Mais je pressens, sauf erreur
tous ces dangers ces terreurs

Soledad ☽ ☾ Kesabel

Ce fut avec une profonde sensation de malaise ancrée au creux de l’estomac que Soledad s’était réveillée ce matin là. Pourtant aucun élément n’était présent pour encourager ce sentiment. Elle n’avait pas passé la nuit chez Doryan cette fois, c’était assez rare mais ils avaient convenu d’un commun accord que lorsqu’il était d’astreinte ils ne dormiraient pas ensemble afin que la mexicaine ne soit pas réveillée par les appels qu’il ne manquait pas de recevoir. Même si elle préférait passer ses nuits avec lui, Soledad avait accepté cet arrangement sans trop de mal. Elle se disait qu’il serait certainement plus perturbant encore de voir le moldu partir en intervention alors que la lune était encore haute dans le ciel. Leur relation était encore relativement récente et cela faisait partie de ces choses qu’elle pouvait encore s’épargner. De plus, ça lui permettait de passer un peu de temps chez elle avec ses animaux, il fallait dire qu’un hibou et un dragon ça n’avait pas trop sa place chez un moldu, même s’ils étaient minuscules. Elle avait beau les emmener avec elle au Witches Bazaar Bazaar et passer le plus de temps possible à s’en occuper, elle craignait qu’ils finissent par se sentir délaissés. Elle savait qu’elle devrait parler à Doryan de sa nature de sorcière, mais pour le moment dès qu’elle y songeait la peur prenait toujours le dessus, étouffant les mots dans sa gorge. Révéler à son petit ami qu’elle faisait partie de ces gens que la société moldue voulait voir morts était loin d’être aisé. Elle savait que c’était reculer pour mieux sauter mais pour le moment elle ne parvenait pas à se raisonner et continuait de repousser l’échéance. Au fond d’elle, Soledad nourrissait peut-être l’espoir naïf que la situation avec le Blood Circle finisse par s’apaiser et qu’elle puisse révéler son secret sans être rongée par la peur. C’était terriblement naïf.

Mais ce n’était pas à cause de tout ça qu’elle s’était réveillée avec une boule au ventre ce matin là. Tout allait bien. Entre Doryan et elle, au Witches Bazaar, tout allait bien. Ses dernières interventions en cours de divination à Poudlard s’étaient bien passées, même si comme d’habitude elle avait senti plus de scepticisme que d’enthousiasme parmi les élèves, et à Neverland elle était enfin parvenue à éponger la dette de son père. Il lui avait fallu des années de travail pour ça, mais elle y était arrivée et si elle continuait de travailler comme diseuse de bonne aventure au cirque c’était uniquement parce qu’elle l’avait choisi et non pas parce que cette partie de sa famille avait une emprise sur elle. Même ses premiers rendez-vous en tant que sorcière accréditée s’étaient aussi bien passé que possible aux vues des conditions de ces rencontres. Les situations auxquelles elle devait faire face n’étaient pas toujours aisées et elle avait souvent face à elle des familles qui oscillaient entre peur, colère et hébétude, mais elle faisait de son mieux et elle commençait à voir des progrès. Rien de tout ça n’était donc un facteur à prendre en compte pour expliquer la sensation qui ne la quittait pas depuis le matin. Il y avait seulement une chose dont elle était sûre, c’était qu’elle devait la prendre au sérieux. C’était un avertissement, elle le sentait. Elle n’avait pas eu de vision cette fois là, mais elle n’en avait pas eu besoin. Le sentiment qui lui restait au creux de l’estomac était le même. Le sentiment que le danger rôdait et qu’il allait arriver malheur tôt ou tard. Pour une fois elle aurait préféré être assaillie par une de ses visions qui ne semblaient vouloir lui annoncer que des drames, mais ça n’avait pas été le cas. Tout ce qu’elle savait, c’était que quelque chose de terrible allait arriver. Mais quoi, où et quand, elle l’ignorait encore.

Dès son réveil, Soledad avait compris qu’elle ne pouvait pas rester ainsi sans rien faire. Elle était née avec le troisième œil, ce n’était pas pour rien, elle avait appris à comprendre tout ce qui touchait au futur et à prendre ses instincts au sérieux. Ce qu’elle ressentait, c’était un mauvais pressentiment et elle savait que, peu importe ce que ça annonçait, ça allait se produire. Elle n’était donc pas restée sans rien faire. Son abuela lui avait appris à ne jamais remettre en doute ce qu’elle ressentait alors elle suivit ce conseil. Ses draps à peine repoussés, la mexicaine était allé chercher son jeu de tarot pour l’interroger et ainsi en avoir le cœur net. Le message des cartes fut sans appel : plus la lune serait haute dans le ciel, plus les malheurs seraient nombreux. Le danger rodait au cœur de la nuit et elle en croiserait certainement le chemin. Un frisson accompagna Soledad lorsqu’elle sortit de la transe dans laquelle elle se plongeait pour interroger son tarot. C’était terriblement flou, mais comme toujours la divination n’était pas un art de précision. La mexicaine savait que sa capacité à soulever le voile du futur était un don inestimable, elle ne devait pas trop en demander. Au moins elle était consciente qu’elle devait se tenir sur ses gardes et surveiller la tombée de la nuit. Ce soir là elle devait travailler à Neverland, quelque chose se passerait donc au cirque, elle le sentait. Quelque part, ça ne l’étonnait pas totalement. Le cirque était connu pour accueillir des sorciers de tous horizons sans jamais leur poser la moindre question, la seule condition étaient qu’ils aient un talent à mettre au service du lieu, ou qu’ils se rendent utiles. Cela voulait dire que c’était l’endroit parfait pour les sorciers recherchés, les âmes torturées, les être aux penchants peu convenables. Neverland ne rassemblait pas des enfants de chœur, alors parfois il était inévitable que les choses tournent mal. Apparemment ce soir serait un de ces soirs.

Ce fut avec cette idée en tête que Soledad passa sa journée au Witches Bazaar. Son esprit préoccupé n’échappa pas à Maxime qui vint l’aider une fois ses cours terminés en fin d’après midi, mais elle se contenta de lui dire qu’elle avait plein de choses en tête, ce qui était loin d’être faux. Elle savait que si elle parlait à la jeune Gryffondor de son mauvais pressentiment celle-ci voudrait l’accompagner à Neverland et il était hors de question que la voyante la mette en danger d’une manière ou d’une autre. Puisque ses cartes de tarot lui avaient indiqués que le danger viendrait avec la nuit, elle put au moins passer une journée tranquille, bien qu’un peu à cran. Posséder le don de troisième vue n’était pas toujours de tout repos. La nervosité de la mexicaine augmenta cependant lorsqu’elle termina sa journée au Witches Bazaar et qu’elle transplana pour Neverland. Elle avait encore une bonne heure devant elle avant de devoir endosser son rôle de La Catrina mais elle aimait arriver en avance pour se préparer et passer voir les sombrals. Lorsque sa cousine Mahra avait quitté le cirque, elle avait emmené avec elle les sombrals qu’elle avait dressé mais de nouveaux étaient rapidement arrivés et Soledad avait gardé l’habitude d’aller leur faire une petite visite avant l’ouverture du cirque. Ca lui donnait l’impression d’être plus proche de sa cousine, même si elles échangeaient des hiboux de temps en temps. Les chevaux squelettiques allaient et venaient comme bon leur semblait et le nouveau dresseur s’en occupait à merveille mais elle s’était attachée à eux. Aujourd’hui ne fit donc pas exception, surtout que ça lui permettait de faire un peu le tour des lieux pour s’assurer que tout se passait bien. Soledad n’avait aucune responsabilité particulière à Neverland, juste son rôle de diseuse de bonne aventure, mais après tant d’années passées au cirque, elle se sentait concernée par ce qu’il s’y passait. Et si elle pouvait y éviter des drames grâce à son don, alors il était de son devoir de faire de son mieux.

