Plus les semaines, les mois, passaient, plus Erin ressentait le besoin de se changer les idées. Elle devait voir les choses en face, dans sa vie personnelle, pas grand-chose n’allait. Autrefois, elle vivait dans un équilibre irréprochable, pour lequel elle travaillait dur, mais qui lui convenait à la perfection. Elle parvenait à tout faire, maintenir d’excellentes notes en cours, passer du temps avec son petit ami Balthazar, remplir ses devoirs de préfète de la maison Serdaigle et même trouver du temps pour faire la fête avec ses amis. Ca lui demandait beaucoup d’organisation, et parfois quelques sacrifices, mais elle le faisait bien volontiers car ça lui permettait d’avoir une vie qu’elle aimait. Il fallait dire que son caractère un brin control freak l’aidait bien dans ce cas là. Evan pouvait se moquer autant qu’il voulait et l’appeler Miss-Parfaite pour l’embêter, elle n’en restait pas moins fière de ce qu’elle parvenait à faire pour s’assurer l’existence qu’elle voulait. Sauf que voilà, depuis juillet tout ce pour quoi elle avait travaillé si dur se retrouvait menacé. La morsure avait tout bouleversé. D’abord en elle, avec les cicatrices sur ses côtes, qu’elle devait parfois batailler pour cacher. Mais aussi ses émotions qui évoluaient au bon gré de la pleine lune et qui lui en faisait voir de toutes les couleurs. Tous ces moments où elle réagissait avec trop d’impulsivité et d’agressivité et qui ne lui ressemblaient pas. Ces instants où elle regrettait ses mots à la seconde où ils franchissaient ses lèvres et où elle devait se battre contre ses émotions pour ne pas les laisser prendre le dessus. Mais ce n’était pas tout, la morsure avait également eut un impact sur ses relations, surtout parce qu’elle avait décidé de garder tout ça secret. Meilleure, ou pire décision, Erin avait encore du mal à le dire, elle avait agi par peur et maintenant elle avait le sentiment d’être en train de tout gâcher. Elle mentait à tout le monde, ses parents, ses amis, mais surtout à Balthazar qu’elle aimait tellement qu’elle était terrifiée à l’idée de le perdre à cause de ce qu’elle était devenue. En quelques mois sa vie bien rangée et prometteuse avait volée en éclat et elle avait l’impression de ne rien pouvoir faire d’autre que de regarder les catastrophes se dérouler sous ses yeux impuissants.

La Serdaigle faisait de son mieux pour se maintenir à flot, elle profitait de ces brèves semaines d’apaisement une fois la pleine lune passée pour se retrouver. Quand enfin elle retrouvait le contrôle de ses émotions et de sa vie. Mais elle sentait que ça ne suffisait pas. Ses relations avec ses amis s’étaient tendues, sûrement en avaient-ils marre de ses sautes d’humeur inexpliqués. Elle s’était éloignée de Balthazar, elle en souffrait chaque jour un peu plus, et elle savait que lui aussi, mais elle ne parvenait pas à combler ce gouffre qui s’était creusé entre eux par sa faute. Son secret était une menace, mais la réalité de sa situation l’était tout autant. La morsure l’avait changé, elle n’était plus entièrement sorcière, pas vraiment louve, à peine encore humaine. Que se passerait-il une fois que la vérité aurait éclaté ? Combien de ses amis lui tourneraient le dos ? Combien de rumeurs courraient sur son compte ? Est-ce que son avenir serait toujours assuré ? Est-ce que Balthazar l’aimerait toujours ? Toutes ces questions sans réponses lui donnaient le tournis et lui emplissaient le cœur de terreur. Elle préférait les éviter, fermer les yeux pour ne pas les voir. Erin n’était pas une fière Gryffondor, elle n’était pas pleine de courage, c’était la peur qui avait dicté ses décisions et désormais c’était la peur qui continuait de la tourmenter. La Serdaigle avait beau tourner le problème dans tous les sens, elle ne trouvait pas de solution. Son état ne pourrait pas être amélioré, son secret ne s’effacerait pas tout seul avec le temps. Sa seule solution était de garder le silence jusqu’à ce qu’elle se sente assez forte pour le partager. Mais pour le moment ce n’était pas le cas. Alors elle subissait la situation, encore et toujours. C’était ça sa vie désormais.

C’était pour cette raison que la française ressentait le besoin de se changer les idées. Soudainement sa vie bien rangée ne l’était plus, alors elle avait besoin de se concentrer sur autre chose. Ses relations n’étaient pas au beau fixe alors elle n’avait plus qu’à se concentrer sur ses cours. Les études de droit magique étaient intenses et occupaient une grande part de son temps, et de son esprit, mais même ça n’était pas assez. Erin était habituée à travailler efficacement et soudainement c’était même trop efficace pour elle. Elle ne jouait pas au Quiddtich, elle n’était pas plus sportive que ça, ses devoirs de préfète ne lui prenaient pas énormément de temps. Il lui fallait autre chose. Elle finit par trouver son salut dans la Gazette du sorcier. Etant donné qu’elle avait plutôt choisi de recevoir la presse française pour être au courant de tout ce qu’il se passait du côté de ses parents, elle empruntait souvent le journal sorcier à l’un de ses camarades de maison une fois qu’ils avaient fini de le lire. Ce n’étaient pas les abonnements qui manquaient parmi les studieux Serdaigles. Habituellement, Erin parcourait les informations rapidement, elles étaient souvent déprimantes depuis que le Blood Circle faisait entendre parler de lui, et ne s’arrêtait que sur quelques informations qui l’intéressaient. Cette fois-ci ce fut la partie des petites annonces qui retint son attention. Une annonce avait été postée par une étudiante qui avait besoin d’un coup de main pour ses cours de troisième année en droit magique. Aussitôt, l’information se grava dans l’esprit d’Erin pour ne plus en sortir. Toute la journée qui suivi, elle joua avec l’idée d’y répondre et une fois le soir venu, elle était décidée. Elle pouvait le faire. Ses cours de troisième année n’étaient pas si anciens, elle avait même encore ses grimoires de cours. Elle avait déjà aidé certains de ses camarades avec leurs cours, en tant que préfète mais aussi parce que c’était quelque chose qui lui plaisait -sûrement ce serait-elle dirigée vers l’enseignement si elle n’avait pas été si attirée par le droit. Enfin, elle parviendrait sans trop de mal à se dégager du temps, elle était bien assez organisée pour ça. Mais surtout, surtout, ça lui permettrait d’avoir autre chose en tête que ses problèmes.

