Je baillais à m’en décrocher la mâchoire tout en m’étirant assise à mon bureau. Fourbue, j’avais mal dormi et certains de mes muscles étaient encore endoloris et j’étais forcée de constater que mon thé pris au petit déjeuner n’avait pas suffi à me réveiller. Voilà pourquoi je humais la tasse de café fumante que venait de m’apporter Bonnie avant de disparaître dans un tourbillon de transplanage, sans doute pour rejoindre ses compagnons elfe de maison dans les cuisines. J’ignorais pourquoi cette petite elfe s’évertuait à rester à mes côtés alors que mes pouvoirs magiques étaient revenus depuis peu de temps. Peut-être avait-elle besoin de s’assurer que tout allait bien ? Ou peut-être était-ce pour mieux espionner mon couple avec Harper ? Je ne serais même pas étonnée que mes parents soient derrière tout ça. Je comprenais leur inquiétude, vu notre passé avec la directrice des Gryffondor, cela dit, ça ne justifiait pas tout.
Néanmoins, je mettais cette hypothèse sur le fait que mon esprit était mal réveillé, et donc qu’il divaguait.
Accoudée à mon bureau, je me frottais les yeux comme une enfant avant de maugréer en posant mon front sur le parchemin me faisant face.

- Euargl… j’ai envie de rien… et si je prétexte que je suis malade, ça va passer, j’en suis sûre… comme ça je reste au lit toute la journée.

Un leste petit mouvement à mes côtés me fit tourner la tête, à présent la joue collée à mon parchemin. Poppy, le bébé chat au nez noir qui m’avait été offert par mon cousin venait de sauter sur la grande table. Elle me fixait de ses yeux verts accusateurs avant de lâcher un miaulement si petit (proportionnel à sa taille de chaton) que mon cœur s’ouvrit en deux de douceur.

- Toh, t’es trop mignonne.

Je levais mon index dans sa direction, et le petit félin se mit à le renifler avant de se frotter contre. Sourire aux lèvres, je me mis à lui gratouiller le menton, déclenchant ainsi un concert de ronronnement. Bientôt l’heure allait sonner, bientôt j’allais devoir quitter mon fauteuil pour rejoindre ma salle de classe et préparer un hippogriffe pour le cours de fin de matinée… mais purée, je n’avais aucune motivation à tel point que je me faisais peur. Il y a des jours avec, il y a des jours sans.
Le bébé animal, après avoir reçu sa dose de caresse, se redressa, leva sa queue et me montra son derrière, avant de sauter pour rejoindre l’arbre à chat et sa sœur qui s’y trouvait. Bah sympa, drôle de façon de me remercier pour l’instant câlin… les chats… quand bien même je les appréciais, j’avais beaucoup de mal à les comprendre. À mes yeux, les chiens étaient beaucoup plus sincères et joviaux (sans doute étais-je influencé dans mon choix par ma forme animagus).
Me redressant, j’attrapais ma tasse de café tout en la sirotant tranquillement en me remettant au travail, c’est-à-dire en reprenant les corrections des leçons que j’avais ramassées la veille. Je n’aimais guère donner des instructions à mes élèves durant les vacances et les week-ends, d’autant plus durant les fêtes, mais les moments de relâche étaient aussi un parfait moment pour observer les créatures à tête reposée. J’avais donc demandé un exercice simple et rapidement fait… mais j’étais forcée de constater qu’il y avait ceux qui se donnaient de la peine et qui étaient véritablement intéressés par ma matière, et il y avait les autres, qui avaient pris Soins aux Créatures Magiques comme choix par défaut.
Quand je songeais que je m’étais donné comme objectif de rééduquer la sensibilité de la nouvelle génération de sorciers… misère. Souvent, je perdais un peu foi en l’humanité.

Ce fut donc en soupirant que je terminais de corriger les copies avec ma plume d’encre rouge, puis, une fois l’heure arrivée, je me relevais, terminais ma tasse de café d’une traite, et, d’un coup de baguette magique, rangeais toutes mes affaires dans mon sac.
Vivement ce soir, que je puisse me recoucher, en espérant que je ne sois pas victime de l’une des nouvelles frasques de ma fiancée.
Marchant jusqu’à la porte d’entrée, j’enfilais mon manteau fait de noir et de jaune, démontrant mon appartenance à la maison que je dirigeais, puis, tout en attrapant mon sac en bandoulière, je me massais la nuque en soupirant. La journée allait être longue, et je détestais avoir ce sentiment de si bon matin.
Bâillant une énième fois, je me tournais en direction du perchoir tout en tendant mon bras droit.

