Le réveil sonne. Tu l’éteins. Tu restes quelques minutes à le regarder en réfléchissant. Courir ou ne pas courir ? Exercices ou pas exercice ? C’est la question que tu te poses tous les jours. Les jours où tu travailles, tu te demandes si tu auras la force d’entretenir ton corps après ta journée de travail, et les jours où tu ne travailles pas, tu te demandes si tu ne devrais pas profiter de ce temps pour te ménager. Tu es constamment épuisé ; ça fait depuis mi-septembre que tu es dans cet état de fatigue et que tu es obligé de ralentir la fréquence de tes entraînements. Tu te lèves. Trop vite, trop brusquement, tu vacilles.

«Bordel.»

Tu restes assis quelques minutes de plus. Tu sens que ton état s’empire de jour en jour. Tu prends ta baguette.

«Lumos.»

Rien ne se passe. Tu répètes la formule, encore et encore. Ta baguette reste insensible à ta volonté. Tu soupires et enclenches l’interrupteur pour allumer la lumière. Depuis que tu as perdu tes pouvoirs, tu te demandes si jusqu’alors tu n’étais pas juste un fou qui se prenait pour un sorcier. Tu sens quelque chose d’humide couler sur ta bouche et d’un revers de manche tu essuies le sang qui coulait de ton nez. Tu regardes le sol, une nouvelle tâche agrémente le parquet, témoignage de tes précédentes tentatives échouées. Comme tous les matins, tu regardes ta baguette, en te questionnant sur l’utilité de la garder sur toi tant que tu n’as pas récupéré tes pouvoirs. Tu ignores même si tu les récupéreras un jour. Quand tu as enfin constaté la gravité de ton état, que ces vertiges, saignements et fatigue n’étaient pas dû à une simple maladie, tu es allé à Sainte Mangouste, mais à cette époque là les Médicomage n’avaient aucun recul sur ce phénomène qui arrivait à de nombreux autres sorciers.

Tu laisses ta fidèle baguette sur le chevet, écoeuré. Tu prends lentement ta douche et tu te laisses inonder par tes réflexions. Tu te dis que tu aurais dû te rendre compte plus tôt que ce n’était pas qu’une simple “mauvaise phase” qui allait passer. Tu n’aurais pas dû être autant fatigué, tu as toujours entretenu ton corps, et cette fatigue est vraiment éreintante, dès les premiers jours tu aurais dû le savoir. Tu avais mis les saignements sur la fatigue, et les quelques sorts ratés sur un manque de concentration ou à un blocage de ta baguette. Tu culpabilises. Tu avais rejeté la faute sur ta baguette, alors que le problème venait de toi, de ton corps. Jamais ta baguette ne t’a fait défaut, aucun blocage, rien. Elle t’a toujours été fidèle. Tu aurais pu comprendre, lorsque tu utilises la baguette du Mage, mais avec la tienne ce n’est pas concevable. Elle t’a choisi. Pas loin de 25 ans où elle ne t’a jamais fait défaut et tu as osé briser la confiance mutuelle qu’il y avait entre vous.

Tu sors de la douche, essoufflé. Une simple douche t’épuise au point de te couper le souffle quelques minutes… Même toi, tu réalises que la situation ne peut pas continuer comme ça, jour après jour. Même toi, tu comprends que tu ne peux pas gérer seul cette situation, tu sais que tu as besoin d’aide, de conseils. Tu ouvres la cage de Spalva, ta chouette, pour qu’elle puisse sortir librement.

«Ma toute belle, j’vais devoir partir… Je sais pas combien de temps je vais être retenu, mais tu me retrouveras. Tu me retrouves toujours.»

