« Je vous remercie de m’avoir reçue Madame Cartwright. » dis-je en serrant la main de ma future (j’espère) maîtresse de stage. Je viens de passer une heure avec elle et j’avoue que je suis conquise. Ce qu’Eirian m’avait dit de cette femme se confirme et j’espère avoir fait bonne impression. Elle m’a posé beaucoup de questions sur mes motivations et sur mes envies en tant que professionnelle en devenir et j’avoue avoir pris plaisir à échanger avec elle. Étrangement, j’ai l’impression que lui avoir fait part de mes doutes et avoir exposée avec humilité le fait que j’ai encore beaucoup à apprendre l’a touché. Ce n’était qu’un premier entretien afin de faire connaissance mais j’espère sincèrement être retenue. Rien n’est moins sûre, je ne suis pas la seule à souhaiter un stage dans ce service mais je garde espoir. « Je vous en prie. Je vous recontacte en début d’année. » J’hoche la tête et offre à la jeune Auror un large sourire. Si jamais je suis retenue, elle m’a parlé qu’il y avait une sorte de mise à l’épreuve où il s’agira de montrer mes compétences physiques et mentales. Quoi de plus naturel avant d’emmener une étudiante sur le terrain de savoir comment elle peut réagir dans une situation d’urgence ? « C’est noté, bonne journée à vous. » Je quitte le bureau dans laquelle Rose Cartwright m’a reçu et traverse le Ministère, pensive. Le bruit de mes talons claque sur le sol et chacun de mes pas me reconnecte avec la réalité. Ce rendez-vous, c’est la seule chose positive de ces dernières semaines et je suis ravie d’en sortir relativement confiante. Je patiente quelques minutes à l’entrée afin de pouvoir accéder à la cabine téléphonique qui me remontra jusqu’au centre-ville. Une fois sortie, je me retrouve dans le Londres moldu et je sens mon téléphone vibrer contre ma cuisse. C’est amusant, dès que je sors d’une zone magique, celui-ci s’affole toujours et je reçois alors les notifications qui m’attendaient patiemment. Je sors mon portable, espérant y voir un message de Lyam. Non, c’est Julia. Ma gorge se serre et mes doigts se crispent sur l’écran du téléphone. Je vérifie dans les SMS mais non, toujours aucune réponse à mon message d’il y a quelques jours.

J’ouvre le SMS de Julia qui me demande comment s’est passé mon entretien. Je lui réponds que cela s’est bien passé et j’envoie le message. Avant que je n’aie le temps de ranger mon portable, elle m’appelle. « Oui ? » Elle passe dix minutes à me convaincre de la rejoindre dans un bar et je soupire tellement je n’ai pas envie d’y aller. Je finis par céder en me disant que cela me changera les idées. Julia me connaît bien, elle sait que j’encaisse mal le silence de Lyam et elle souhaite probablement m'aider à arrêter de ruminer. Et puis, de toute manière, je n’ai rien de mieux à faire ce soir. On est vendredi, il est 17h30 et je vais sûrement passer mon week-end chez mes parents, dans ma chambre, à broyer du noir avec Thalia qui essayera de me réconforter du mieux qu’elle pourra. J’avoue avoir passé beaucoup de temps dans le Londres moldu ces derniers temps, délaissant ma chambre à Poudlard dans le cas où Lyam m’écrirait, dans le cas où il souhaiterait m’appeler ou même que je passe chez lui pour qu’on puisse reparler de ce qu’il s’est passé la dernière fois. Mais trois semaines ont passé et rien. Toujours rien. Si j’avais envie de lui écrire au bout de deux jours et demi, Maxime m’a conseillé de lui laisser de l’espace, de lui donner de l’air. J’ai écouté et j’ai tenu presque trois semaines. Mais n’y tenant plus, il y a quelques jours, je lui ai écrit qu’il me manquait. L’absence de réponse m’a fait vriller. J’ai beaucoup pleuré ensuite.