- Vient Grishkin, on va prendre l’air.

L’Oiseau de feu, qui me regardait de toute sa noblesse depuis ce matin, ouvrit les ailes et s’envola jusqu’à moi, pour se poser gracieusement sur mon avant-bras. Chancelant sous son poids (Merlin qu’il était lourd ce volatil), je brandissais tous les muscles de mon bras avant d’ouvrir la porte et de sortir dans le couloir.
Comme si le phénix avait ressenti que je n’arriverais pas à le porter de la sorte (j’avais la force d’une brindille, il fallait le reconnaître), il se décala lentement sur mon épaule, mais eu un léger sursaut lorsque je fus abordée par un élève qui me sauta presque littéralement dessus. Le sang pas encore dans la caféine (non je n’ai pas inversé les mots), je clignais plusieurs fois des yeux en observant le jeune homme que je ne connaissais que peu. En effet, j’avais été son professeur pour une année, et je savais de source sûre (ma propre source) qu’il était un jeune membre de l’Ordre du Phénix.
Mais, mal réveillée, ce fut circonspecte que je le fixais en haussant les sourcils et en faisant deux pas en arrière, me collant ainsi dos à la porte du bureau que je venais de quitter.
Il y avait deux types de personnes dans le monde, ceux qui étaient énergiques dès le matin, comme Harper, et ceux qui avaient besoin d’un certain temps de chauffe, comme moi.
C’était sans compter que la question du jeune homme de la maison de ma fiancée était pour le moins étrange, surtout comme ça de bon matin.
Grishkin s’appuya à part égale sur mes épaules, ce qui me soulagea légèrement de son poids, et, avalant ma salive nerveusement, et fuyant le regard du jeune MacMillan, je répondais avec cette tranquillité qui m’était propre.

- Oh euh… bonjour… comment allez-vous ? Le simple fait de prononcer les formules de politesse me permettait de reprendre mon calme. J’inspirais profondément. Euhm… que voudriez-vous savoir au juste ?

Puisque je me sentais acculée contre la porte, je me permettais de faire quelques pas de côté, recroquevillée sur moi-même, la tête enfoncée dans mes épaules, observant davantage avec attention les allées et venues des autres élèves, que mon interlocuteur. Ainsi positionnée, il me serait plus facile de m’écarter davantage si le besoin s’en faisait ressentir.

Janvier 2021

Dans la vie, il y avait deux genres de personnes de bon matin. Les bouts en train, qui avaient besoin de café pour se réveiller, et ceux qui appréciaient aller plus tranquillement, et qui, comme effet de caféine, il suffisait de leur adresser la parole alors qu’ils dormaient encore. Je laisse deviner à qui le veut à quel groupe j’appartenais.
Après avoir sursauté et un peu longé le mur contre lequel je me trouvais, je regardais avec une œillade presque inquiète le Gryffondor plein d’énergie qui s’était présenté devant moi. Le moins que l’on puisse dire c’était que lui, il appartenait à la première catégorie, tout comme sa directrice de maison d’ailleurs. Était-ce un trait de caractère commun à la maison dorée et rouge ? Diable, je me surprenais soudainement à n’absolument pas vouloir me rendre dans la salle commune de sitôt ça devait sans doute être un vacarme invraisemblable, et mon imagination me permis de penser que ça devait sentir le fauve également là-dedans. Oui, voilà une mauvaise blague, mais ma fois, je n’étais guère réveillée, comme dit.
Alors que l’étudiant me confiait vouloir avoir des informations à propos de l’Ordre du Phénix, je ne pus m’empêcher de froncer légèrement les sourcils tout en tournant la tête pour vérifier les allées et venues de ses camarades déambulant non loin de nous. Je n’étais pas certaine que de parler de l’Ordre au plein milieu d’un couloir serait extrêmement judicieux, d’autant plus avec les batailles récentes et les problèmes que nous rencontrions présentement.