Sans plus se laisser le temps d’y réfléchir, et de changer d’avis, Erin avait écrit à la Gazette pour leur signaler son intérêt. Suivant l’exemple de l’étudiante, elle avait choisi de rester anonyme, simple précaution prudente au cas où l’annonce se révélerait être une arnaque. Elle avait indiqué son année d’étude, ses notes aux derniers examens, mais aussi sa maison à Poudlard, songeant que son appartenance aux Serdaigles serait un gage de son sérieux et jouerait en sa faveur. Ensuite, elle n’avait plus eu qu’à attendre. Quelques jours seulement avaient filés avant qu’une réponse ne lui parvienne. Une réponse positive qui l’emplit de satisfaction. L’étudiante voulait bien la rencontrer pour un premier contact et organiser des cours si le feeling passait bien. Après quelques échanges toujours anonymes par hiboux, le rendez-vous fut pris. Tout se passerait une fin de journée de la semaine suivante aux Trois balais. Ce fut ainsi qu’un soir de novembre -heureusement assez éloigné de la pleine lune pour qu’Erin se sente encore assez maitresse de ses émotions et réaction- la Serdaigle prépara un sac avec une partie de ses cours de l’année précédente et prit le chemin de Pré-au-Lard. Les échanges ayant été anonymes, elle avait prévenu Balthazar ainsi que quelques amis, juste au cas où le rendez-vous soit finalement un plan inquiétant. La française n’était cependant pas réellement inquiète, elle se rendait dans un lieu public, elle ne courait donc pas un vrai danger. Une fois sortie de Poudlard, Erin transplana jusqu’à une rue non loin du bar sorcier, le froid de fin d’année était mordant alors autant éviter d’attraper un rhume qui viendrait s’ajouter à tous ses problèmes. Dans la nuit tombante, la devanture des Trois balais était éclairée et chaleureuse, de ce que voyait la française à travers la vitre, il y avait l’air d’y avoir de l’animation à l’intérieur. Elle tenta de distinguer un peu mieux ce qu’il s’y passait avant d’y entrer mais c’était peine perdue.

Décidant qu’il était inutile de perdre du temps, et surtout vu qu’elle détestait être en retard, Erin n’attendit pas plus pour entrer. Aussitôt la chaleur des lieux la frappa, la forçant à desserrer son écharpe aux couleurs des Serdaigles pour mieux respirer. Elle avait hâte d’ôter sa cape et son écharpe mais d’abord elle devait trouver la fameuse étudiante. Ses yeux bleus parcoururent un instant la salle, analysant chaque sorcier qui s’y trouvait afin de déceler les signes d’instinctifs de son rendez-vous. Afin de pouvoir se reconnaitre aisément, elles s’étaient mises d’accord, elles porteraient une écharpe bleue et les cheveux relevés en queue de cheval. Erin ayant les cheveux trop courts pour être attachés, elle s’était contentée de nouer autour de son cou l’écharpe de sa maison, accessoire parfait pour cette rencontre. Il lui fallut quelques instants pour repérer une jeune femme qui correspondait à la description. Une brune assise près d’un mur, dont la table était déjà couvertes d’épais grimoires. A n’en pas douter, elle était l’étudiante que recherchait Erin. La Serdaigle se dirigea vers elle, avant de ralentir en réalisant qu’elle la connaissait. Un peu moins assurée que quelques instants auparavant, elle s’arrêta devant la table. « Thalia ? » Demanda-t-elle d’une voix incertaine. Elle plaqua un sourire, certainement peu convaincant, sur son visage quand la jeune sorcière releva le regard vers elle. Il s’agissait bien de Thalia Carrow. Ca commençait bien. « Bonjour. Je suppose que c’est toi l’étudiante qui a passé une annonce dans la Gazette ? » Erin remua d’une jambe sur l’autre, pas très à l’aise. Elle était sûre d’elle, l’écharpe, les cheveux attachés, ça ne pouvait pas être un hasard. Elle ne connaissait pas très bien l’ancienne Gryffondor, mais elle savait une chose, entre elles le courant n’était jamais vraiment passé. De ce qu’elle savait, la Carrow la trouvait coincée, et de son côté, eh bien elle trouvait que Thalia faisait un peu n’importe quoi. Elles ne savaient pas grand-chose l’une de l’autre mais n’avaient jamais vraiment eu envie de creuser la question. Les rares fois où elles avaient parlé ne s’étaient pas vraiment bien passées. Et maintenant, le destin les réunissait. Ca aurait presque pu être drôle, mais Erin se serait bien passée de ce coup du sort. Elle avait voulu s’occuper l’esprit, pas se retrouver face à quelqu’un qui la méprisait. « Je suis celle qui y a répondu. » Ajouta-t-elle avec un haussement d’épaules. Ne sachant pas trop quoi penser de la situation, Erin ne tira pas de chaise à elle, préférant rester debout dans le cas où Thalia lui indiquait que ce n’était pas la peine qu’elle reste.