Tu lui jettes un miamhibou et elle te répond avec un hululement que tu interprètes comme compréhensif. Tu finis de t’habiller à contrecœur. Personne n’a envie d’aller faire un tour à Sainte Mangouste, tu es d’autant moins rassuré que tu ne sais pas si les médicomages ont plus d’éléments que depuis le début de la perte de ta magie. Peut-être que les recherches sur le domaine ont avancé et qu’on pourra te prescrire des fortifiants, ou des conseils pour t’aider à récupérer. Si ce n’était que la perte de tes pouvoirs… Tu pourrais t’y accommoder, le temps qu’ils reviennent. Tu n’aurais qu’à ranger le costume du Mage au placard le temps de reprendre du poil de la bête. Mais les autres autres symptômes commencent à devenir sérieusement handicapants. et cette fatigue, cet épuisement permanent. Chaque fois que tu te couches le soir, tu n’es pas certain de te relever le lendemain.

Tu arrives finalement à l’accueil de l’hôpital. Tu expliques tes problèmes, et un hôte d’accueil t’oriente au sixième étage, pour les soins des victimes d’attaques moldues. Dans la salle d’attente, Tu te fais la réflexion que tu sais que le rapprochement entre le Blood Circle et la Secte des Tarés de Salem  n’était pas une bonne chose, mais tu ne penses pas qu’ils seraient capable d’empêcher l’utilisation de la magie sans t’injecter cette merde de sérum. Une jeune femme brune, la vingtaine, finit par appeler ton nom, te sortant de tes rêveries.

«C’est moi-même !»

Tu te lèves et tu la suis jusqu’à l’entrée dans la salle d’examen. Tu ne connais pas trop la procédure ; tu as l’habitude de gérer toi-même tes blessures superficielles. À l’exception près des événements d'août où le petit Balthazar t’as sauvé la vie en t’emmenant lui-même aux urgences. Tu attenss donc les consignes de la jeune femme, sûrement une secrétaire, avant de risquer de faire quoi que ce soit d’innoportun.

i wish i could wake up with amnesia,

Dans les champs, elle se perd.
Dans les champs, elle oublie le quotidien.
Comme si le fardeau sur ses épaules la quittait un instant.

L’enfant court, laissant son esprit s’envoler. Elle s’arrête un instant, s’allonge sans mal dans la fraicheur de l’herbe. Elle se perd dans le ciel, les yeux toisant les nuages. Elle y imagine des formes improbables, se prenant à rire devant son imagination débordante.

Car l’enfant, loin de tout, loin de tous, a presque le goût de la liberté sur les lèvres. Ses papilles se délectent de l’air frais, de la neige qu’elle leur porte. Mais la réalité la rattrape. De sa poche provient un bip, l’informant que déjà, elle était en retard. Sa baguette en main, c’est de quelques mots qu’elle vient à transplaner, pour se rendre à l’intérieur de l’hôpital. Sainte-Mangouste, une seconde maison. Semblable à Poudlard, on l’y avait accueilli avec bienveillance. La douceur de la jeune Eskil avait été récompensée, bien que durement remise en question. Son maître de stage, devenu son mentor de demain, n’était plus le simple. Elle avait dû apprendre à l’apprivoiser, à se laisser apprivoiser à son tour. Car si elle paraissait docile, elle n’en avait pas moins son caractère, surtout lorsque la santé d’autrui était en jeu.

Azrael Yaxley n’était simple, mais il était exceptionnel. A ses côtés, elle apprenait. A ses côtés, elle se dépassait. Des limites que jamais elle n’avait osé dépasser, des mots que jamais elle n’aurait dit. Et pourtant, il les avait entendus.

Dans les couloirs, elle voit les yeux se poser sur elle. Dans les esprits, elle imagine leurs mots. Avoir une Legilimens parmi leurs rangs n’avait été chose aisée pour tous. La rumeur avait circulé, elle avait dévoré. Ô ragots croustillants, combien de vies avez-vous pris ?

