- Bon Princesse, on se magne un peu ? On va finir par louper le train.

Ça c'était un peu pour vous mettre dans l'ambiance. Franchement c'est vrai, est-ce qu'on avait besoin de relire pendant cent-sept ans les documents que l'ordre nous avait fournis ? Non, parce que niveau information, ça n'allait pas d'un coup afficher « C'est dans ce wagon-là et ça va clignoter à dix-huit heures quarante-deux minutes et vingts-cinq secondes ». Bon, j'avoue, je ne précisais pas qu'on s'était déjà un poil chamaillé pour l'organisation et que j'avais ma part de responsabilité dans ce retard. Le travail d'équipe dans ce genre de situation, c'était nouveau pour moi. Il allait falloir faire avec. Je n'avais jamais eu de soucis en tant que barmaid, mais alors en tant que voleuse, j'avais toujours eu l'habitude de me débrouiller seule et de ne compter que sur-moi-même. Et Franchement cette mission-là se rapprochait bien plus de ma vie de criminelle que de celle de la barmaid cool. En attendant, on courait déjà à travers la petite gare d'un bled paumée pour monter dans ce fichu train. Sacré nom d'une chaussette d'elfe de maison ! Mais le train, il était déjà en train de partir !

- Et voilà qu'est-ce que je disais !

Non mais la honte, quand même, vous imaginez ? « Alors cette caisse ? », « Ben on ne sait pas, on a raté le train... ». Ha bah sûr qu'avec ce niveau de compétition, les Mangemorts, ils la gagnaient tranquille la guerre. Je piquai un sprint pour rattraper notre objectif. Si le train prenait de la vitesse, on n'était pas dans la bouse d'hippogriffes pour monter à bord. Est-ce que Princesse suivait ? Ben c'était un Auror. S'il ne suivait pas je plaignais ses collègues, et ça va il était loin des rhumatismes...  Allez, on galopait déjà dans la cambrousse pour sauter dans un train en marche. La petite montée d'adrénaline dès le début de cette mission ? Est-ce qu'il me tuait l'autre là, si je lui disais que je m'amusais déjà comme une folle ? Je visai l'arrière du train, déjà parce que c'est la seule chose que nous arriverions à rattraper et ensuite parce qu'il y avait un petit espace sur lequel grimper et s'accrocher pour monter à bord. Une dernière pointe de vitesse, avant de réussir à sauter et à saisir un point d'accroche.

- Et bien ça commence fort, annonçai-je à mon partenaire en reprenant mon souffle.

Ha ben le test d'aptitudes physiques, c'est bon je le passais haut la main. Bon ce n’était pas le tout, mais c'était qu'on avait un train à inspecter. Une cargaison de potions machins qui faisaient de la bouillie humaine. On n'arrêtait pas le plaisir chez les adeptes du pigeon. Oui Augurey, pigeon c'était du pareil au même. Cela dit un Phénix de notre côté, tsss bataille de piafs. Personnellement je n'avais pas mis longtemps à prendre parti, et cela dès mon retour. Peut-être une manière d'aider un peu mon karma que j'avais pas mal pourri ces dernières années ?

- On y va ? proposai-je en montrant la porte devant nous.

Non parce que la nuit était sympa, mais ce n'était pas les grandes chaleurs. Et puis mission camping à l'arrière d'un train, ce n'était franchement pas terrible. On n'avait même pas pensé à prendre le whisky.

Misère. Voilà c'était exactement pour cette raison qu'on avait perdu autant de temps. Un couple marié. Ha ben j'avais dit non direct. On ne pouvait pas partir plutôt sur frère et sœur ? On ne se ressemblait pas ? Pas grave, on dirait qu'il a été adopté. Non vraiment ? Bon et un couple tout court, c'était bien aussi ? Non blablabla les détails, plus facile à feindre... Pfff n'importe quoi ! Vu mon opinion du mariage, ça m'agaçait de devoir enfiler ce truc à mon doigt. C'était lequel déjà ? Celui du milieu comme « va te faire foutre pour les détails » ? Je le glissai rageusement à l'annulaire, en le foudroyant du regard. On aurait plutôt dû jouer le vieux couple, on n'aurait eu aucun mal à simuler la scène de ménage. Encore heureux, j'avais réussi à éviter la robe. Exit cependant le look décontracté, puisque monsieur avait sorti le smoking. Le tailleur-pantalon bon chic bon genre et le brushing parfait. Ha non, mais ma meilleure pote passerait à côté de moi sans me reconnaître avec cette allure. Bon ok, j'exagère un peu.