Comme toujours, Soledad passa un long moment en compagnie des sombrals, à les cajoler et à leur donner des morceaux de viande crue avant de finalement prendre le chemin de la tente où elle officiait, même si elle avait encore un peu de temps devant elle. Elle se trouvait seulement à quelques mètres de l’entrée de sa tente quand son regard rencontra une silhouette qui la poussa à ralentir. Elle fronça les sourcils, Kesabel se trouvait là au beau milieu du sentier, à seulement quelques pas d’elle. Aussitôt, la sensation de malaise qui l’envahissait toujours lorsqu’elle se trouvait en sa compagnie refit surface. Comme si son mauvais pressentiment ne suffisait pas. Tout en s’efforçant d’oublier la dernière conversation qu’ils avaient eu, elle avança vers le sorcier. « Bonjour Kesabel. » Souffla-t-elle d’une voix posée. Elle devait se rappeler qu’elle n’avait rien à se reprocher, que ce qu’il voyait d’elle était uniquement ce qu’il voulait voir et non pas la réalité. Qu’elle n’avait aucune raison de se sentir pleine d’appréhension en sa présence. Même si celle-ci soulevait quelques questions, et qu’elle savait bien comment ça s’était terminé la dernière fois qu’elle lui avait posé des questions. « Si tu viens pour visiter le cirque, il faudra revenir un peu plus tard. Neverland n’ouvre qu’à la tombée de la nuit. » Reprit-elle sur le même ton. Elle se doutait qu’il n’était pas là pour le travail. A part les sombrals, qui vivaient d’ailleurs en totale liberté et ne participaient aux spectacles de leur dresseur que parce qu’ils le voulaient bien, Neverland n’utilisait pas d’animaux sauvages. Kesabel ne pouvait donc pas être là en sa qualité d’éleveur de dragons. Et puis le directeur du cirque était absent, il ne pouvait donc pas avoir rendez-vous avec lui. La dernière option était qu’il soit là pour visiter le cirque et assister aux numéros, mais Soledad sentait que ce n’était pas ça la raison de sa présence. « A moins que tu ne sois là pour autre chose ? » Demanda-t-elle finalement après une seconde d’hésitation. Sûrement allait-il l’envoyer balader comme il l’avait fait la dernière fois, prétexter que ça ne la regardait pas ou qu’il n’avait pas à lui répondre. Mais le problème c’était que justement ça la regardait. Il était un inconnu dans un cirque fermé et les résidents de Neverland n’aimaient pas beaucoup que des sorciers inconnus mettent leurs nez dans leurs affaires. Et puis Soledad n’oubliait pas la sensation de malaise qui l’envahissait depuis le matin, la présence de Kesabel y était peut-être liée. Elle reprit, dans l’espoir de s’expliquer et de montrer au sorcier qu’elle n’était pas là juste pour l’embêter de sa présence. « Le gérant n’est pas là pour le moment et de tous les artistes présents ce soir, je suis celle qui travaille ici depuis le plus longtemps. Je suis celle qui connait le mieux le cirque. » Et donc celle la plus à même de l’aider, peu importe ce qui l’amenait là. Comme c’était ironique.

Mais je pressens, sauf erreur
tous ces dangers ces terreurs

Soledad ☽ ☾ Kesabel

Au fil des ans, Neverland était devenu le terrain de Soledad. Ca n’avait pas été un cheminement simple, elle l’admettait, d’ailleurs quand elle était arrivé au cirque, elle n’avait pas pensé pouvoir affirmer une telle chose un jour. Ca lui avait pris du temps, mais elle avait trouvé sa place dans ce cirque si spécial et aujourd’hui elle pouvait affirmer sans se tromper qu’elle s’y sentait un peu comme chez elle. Certes, elle ne ressemblait toujours pas à la plupart des sorciers qui venaient y travailler. Elle n’était pas une âme torturée, n’avait pas de sombre secret à camoufler et ne cherchait pas à fuir quelque chose. Au final, Soledad ne ressemblait pas à ceux qui peuplaient Neverland, en fait, elle avait même très peu en commun avec tous ces êtres sombres qui passaient entre les allées du cirque pour un temps plus ou moins long. Mais elle n’en doutait plus désormais, ce n’était pas parce qu’elle était différente, qu’elle n’y avait pas sa place. Certes, elle avait mis plus de temps que la plupart des autres à se la faire, cette place, mais elle était bel et bien là et Soledad l’assumait parfaitement. Peu importe qu’elle fasse tache au milieu de l’ambiance noire de Neverland, ce lieu lui donnait la chance de mettre son don en pratique, de guider des sorciers perdus, le tout sans être jugée, ni moquée. Ce qui avait été au départ une obligation, avait fini par devenir une opportunité. Désormais, bien des années plus tard, la mexicaine avait fini par avoir le sentiment qu’au Neverland, elle était un peu chez elle et c’était d’autant plus vrai depuis que la dette que son père avait contracté auprès de sa famille avait été totalement remboursée. Désormais, la voyante se trouvait libre de faire ce qu’elle voulait, et c’était librement qu’elle avait choisi de rester au Neverland. Peut-être qu’un jour elle choisirait de quitter le cirque. Mais ce jour n’était pas encore arrivé.

De ce qu’elle en savait, Soledad allait encore passer des mois, des années à arpenter les allées du cirque, à flatter les sombrals et à recevoir des sorciers dans sa tente pour jouer les diseuses de bonne aventure. Elle avait encore des choses à faire, des choses à voir à Neverland. La mexicaine en était consciente, c’était un lieu différent des autres, pour certains ce n’était pas toujours synonyme de positif, mais elle, elle avait décidé de laisser sa chance à ce lieu. Et pour le moment, elle n’avait pas été déçue. Il y avait encore des surprises qui l’attendaient là et elle ne pouvait définitivement pas dire le contraire quand une apparaissait au détour d’une allée. Elle en avait vu des choses à Neverland, Soledad, elle avait appris à s’attendre à tout, mais elle devait admettre qu’elle n’avait pas songé qu’un jour elle y croiserait Kesabel. La surprise figea la mexicaine un instant. Vu leur dernière conversation, elle ne s’était pas attendue à revoir le sorcier de sitôt, et honnêtement, elle n’allait pas s’en plaindre. Elle détestait ça, mais se sentait toujours aussi mal à l’aise dès que le Greyback était dans les parages. Rien que sa présence réussissait à lui tordre l’estomac malgré le nombre de fois où elle se répétait qu’elle n’avait rien fait de mal. Aujourd’hui ne faisait pas exception à la règle, ce sentiment venant s’ajouter à celui qui lui pesait sur la conscience depuis son réveil. Néanmoins, Soledad ne choisit pas la fuite et alla saluer -affronter- son ancien ami. « Salut… » Soledad l’observa un instant en silence, s’efforçant de jauger la situation. Que faisait-il là ? Est-ce que sa présence était en lien avec le sentiment qu’un malheur allait survenir ? La nuit allait bientôt tomber, son tarot lui avait dit que le danger viendrait à ce moment là. Est-ce que tout était lié ? Soledad devait en avoir le cœur net.

La mexicaine n’aimait pas l’idée d’interroger Kesabel, pas après leur dernière conversation. Elle craignait qu’il ne l’envoie balader et refuse de répondre à ses questions. Elle craignait encore plus qu’il ne se mette de nouveau en colère. Pourtant, elle n’avait pas le choix, le cirque était fermé, elle ne pouvait pas le laisser se balader dans les lieux tranquillement, il allait s’attirer des ennuis avec les sorciers qui se trouvaient là. Si elle ne se faisait pas réellement de souci pour lui, de doutant pas qu’il pourrait se tirer de toute situation fâcheuse, elle n’avait pas non plus envie de voir un scandale éclater. Et puis il y avait aussi l’avertissement des cartes, elle ne pouvait pas l’oublier. Que Kesabel choisisse pile ce jour pour venir au Neverland ne pouvait pas être au hasard. C’était un signe et Soledad croyait en les signes. Le soupir du sorcier la fit craindre le pire, mais finalement aucune étincelle ne s’alluma dans les yeux du loup. « Ecoute, je veux pas te mêler à cette histoire sinon j’en ai une qui va me faire royalement chier et même si tu connais les lieux comme ta poche, je suis pas sûr que tu sois d’une grande aide. » Soledad fronça les sourcils. Pas à cause de l’insulte à moitié déguisée qui ponctuait les paroles de Kesabel, ça elle y était habituée. Elle savait qu’il la prenait certainement pour une incapable alors elle ne prit pas la peine de se sentir offusquée. Elle ne parvenait pas à ne pas totalement se laisser atteindre, mais au moins elle pouvait prétendre l’inverse. Non, son geste fut à la mention d’une affaire qui le menait là. Elle se retint de lui demander plus d’informations, sachant pertinemment qu’il ne lui révélerait que ce qu’il voudrait bien. Et quand il le voudrait bien. « Que je sois d’une grande aide ou pas n’est pas important, personne ne te laissera trainer dans le cirque tranquillement si je ne suis pas avec toi. » Expliqua-t-elle. C’était ainsi à Neverland, presque tous les sorciers présents avaient quelque chose à cacher alors un étranger qui se promenait dans le cirque en dehors des ouvertures ce n’était pas vu d’un bon œil. Et vu la manière dont Kesabel lui présentait les choses, Soledad comprenait qu’il n’était pas ici pour rencontrer quelqu’un du cirque. S’il voulait pouvoir régler ses affaires en paix, il allait devoir faire avec sa présence. Avoir la mexicaine à ses côtés n’empêcherait pas les artistes de se méfier mais au moins ils ne le jetteraient pas dehors. « Et si Maxime te fais chier avec ça, au moins tu pourras lui dire que ce n’était pas de ta faute. » Ajouter un cette fois lui brûlait les lèvres mais elle se garda de l’ajouter. Il y avait déjà assez de tensions entre eux comme ça, inutile de le provoquer.