Prenant sur sa gauche, Astrid s’enferma un instant dans une salle, ne sachant pas réellement laquelle. Sa baguette, d’un zigzag rapide, lui donna d’autres vêtements. De sa tenue de sport, elle était devenue médicomage –ou apprentie médicomage. Elle trouva non loin d’elle un stéthoscope, instrument d’un sans doute collègue qu’elle ne connaissait pas. Tant pis, se dit-elle, il n’en a pas besoin. Et alors qu’elle s’apprêtait à quitter la salle, ses yeux se posèrent sur une dame âgée, à quelques mètres d’elle, qui la regardait d’un air étonné. Du bout des doigts, elle fit apparaître une fleur, lui glissant dans les cheveux.

« Surtout, ne dites rien ! Les fleurs ne sont normalement pas autorisées à cet étage. Je risquerai de me faire rouspéter. »

Un clin d’œil, puis une porte qui claque.  

Direction le sixième étage, son secteur de prédilection.

« Hunter Conley. » Avait-elle appelé, laissant l’homme venir à elle. « Suivez-moi s’il vous plaît. Ici. »

Leurs pas les menèrent à la petite salle dans laquelle elle l’accueillit, attrapant le petit carnet qu’elle avait attrapé au passage.

« Je vous laisse vous assoir, où vous voulez, vous avez la salle rien qu’pour vous ! » Lui indiqua-t-elle, avant de prendre place sur le grand tabouret, les roues l’emmenant jusqu’à lui. « Je m’appelle Astrid, je suis encore étudiante ici, mais vous sortirez en un seul morceau, c’est promis. Mon superviseur se trouve juste derrière cette porte, il viendra vous sauver avant que je ne vous abime de trop. »

Illuminé de son sourire habituel, Astrid était d’autant plus douceur en cet instant, sachant pertinemment que les malheureux qui venaient jusqu’à elle, avaient en eux souvent des séquelles profondes, si profondes…

Le sixième étage était de loin, considéré comme le plus compliqué des secteurs. Non qu’il soit réellement plus important que les autres, mais les blessures dont l’équipe médicale était témoin étaient… dévastatrices.

« Je vous laisse place vos mains dans les miennes. »

Devant elle, elle présenta ses deux mains, paumes vers le haut. Lorsqu’il vint y poser les siennes, elle ne vacilla pas. Une fois entrée à Sainte-Mangouste, elle n’était plus l’adolescente jaune et noire. Elle était un médicomage en devenir, particulièrement douée de ses doigts. Des doigts qui vinrent, avec douceur, appuyer sur les articulations du patient. Ses phalanges, ses poignets. Sans un mot, elle paraissait contempler sa peau, écoutant en réalité les battements de son cœur. Elle avait besoin de savoir, de tout savoir.

« Vous me permettez ? » Demanda-t-elle, lui faisant signe qu’elle souhaiterait déplacer sa main droite.

Une fois la permission reçue, elle vint la porter à l’œil gauche de l’homme. Elle se leva un instant, le contournant pour presser deux points sur son omoplate droite, avant de ne s’assoir à nouveau face à lui.

« Je vais devoir regarder dans votre œil, avec une lumière. Ça risque de brûler un petit peu, mais promis, ça ne dure que quelques secondes. »

Quelques secondes. Peut-être cinq, ou sept. Pas plus de dix.

Avec surprise, mais sans le laisser paraître, elle y aperçut une étrange tâche rouge, logée sur l’iris. Semblable à une forme, elle vint à se questionner. Elle répéta la même procédure sur l’œil opposé. Une, deux pressions sur son omoplate, délicatement placée, avant qu’elle ne se plonge dans son regard, une petite seconde de plus.
Serait-ce un indice laissé par le Blood Circle ?

OUI – Il y a au fond de l’œil droit d’Hunter, une seconde tache, similaire à la première. Intriguée et inquiétée à la fois, Astrid demande à son patient d’attendre un petit instant, quittant la pièce pour retrouver son mentor. « Azrael, nous avons un problème. »
NON – A priori, rien à l’horizon. C’était sans doute une fausse frayeur. Astrid, ne t’en fais pas si vite !