Je marche jusqu’au bar, la tête encore ailleurs. Le mois de novembre est bien entamé et le froid s’est installé sur Londres. Lorsque je pénètre dans le bar où Julia m’attend, la vague de chaleur quand je rentre me fait suffoquer et je retire instantanément mon manteau long. Julia me fait signe au fond du bar et je traverse la pièce pour la rejoindre. « Putain, t’es canon ! » dit-elle alors que je me rapproche d’elle. Après avoir posé mon manteau à côté d’elle, pour la faire rire, je tourne sur moi-même pour qu’elle puisse m’admirer. Il est vrai que j’ai fait un effort pour l’entretien. Une jupe tailleur évasée, des collants noirs à motifs, un chemisier blanc, mes talons hauts. J’ai relevé aussi mes cheveux en un chignon élégant. « J’avais envie. » Malgré mon allure, même le maquillage n’a pas réussi à camoufler les jolis cernes qui se cachent sous mes yeux noisettes ni même la tristesse qu’on peut lire dans mon regard. Je soupire doucement et m’installe en face de Julia. Le serveur vient prendre notre commande et je prends une bière. Julia me questionne immédiatement sur l’entretien et je me lance dans une explication assez détaillée parce que je sais qu’elle sera avide de tous les détails. Cela fait bien une heure que nous échangeons lorsqu’une silhouette entrant dans le bar attire mon regard. Je plisse les yeux et mon cœur fait un raté. « Putain. » Julia tourne immédiatement la tête pour regarder ce qui m’a arrêté dans ma conversation. C’est Doryan. C’est la seule explication. Mon cerveau essaie de trouver une explication rationnelle tout en sachant très bien que ce n’est pas du tout Doryan qui vient d’entrer accompagné d’une femme incroyablement magnifique. Sa longue chevelure blonde tombe en cascade dans son dos et son sourire enjôleur en ferait tomber plus d’un. Sans attendre, j’attrape mon téléphone pour vérifier si je n’ai pas loupé un message mais non. Toujours pas. Je respire fortement et m’enfonce dans mon siège tandis que je les regarde s’installer à une table. Lyam est dos à moi et ne peut pas me voir d’où je suis mais par contre je vois les grands sourires de la blondasse et j’ai des envies de meurtres qui m’assaillent.

Julia garde le silence, m’observant scruter Lyam avec attention. J’imagine qu’elle se demande si je vais exploser ou si je vais rester là sans rien dire. J’avoue ne pas savoir encore très bien ce que je veux et ce que je vais faire. Des pensées confuses s’installent dans mon esprit et je me tords le cou pour regarder Lyam qui tourne la tête pour parler à la serveuse qui vient les servir. Je sens que mon cœur s’enflamme et je reste paralysée lorsqu’il se retourne vers la femme en souriant. Putain. « J’y crois pas. Il m’a déjà remplacé. » Ma gorge se serre et j’ai envie de hurler. Il n’a même pas répondu à mon message, il n’a même pas daigné me dire que c’était fini entre nous. Cela m’étonne de lui mais en même temps, je n’ai pas eu de nouvelles depuis presque trois semaines. Je pense que le message est explicite. « Je vais me le faire. » dis-je à Julia en me levant brusquement. « Kayla arrête, à quoi ça va te servir ? » dit-elle en attrapant mon poignet. Une larme coule sur ma joue et je l’essuie rapidement. « À tourner la page. » Je sens que j’en ai besoin, j’ai besoin de le confronter, j’ai besoin qu’il me le dise en face. Sinon peut-être que je resterai à attendre pendant encore des mois, à espérer qu’il change d’avis j’imagine. Je traverse le bar rapidement et lorsque j’arrive à la table de Lyam, je vois la blonde relever la tête vers moi avec un air si innocent que je lui jetterai mon talon à la figure. Je l’ignore superbement et je me penche vers Lyam pour lui murmurer à l’oreille : « Pense à lui demander sa carte d’identité à celle-là, on sait jamais. » Je me redresse, furieuse et triste à la fois. J’ai l’impression que j’vais mourir de chagrin.