En silence, Soledad affronta le regard de son ancien ami. Elle n’avait pas l’intention de reculer, au Witches Bazaar elle s’était laissée intimidée et elle comptait bien faire de son mieux pour que ça n’arrive pas une seconde fois. La mexicaine en avait marre d’avoir peur. « Je cherche un loup-garou solitaire. Il est sûrement dangereux, mais rien d’insurmontable pour moi. Le problème c’est qu’il parvient à se transformer partiellement quand il le souhaite et il a déjà attaqué des personnes. Des rumeurs disent qu’il aurait été aperçu dans le coin. Alors à part si tu l’as vu… je veux juste fouiller les lieux et s’il est là l’anéantir. Ce type était fêlé avant qu’il n’en arrive à ce stade de folie. » Mince alors. La voyante savait que Neverland abritait des sorciers peu recommandables, mais elle ne s’était pas attendue à ce que Kesabel lui peigne un tel portrait. Un loup garou solitaire qui avait déjà fait plusieurs victimes, ça n’augurait rien de bon. « C’est possible ça ? Une transformation partielle ? » Demanda-t-elle, effarée à cette idée. Même si elle était ouverte d’esprit, Soledad reconnaissait que ses connaissances sur les loup garous étaient assez basiques, elle avait grapillé des informations au fil des ans, pendant ses études et ses années au Witches Bazaar et appris pas mal de choses auprès de Maxime depuis que celle-ci travaillait avec elle. Mais elle n’avait jamais entendu parler d’une semi-transformation. Cette idée la fit frissonner, ça lui paraissait contre nature. Rien que de le dire à haute voix lui semblait anormal. Elle se retint de lui demander ce que l’une de ses morsures pouvait donner, certainement rien de bon. Ignorant volontairement le fait que Kesabel était là pour abattre sa cible, Soledad réfléchit.  « Plusieurs sorciers sont arrivés ces derniers jours, certains sont déjà repartis mais d’autres sont encore dans les parages. Je ne les ai pas tous croisés, celui que tu cherches en fait peut être parti. Il ressemble à quoi ? » Un instant elle se demanda s’ils devaient prévenir les artistes présents, les interroger pour savoir si cet homme se trouvait encore dans les alentours où demander de l’aide pour le coincer. Mais tous les sorciers de Neverland ne partageaient pas les mêmes valeurs morales et la délation était mal vue au sein du cirque. Alerter quelqu’un c’était prendre le risque que l’information remonte jusqu’au principal concerné et qu’il prenne la fuite. Seul le directeur des lieux aurait pu les aider dans un tel cas, or il n’était pas là.

La pensée qu’elle avait peut-être croisée un loup garou aliéné sans le savoir ne fit qu’accentuer la sensation de malaise que Soledad ressentait depuis le matin. Ce n’était pas un secret que Neverland recueillait des sorciers peu fréquentables, mais là c’était pire que tout. Cet avertissement qu’elle ressentait au plus profond de son être, le message de ses cartes, Kesabel et ce loup-garou, tout s’alignait. « Ca va mal tourner, Kesabel, je le sens. Depuis ce matin, j’ai cette sensation qui ne me lâche pas, et mon tarot me l’a confirmé. » Souffla-t-elle en levant les yeux vers lui. Il connaissait son don, il savait qu’il ne se trompait jamais, qu’elle ne disait pas ça pour rien. Il avait peut-être beaucoup de choses à lui reprocher et une image d’elle peu reluisante, mais il n’avait jamais remis son don en question. « Tu ne peux pas y aller seul. Tu devrais appeler d’autres membres de ta meute… » Il avait l’air terriblement sûr de lui, certainement à raison, et Soledad pouvait presque déjà l’entendre l’envoyer balader, mais elle savait ce qu’elle ressentait. Cette sensation de danger imminent, de catastrophe inévitable. Peu importe son assurance, Kesabel ne pourrait pas l’éviter. Doutant qu’il lui donne raison, la mexicaine leva le menton. « Dans tous les cas, je viens avec toi. » Elle le fixa une seconde, le défiant presque de protester. De toute manière il ne pourrait pas parcourir dix mètres sans qu’un sorcier ne lui tombe dessus. Il ne voulait pas avoir à se battre contre d’autres personnes pour trouver sa cible, la présence de la brune pourrait éviter ça. « Fais pas cette tête, je ne suis pas aussi inutile que tu le crois. » Avec un peu de chance il se souviendrait qu’elle avait même été bien utile, au mois d’aout.

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Soledad ☽ ☾ Kesabel

Avec Kesabel dans les parages, est-ce que quelque chose pouvait bien se passer ? Soledad venait à en douter fortement. Ils avaient été amis pendant des années, mais depuis que leur amitié avait pris fin, chaque fois qu'elle le voyait la situation dérapait. Inévitablement. Elle le croisait au hasard à la sortie d'un bar et finissait par se faire brutaliser. Par lui. Il venait au Witches Bazaar et manquait de lui briser le poignet. Même lorsqu'elle l'avait croisé sous sa forme lupine dans la forêt interdite, elle avait été blessée, et n'avait pas été la seule. Etait-ce toujours comme ça, peu importe où il allait ou est-ce qu'elle devait ce privilège à sa présence à elle ? Soledad n'était sûre de rien, et avec Kesabel elle se gardait bien de faire des suppositions. C'était un peu comme s'il était devenu son sinistros personnel. Son porteur de nouvelles funestes. Elle s'en serait bien passée, c'était une certitude. La mexicaine n'avait pas besoin de son propre oiseau de mauvais augure. Surtout quand celui-ci revêtait les traits et -surtout- la personnalité de Kesabel. Au final, qu'elle croise sa route à Neverland, pile le jour où elle ne parvenait pas à se défaire de l'impression qu'une catastrophe allait arriver, n'était pas réellement étonnant. Sûrement aurait-elle dû s'y attendre. Dans tous les cas, elle prenait sa présence comme une confirmation de ce que ses cartes lui avaient laissé entrevoir. Avec le coucher du soleil viendrait le danger, que le Greyback se présente pile à ce moment-là ne pouvait pas y être totalement étranger. Elle ne disait pas que c'était lui qui allait provoquer les calamités qui ne manqueraient pas de s'abattre sur eux, elle ne disait pas que ce serait de sa faute, elle ne l'accusait de rien. Mais il y était indéniablement lié, d'une manière ou d'une autre. Et l'air sombre qu'il arborait était loin de la détromper.