Tu suis la femme que tu penses être une secrétaire jusqu’à une petite salle d’examen. Elle t’explique que tu as la salle pour toi et que tu peux t’asseoir où tu le souhaites. La jeune femme se présente sous le prénom d’Astrid, une étudiante à Ste Mangouste. Tu es tout de même rassuré de savoir que son superviseur ne se trouve pas très loin, au cas où son manque d’expérience risquerait de te porter préjudice.

«Enchanté Astrid. J’espère que vous saurez me dire comment récupérer ma magie… C’est de plus en plus compliqué à supporter.»

C’est pas tant la perte de la magie qui te dérange ; bien que cela compromet beaucoup tes activités secrètes ; c’est surtout que physiquement, tu ne tiens plus. Plus du tout. Tu es dans un état d’épuisement permanent qui t’empêche d’avoir une vie normale, sans parler de ces saignements de nez que tu dois supporter dès que tu vérifies si ta magie est revenue. Un véritable enfer. L’étudiante en médicomagie t’osculte, elle te demande de placer tes mains dans les siennes qu’elle présente vers le haut. Tu obtempères et la laisse palper silencieusement tes articulations. Elle demande ensuite la permission de bouger ta main droite. Tu ris.

«Faites, faites. C’est vous la patronne. Vous savez ce que vous avez à faire. Enfin, j’espère !»
Tu la laisses faire ses expériences, puis tu prends un air grave et inquiet.

«C’est grave docteure ?»

Elle t’explique qu’elle doit regarder dans ton œil avec une lumière et que ça risque de brûler un peu, que ça ne durera que quelques secondes. Un peu inquiet, tu oses demander.

«Euh… Ça ne pose pas de problème que je n’ai plus de magie ? C’est sans danger ? »

Tu te sens comme un non-maj. Tu as l’impression que le quotidien d’un sorcier lambda pourrait te tuer à cause de la disparition de ta magie. Tu maudis le Blood Circle, et la secte des tarés de Salem. Tu laisses finalement l’étudiante t’aveugler avec sa lumière. Vous n’êtes probablement pas sur la même longueur d’onde avec la définition du terme “quelques secondes”, mais tu ne bronches pas. La porte s’ouvre pendant l’auscultation et un autre médicomage entre dans la salle d’examen. Le toubib se présente comme étant le Docteur Yaxley en expliquant qu’il devait déjà connaître son interne.

«Enchanté monsieur. Et ne vous inquiétez pas, Astrid ne m’a pas rendu aveugle en examinant mes yeux. Pas encore en tout cas. »

Le docteur Yaxley lit ton dossier et relève le fait que tu viens consulter pour la disparition de tes pouvoirs. Il cherche à savoir dans quelles circonstances tu t'es retrouvé sans pouvoirs et quels sont les symptômes que tu présentes.

«J’ignore comment ça s'est produit, ni quand exactement j’ai commencé à présenter des symptômes. Quand c’est des trucs légers, on fait pas vraiment attention. Je dirais que j’ai commencé à avoir une légère fatigue à la mi-août… Ou peut-être fin août ? Je ne sais plus. Rapidement, j’ai commencé à rater des sorts plus ou moins complexes jusqu’au moment où même illuminer ma baguette devenait compliqué. Maintenant plus aucun sortilège, aussi basique qu’il soit, ne fonctionne. J’ai beau me concentrer, concentrer, concentrer, la seule chose que je parviens à faire, c’est saigner du nez. Mais le plus contraignant, c’est cet état d’épuisement. J’ai une fatigue de plus en plus importante. Même prendre une simple douche me coupe le souffle quelques minutes. Je faisais beaucoup de sport il y a encore quelques mois, maintenant c’est tout simplement impensable. J’ai l’impression de m’être fait piétiner par un hippogriffe… »

Pendant que la jeune étudiante continue de t’examiner, le docteur demande des précisions sur ton mal, notamment sur les causes possibles de la disparition de tes pouvoirs. Il insiste pour savoir comment ces effets indésirables sont apparus,  si tu as reçu une dose de leur sérum.