Mes prunelles sombres se tournèrent à nouveau sur mon interlocuteur alors qu’il reprit la parole. Je me contentais de hocher la tête alors qu’il me demandait comment je me sentais. À dire vrai, vu son empressement, j’avais un soupçon que cette question soit quelque peu rhétorique, et ce n’était pas pour me vexer. L’entrain de la jeunesse avait quelque chose d’amusant à observer, et au moins, ça ferait une conversation légère à partager avec ma fiancée une fois nos journées terminées.
Tandis que le jeune homme s’excusa, je me permis enfin de sourire avec tranquillité.

- Il n’y a pas de mal, je suis flattée que vous ayez pensé à moi, monsieur MacMillan.

Puis, il en vint à me révéler enfin ce qui l’amenait. Ah, il souhaitait donc intégrer l’Ordre. Le problème étant que, malgré mon ancienneté, je n’étais pas de ceux qui jugeaient les entrées des membres. Néanmoins, je pouvais tout de même largement répondre à ses questionnements et sûrement le guider. Après tout, j’avais été intégrée à ma sortie de mes études estudiantines, par allégeance pour ma famille, quand bien même je me sentais davantage neutre, car j’abhorrais les conflits de toutes sortes. Néanmoins, j’essayais de me persuader qu’aujourd’hui, nous, sorciers, étions bien obligés de devoir choisir notre camp pour avoir l’espoir de retrouver un tant soit peu de paix dans nos vies.
Balayant une nouvelle fois le couloir dans lequel nous nous trouvions, je regardais à nouveau le jeune homme (évitant toujours ses yeux).

- Venez avec moi.

Faisant volte-face, je fis les quelques pas qui nous séparaient de la porte de mon appartement, j’ouvrais la porte et l’invitais à rentrer.
Une fois qu’il eut été dans l’entrée, je refermais la porte derrière nous avant de me poster entre lui et le reste de mon appartement. C’était ici un lieu privé que je ne souhaitais pas ouvert aux élèves. Je faisais une entorse au règlement présentement, car je devinais, devant l’attitude du jeune homme, que c’était une urgence… ce qui me donnait déjà un avis plutôt posé quant à sa candidature, néanmoins, je préférais ne pas m’y attarder et préférer lui donner sa chance, et encore une fois, ce n’était pas moi qui gérais les candidatures au sein de l’Ordre.

- L’Ordre du Phénix a toujours besoin de bras, ça, c’est une certitude, et je suis contente que vous en soyez intéressé. Malheureusement, monsieur MacMillan, je ne puis vous aider à intégrer l’Ordre, car ce n’est pas moi qui gère les dossiers. Cependant, je peux appuyer votre candidature et je peux transmettre vos motivations. Ensuite, j’imagine que vous serez contacté pour la suite des événements.

Le considérant de haut en bas, je réfléchissais. Je ne le jugeais pas sur sa tenue ou son physique, je n’étais rien face à lui, une simple brindille, et c’était sans compter que j’étais une piètre duelliste magique, car, encore une fois, je n’appréciais pas la violence, quand bien même Sean m’aidait à me défendre.
Sur mon épaule Grishkin étendit un peu ses ailes et sauta à mes pieds, me soulageant de son poids. L’Oiseau de feu semblait un peu déçu que sa promenade soit reportée, pourtant, il restait sagement à mes côtés, comme s’il désirait participer à la discussion. Quel oiseau étrange et fascinant… L’ayant suivi du regard, je revenais sur le jeune Gryffondor.

- Vous semblez rempli de motivation, et ça fait plaisir à voir. Pourriez-vous me les partager ? Qu’est-ce que vous pensez de l’Ordre, qu’est-ce qui fait que vous voulez l’intégrer ? Vous n’êtes pas sans savoir que les missions peuvent être dangereuses, mettre des vies en danger, donc la vôtre… vous vous sentez quand même motivé malgré tout ?

