcier ou moldu pour perpétuer cette guerre… La chasse aux sorcières existait depuis tellement d’année, mais l’espoir fait vivre à ce qu’on dit.        

Belle conversation

Un sourire éclatant répondit à celui d’Apollon, j’étais heureuse de pouvoir aider lorsque j’en avais l’occasion et aider le jeune sorcier dans ces problèmes administratifs était pour moi un plaisir. Je l’écoutais avec attention, le conseil d’administration n’avait pas totalement tort, mais une soirée de ce genre aiderait grandement le moral de la population sorcière de ce monde et avec la plus grande prudence nous pouvions être quasi certains qu’aucun événement fâcheux ne vienne gâcher la fête. Mes lèvres se tordent dans une moue contrariée, nous avions des Aurors plus que talentueux, mais les moldus devenaient de plus en plus ingénieux… Seraient-ils capable de se frayer un chemin jusqu’au cœur d’un gala sorcier et y faire des dégâts considérables? Je ne pouvais être certaine que non, malheureusement, mais la vie était risquée de nos jours, fallait-il empêcher ces événements qui redonneront du coeur aux sorciers? J’avais de la difficulté à prendre parti dans ce dilemme. Mon regard se fit plus las, je penchai la tête légèrement de côté tout en soupirant.

-Le conseil n’a pas totalement tort, la guerre fait rage et ce gala pourrait être dangereux… Mais tu as raison, les Aurors sont aptes à débusquer les traîtres, nous ne pouvons pas mettre tout sur pause en ces temps troublés. Un gala donnerait tellement de bien.

Je soupirais à nouveau, mordant ma lèvre inférieure en pensant à des solutions pour cet épineux dilemme. En m'apercevant de mon manque de professionnalisme je me repris, je cessais de mordiller ma lèvre et me redressais tout en posant la théière entre nous deux. Je souris de façon plus courtoise, les problèmes d’organisation d’un gala ne m'appartenaient pas, j’en avais déjà assez sur les épaules avec mon poste au ministère pour me préoccuper de ceux des autres. Je savais très bien que mon tempérament me donnait du fil à retordre, j’avais la fâcheuse envie d’aider les autres et je disais difficilement non, c'était ma nature. Mais avec les années j’avais réussi à me construire une sorte de carapace, je trouvais cela toujours aussi difficile, mais maintenant j’étais capable de dire non et de dissimuler mes émotions derrière un masque. Les émotions vous rendaient si vulnérable et manipulable, pas question que l’on joue avec les miennes encore une fois.

Apollon allait continuer notre discussion sur son gala de charité quand il s’interrompit, sourire en coin. Mes joues rosirent légèrement en réaction à ces paroles, je ne m’étais pas rendu compte que je le dévisageais à ce point. J’étais plus que capable de contrôler ce genre d’attirance habituellement, que venait-il de se passer? J'ouvrais et fermais ma bouche en pinçant mes lèvres tout en respirant un bon coup par mes deux narines, réfléchissant à toute allure. Mon regard se fit beaucoup plus distant, reprenant mon professionnalisme légendaire je bus une gorgée de thé pour me donner meilleure contenance. Tout en reposant ma tasse je me raclais la gorge et fermais une seconde mes paupières, trouvant les mots pour m’adresser à mon invité.

-Toutes mes excuses Apollon, la semaine a été longue… Ou plutôt le mois a été long.

Mettre le tout sur le dos de la fatigue, mais je savais très bien qu’il n’y avait pas que ça. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu un homme sous mes draps et même si je ne voulais pas m’engager sérieusement je ne pouvais nier qu’une relation d’un soir puisse faire descendre le stress et éviter ce genre de situation malaisante. Je secouais légèrement la tête de gauche à droite, découragée de mon propre comportement. Je levais à nouveau mon regard vers le jeune homme en souriant, je ne pouvais nier qu’Apollon soit un très bel homme et il le savait que trop bien alors pourquoi s’en cacher. De toute façon j’avais quelques principes et toucher à un homme marié était hors de question, je ne pouvais que regarder.

-Puisque tu me permets de regarder je ne peux qu’en profiter.

Je ris légèrement puis repris une gorgée de thé, l’arôme fruité de la boisson chaude aide mes nerfs à se détendre face à la situation qui aurait pu être malaisante si elle s'était produite avec un autre homme. Je baissais mon regard pour observer mes mains déposer la tasse de porcelaine dans sa soucoupe puis je regardais de nouveau le sorcier tout en gardant une certaine retenue, je ne voulais pas que mes pupilles trahissent à nouveau le manque qui sévissait dans ma vie depuis trop de temps déjà.

Je me mis en tête de clore le sujet en déviant la conversation sur ce gala qui rassemble bon nombre de la communauté sorcière. En effet, penser comme cela donnait raison au conseil d’administration… Une attaque bien orchestrée durant ce genre d’événement et plusieurs sorciers y perdrait la vie. Ces galas rassemblent habituellement la haute société des sorciers, de grandes pertes certainement. Mais Apollon avait raison également, comment les moldus sauraient-ils où se déroulait l’événement? Et les aurors, ils étaient entraînés pour ce genre de situation.

-Reparlons du gala veux-tu? Je suis sûr que tu as une longue liste d’invités et déjà des idées pour l’emplacement. Je peux t’aider à quelque chose? Envoyer une lettre au conseil d’administration par exemple?

Je laissais mes joues reprendre leur teinte habituelle en me concentrant sur autre chose, je connaissais assez Apollon pour le savoir très sûr de sa personne donc je ne voulais pas lui laisser le temps de rajouter quelques commentaires que ce soit sur mes états d’âme qui se lisaient sur mon visage comme un livre ouvert. Décidément les occasions de prendre un verre pour calmer mes nerfs étaient de plus en plus fréquentes ces derniers temps. Ma réserve de bouteille personnelle allait drastiquement diminuer. J’allais devoir faire des courses ce weekend, quel dommage!

Je pris la dernière gorgée de thé se trouvant dans ma tasse puis repoussais doucement celle-ci ainsi que sa soucoupe un peu plus loin, signe manifeste que j’avais pris assez de ce breuvage délicieux.