Le danger qui les attendait, Soledad n'avait pas l'intention de le fuir. Si elle était capable d'apercevoir des brides du futur, ce n'était pas pour passer son existence à fuir. Ce n'était pas ainsi que son abuela l'avait éduquée, elle n'aurait pas été digne de son don si elle avait choisi d'agir ainsi. Oh, son aïeule ne l'avait jamais encouragé à courir au-devant du danger non plus, mais l'ignorer n'était pas plus prudent pour autant. Soledad était née avec le troisième œil, ce n'était pas pour rien. Ainsi, la mexicaine était parfaitement consciente des risques qu'elle s'apprêtait à prendre et elle comptait bien en assumer les conséquences, même si c'était voir Maxime lui râler dessus. « Bon courage… » A ces mots, Soledad se contenta d'un haussement d'épaules. Oui, Maxime n'allait pas aimer apprendre que Kesabel et elle avaient pris des risques, oui elle risquait très fortement de l'engueuler avec plus ou moins de verve suivant comment cette histoire allait se terminer, mais ce n'était pas une raison pour tout laisser tomber. Que les choses soient claires, Soledad n'avait pas forcément envie de risquer sa vie pour aider Kesabel, ça n'avait rien à voir avec lui elle n'était juste pas suicidaire, mais elle le sentait au fond d'elle, le danger ne pourrait pas être évité. Alors autant s'y préparer de son mieux. Ce qui lui sembla toutefois impossible lorsqu'elle apprit pourquoi le sorcier était présent à Neverland ce soir-là. Une histoire de loup garou solitaire, mais pas n'importe lequel, un qui forçait une semi-transformation et qui avait déjà fait des victimes. Cette histoire de semi-transformation, c'était la première fois que Soledad en entendait parler mais déjà ça renforçait son mauvais pressentiment. « Chez les loups totalement fous, oui. Rare, mais possible. » La mexicaine eut un frisson. Elle savait que dans la meute Greyback, la morsure était une sorte de but à atteindre, mais là, ça avait quelque chose de profondément macabre, malsain même. Et vu la raison de la présence de Kesabel, il avait l'air d'accord. Ce loup devait être arrêté et vu le message des cartes, il se trouvait sûrement encore quelque part dans le cirque. « A peu près ma taille, cheveux aux épaules. Il a l’air malingre et pas très propre sur lui. De mémoire châtain foncé, yeux clairs. Je ne l’ai pas vu depuis des années, mais d’après ce que la petite m’a décrit, il n’a pas trop évolué. » Soledad fronça les sourcils. La petite ? Quel âge avait la dernière victime de ce taré ? Les mots de Kesabel lui faisaient craindre le pire. Elle avait le cœur au bord des lèvres à l'idée qu'un loup qui attaquait des enfants ou jeunes sorciers puisse se trouver en ce moment même à Neverland. Que peut-être elle avait croisé son chemin. Elle hocha la tête, fouillant dans ses souvenirs pour retrouver les visages des derniers arrivés au cirque. « Ca peut correspondre. » Souffla-t-elle pensivement. La description restait vague et assez banale pour correspondre à plusieurs personnes mais au moins elle lui parlait. Ce qui voulait dire que la chasse était inévitable.

Même si elle se doutait que l'information serait accueillie avec scepticisme, voire mépris, Soledad parla à Kesabel de l'impression de malaise qui ne la lâchait pas depuis son réveil, mentionnant également que ça avait été confirmé par son tirage de tarot. Le soupir du loup ne la surprit pas le moins du monde. « Et ben c’est pas immuable tes présages là… Je vais m’assurer de changer l’avenir… » Soledad ne se laissa pas démonter par le ton presque mordant de Kesabel. Elle savait que ce n'était pas du mépris pour son don qu'elle devait y lire. Depuis le temps qu'ils se connaissaient, il avait eu de nombreuses fois l'occasion de la voir utiliser de son don. Et d'en voir la réalisation. Même si ça n'avait pas été le cas depuis longtemps, il ne pouvait pas soudainement s'être mis à douter. Après tout, si lui-même se changeait en loup les nuits de pleine lune, il savait qu’elle possédait une cousine nécromancienne rien ne l'empêchait de croire qu'elle pouvait lire l'avenir dans des artefact. Mais elle comprenait qu'il n'en ait pas envie. « Ce n’est pas aussi simple que ça. L'avenir trouve toujours le moyen de se réaliser, que tu le veuilles ou non. N’oublie pas que je côtoie ces présages depuis bien plus longtemps que toi. » Expliqua-t-elle, bien loin de prendre la mouche. Soledad avait l'habitude de faire face aux sceptiques et là elle savait que ce n'était pas le cas de Kesabel. C'était juste que ce qu'elle disait ne l'arrangeait pas. Eh bien tant pis pour lui, ça n'allait pas l'empêcher de l'avertir, et encore moins de penser qu'il serait plus sage qu'il fasse appel à d'autres membres de sa meute pour faire face à ce problème. « Je peux le gérer seul. » Oui, bien sûr. Peut-être avait-il raison. La mexicaine ne doutait pas de ses capacités, pour avoir souvent vu sa force brute à l'œuvre et en avoir elle-même fait les frais, dans une moindre mesure. Mais elle prenait l'avertissement de son don au sérieux. Elle ne pouvait s'empêcher de sentir que cette fois, ça ne suffirait pas. « Ca ne m’empêchera pas de venir avec toi. » Même si elle doutait d’être aussi utile qu’auraient pu l’être les membres de la meute du loup, elle ne pouvait pas non plus le laisser affronter seul le danger qui se profilait. Peu importe les tensions entre Kesabel et elle, elle n’était pas ainsi. « S’il te mord, viens pas te plaindre. » Soledad roula des yeux face à l’air contrarié qui se peignait sur les traits du Greyback. Oui, alors ça, ça allait sans dire. Elle savait qu’elle s’apprêtait à prendre des risques, mais ce n’était pas pour autant qu’elle envisageait la possibilité d’une morsure avec sérénité. « Je n’en ai pas l’intention, ne t’en fais pas. » Ni de se faire mordre, ni d’aller se plaindre auprès de lui d’ailleurs.

Dans les allées de Neverland, leur passage faisait tourner quelques têtes. Mais comme Soledad l’avait pressenti, sa présence poussait les sorciers présents à ne pas poser de questions ou s’interposer. Les sourcils se levaient ou se fronçaient, mais jusqu’à présent, personne ne bronchait. La mexicaine faisait de son mieux pour paraitre détendue, comme si elle était simplement accompagnée d’une connaissance amicale -mais bien sûr-, ce n’était pas le moment de provoquer la suspicion. Créer un scandale au beau milieu du cirque serait totalement contreproductif. « C’est ton truc maintenant de côtoyer ce genre de types ? » Soledad tourna la tête vers Kesabel, surprise. Alors ça, c’était bien une question à laquelle elle ne s’était pas attendue. Elle l’aurait bien pris à la rigolade, s’il n’y avait pas eu une pointe de dédain dans sa voix. Elle jeta un coup d’œil aux sorciers qu’ils croisaient et leurs airs peu amènes. Et puis c’était quoi ce jugement ? Ce n’était pas comme si la meute Greyback comptait que des membres fréquentables. « Non, ce n’est pas ce genre de type que je côtoie. » Souligna-t-elle. Elle eut une pensée pour Doryan qui était certainement l’exact opposé de la plupart des types qu’ils croisaient. Jamais Soledad ne s’était intéressé à un sorcier de Neverland, ce n’était pas que tous étaient complètement infréquentables, certains relevaient un peu le niveau, mais clairement ils ne venaient pas du même monde. Le truc, c’était que Kesabel ignorait que si elle était aussi à l’aise au sein du cirque, ce n’était pas pour rien. « Ca fait des années que je travaille ici. Ce genre de type, c'est pas mon truc, j’y suis habituée, c’est tout. » expliqua-t-elle en sachant très bien que Kesabel ne l’écouterait certainement que d’une oreille. Soledad n’avait pas vraiment eu le choix mais il n'était pas là pour qu'elle lui raconte l'histoire de son embauche forcée à Neverland. Elle doutait que ça l'intéresse de toute façon.

Surtout, elle n’oubliait pas qu’ils avaient mieux à faire. Kesabel n’était pas venu jusqu’ici pour raviver la flamme de leur amitié passée. Ce n’était pas le moment de l’inviter dans sa tente pour lui offrir une tasse de thé et discuter de ces dernières années. L’heure de l’ouverture du cirque approchait et Soledad préférait qu’ils en aient terminé avec leur mission du jour avant que les premiers visiteurs n’arrivent. Elle n’osait imaginer ce que le loup recherché serait capable de faire au milieu d’une foule. Sans la moindre hésitation, elle entraina Kesabel à sa suite dans les allées de Neverland. Volontairement, elle s’éloigna des tentes et chapiteaux réservés aux artistes et représentations, ce n’était pas le bon endroit pour se soustraire aux regards. « Les sorciers de passage sont installés dans les caravanes près de la forêt, commençons par là. » Ces caravanes se trouvaient à la limite du cirque, non loin de l’orée de la forêt. A proximité se trouvait une sorte d’atelier à ciel ouvert où étaient entassés les tentes, caravanes et autres accessoires à réparer.  Bref, un bien meilleur endroit pour se faire discret. Si le sorcier fou se trouvait à Neverland, c’était par là qu’il fallait commencer. Au moins c’était un endroit un peu plus isolé, ce qui devrait leur rendre la tâche un peu plus facile. Juste un peu. « Tu te souviens encore de son odeur ? » Demanda-t-elle en baissant le ton. Non seulement, Soledad n’avait pas envie que leur manège soit remarqué, mais elle ne voulait pas non plus risquer d’attirer l’attention du loup en question. Ce qui l’amena à une réflexion peu favorable. « Ce qui veut dire que l’inverse est aussi vrai, j’imagine. » Et ça, ça ne risquait pas de les aider. Dommage, camoufler l’odeur de Kesabel semblait impossible. Elle lui aurait bien proposer de lui prêter une cape mais de doutait pas qu’il lui aurait ri au nez. Alors qu’ils approchaient des premières installations dédiées aux lieux de vie, une ombre attira l’attention de la sorcière. Instinctivement, elle avança une main vers Kesabel pour le prévenir, même si son odorat avait sûrement déjà fait le travail à sa place.

