Ce n’était pas la pleine lune, pas encore… Non sinon, tu serais déjà en pleine forêt pour éviter de croiser n’importe qui sous ta forme lupine. Pourtant, même si l’astre de la nuit n’était pas plein, ça ne t’empêchait pas d’être en dehors de ton dortoir à arpenter les couloirs. Tu ne le cachais pas à tes camarades de dortoir qui avaient vite pris l’habitude de tes sorties nocturnes. C’était là ton subterfuge pour que personne ne se rende compte que tu disparaissais systématiquement les nuits de pleine lune. Disparaître aléatoirement lors d’autres nuits du mois. Tu avais toujours procédé ainsi à Durmstrang, de ce fait tu avais vite repris tes habitudes en arrivant à Londres. Seuls les lieux changeaient, les stratégies pour cacher ta seconde nature eux restaient les mêmes et tu les connaissais par cœur. Tant de contraintes pour ne pas être méprisé ou rejeté à cause de ta malédiction… Tu te demandais parfois ce que c’était de ne pas avoir à se soucier des phases de la lune chaque mois, de ne pas avoir à mentir sur ce que tu faisais ou ce que étais.

Ayant débarqué à Londres en septembre, les nouveaux lieux à explorer ne manquaient pas. Ce soir, tu avais emprunté le réseau de cheminettes pour te rendre à Poudlard. Tu n’avais pas envie de croiser l’un des étudiants de l’université, car oui tu n’étais certainement pas le seul à t’accorder des virées nocturnes. Tu n’avais pas envie de t’engager dans un débat sur l’avenir des sorciers ou même du monde. Les derniers évènements avaient plombé ton optimisme. Ce n’était pas tant le fait d’avoir été blessé, la preuve tu t’étais assez vite remis. C’était d’avoir eu à t’inquiéter pour les gens auxquels tu tenais, c’était d’avoir été mis au milieu de scènes de désespoir et de terreur. Les Mangemorts avaient répondu au Blood Circle ce soir-là et tu ne voyais pas les choses s’apaiser. Non tu voyais l’escalade de la violence et des centaines d’innocents sacrifiés pour des causes que tu jugeais absurdes. Alors non tu n’avais pas envie de croiser d’étudiants et leur dire que tout allait s’arranger car tu n’y croyais pas toi-même. Pas aujourd’hui. Les collégiens te connaissaient moins. Alors si par hasard tu en croisais un, tu avais plus de chances d’éviter ce sujet.

Tu laissas tes pas te conduire à travers les couloirs du château, te dissimulant habilement lorsqu’un enseignant se décida à emprunter le même couloir que toi. Tu n’étais pas du genre à te faire prendre aussi facilement. Ta condition avait au moins l’avantage d’avoir affûté tes sens et tu repérais rapidement l’approche de quelqu’un. Les escaliers s’enchaînèrent ensuite sans s’amuser à te faire prendre de nouvelles directions. C’est finalement vers la tour d’astronomie que tu te retrouvas bientôt. Pourquoi pas ? Tu n’avais pas encore eu l’occasion d’y mettre les pieds. Seulement en t’approchant tu entendis des voix. Des voix ? Non une seule… Aux tonalités, tu l’identifias comme masculine, puis relativement jeune. A priori ce n’était donc pas un membre du personnel et tu continuas ton ascension vers la tour. Aucun risque qu’un élève te dénonce, puisque cela se retournerait forcément contre lui.

Discrètement, tu te glissas jusqu’à l’entrée de la salle d’observation et tendis l’oreille. Pas vraiment pour épier, mais pour être certain de ne pas interrompre quelque chose. Pourtant ce que tu entendais te laissait perplexe. Ce n’était pas la lecture d’un ouvrage à voix haute, pas non plus quelqu’un commentant ce qu’il pouvait voir à travers le télescope. Non, c’était assez étrange, comme une conversation où il manquait un interlocuteur. Une crise de somnambulisme ? Si c’était le cas, tu ne pouvais pas laisser quelqu’un dans cet état en haut de la tour d’astronomie et repartir en faisant comme si de rien n’était. Tu finis par entrer dans la pièce constatant par la même occasion qu’il n’y avait vraiment qu’une seule personne comme tu le supposais. Tu n’étais pas un spécialiste, mais tu n’avais pas non plus l’air d’être face à quelqu’un en pleine crise de somnambulisme. Ton regard passa de nouveau la salle en revue, mais non s’il y avait quelqu’un d’autre tu l’aurais entendu. Tu finis par dévisager l’élève, constatant aux couleurs de son uniforme la maison à laquelle il appartenait.