Janvier 2021

Ah, il y avait clairement eu un malentendu entre le jeune homme et moi, et me voilà bien ridiculisée. Bordel, le matin c’était difficile de m’aborder de la sorte sans que je n’aie vraiment eu le temps d’émerger de mon sommeil. On n’a pas idée de me sauter dessus comme ça sans me prévenir, il aurait au moins pu m’envoyer un fax. Intérieurement, je riais de ma bêtise. Pour qui devais-je donc être en train de passer aux yeux du jeune garçon ? Sans doute d’une idiote finie, comme c’était le cas pour un bon nombre de personnes qui m’abordaient et qui m’impressionnaient (à savoir à peu près tout le monde en fait). Le handicap social que j’avais n’était pas toujours une sinécure et souvent, je me maudissais d’avoir choisi le métier de professeur plutôt qu’un autre. Plutôt que d’être restée en dragonologie. Ahlala des fois les choix de vie étaient bien mystérieux. Sans doute qu’un jour je comprendrais le pourquoi du comment de ma décision, mais pour cela je me devais d’être patiente. J’étais profondément persuadée qu’il n’y avait pas de hasard en ce bas monde.
Tout comme la présence du jeune Gryffondor dans mon appartement n’était pas totalement un coup du sort. Il y avait forcément une explication, cosmique, certes, mais une explication quand même.
Venant me masser les paupières, pour masquer ma honte, je pouffais un peu.

- Excusez-moi, monsieur MacMillan, visiblement je ne suis pas encore bien réveillée, j’ai tout compris de travers. Je croisais les bras et, toujours en évitant le regard du jeune homme, je reprenais. Je comprends bien votre demande et votre démarche. Néanmoins, je pense aussi pouvoir comprendre que vos proches soient inquiets pour vous, c’est normal… cela dit, effectivement, ils ne doivent pas vous interdire de bouger pour autant.

Par mes paroles, j’essayais de temporiser le jeune homme, de lui prouver que j’avais bien compris ce qu’il attendait de moi, mais aussi qu’il devait un peu se mettre à la place de ses proches. La famille MacMillan était active au sein de l’Ordre, je le savais que par bouche-à-oreille, à l’instar de ma propre famille. Bien que personne globalement neutre, j’avais rejoint l’Ordre davantage par allégeance, parce que mon père avait participé à la guerre de Poudlard et parce que nous y avions toujours été depuis la première fondation du groupe. Cela n’empêchait pas de trembler pour ceux qui partaient en mission. Je me souvenais de la peur qui avait habité mes tripes lorsque mon père était parti rejoindre Harry Potter pour combattre Voldemort. Je n’avais été qu’une enfant pourtant à ce moment. Encore aujourd’hui, je ne pouvais m’empêcher d’être inquiète lorsque les autorités demandaient à Harper de partir en mission, ou que, bien qu’ensembles, nous devions nous séparer sur le champ de bataille. À l’inverse, je savais que mes proches étaient tout le temps inquiet pour moi lorsque je venais à être appelée au front.
C’était une chose que d’être rongé par l’inquiétude lorsqu’on partait travailler. Moi je pouvais me faire dévorer par un dragon, Caelum en tant qu’Auror pouvait tomber sur n’importe quoi de dangereux. Mais c’était une tout autre chose que de mourir en étant envoyé au combat, en faisant face à l’ennemi du peuple sorcier, le Blood Circle.
Je ne pouvais imaginer l’angoisse que devaient ressentir ceux qui restaient en arrière, prêt à voler à notre secours pour nous soigner. Comme ma sœur Moïra.

Les motivations de l’étudiant étaient tout à son honneur. Lorsque l’horreur touchait sa propre famille, il était normal qu’on développe certains réflexes, voire même quelques syndromes. J’en faisais moi-même partie suite au décès de mon frère. Bien que ma famille sache ce qui était arrivé, je n’avais jamais partagé les détails avec personne, pas même ma propre souffrance. Je ne voulais pas les affliger davantage.
Ainsi, je n’étais pas étonnée que le jeune homme veuille se rendre utile afin de, par extension, protéger sa famille, mais aussi son monde. C’était dans le fond, ce que nous voulions tous, nous, sorciers de l’Ordre du Phénix. C’était un peu notre dénominateur commun.

- Vos intentions sont louables monsieur MacMillan, mais votre envie de vous rendre utile ne doit pas non plus vous rendre imprudent. En tant que futur Auror, je me doute que vous savez déjà tout cela, mais je préfère vous le préciser encore.