Mais je pressens, sauf erreur
tous ces dangers ces terreurs

Soledad ☽ ☾ Kesabel

Partir à la chasse au loup garou fêlé entre les allées de Neverland, c’était une première. Soledad travaillait depuis des années pour le cirque, ici elle en avait vu des choses étranges, des choses dérangeantes. Elle en avait côtoyé des sorciers peu fréquentables, des sorciers menaçants, des sorciers dont la place était plutôt entre les barreaux d’une prison. Mais la raison de la présence de Kesabel, ça c’était une grande première. Quelque chose qu’elle n’aurait jamais pu deviner d’ailleurs. Quand elle s’était réveillée avec l’impression que le danger planait au-dessus de sa tête, elle n’avait pas pensé un seul instant que ça pourrait concerner un loup garou. Depuis que son amitié avec Kesabel avait pris fin, elle se tenait aussi loin que possible de sa meute et de leurs différents repères. Elle savait que toute intrusion serait prise comme une provocation et c’était bien la dernière chose qu’elle voulait. Se tenir éloignée des loups de Kesabel était plus sage. Exception faite de Maxime bien sûr, mais cela ne faisait pas très longtemps que la mexicaine savait que la sorcière appartenait à la meute Greyback. Alors les lycans, toujours autres que Maxime, ça ne faisait pas vraiment partie de son quotidien. Encore moins ceux qui étaient assez fou pour forcer une forme de semi-transformation en dehors de la pleine lune. D’ailleurs, Soledad n’avait jamais entendu parler de ça et même à elle, qui était extérieure au monde des lycanthropes, ça lui paraissait contre nature. Cette idée faisait remonter des frissons désagréables le long de sa colonne vertébrale. C’était largement assez pour justifier le sentiment de malaise qui était accroché à son estomac depuis son réveil. Un loup garou complètement fou, lâché entre les tentes d’un cirque sombre tel que Neverland, qu’est-ce qui pouvait bien se passer dans un tel contexte ? Clairement, comme signes de mauvais présage, on ne pouvait pas faire mieux.

Puisque Kesabel était là, et que le don de Soledad avait été très clair -du moins à sa manière nébuleuse- cela voulait dire que la rencontre et le danger étaient inévitables. Même si c’était loin d’enchanter le sorcier, la mexicaine n’en démordait pas, elle l’accompagnerait, son troisième œil l’avait prévenu, elle ne comptait pas détourner la tête. Oh, qu’il ne s’enflamme pas, ça ne lui faisait pas plaisir de partir à la chasse au loup dans les allées du cirque, elle n’avait aucune envie de prendre des risques inconsidérés, surtout si ce fou avait déjà fait des victimes. Mais justement, en sachant tout ça, elle ne pouvait pas rester les bras croiser. Ignorer les avertissements de son don serait une terrible erreur contre laquelle son abuela l’avait toujours mise en garde. Même si c’était loin de plaire à Kesabel. Le seul point positif, c’était que sa description du loup garou lui parlait, c’était vague mais elle était presque sûre qu’il avait mis récemment les pieds à Neverland. « Je le connais. J’étais bien plus fort que lui à l’époque. C’était peut-être sa venue ici, ton mauvais présage. » Soledad pinça les lèvres, se retenant de demander à Kesabel si c’était lui le porteur du troisième œil ici. Comme c’était frustrant de le voir tenter de torde son don dans tous les sens pour l’adapter à ce que lui voulait entendre. Heureusement qu’elle n’en faisait pas de même avec la lycanthropie, pas sûr qu’il aurait eu autant de patience qu’elle. « Possible. » Se contenta-t-elle de répondre finalement, diplomate. Cependant, Soledad n’y croyait pas un seul instant. Puisque cela faisait plusieurs jours qu’aucun nouveau sorcier n’était arrivé au cirque, cela voulait dire que le loup garou fêlé était déjà dans les parages avant que le mauvais présage ne s’impose à elle. Ce n’était donc pas son arrivée qui était concernée, mais étrangement ça coïncidait exactement avec celle de Kesabel. Clairement, Soledad n’était pas convaincue, mais puisqu’elle sentait bien que le Greyback n’allait pas être réceptif à ses arguments, elle préféra ne pas s’avancer davantage. Inutile de se lancer dans un débat stérile. Le principal était qu’ils savaient tous les deux que le danger rodait. Son origine, au final, importait peu. « Donc autant que j’agisse rapidement pour régler ce problème. » La mexicaine hocha la tête pensivement. Elle n’avait qu’une envie, que ce soit aussi simple que Kesabel le laissait entendre.

Au moins, comme elle l’avait pressentie, sa présence permettait au Greyback d’évoluer librement dans le cirque. Leur passage soulevait quelques sourcils et provoquait des regards suspicieux mais au moins personne ne se mettait sur leur chemin. Soledad n’était pas assez égocentrique pour croire que sa simple présence permettrait de protéger quiconque entrerait à Neverland, mais elle travaillait au cirque depuis assez longtemps pour que ses choix ne soient pas remis en question. Si elle laissait Kesabel entrer avec elle alors que le cirque n’était pas encore ouvert, c’était qu’il y avait une raison et ça tout le monde avait l’air de le comprendre. Pas forcément de l’accepter avec joie, mais au moins sans l’en empêcher. C’était un rapport un peu étrange qui s’était fait entre la voyante et les autres résidents du cirque, que Kesabel ne manqua pas de souligner, avec son piquant désagréable habituel. « Pourquoi tu travailles ici ? C’est pour mettre un peu de piment de ta vie de petite fille sage ? » Cette fois-ci Soledad ne se retint pas de lever les yeux au ciel. Par Merlin mais c’était quoi ce jugement ? Ca faisait des années qu’ils ne se fréquentaient plus mais il trouvait quand même le moyen de la juger sur ses choix de vie, que c’était irritant. Et en plus ça avait l’air de l’amuser de se moquer de la sorte. « Et si c’était le cas ? » Rétorqua-t-elle avec un éclat de provocation dans les prunelles. Si c’était le cas, ça ne le regarderait pas, tout simplement. Mais ce n’était pas le cas, pas du tout en fait. « Ici personne ne remet en question mon don. » Ajouta la mexicaine. Elle n’en dirait pas plus. Non, ce n’était pas pour mettre du piment dans sa vie qu’elle avait commencé à travailler à Neverland, c’était parce qu’elle n’avait pas eu d’autres choix. Parce qu’un refus de sa part aurait entraîné des conséquences bien plus néfastes. Mais tout ça ne regardait pas Kesabel.