«Non, j’ai jamais eu l’occasion de recevoir leur merde.» Tu ne peux pas vraiment parler de ta tentative de transplanage ratée lorsque le Blood Circle avait investi la forêt bordant Pré-Au-Lard ; tu préfères éviter d’avoir à te justifier. «J’habite dans la partie non-maj de Londres, peut-être qu’ils arrivent à diffuser une espèce de gaz inhibiteur, ou je sais pas quoi ?»

Tu pousses un long soupir, puis regarde tour à tour le docteur et son étudiante.

«Je ne vous cache pas que la perte de mes pouvoirs est le cadet de mes soucis. J’ose espérer que c’est temporaire, je peux m’y accommoder le temps que ça revienne à la normale. Ce qui m’inquiète le plus, c’est cette fatigue me détruit. Je ne peux pas vivre normalement, chaque action est un véritable supplice et quand je me couche le soir, je n’ai pas la certitude de pouvoir me lever le lendemain. Vous n’auriez pas une potion à me prescrire pour m’aider à supporter ça ? »

Tu t’y connais pas mal en potions, mais beaucoup moins en technologie du Blood Circle inhibitrice de pouvoir. Tu ne sais pas trop quels effets pourraient avoir une potion tonifiante avec les symptômes que tu présentes. Peut-être qu’à cause des merdes du Blood Circle, tu risquerais d’aggraver ton cas si tu te lançais dans de l’auto-médication.

« Un check-up de routine, ne vous en faites pas. » Elle lui sourit, de cette douceur habituelle. « Tant que vous restez raisonnable et sage, il n’y a pas de raison que ce soit dangereux. Vous n’êtes pas moins résistant pour autant, magie ou non. »

La magie, bien qu’impressionnante de par sa diversité, ne rendait invincible. Moldu ou sorcier, il restait humain. Avec ses forces, ses faiblesses. Son corps n’était plus coriace pour autant. Cependant, il ne serait en capacité de se défendre comme à son habitude. Là était le hic, le souci le plus important.

« Vous avez pour habitude de vous mettre en danger ? »

L’homme se fait particulièrement patient. Il discute, paraît calme au premier abord. Pourtant, lorsque son mentor entre dans la salle, il s’épanche sur le mal qui le ronge. Elle qui n’avait osé affronter le sujet de face, de peur de froisser son patient, regarde Azrael rentrer dans le vif du sujet, en quelques secondes seulement. Il ne semble avoir peur de la réaction d’Hunter, qui à son tour, ne semble indiquer la moindre touche de traumatisme. Heureusement, pense-t-elle, effrayée par la réaction qu’aurait pu avoir l’homme. Remuer sa douleur, ses souvenirs, serait la dernière chose qu’elle souhaitait.

Devant les mots de son patient, Astrid sourit.

« Pas encore. » Un clin d’œil et elle continue son auscultation.

Décembre ne tarderait pas à pointer le bout de son nez, alors qu’Hunter leur avoue avoir connu ses premiers symptômes en août. Elle dépose ses yeux sur lui un instant, se questionnant. Et si elle se retrouvait dans la même situation ? Si elle savait manier quelques sorts sans baguette, la disparition de sa magie l’effrayait. Comprenant la frustration de son patient, elle lui sourit avec compassion. Son empathie la perdrait un jour, mais aujourd’hui, elle saurait lui être utile.