Nous rentrâmes dans le premier wagon et il m'attrapa la main. Ouais les détails je sais... Ce n'était pas la première fois que je faisais de l'infiltration, mais alors dans un rôle qui ne me collait pas du tout à la peau et avec un partenaire, jamais. Il disait quoi, si je lui écrasais les doigts ? Roh ça va c'était une blague, je n'allais pas le faire. Sauf s'il disait un truc chiant, ouais là faudrait que j'évacue la tension. Ce n'était pas bon de travailler toute tendue.

- Oui mon chériiiii, dis-je d'une voix un poil enjouée.

Le premier wagon était un wagon de passagers assez calme. Certains ne nous prêtèrent même pas attention, d'autres nous observèrent passer. Clairement on ne trouverait pas ce qu'on cherchait dans les wagons voyageurs et pourtant c'était sûrement aussi de ceux-là que nous devions nous méfier. J'ouvris la porte suivante pour emprunter le sas qui menait au wagon suivant :

- Après toi Chaton, tu vois je te l'avais dit que le mini bar c'était pas ici, lançai-je.

Quoiii ? Chaton, ce n’était pas mieux que Princesse ? Ha oui ben non, ne comptez pas sur moi pour abandonner les surnoms ridicules. C'était ma marque de fabrique et puis quoi, c'était pour le rôle hein. En attendant, j'espérais que le prochain wagon serait vide, mieux, qu'on y trouverait cette cargaison et qu'on puisse vite se carapater. Le suivant ? Bon sang, mais quel foutoir ! À croire que l'antiquaire du coin avait pris sa retraite et qu'ils avaient balancé son souk au hasard dans ce wagon. Ha non, mais à part le passage au milieu pour rejoindre le wagon suivant, c'était à foutre une crise cardiaque à une maniaque du ménage. On aurait dit mon salon à une époque... Non peut-être pas. A priori, il n'y avait personne dans ce compartiment.

- Bon on peut commencer par ici, déjà. On remonte ses manches Chaton !

Non, mais là Princesse c'était plus adapté, vous en conviendrez. C'était Cendrillon qui remontait ses manches. Moi je n’ai jamais vu de chaton se lancer dans des fouilles archéos ou sortir la balayette.

Il fallait savoir un truc avec moi. C'était que plus quelqu'un râlait, plus j'avais envie de le taquiner. C'était plus fort que moi. Ha ben c'était pour ne pas faire mentir ceux qui affirmaient que j'étais chiante.

- Pourquoi ? Ça ne te plaît pas Chaton ? Tu préfères mon trésor ? Mon amour ? Mon cœur ? C'était le préféré de ma mère celui-là... Oh ! Je sais ! Mon canard ou poussin ? Nickel avec ta couleur de cheveux.

Et pendant que je le charriais, chaton - non, mais chaton c'est parfait, je trouve - était en train d'organiser sa fouille. Ce qu'il était organisé, dis donc. Je lui demanderais bien de classer mes placards après la mission, s'il s'ennuyait. Ha ! Il avait trouvé une caisse intéressante.

- Hop là doucement, chaton, si tu vas trop vite, tu vas faire une erreur. Laisse-moi jeter un œil. Ça c'est mon domaine et je suis là pour ça.