Ils étaient là pour retrouver le taré qui s’attaquait à des jeunes sorciers, par pour débattre sur les choix de vie de la mexicaine, qu’ils soient choisis ou forcés d’ailleurs. Le meilleur endroit où commencé était certainement les abords du cirque, là où les caravanes des sorciers de passages se trouvaient. C’était là que les derniers arrivés avaient été installés, et donc là où devait se trouver le loup. Du moins s’il était présent. « Ca marche, allons-y. » Soledad hocha la tête et prit cette direction. Entre les caravanes, les tentes, l’atelier et la forêt non loin, ce n’étaient pas les endroits pour se camoufler qui manquaient. Débusquer le sorcier pouvait se révéler difficile mais entre la connaissance du cirque que Soledad avait et les sens surdéveloppés de Kesabel, ils n’étaient pas sans ressources. Du moins, si le Greyback se souvenait bien de l’odeur du loup. Enfin, c’était certainement un parfum difficile à oublier, vu les circonstances. « Vaguement oui et Erin m’a donné l’élastique de ses cheveux, mais c’est léger. » La brune acquiesça de nouveau. Un vêtement ou une vraie mèche de cheveux aurait certainement été mieux mais ils allaient faire avec ce qu’ils avaient. « Il se noie dans la masse ici. Les odeurs se mélangent. C’est une très bonne idée de sa part de se planquer ici. » Ah ça. Il était vrai que Neverland était l’endroit rêvé pour les sorciers recherchés. Personne ne posait de question, personne ne cherchait à récolter la moindre information et personne ne parlait aux étrangers un peu trop curieux. Ici les sorciers sans scrupules étaient tranquilles, du moins tant qu’ils ne faisaient pas de vagues. Neverland acceptait leur présence mais certainement pas leurs agissements. Le cirque n’était pas non plus la cour des miracles. « Un loup fou furieux futé, c’est bien notre veine. » Soupira-t-elle. Franchement, elle aurait préféré tomber sur un idiot de première, ça aurait été bien plus simple à gérer. Mais si ça avait été le cas, sûrement n’aurait-il pas causé autant de problèmes.

Au milieu des caravanes, une silhouette fila. Une apparence débraillée, des cheveux longs et sales, ça correspondait à la description donnée par Kesabel. Et le fait que le sorcier prenne la fuite en les apercevant ne fit que renforcer cette impression. C’était leur homme. En voyant Kesabel le courser, Soledad s’empressa de suivre le mouvement, l’adrénaline pulsant aussitôt dans ses veines. « Il peut transplaner ici ? » Tout en courant, la mexicaine jeta un coup d’œil vers l’orée de la forêt. Ils pouvaient la voir d’ici mais ce n’était pas par là qu’ils se dirigeaient pour le moment. Elle n’était pas sûre que ce soit une très bonne chose, entre les caravanes, la course poursuite était moins aisée. « Pas dans l’enceinte du cirque, non. Par contre, dès qu’on s’enfonce dans la forêt, c’est de nouveau possible. » C’était toujours bon à savoir. Aussi bien pour empêcher le loup fou de s’échapper, que pour s’y réfugier eux-mêmes si jamais ils avaient besoin de fuir. Une option que Kesabel n’envisagerait certainement jamais, mais autant qu’il ait cette information en cas de besoin. Ce n’était pas négligeable si ça pouvait sauver une vie. En une seconde, la bataille s’engagea. Le Greyback se jeta sur sa proie et ils basculèrent tous les deux au sol. « Velasquez, ne t'approche pas ! » Soledad fronça les sourcils. Et les laisser se battre jusqu’à la mort en regardant bien tranquillement la scène de loin ? Mais bien sûr. Et après il allait se plaindre qu’elle était inutile. Décidemment, Kesabel ne savait plus grand-chose d’elle. La mexicaine garda cependant ses distances, grimaçante face à la violence des coups échangés. Pour le moment Kesabel et son assaillant étaient trop proches pour qu’elle tente quoi que ce soit. En agissant, elle risquait de blesser la mauvaise personne. Et là Kesabel auraient toutes les raisons du monde de lui râler dessus. Quoi que, soyons honnête, il la tuerait sûrement pour ça, même si ensuite il devait se faire engueuler par Maxime.

Une ouverture finit par se présenter. Bon, Soledad s’en serait bien passé étant donné que le fou furieux envoya Kesabel voler dans les airs d’un coup de pied au ventre. Une expression d’horreur se peignit sur les traits de la mexicaine lorsque le loup se releva. Aussitôt, elle comprit ce que Kesabel avait voulu dire par semi-transformation. Ses traits n’avaient plus grand-chose d’humain, la sauvagerie les avait transformés. Ses dents ressemblaient plus à des crocs et ses doigts s’étaient allongés pour prendre la forme de griffes. Dans ses yeux brillait un éclat mauvais. Sortant sa baguette, Soledad réagit aussitôt. « Incarcerem ! » Des cordes s’enroulèrent autour du sorcier. L’espace d’un instant, la mexicaine crut que c’était bon mais il suffit d’une seconde à l’homme pour faire exploser les liens. Merde, c’était que sa force était décuplée aussi. Alors qu’il se précipitait vers elle, elle leva sa baguette mais fut surprise par sa vitesse. Au lieu de chercher à s’enfuir ou de sortir une arme, le loup se jeta sur elle.

Mais je pressens, sauf erreur
tous ces dangers ces terreurs

Soledad ☽ ☾ Kesabel

Kesabel qui lui faisait la leçon c'était quand même pas mal Sainte Mangouste qui se foutait de la charité. Surtout qu'il était clair qu'il n'avait aucune idée de ce dont Soledad lui parlait. Certes de l'extérieur, Neverland pourrait faire peur et la mexicaine n'allait pas prétendre que le cirque ne recueillait que des enfants de cœur, mais d'eux deux, elle était la seule à savoir ce qu'il en allait réellement entre les allées. Et puis, les remarques de Kesabel étaient l'exemple même de l'hypocrisie, ce n'était pas Soledad qui dirigeait une meute de loup garous. D'accord ils étaient bien moins sanguinaires et immoraux que fut un temps, mais ils n'étaient toujours pas particulièrement recommandables. Aux côtés de la mexicaine, Maxime n’avait jamais eu à affronter le moindre danger et il était clair que ce n’était pas une affirmation qui pouvait s’appliquer à lorsqu’elle se trouvait avec Kesabel. Non, clairement, le Greyback n'avait pas son mot à dire quant aux choix de la mexicaine et à la vie qu'elle menait au sein du cirque. Il était clair qu'il n'avait aucune idée de ce qu'il se passait réellement dans ce lieux et Soledad n'était pas là pour s'assurer de son éducation à ce sujet. Qu'il s'imagine ce qu'il voulait si ça l'amusait, elle était la principale concernée et savait que sa place au Neverland ne ferait jamais courir le moindre risque à ses proches. A Maxime, comme à tous les autres. Elle s'en était toujours assurée et ne faillirait jamais à cette mission. Elle ne prit donc pas la peine de répondre à sa remarque, se contentant de soupirer sans discrétion, depuis le temps il aurait dû comprendre qu’elle tenait à Maxime et que jamais elle ne la mettrait en danger. C’était bien la dernière chose qu’elle voulait.  

Le lien qu’avait Soledad avec Neverland ne concernait pas la jeune Gryffondor de toute façon. Soledad continuait de travailler pour le cirque parce que ça lui permettait de maintenir un lien constant avec son don, parce qu’ici personne ne le remettait en question, qu’au moins elle avait sa place. Si tout ça, Kesabel ne le comprenait pas, elle n’y pouvait rien. Elle n’avait pas l’intention de lui offrir un cours particulier à ce sujet. « Je le remets pas en doute, je dis juste que c’est pas marqué dans le marbre. » Oh alors ça c’était un peu la pire excuse qu’il pouvait sortir à Soledad. Il ne remettait pas en doute son don, mais comptait en changer les avertissements ? Ca revenait à dire qu’il ne croyait pas en le concept du destin, ce sur quoi reposait précisément le don de la mexicaine. « C’est à peu de chose près la même chose. » Souffla-t-elle tout en continuant à regarder autour d’eux comme le faisait Kesabel. Si elle était née avec le troisième œil, ce n’était pas pour rien, elle voyait l’avenir, ce que le destin leur réservait, ça ne se changeait pas aussi facilement. D’une manière ou d’une autre, le futur se produirait, peut-être pas comme prévu initialement, au moment prévu, mais irrémédiablement. Soledad ne possédait pas le troisième œil pour changer l’avenir, mais pour tenter de se préparer à l’accueillir. C’était précisément ce qu’ils faisaient en cet instant. Elle avait vu le danger venir et le danger allait venir, ils allaient même à sa rencontre. Ils n’étaient pas là pour l’empêcher d’arriver, mais pour y répondre. Si Kesabel s’imaginait que leur présence allait tout changer, il allait être sacrément déçu. Soledad aurait bien tenté de le lui expliquer, mais elle n’avait aucune envie de s’engager dans un débat avec le Greyback alors elle se contenta de suivre le mouvement dans les allées du cirque.