- Bonsoir, commenças-tu sans parvenir à retirer de ton visage cet air interrogateur.

Tu avais l’impression que quelque chose t’échappait et tu n’aimais pas ne pas comprendre.

- Tout va bien ? Tu… tu parlais avec quelqu’un ?

Après le somnambulisme, te venait encore d’autres suppositions. Une potion de confusion ? Un esprit du château ? N’avait-il pas prononcé le mot ectoplasme ? Tu n’étais pas du genre à classer quelqu’un dans la catégorie des aliénés sans avoir éliminer auparavant un bon nombre de pistes. Ton regard se posa alors sur l’ouvrage dans ses mains. Un roman ? Une pièce de théâtre dont il en lisait les dialogues ?

- Ou alors tu étudiais ?

Ça, c’était une certitude. Ce n’était certainement pas cette nuit que tu entamerais un débat sur l’avenir du monde sorcier, ni de débat tout court d’ailleurs. Tu ne t’attendais d’ailleurs sûrement pas à ce qui allait suivre. Des choses étranges tu en avais vu, des comportements atypiques aussi, pour autant tu n’avais jamais jugé quelqu’un dès la première minute. Tu le savais mieux que personne. Les apparences étaient trompeuses. L’entrée en matière te fit hausser un sourcil. Monsieur ? Certes, tu étais sans doute plus âgé, mais l’écart d’âge ne te paraissait pas non plus énorme. Tu n’avais vraiment pas besoin d’une telle formule pour te caractériser. Quant à frapper à la porte ? Machinalement ton regard se tourna vers l’entrée de la pièce où aucune porte ne se trouvait dans l’ouverture. Tu ne cillas pas lorsqu’il s’approcha de toi d’une démarche peu conventionnelle. Bon soit, il n’était pas le premier type un peu original que tu croisais. Un peu ? Tu n’étais pourtant pas du genre perturbable, mais pour le coup ta curiosité était piquée. C’était toujours cette envie de comprendre les choses qui primait chez toi.

- Ha, commenças-tu sans vraiment savoir quoi répondre à un tel discours.

Bon là effectivement, ce coup-là on ne te l’avait jamais fait. Tu avais déjà croisé des sorcières qui se prenaient pour des voyantes, ou d’autres sorciers fabulant sur des soi-disant capacités hors du commun, mais le coup des êtres supérieurs ? Ça c’était une première. Tu en restais toujours à penser à un délire ponctuel motivé par une potion quelconque ou une mauvaise blague d’un camarade. Depuis le temps, les enseignants du collège se seraient forcément rendu compte que cet élève avait plutôt sa place à Sainte-Mangouste, s’il était réellement dérangé, non ? Il se présenta, t’accusant encore de manquer de politesse. Il pouvait s’estimer chanceux d’être tombé sur toi surtout… Tu en connaissais qui n’avait pas ta patience et qui l’aurait descendu sur place. Tu observas dubitatif sa main tendue, avant d’accepter de la saisir et de la serrer.

- Aidan Fleming, annonças-tu à ton tour avant de t’éloigner et de venir t’appuyer contre le mur afin de mieux l’observer, je ne t’ai jamais demandé si tu étais fou...

Même si clairement, il y avait de quoi le penser, tu n’avais jamais élaboré cette hypothèse à voix haute, et pourtant c’était ce terme qui était sorti.

- Pourquoi ? Est-ce que c’est ce que je devrais penser ? Que tu es fou ?

Intéressant choix de mots tout de même. Les fous ne parlaient pas aussi aisément de leurs symptômes, si ? Tu avais besoin de le faire parler pour éclaircir le mystère qui entourait cet élève. Tu croisas les bras et le dévisageas. Ton regard tomba de nouveau sur ce fameux bouquin qu’il avait  à la main.

- Dis-moi, tes êtres supérieurs...Tu leur fais souvent la lecture ? S’ils ont une intelligence hors du commun, c’est sûrement superflu, non ?

Tu creusais, poussais ton interrogatoire. Une intuition te soufflait qu’il te manquait quelques pièces à ce puzzle et tu n’aimais pas rester sans réponse. Tu attrapas ta baguette dans la poche de ta veste et pointas l’ouvrage.

- Tu permets ? « Accio » !

A vrai dire, tu ne regardas pas tout de suite la couverture. Ce qui t’intéressait, c’était d’observer ses réactions. Tu n’étais pas du genre à forcer la main aux gens, peut-être juste à leur en donner l’impression quand tu voulais des réponses.