Ha ben je n'étais clairement pas là juste pour parfaire son scénario de diversion en jouant la mijaurée jeune mariée. Non, mon expertise en système de sécurité et mon expérience de cambrioleuse allaient être mises à contribution. Sauf que ça, il ne le savait pas. Ha ben non, je n'avais pas vraiment mis mon passé de criminelle sur mon CV. La caisse qu'il avait trouvée avait effectivement l'air de correspondre à l'idée que je me faisais du colis que nous devions récupérer. Je m'accroupis et passai mes doigts agiles sur le couvercle. Il était impossible que le chargement que nous cherchions ne soit pas protégé par plusieurs sortilèges de sécurité. Je sortis ma baguette et entrepris dans le plus grand silence plusieurs tests et analysai lentement ce à quoi nous avions affaire.

- Il se peut que ce soit la bonne, les sorts de sécurité ont l'air pas mal sophistiqués pour qu'il ne s'agisse que d'un bête chargement de bièraubeurres.

C'était qu'il était doué Chaton, ou alors il avait grave de la veine. Bon, ben le mieux pour ça c'était de vérifier, non ? Je fis sauter la première sécurité rapidement, la seconde aussi, la troisième en revanche, si je voulais gagner du temps, Chaton allait devoir s'y coller.

- Tu vas devoir m'aider, c'est comme une porte à deux serrures où il faut tourner les deux clés en même temps. Là on va devoir désactiver les deux sorts en même temps sinon on est mal.

Je n'avais pas trop envie de lui expliquer ce qui risquait de nous arriver, si on se plantait, mais franchement, ce n'était pas des choses vraiment cool. Sauf que nous n'eûmes pas vraiment le temps d'en faire plus. La porte du wagon s'ouvrit sur deux individus et sans savoir s'il s'agissait d'ennemis ou non, mon instinct de survie réagit instantanément. J'attrapai mon acolyte par la chemise, basculai rapidement sur le dessus de la caisse et lui murmurai :

- Joue le jeu !

Puis je lui collai mes lèvres sur les siennes sans plus de cérémonie. Il voulait que l'on joue le couple de jeunes mariés ? C'était le moment d'être convaincant.

- Qu'est-ce que vous faites là ?

Il s'adaptait vite le O'Malley. Si, si  franchement ! Moi j'étais prête à parier qu'il aurait râlé après ma petite tirade de surnoms. Ha je suis mauvaise langue, mais bon ça n'allait pas m'empêcher de le taquiner au besoin. Finalement, je trouvais que nous ne formions pas une si mauvaise équipe que cela. Chacun ses compétences et aucun des deux ne mettaient de bâtons dans les roues de l'autre. C'est vrai, on aurait pu croire vu le souci à s'entendre sur la manière d'effectuer cette mission que c'était mal parti, mais en fait sur le terrain c'était complètement différent. Nous réalisions notre objectif au feeling et je devais avouer que ça se passait plutôt bien. J’appréciai aussi franchement, qu'il ne mette pas en doute mes capacités et qu'il me laisse analyser la caisse. Ce n'était pas donné à tous les mecs de penser qu'une femme pouvait faire du bon boulot et jouer un rôle important dans ce genre de contexte. Cool, il avait été bien élevé ce petit, on féliciterait sa maman à l'occasion. Je savais que je viendrais à bout de chacune des sécurités, rien ne m'avait jamais résisté.

En attendant, l'oscar du meilleur acteur était décerné à... roulement de tambour ! Sean O'Malley ! Ha non, mais quand je disais qu'il s'adaptait vite, c'était pas des foutaises ! Bon sang que je n'aimerais pas qu'il soit sur mon dossier de cambrioleuse. Je sentais qu'il saurait être un traqueur redoutable. Fort heureusement grâce à nos amis les mangemorts, le ministère avait sûrement d'autres chats à fouetter que de retrouver une voleuse d'objets rares. Pis bon, ça va je rendais service aussi. Non, mais si on mettait de côté ma cleptomanie, j'étais une personne tout à fait fréquentable et sans histoires. N'empêche que franchement Chaton il était grave doué en infiltration ! Direct il avait compris mon délire et direct il était rentré dans mon jeu, ce qui eut du coup l'effet voulu. Endormir la méfiance des deux types. Un couple qui s'isolait dans un wagon de stockage pour copuler, rien de suspicieux non ? Le petit regard mi-gêné mi-boudeur vers les deux types, pour compléter le tableau et on n'en parlait plus.