Surtout que l’avenir qui s’annonçait déjà comme peu reluisant, s’assombrissait de minute en minute. La faute à la description que Kesabel faisait du sorcier qu’ils recherchaient. D’ailleurs, Soledad n’était même pas sure qu’on puisse encore parler de sorcier à ce stade. C’était un homme lycanthrope qui forçait une sorte de semi-transformation en dehors de la pleine lune, et qui attaquait des personnes ainsi. Notamment des jeunes femmes. La mexicaine avait déjà rencontré des criminels avec plus de moral que ça. Là, ce sorcier semblait battre tous les records et ce n’était franchement pas très rassurant, même si elle n’en dit rien à Kesabel. Le Greyback n’avait déjà pas envie qu’elle soit à ses côtés, inutile de lui donner des raisons de plus de la repousser. Il serait capable de l’assommer et de l’abandonner dans un coin pour qu’elle cesse de le suivre. Ce qui serait certainement une mauvaise idée car ça lui attirerait les foudres de Maxime. Maintenant que Soledad y pensait, c’était peut-être uniquement pour cette raison qu’il n’avait pas cherché à l’enfermer quelque part pour se débarrasser d’elle. Pour ça et parce que d’eux deux, c’était elle qui connaissait les allées du cirque sur le bout des doigts. Allées dans lesquelles ils cherchaient un loup-garou non seulement fêlé, mais aussi futé, ils en avaient de la chance. Absolument rien n’allait dans cette équation. Le détachement dont Kesabel semblait faire preuve à cette idée n’était pas plus rassurant que le reste. « Sans état d’âme. Ce qui le rend encore plus dangereux. » D’accord, c’était encore pire. A croire qu’il fallait qu’ils arrêtent d’en parler parce que chaque fois que Kesabel ouvrait la bouche c’était pour rajouter des traits affreux au loup et ce n’était vraiment pas nécessaire. « De mieux en mieux, vraiment. » Grommela-t-elle à mi-voix, surtout pour elle-même. Déjà qu’elle n’avait pas hâte de cette rencontre.

Le calme des allées de Neverland se brisa en moins d’une seconde. Le sorcier fou était terriblement rapide et n’avait clairement rien à perdre, ce qui le rendait encore plus dangereux. Même si Kesabel lui ordonna de ne pas s’en mêler, Soledad n’avait pas l’intention de se plier à ses ordres. Déjà, elle ne faisait pas partie de sa meute et n’avait donc pas à lui obéir, mais en plus elle n’en n’était plus à son premier combat. Malgré tout, Soledad ne comptait pas non plus se jeter bêtement dans la bataille mais lorsqu’une ouverture se présenta, elle n’hésita pas à agir. D’un coup de baguette, elle avait fait apparaitre des cordes autour du torse du loup mais celles-ci furent rapidement inutiles. Il était déjà trop fort, trop rapide, trop sauvage pour être retenu ainsi. Une seconde, Soledad eut le temps d’apercevoir son visage aux traits déjà brouillés. Il n’avait plus grand-chose d’humain, mais n’était pas encore vraiment loup, un mélange que la mexicaine trouva aussitôt horrifiant tant il semblait contre nature. Le sorcier avait enclenché sa semi-transformation et Soledad comprit qu’il n’y avait plus de retour en arrière possible. Kesabel l’avait prévenu, mais le voir était différent, le vivre terrifiant. L’instant d’après, il se jetait sur elle. Surprise par sa rapidité, Soledad ne put rien faire d’autre que de tendre les mains en avant pour tenter de le repousser. Dans un choc sourd, son dos rencontra le sol et elle étouffa une exclamation de douleur. Sauf qu’elle n’avait pas le temps d’avoir mal, sa baguette lui avait échappé et le loup pesait de tout son poids sur elle, rendant ses mouvements difficiles. La mexicaine rua, tenta de mettre des coups de genoux mais sans possibilité de prendre de l’élan c’était difficile et son adversaire parvint à la toucher plusieurs fois.

Quand son opposant se retrouva tiré en arrière par Kesabel, Soledad n'eut pas le temps de reprendre son souffle. Des bruits de combat brisaient le silence du cirque, la poussant à agir au plus vite. Sans prêter attention ni au sang qui coulait de son nez, ni à la douleur des coups qu'elle avait reçus, elle se précipita sur sa baguette. Elle ne faisait peut-être pas le poids face à un homme mi-sorcier mi-loup mais armée elle avait déjà un peu plus de chance de son côté. En se relevant elle comprit qu'elle avait vu juste, Kesabel était aux prises avec le loup un peu plus loin et clairement ça semblait mal parti pour lui. Ce qui voulait tout dire sur la force et la folie du sorcier. Le Greyback se battait comme un lion loup mais même si Soledad ne doutait pas de ses capacités, pour en avoir été déjà témoins, elle voyait bien qu'il n'allait pas tenir éternellement. Il avait beau être fort, ça ne semblait pas suffire. Tant pis pour son instruction de rester en dehors de ça, elle n'allait quand même pas le regarder se faire tuer sans rien faire. Sans plus attendre Soledad se précipita. « Hé ¡ Cabron ! » Si le sorcier l'entendit, ça ne le poussa pas à se tourner vers elle. Les premiers sortilèges de la mexicaine l'atteignirent dans le dos, la zone où elle jugeait qu'elle avait le moins de risque de toucher Kesabel par accident, mais voyant le peu d'effet que cela semblait avoir elle baissa sa baguette sur ses jambes, une zone bien plus douloureuse. Le sorcier fêlé lâcha un cri de rage face à ces attaques répétées. Bien au moins il n'était pas totalement insensible à la douleur. De nouveau, elle lança un incarcerem mais cette fois-ci, les cordes vinrent s’enrouler autour des chevilles du sorcier pour se resserrer brutalement. Déséquilibré, il chuta, libérant Kesabel de ses assauts.  

Le choix de Soledad était délibéré, en l’attachant ainsi, elle s’assurait qu’il ne puisse pas se libérer d’un simple geste, pour ôter les cordes il allait devoir se baisser et perdre quelques secondes. Un temps qu’elle mît aussitôt à profit. Avant que le sorcier-loup n’ait le temps de réagir, elle utilisa un sort pour le trainer au sol et le précipiter dans une caravane abandonnée là, faite de métal et pourvues de fenêtres minuscules. Le bruit qui retentit quand il atterrit à l’intérieur la fit grimacer, mais si c’était lui ou eux alors il devait en aller ainsi. « Collaporta ! » S’exclama-t-elle. Sans attendre, la porte du véhicule se referma et se scella. Un rugissement de rage se fit entendre à l’intérieur. Le cœur battant à cent à l’heure, Soledad se tourna vers Kesabel « Ca va ? » Demanda-t-elle rapidement avant de se tourner vers la caravane d’où des bruits de coups provenaient. Ses doigts se resserrèrent sur sa baguette. Ce n’était qu’une question de secondes avant que le loup n’en surgisse, elle le savait.

Mais je pressens, sauf erreur
tous ces dangers ces terreurs

Soledad ☽ ☾ Kesabel

« D’où l’idée que tu serais mieux loin de lui. » Oui, alors ça, merci de le préciser, Soledad était bien d’accord. Le plus loin elle se trouvait de tarés dans le genre du sorcier que Kesabel venait de lui décrire, le mieux elle se portait. Clairement, il n’avait pas besoin de le souligner, c’était une évidence. La mexicaine n’avait jamais été du genre suicidaire, le Choixpeau avait beau l’avoir répartit chez les courageux Gryffondors à ses onze ans, elle n’avait jamais été du genre à courir aveuglément au-devant du danger. Le frisson du risque, les montées d’adrénaline, ça n’a jamais vraiment été son truc. Prendre des risques pour prendre des risques, non merci. Elle laissait ça volontiers aux autres, à ceux qui aimaient risquer leur vie, qui s’amusaient à vivre sur le fil du rasoir. Sur ce point-là, Soledad s’était toujours distinguée de ses camarades de maison, le courage elle n’en manquait pas -le Choixpeau ne se trompait jamais après tout- mais pas à n’importe quel prix. Au final, elle était plutôt d’accord avec Kesabel, le plus loin elle se tiendrait de ce sorcier fou dont il lui parlait, le mieux elle se porterait, elle le reconnaissait. Le truc, c’était qu’elle n’avait pas vraiment le choix. Il y avait un taré dans le cirque et elle n’avait pas l’intention de laisser Kesabel le chasser seul. Oui, oui, le Greyback était fort et savait parfaitement se battre, mais elle était loin d’être inutile. Elle connaissait les lieux sur le bout des doigts et une paire de bras et une baguette en plus ne seraient jamais de trop. Encore moins si le sorcier était aussi affreux que Kesabel l’avait dépeint. La chasse au sorcier dérangé, Soledad ne le faisait pas vraiment de gaieté de cœur, elle le faisait parce que c’était nécessaire. Kesabel pouvait toujours lui grogner dessus et tenter de la faire changer d’avis, ça ne marcherait pas.