Le mentor insiste et l’élève écoute. Si en l’instant, elle n’approuve la méthode de son professeur, elle garde un silence olympien. Venant finalement faire part de ses trouvailles, elle se tourne vers lui. « Rien à signaler. Extérieurement, monsieur Conley se porte à merveille. »

Mais à l’intérieur, qui pouvait imaginer… Le Blood Circle avait fait de nombreuses victimes. Certains y avaient laissé la peau, aspirant leur dernière bouffée d’air au creux de ses bras —images que jamais elle ne serait capable d’effacer. Gravées contre ses rétines, la douleur ne la quittera pas.

Il vient à parler de gaz inhibiteur, elle relève le regard, venant interroger son professeur. En effet, il s’agissait d’une possibilité. Ils n’en connaissaient que peu sur les ressources du Blood Circle. Leur cruauté n’avait d’égal, Astrid en avait été témoin plus d’une fois. Elle avait rencontré, sur ce fameux sixième étage, bien plus d’un patient. Elle était entrée dans les crânes, dans les mémoires. Elle avait calmé les maux, exécuté avec douceur son talent.

« Il se peut que votre mémoire vous cache quelque chose. Les chocs créent souvent des barrières psychiques. » Et ainsi, elle affronte le sujet. « Avez-vous été en contact direct avec eux ? »

Piétiner par un hippogriffe, avait-il dit. L’image parlait d’elle-même. Épuisé, il ne pouvait vivre correctement. Astrid vient à hocher la tête.

« Généralement, la magie repointe le bout de son nez après quelques mois. C’est un long processus, souvent épuisant. Cela dépend de ce que vous avez ingéré, ou de la substance à laquelle vous avez été exposé. Rencontrez-vous aussi une douleur accrue, peut-être même constante ? »

Il n’était pas rare que les deux soient de paire. Fatigue et douleur, un joli mélange des plus amers. Une amertume, dont malheureusement, il lui faudrait s’habituer. Trois mois après la perte de ses pouvoirs, Astrid espérait qu’il puisse retrouver sous peu ses capacités. Elle connaissait pourtant la lenteur du processus, des avancées. Certains ne voyaient leur magie revenir avant six mois. Pas après pas, sort après sort. Le manque de pouvoir pouvait être pesant. Elle n’osait imaginer le poids d’une telle impuissance. Surtout face à un monde aussi mauvais. Rongé jusqu’à la moelle, il ne saurait s’en sortir, revenir de l’Enfer dans lequel ils s’étaient tous plongés.

« Il est tout à fait possible de vous concocter un joli petit cocktail. » Et son sourire est de retour. « Cependant il s’agira seulement de traîter les symptômes, et non la cause. Et je ne saurai vous promettre un goût agréable. » Une pointe de douceur. Astrid espérait pouvoir apaiser les maux de son patient, rien qu’un instant.

Puis elle reprend son sérieux. « Cette fatigue accrue, vous endort-elle au milieu de la journée ? Comme si votre cerveau s’éteignait ? »

Petits détails ô combien importants. Astrid cherchait à connaître au mieux les maux de son patient. Elle ne pouvait traîter ce qu’elle ignorait, et connaissait la difficulté de chaque être à évoquer ses difficultés. Il était bien compliqué de les identifier, de les expliquer. Poser des mots sur des maux, voilà une tâche bien ambitieuse.

Et en attendant sa réponse, elle se tourne vers son professeur, le questionnant en silence.

L’étudiante te demande si tu as l’habitude de te mettre en danger. Tu te retiens de rire et tu restes dans le rôle que tu présentes à tout le monde ; celui du gars qui reste bien planqué.

«Me mettre en danger ? Pourquoi faire ? C’est déjà assez dangereux de vivre dans la partie non-maj de la ville, avec ces tarés du Blood Circle, j’ai pas besoin de pimenter davantage ma vie.»