- Dégagez !

Définitivement, si nous dérangions, c'est que nous étions au bon endroit et que notre objectif était là. Il nous aurait juste fallu quelques minutes supplémentaires pour y parvenir. On ne pouvait clairement pas partir, dès que nous aurions franchi cette porte, nous serions grillés. J'avais déjà fait sauter des sécurités de la caisse, ça allait se voir et signer notre arrêt de mort. Je croisai le regard de Sean. Il n'avait pas besoin de m'expliquer. Moi aussi j'avais compris ce qu'il nous restait à faire. Il était réactif et il terrassa l'un de nos deux adversaires. Je l'imitai rapidement, du moins j'espérais avoir été assez rapide. J'avais juste à espérer qu'en face mon assaillant ne le soit pas plus que moi. Au pire, nous en étions maintenant à deux contre un. Cela jouerait en notre faveur, non ?

- Stupefix !

Ha mais nooooon ! Raté ? Genre pourquoi il réussissait et pas moi ! Fichus dés à la con, qui sont misogynes, voilà tout! Parce que le vilain pas beau, il avait été plus fute-fute que son collègue, voilà tout ! J'étais tombée sur le coriace. Et là, mon collègue décida de lui refaire le portrait. Ha ben ouais pourquoi pas ? Il laissa tomber sa baguette au sol. Ha non, ça par contre c'était une très mauvaise idée. On ne lâchait pas sa baguette comme ça ! S'il y en a d'autres qui se pointaient, il était mal barré. Je ramassai donc sa baguette en soupirant et en regardant Chaton se battre avec le Rat. Ils allaient salir le sol ! Déjà que c'était pas très clean. Et allez que ça s'envoyait des patates par ci et par là ! Oh Stop là ! Si on me l'abîmait, qui allait porter la caisse ? Bon, ça devenait ridicule, là. Vu que Chaton ne s'en sortait pas, j'intervins et neutralisai l'opposant avec un simple sort, prenant garde de ne pas viser Sean. Ha ben ça va, je n'étais pas débile non plus. Je tendis sa baguette à l'Auror et observai les dégâts.

- Ha ben bien ! Je vais expliquer ça comment à Belle-Maman moi ?

Oui oui, même après un affrontement, je trouvai le moyen de faire de l'humour. En même temps, vu l'état de sa lèvre, on n'était plus près de simuler le couple qui se bécote. Bon, je n'avais pas envie d'attendre le reste de la cavalerie. Il fallait qu'on s'occupe de cette caisse et qu'on fasse sauter cette maudite sécurité, qu'on vérifie le contenu et qu'on se casse. Punaise, pourvu que ce soit la bonne, je n'avais pas envie de recommencer tout ce cirque dans un autre wagon. Notre mascarade ne tiendrait plus longtemps et ça commençait à devenir serré en timing. L'affrontement avec nos ennemis nous avait fait perdre un temps précieux.

- Allez, on ouvre cette caisse et on croise les doigts pour que ce soit la bonne. T'es prêt ? À trois. Un, deux et...

Sésame. Ouais, non c'était pas ça le sort. C'était juste pour dire que ça n'avait pas fait boum et qu'on n'avait du coup pas explosé avec le wagon du train en faisant une mauvaise manip'. Est-ce que ça ressemblait à une caisse remplie de potions super dangereuses ? La réponse était oui En même temps, on le savait depuis le début, han la la quel suspense . Je me tournai vers mon acolyte, sourire aux lèvres. Le plus dur était fait non ? Trouver la caisse, maintenant, il n'y avait plus qu'à partir avant que d'autres ne rappliquent.

- Bon allez, on ne va pas prendre le thé ici. Par contre je veux bien qu'on aille boire un whisky après tout ça, dis-je en lui faisant un clin d’œil.

Quoi? une victoire, ça se fêtait! En attendant, les potes de nos vilains pas beaux avaient décidé de rappliquer, vu le bruit que j'entendais dans le sas qui menait à notre wagon. Il était peut-être temps de filer.