Glitter & Gold
Les soirées sang pur… si j’avais su qu’en venant par ici j’allais devoir vivre ça, je n’étais pas sûr que j’aurais embarqué pour quitter mon pays d’enfance, mon continent de cœur. C’était assez difficile, pour moi, cette explosion d’apparats et de richesses, cet étalage de matériel et de dorures… Tout ce que j’avais, en fait, c’était un nom. Je n’avais pas de titre, je n’avais pas de propriété, juste une famille connue et reconnue.
Dans ce genre de soirée, je me faisais discret. Bien sûr, pour ne pas ternir mon patronyme, on me fournissait toujours ce qu’il fallait, mais j’avais bien trop déconné par le passé pour mériter plus. J’étais ici mais je ne me sentais pas à ma place, moi qui devais me démerder pour avoir de quoi payer mon loyer et vivre, je ne voyais pas ce que je foutais là. Enfin, si… j’avais un nom et j’avais le sang pur. C’était ce qui comptait ici. Tout le monde se fichait pas mal de savoir si je comptais fonder une famille ou non, si je comptais rester ici ou rentrer
chez moi… C’était comme si c’était acquis que le fils de Raynald Lestrange allait rester en Angleterre, comme pour redorer le blason de la noble famille à laquelle j’appartenais… Comme si j’avais les épaules pour ça.
Mes oncles, Rodolphus et Rabastan, étaient de grands sorciers, mais je ne me sentais pas aussi puissant ni aussi dur qu’eux. Ils avaient été bien plus loin dans leurs convictions que je ne pourrais jamais aller.
Pour avoir un peu de confort, par ici, sans avoir à faire jouer mes relations familiales, j’avais pris l’habitude de rendre quelques services à Lady Dane, une sorcière dont la mansuétude envers moi lui ouvrirait très certainement un jour les portes du paradis, si cela devait exister
(même si ça ressemble à un Apple Store). Janet Ruby Dane était une grande dame. De celles qui faisaient preuve de largesses lorsque l’on se montrait serviable et bien élevé. Je ne l’étais pas toujours, mais avec elle, je pouvais l’être, cela me garantissait certaines choses.
Elle devait bien être quelque part… La veuve était de toutes ces soirées, toujours aussi bien vêtue et aussi altière. Mais ce soir, je ne la voyais nulle part. Et quand j’entendis une voix m’interpeler en citant le nom de la veuve, je me tournais avec une pointe d’agacement vers l’origine de ce son désagréable.
Petite. Brune. Une gamine. J’eus envie de lui répondre d’un simple
Ta gueule, mais je m’abstins. Nous étions ici dans une soirée mondaine et ce genre de paroles aurait bien pu me valoir une éviction totale et définitive de ces cercles.
D’ailleurs, en parlant de cercle, la gamine se mit à me tourner autour, comme un vautour, en me reluquant comme si j’étais un morceau de viande.
« Tu ne sais rien. » Ces billets, je les méritais. Putain. Mais entre savoir comment elle avait eu vent de cela, comment elle pouvait oser m’aborder ainsi ou encore ce qu’elle pouvait penser, franchement, j’avais presque envie de partir en vrille d’un coup.
Jouant au même jeu qu’elle, je la scrutais à mon tour. Mince, un corps svelte et sûrement parfait sous cette robe. Mais terriblement commun, au fond. Pas du tout mon genre. Elle avait la peau beaucoup trop claire pour moi. Et puis… elle avait comme une odeur de cadavre. On m’avait toujours dit, quand j’étais gosse, que les Blancs portaient sur eux cette odeur, mais c’était la première fois que je comprenais vraiment de quoi il s’agissait. Tout ça puait tellement…
« Désolé, je ne peux pas m’occuper d’un enfant pour le moment. » Une façon de souligner son aspect de gamine et son petit jeu tordu.
Mais elle attrapa deux flûtes de ce satané vin pétillant qui coulait à flots dans ces soirées. Je posais les yeux sur le verre, puis je la regardais.
« Tu remercieras ton père, mais ça ira. J’ai pas besoin de cette merde liquide. » Quant à son père… sincèrement, j’en avais rien à foutre. Mais au moins, ça m’apprenait une chose… la fifille à son papa était là, devant moi, à jouer des coudes comme seules les princesses élevées sur une quinzaine de matelas pouvaient le faire. A gerber. Cette fille se pensait sortir de la cuisse de Merlin, ou quoi ?
Elle pouvait se les boire toutes les deux, ses flûtes de champagne. Je n’aimais pas ça. Et je n’avais pas envie d’être obligé de trainer ici. Et surtout pas à côté d’une fillette comme ça.
Ils me dégoûtaient, tous ces sorciers pétés de thunes qui n’en touchaient pas une mais dont les comptes à Gringott’s se remplissaient tout seuls.
Je m’éloignais d’elle, me dirigeant vers le balcon. J’avais besoin de fumer et je n’allais pas faire ça à l’intérieur, au risque de déclencher une énième guerre au sein de la noblesse sorcière. Donc, dehors, j’allumais une clope, à l’aide d’un sort d’incendio sans baguette, faisant apparaître la flamme directement entre mes doigts.