Le docteur Yaxley entre dans la pièce et te demande plus de détail sur le mal qui te ronge. Tu te montres le plus précis possible quant aux symptômes qui te touchent. Tu occultes cependant volontairement le fait que tu étais présent lors de l’invasion du Blood Circle dans laa forêt et qu’une de tes tentatives de transplanage avait été empêchée par leur technologie. Tu expliques que la perte de la magie n’est pas ton plus gros problème, tu peux t’en accommoder. Le plus gros problème, c’est surtout cette fatigue persistante, cette incertitude de pouvoir te réveiller le lendemain matin lorsque tu te couches le soir. L’étudiante te demande si tu rencontres une douleur persistante. Tu réfléchis et finis par répondre négativement.

«Pas que je sache. Chaque matin, je me lève, je prends ma baguette et tente d’illuminer ma baguette. Le sortilège échoue, et la plupart du temps tout ce que j’obtiens, c’est un saignement de nez qui tâche mon sol. J’ai dû arrêter de faire du sport, c’était trop épuisant et actuellemennt, j’ai le sentiment que je me tasse sur moi-même, incapable de porter mon propre poid tellement je manque de force. Mais non, pas de douleurs.»

Le docteur Yaxley confirme tes craintes : il est possible que le Blood Circle diffuse une substance entraînant la perte de la magie dans les parties non-maj de la ville, mais rien n’est encore avéré. Il confirme également l’hypothèse d’Astrid : tu as pu être en contact avec le Blood Circle sans t’en souvenir ou tout simplement sans le savoir.

«Pour ce qui est des souvenirs, je n’ai pas eu de Blackout, de zone d’ombre dans ma mémoire. Je me suis toujours réveillé avec le souvenir de l’endroit où je me suis couché. Les non-majs ne peuvent pas encore altérer notre mémoire, j’en suis sûr. Mais… Peut-être que je l’ai été sans le savoir. Encore une fois, je vis et travaille dans la partie non-maj de la ville, j’ai probablement déjà rencontré, voir serré la main à des membres du Blood Circle, c’est plus que probable. Mais ça serait vachement dangereux de leur part d’injecter leur truc à des gens au hasard, non ?»

Pour ce qui est du traitement, le docteur et son interne t’affirment qu’ils ne sont pas en mesure, pour le moment, de guérir ton mal.

«Vous savez, je ne m’attends pas à des miracles. Je sais qu’il a des dizaines voire des centaines de sorciers qui sont dans le même cas que moi, et je me doute que la Gazette du Sorcier aurait déjà parlé d’un éventuel remède. Je prends tout ce qui pourrait me soulager, même si ça n’a pas le goût des chocogrenouilles.»

Miss Eskil te demande si la fatigue m’endort en journée, si ça y'embrouille le cerveau.

«Je ne dirais pas ça… Je dirais que c’est plus une fatigue physique, comme si j’avais trop forcé physiquement. Je n’ai plus la force de faire quoi que ce soit, mais à côté de ça le sommeil n’est pas plus facile à arriver.»

Le docteur Yaxley prend ton poignet en affirmant que tu as tout le temps de réfléchir pour prendre ta décision à propos des éventuelles potions à te prescrire. Il faut également te faire une prise de sang, pour aider à cibler ce qu’on peut te donner.

«Quoi que vous me prescriviez… Vous ne pouvez pas aggraver mon cas, croyez moi. Donc pour moi c’est déjà tout réfléchi. Et vous pouvez faire toutes les analyses que vous avez à faire.»

Le médecin se charge de relever ta manche, et de préparer la zone pour le prélèvement. Il donne ensuite la seringue à l’étudiante pour qu’elle fasse elle-même la manipulation. Tu la regardes en souriant.

«N’ayez pas peur, ça ne fera pas mal.»

Sa question n’avait eu pour but de l’offenser. Sa bienveillance n’avait paru être claire aux yeux du patient. Devant sa réponse, Astrid se pinça intérieurement. Bravo, tu vas le braquer. Sur son visage, rien ne se lit. Elle reste droite, garde ce sourire qui la caractérise si bien.