Je lui accordais un petit sourire plein de bienveillance. Je n’avais pas envie d’avoir l’air de radoter comme un vieux disque moldu rayé, toutefois, rappeler de temps en temps les bases de sécurité était essentiel. Il m’avait semblé depuis tout à l’heure que le jeune Gryffondor était du genre courageux (normal) mais aussi fonceur et quelque peu empressé. Cela pouvait le mener à sa perte, surtout en mission concernant l’Ordre. Pour ce qui était de sa formation d’Auror, je ne pouvais guère me prononcer, ce n’était pas de mes compétences.
Opinant du chef à sa dernière précision, je plissais légèrement les paupières. L’exécution de Potter avait été un tel tsunami pour le monde sorcier… il était normal que monsieur MacMillan désire se rendre utile, et je doutais que les supérieurs de l’Ordre en viennent à trier les volontaires sur le volet. Nous avions besoin de tout le monde, mais il fallait l’emmener sur le terrain de manière adaptée et réfléchie, ce que les hautes sphères n’étaient peut-être plus en mesure de faire convenablement avec tout le capharnaüm que les derniers événements avaient engendré.
Après avoir jeté un coup d’œil à mon phénix qui nous regardait comme s’il participait à la conversation, je m’éclaircissais la gorge avant de reprendre la parole de ma voix calme, posée et réfléchie.

- Je comprends votre démarche, merci beaucoup de m’en faire part. En réalité, accéder aux missions de l’Ordre n’est finalement pas si compliqué que ça, vous pouvez vous adresser à l’un des membres en charge des missions. Je sortais ma baguette de ma manche pour faire venir ma plume à papote qui se mit à griffonner frénétiquement sur un petit bloc-notes. Je pense qu’il vous faudra bien préciser que vous ne vous êtes encore pas trop rendu sur le terrain, cela leur permettra de vous donner des missions adaptées, ou alors, vous serez accompagné par un sorcier plus expérimenté. Ce sera essentiel pour votre sécurité et pour prouver que vous êtes quelqu’un de réfléchi et non pas imprudent. Comprenez qu’une personne qui a son libre arbitre de manière trop prononcée sur le terrain peut faire échouer une mission capitale. Je lui souriais à nouveau avec douceur, en évitant toujours son regard. Mmh… est-ce que ça vous serait utile si je rédige une note prouvant que vous êtes venu me parler et que je vous pense tout à fait apte à commencer une formation sur le terrain ?

Je ne faisais pas partie des autorités de l’Ordre, je n’avais aucun pouvoir décisionnel. En revanche, j’étais un membre ancien et actif, et qui plus est, j’étais enseignante à Poudlard. Mon avis allait donc avoir un léger poids dans la balance en faveur de Caelum. Dans un sens, je ne voulais pas l’envoyer au casse-pipe, je ne voulais pas être responsable d’un potentiel accident… mais on ne pouvait pas non plus le mettre dans une cloche impénétrable où il serait toujours en sécurité. Je vivais le même combat avec ma propre sœur adoptive. Quand il était venu le temps de voler de ses propres ailes, il fallait nous laisser nous envoler.
D’un geste de la main, je récupérais la petite liste de noms que la plume à papote avait rédigé pour moi.

- Ce sont les noms des sorciers à qui vous pourrez adresser vos demandes au quartier général. Ils seront plus à même de pouvoir y répondre que je ne le suis.

Janvier 2021

Nous vivions une époque difficile et instable avec cette guerre qui ne cessait de gronder entre le monde magique et le non magique. C’était sans compter sur les Mangemorts qui appréciaient rendre les choses davantage compliquées qu’elles ne l’étaient déjà.
Ainsi, tous sorciers voulaient agir pour défendre notre monde. Il en allait sans doute de même du côté moldu, la présence du Blood Circle en était la preuve. Hélas, il était donc de coutume que de nouveaux volontaires se présentent, et cela me fendait le cœur à chaque fois que je constatais que c’était, pour la plupart, de jeunes adultes à peine sortis de l’adolescence. Cela me rappelait douloureusement le jour où mon père s’en est allé pour défendre Poudlard contre Lord Voldemort. Je n’étais qu’une enfant à cette époque, mais déjà j’avais craint pour ma famille, et déjà j’avais eu envie de pouvoir aider, moi aussi. Aider pour défendre les miens, pour qu’il n’y ait plus jamais de blessé. Évidemment, je n’étais pas une duelliste de renom, et je n’aimais pas la violence, ainsi, j’essayais d’agir avec des moyens on ne peut plus médiocres.
Aujourd’hui encore, je répondais présente lorsque l’Ordre du Phénix demandait un rassemblement, et aujourd’hui encore je continuais de trembler pour ceux que j’appréciais, voir que j’aimais. Je n’avais pas été à l’aise, lors de la dernière intervention, lorsque je vis Eirian et Kayla. J’avais été au désespoir de devoir me séparer de Harper. Je savais que s’il lui arrivait quelque chose durant mon absence, je m’en voudrais toute ma vie, comme je m’en voulais encore aujourd’hui pour la mort de mon frère.
De par ce fait, je comprenais aussi bien les peurs de la famille de Caelum, mais je comprenais aussi le point de vue du garçon qui voulait défendre les siens et qui ne souhaitait pas rester les bras croisés. Étirant un peu ma bouche de travers, je me permettais de lui donner mon humble avis.