D’ailleurs, Soledad n’avait pas l’intention d’obéir à Kesabel. Certes, il était bien meilleur combattant qu’elle et il avait ses sens de lycanthrope de son côté, ce qui aidait amplement, tout ça elle voulait bien le reconnaitre, mais elle ne lui devait pas obéissance. Ecouter ses conseils, oui, obéir à ses ordres, non. La mexicaine ne faisait pas partie de sa meute, il n’était pas son chef ou quoi que ce soit de ressemblant, alors ses ordres, elle n’avait pas vraiment dans l’idée de les respecter. Du moins pas si elle sentait que le mieux à faire était d’y désobéir, elle n’avait pas non plus l’intention de se jeter volontairement dans la gueule du loup. Encore une fois, Soledad n’avait jamais été une tête brûlée, et elle ne comptait pas commencer aujourd’hui. Encore moins face à un adversaire que même Kesabel qualifiait de terrible, elle n’était pas suicidaire. Néanmoins, elle n’était pas totalement inutile et elle comptait bien le lui prouver. Kesabel pouvait bien penser ce qu’il voulait d’elle, aujourd’hui, elle ne serait pas un boulet entre ses pattes, et si elle pouvait l’aider, elle avait bien dans l’idée de le faire. Peu importe ses ordres. Elle était bien loin, la gamine de Gryffondor qu’elle avait été, la jeune sorcière frivole et légère qu’il avait côtoyé pendant un temps. Cela faisait des mois, des années même maintenant, que Soledad s’entrainait au combat. Elle était certes partie de rien, mais désormais elle savait se débrouiller et si elle n’était pas forcément une adversaire redoutable, elle savait se montrer à la hauteur. Elle pouvait aider Kesabel à faire la différence, elle en était convaincue et il allait bien devoir le reconnaitre. Elle n’avait aucune intention de laisser le sorcier se battre seul juste parce qu’il ne la considérait pas à sa juste valeur. Pour autant, elle n’avait pas l’intention de tout faire pour prouver au Greyback qu’il avait tort, courir au-devant du danger juste pour son égo, ce n’était pas pour Soledad.

Rester en dehors de tout ça était donc hors de question. De toute manière ça avait été le cas dès l’instant où la voyante avait annoncé à Kesabel qu’il ne pourrait pas se déplacer librement dans le cirque sans elle. Ce n’était pas comme si elle allait simplement le regarder se battre sans rien faire. D’autant qu’il avait raison, leur adversaire était véritablement sans états d’âme. Une véritable furie, Soledad n’avait jamais vu ça. Moitié loup, moitié sorcier, il était absolument terrifiant et il devint vite évident que Kesabel ne pourrait le maitriser seul. Il ne fallut qu’un instant à la mexicaine pour juger les ordres du Greyback inutiles, elle ne pouvait pas rester en dehors de ce combat alors qu’il était clairement en difficulté. Elle n’avait aucune intention de le regarder se faire tuer sans rien faire. Elle agit donc et même si cela lui valut quelques coups et un nez en sang, elle parvint à enfermer le loup fou furieux dans une caravane abandonnée. Ce n’était qu’une solution temporaire, ils pouvaient déjà l’entendre se jeter contre les murs de sa prison de fortune, mais au moins cela leur permettrait de souffler un peu et de voir venir la suite. Sous les grincements de la caravane qui souffrait des traitements infligés par le sorcier tarés, Soledad se tourna vers Kesabel pour s’enquérir de son état. « Y’a eu mieux. » Bon, s’il était capable de ricaner et de faire de l’humour, c’était plutôt bon signe. Soledad savait que jamais Kesabel ne le lui avouerait s’il était vraiment dans un sale état, mais si c’était le cas elle avait tendance à s’imaginer qu’il serait plus en colère qu’ironique. Elle choisit donc de prendre son attitude comme une bonne nouvelle. « Au moins on peut dire que t’as sûrement aussi connu pire. » Lâcha-t-elle, en s’efforçant d’adopter le même ton que lui. Ca, elle n’avait pas grand mal à l’imaginer et elle était bien contente que ça ne soit pas le cas aujourd’hui.

Dans un grincement plus fort que les précédents, le loup enfermé réussi à faire basculer la caravane. Baguette pointée en avant, Soledad recula d’un pas, le cœur battant à tout rompre. Le sorcier s’extirpa de sa prison et les toisa un instant. La mexicaine cru qu’il allait se jeter de nouveau sur eux, elle raffermit sa prise sur sa baguette, prête à réagir, mais finalement le sorcier opéra un demi-tour et s’enfuit dans la forêt. « Ne tente même pas de le suivre. » La voyante haussa un sourcil vers Kesabel. Elle aurait pu lui rétorquer la même chose, qu’il n’était pas en état de faire quoi que ce soit, mais clairement, affalé là, il n’avait pas l’air d’en avoir l’intention. Tant mieux. Par contre, son ordre digne d’un chef de meute était complétement inutile. Pas seulement parce que Soledad n’avait toujours pas envie de lui obéir aveuglément, mais surtout parce qu’elle n’avait aucune intention de courir après le loup. Encore moins toute seule. « Pourquoi je ferai ça ? » Il la pensait vraiment suicidaire, c’était dingue ça. De toute manière, vu la vitesse du sorcier, il devait avoir atteint la zone où le transplanage était de nouveau possible. Il devait être loin à l’heure qu’il était et le localiser était impossible. Enfin si, Soledad aurait pu tenter d’utiliser son troisième œil pour déterminer où il serait dans le futur, mais pour le moment ce n’était pas sa priorité. « Je n’ai aucune intention de le suivre. » Soupira-t-elle. Tout comme elle ne laisserait pas Kesabel le suivre. Elle n’avait aucune envie de mourir, ou de voir le Greyback mourir. « Je ne suis pas aussi stupide, Kesabel. » Ajouta-t-elle en essuyant du plat de la main le sang qui coulait de son nez. Et vu ce qu’il venait de se passer, elle n’était sûrement pas aussi inutile qu’il devait le croire.

Retrouvant le silence, Soledad s’efforça de jauger de son état. Elle avait du mal à retrouver son souffle, clairement pas aidée par son nez en sang, et elle avait des douleurs au ventre et aux jambes, là où le sorcier avait réussi à lui porter des coups. Son dos la ferait sûrement souffrir aussi dès l’adrénaline retombée, mais elle n’avait pas l’impression d’avoir quelque chose de cassé, ce qui était un point très positif. Elle ne dirait pas non à quelques potions anti-contusion mais au moins elle n’aurait pas à passer une nuit à Sainte Mangouste. « J’informerai le propriétaire du cirque de ce qu’il vient de se passer, il ne le laissera pas revenir. » Annonça-t-elle après un instant de réflexion. Elle trouverait le moyen d’expliquer les choses sans incriminer personne. Ce n’était pas la première fois que quelque chose se passait mal dans les allées de Neverland. Le cirque avait beau accueillir des sorciers peu recommandables, il n’était pas non plus le refuge de monstres tels que ce sorcier fou. Avec un soupir, Soledad se dirigea vers Kesabel. « Laisse-moi regarder ta blessure. » Elle s’accroupit à ses côtés et désigna son t-shirt imbibé de sang. Le loup ne l’avait pas loupé. « Je ne suis pas médicomage, mais je sais au moins bander une plaie. » Ajouta-t-elle en anticipant le refus du Greyback. Elle lui montra sa baguette, elle n’était pas spécialisée en soin, mais elle pouvait au moins contenir les dégâts. Elle lui adressa un regard plein de défi. De toute façon, il ne pouvait pas rester là à se vider de son sang. « J’imagine que ce n’est pas la peine de te proposer de t’amener à Sainte Mangouste ? » Ou de lui proposer d’aller voir un des artistes du cirque bien plus apte à le soigner. Mais ça ne coûtait rien de s’en assurer.