Son mentor acquiesce à ses théories, soutenant ses propos. Elle note que cette fois, elle n’avait fait pas fait d’erreur –ou pas au premier coup d'œil. Cependant, son approche n’avait paru être la plus appropriée pour le patient. Quelque chose qu’elle se devait de garder en tête. En constante quête d’amélioration, elle était de ceux qui, dans leur propre cas, voyaient d’abord le négatif, avant de pouvoir poser les yeux sur le positif.

Elle écoute l’échange entre les deux hommes, son coeur se pinçant lorsqu’Hunter prononce ces mots qui firent un peu trop écho en elle. Je ne m’attends pas à des miracles. Non, les miracles n’existent pas. Bien que dotés de pouvoirs magiques, de dons particuliers, ils ne pouvaient accomplir de miracles. Astrid n’était dupe, mais l’entendre restait douloureux. Au fond d’elle, elle a cette volonté de faire changer les choses. Elle est cet étrange mélange cartésien et optimiste. Elle rêve, l’enfant, ne cesse de chercher l’espoir là où elle peut. Chose qui ne lui était aisée, sur ce sixième étage.

Azraël vient à présenter à leur patient ses recherches, précisant qu’il leur faudrait d’abord faire quelques analyses pour mieux cibler son besoin, mais surtout, s’assurer que l’élément perturbateur n’avait pas attaqué son système immunitaire. Son mentor s’exprime avec sagesse, Astrid note la façon dont il formule ses phrases, les mots qu’il choisit. Ils ont deux manière différentes de se comporter avec les patients, mais c’est ce qu’elle apprécie chez son mentor. Respecter sa manière d’être, tout en la guidant pour être le meilleur médicomage possible. Elle n’aurait pu rêver d’un meilleur apprentissage.

Il lui tend alors une seringue, la priant de s’occuper de la prise de sang. Azraël remonte la manche du patient, désinfecte la zone, tandis qu’Hunter tente de la rassurer. Ses mots la font sourire. Elle croise rapidement son regard. « Monsieur Conley, vous êtes le patient idéal ! Je promets de ne pas vous charcuter, ni de tomber dans les pommes. Quelle piètre médicomage je ferais, si la vue du sang ou d’une aiguille me faisait perdre les pédales. » Seringue en main, Astrid applique une légère pression sur le bras. « Je pique. » Ainsi se transperce la fine couche de peau, jusqu’à ce qu’elle atteigne sans mal la veine. Un à un, elle attrape les tubes sur la petite table à roulette près d’elle, qu’elle stabilise d’un pied expert. Trois tubes, le nécessaire pour les examens sanguins classiques de ce sixième étage. Elle attrape une compresse, remplaçant l’aiguille. « Vous pouvez appuyer ? Super. » Pendant qu’Hunter contrôle les quelques gouttes pourpres qui auraient pu s’échapper, elle s’occupe de placer les tubes de manière correcte et les étiquette d’un coup de baguette. « Voyez-vous, nous avons tous deux survécu. » Un nouveau clin d'œil, tandis que la porte s’ouvre de manière brutale.

« Pardonnez mon intrusion. Monsieur Yaxley, nous avons besoin de vous en urgence. Chambre 13 ! Eskil, vous ne serez pas de trop ! »

Devant la voix légèrement paniquée de l’infirmière, Astrid fait glisser la table vers le coin de la salle, s’assurant de pouvoir y retrouver les tubes une fois l’urgence traitée. Elle fait signe à Azraël de se hâter, qu’elle le suivrait d’ici quelques instants.

« Nous avons ce qu’il nous faut. Je fais analyser tout ça et je vous contacte dès que nous recevons les résultats du labo. » Elle croise le regard de son patient, avec douceur et réconfort. « Vérifiez que l’accueil ait bien vos coordonnées. Pardon, je dois filer. Ce fut un plaisir Monsieur Conley, restez au calme, je reviens vers vous au plus vite ! » Et la voilà qui disparaît.