- Ne tardez quand même pas trop. C’est mieux qu’ils l’apprennent de votre bouche plutôt que par des rumeurs, vous savez. Montrez-leur qu’ils peuvent vous faire confiance en les mettant rapidement dans la confidence.

Cela dit, je n’avais aucune inquiétude quant au fait que le jeune Gryffondor se montrerait prudent et à la hauteur des attentes de l’Ordre durant les missions. C’était dans son intérêt de le faire en fait, car s’il se montrait incompétent d’une quelconque manière, il risquait fort d’être évincé lors des prochains événements. Ce ne serait pas abattre la meilleure carte.

Après avoir fourni au jeune homme les noms des personnes en charge des missions avec les membres de l’Ordre, je me permettais une dernière suggestion. Sait-on jamais, peut-être que ce dernier point pourrait également tranquilliser sa famille, même si j’avais un peu la sensation de l’emmener sur la potence. Quoiqu’il en soit, il y avait des missions plus tranquilles que d’autres, et j’avais assez confiance en mes collègues pour qu’ils évitent de l’envoyer dès le premier jour au casse-pipe.
Un petit sourire timide se dessina sur mes lèvres tandis que j’attrapais la plume à papote et mon bloc-notes pour les renvoyer sur mon bureau. Me détournant pour le rejoindre, je récupérais là une plume ordinaire avec un parchemin plus officiel, et, sans m’asseoir, je commençais ma lettre avec les formes et les usages. Malgré mon évidente concentration pour formuler des phrases adéquates, je gardais en tête les formulations de l’étudiant dans mon dos. « Madame ». Il était rare qu’on me nomme ainsi, tout simplement parce que je n’étais pas mariée. Pas encore. Je réalisais présentement, avec mon esprit encore embrumé du matin, que j’allais devoir m’y faire. Ça allait arriver plus vite que je ne le pensais.
Cachant mon sourire au garçon alors que je lui tournais le dos, je terminais ma lettre avec les salutations d’usage avant de la signer et d’y apposer le sceau de ma famille, ce dragon aux ailes à moitié déployées.
Reposant ma plume, je repliais le papier avec soin avant de revenir vers lui et lui tendre. Grishkin qui était toujours par terre semblait fasciné par la conversation et ne cessait de nous observer.

- Voilà votre recommandation, monsieur MacMillan. Puis, en lui jetant un coup d’œil fugace, je lui souris avec douceur alors qu’il me remerciait. Ce n’est rien, vraiment. Et ne vous inquiétez pas, au moins vous aurez eu le mérite de me réveiller quelque peu. Je laissais s’écouler quelques instants pour m’assurer que le jeune homme n’ait plus besoin de mon aide avant d’ajouter. Maintenant, veuillez m’excuser, mais je vais devoir vous laisser. J’ai des cours à préparer.

Si des professeurs pouvaient se contenter de demander aux élèves de simplement ouvrir leurs livres, ce n’était pas mon cas. Je me devais de préparer les créatures magiques avant que mes protégés n’arrivent dans ma classe.
Ainsi, je raccompagnais l’élève de la maison rouge et dorée à la sortie, le phénix sur nos talons. Après avoir refermé la porte de mon bureau derrière nous, je saluais le jeune homme, consciente que nous nous reverrions sans doute prochainement, au moins au quartier général de l’Ordre.
Enfin, Grishkin prit son envol et me survola tandis que je reprenais le chemin de ma salle de classe.

Fin du RP