J’ai le cœur en vrac, mes sentiments sont confus et je ne sais pas trop comment réagir lorsque je vois Lyam s’installer avec cette femme. Ma première réaction est de rester là, à les observer mais je sais que je ne pourrais pas tenir bien longtemps. J’ai tellement besoin de savoir, j’ai tellement besoin d’avoir des réponses aux questions que je me pose, aux questions sans réponses surtout. Je croyais avoir laissé assez d’espace à Lyam après notre dernière dispute et j’espérais qu’il ait au moins la décence de me dire de lui-même que tout était terminé. Au lieu de ça, j’avais eu le droit à un mur de silence, un mur difficilement encaissable. Je pouvais accepter qu’il ne souhaite plus me voir, ni me parler, qu’il mette un terme à notre histoire. Mais s’enfermer dans ce mutisme et me laisser ainsi espérer et attendre, je ne savais pas comment je pouvais qualifier ce comportement. Me faisait-il payer mes mensonges ? Je pense avoir déjà bien compris et réalisé que mes erreurs avaient des conséquences importantes. Les larmes qui s’accumulaient sur mes joues juste avant de s’endormir, ce sommeil qui d’ailleurs ne venait pas, cette soudaine tristesse qui me rendait maussade. Il faut dire que Kayla le rayon de soleil n’était pas vraiment au top de sa forme ces derniers temps et nombreux sont les amis qui me l’ont fait remarquer. C’est avec l’idée que je dois effectivement savoir la vérité pour retrouver ce doux sourire qui ne quitte normalement jamais mes lèvres que je me dirige vers la table de Lyam, avec la ferme intention de le confronter, de le mettre face à lui-même et à son silence.

Alors que je me penche vers lui pour lui sortir une pique, mes sens sont en ébullition. Son odeur emplit mes narines et me perturbe, je me redresse, paumée, attristée, peinée. Le voir me fait mal, le voir me brise et je me rends compte qu’il m’a manqué plus que de raison. J’allais déguerpir lorsqu’il me retient avec fermeté, m’attrapant le poignet. Il me scrute intensément et je soutiens son regard alors qu’un silence plutôt pesant s’installe entre nous. Que fait-il exactement ? Il veut me forcer à admirer son bonheur nouvellement retrouvé avec Madame Barbie aux cheveux si jolis ? Je déglutis mais ne plie pas jusqu’à ce qu’il ouvre la bouche, faisant les présentations. Collègue. Elle ? Une collègue ? Elle n’a pas le look militaire du tout. Mon cœur bat à la chamade en comprenant que j’ai peut-être un peu surréagi Team impulsivité, Team Gryffondor mais je ne vais pas m’excuser non plus. « Bonjour. » dis-je simplement. J’avale encore une fois difficilement ma salive. S’il a présenté Chloée comme étant sa collègue, il a juste dit mon nom, comme si je n’étais qu’une vulgaire connaissance ou qu’il ne savait pas comment qualifier notre relation. Je ne sais pas quoi dire alors je garde le silence, regardant alternativement la femme et Lyam. Je me tourne à nouveau vers lui lorsqu’il dit revenir d’un voyage assez long. Je plisse les yeux, comprenant plutôt assez bien où il voulait en venir mais ne trouvant pas que ce soit une excuse suffisante au silence de trois semaines. Même s’il revenait d’une mission de plusieurs jours, il aurait aussi pu me contacter avant non ? Est-ce que quinze jours étaient suffisants pour prendre du recul ? Personnellement, j’avais pris ma décision à l’instant même où j’avais quitté sa maison. Bien sûr, je comprends que Lyam ait besoin de plus de temps que moi pour réfléchir, mais mon côté impétueux m’empêche de considérer qu’il est dans son droit.

Les secondes passent et j’attends qu’il dise autre chose parce que je ne sais pas comment entamer la discussion. À vrai dire, je pensais m’énerver de suite, laisser exploser ma colère, mais le fait qu’il me présente et qu’il m’attrape par le bras me laissait penser qu’il n’était peut-être pas tellement au clair avec ses sentiments. Ma bouche s’assèche lorsqu’il lâche mon poignet et me demande si je souhaite m’asseoir. M’asseoir avec eux ? Je ne crois pas. « Non merci Lyam. J’aime pas tenir la chandelle. » Cette phrase sort sans que je ne puisse l’en empêcher. Putain. Ma gorge se noue à nouveau et je garde les yeux bien ouverts pour éviter que des larmes se mettent à couler. Mon cœur bat tellement fort dans ma poitrine et je ne sais pas si j’arriverai à masquer ma détresse plus longtemps alors je tourne les talons et me dirige vers les toilettes. Je ne veux pas qu’il me voit pleurer, je ne veux pas qu’il voit à quel point le revoir emplie mon cœur d’une profonde tristesse. Je ne veux pas réaliser que j’ai tout gâché.

Pourquoi est-ce que j’ai si mal ? Pourquoi est-ce que je me sens ainsi ? Apercevoir Lyam s’installer à table avec cette femme outrageusement belle vient de raviver la douleur des derniers jours. Je n’ai jamais eu à subir les affres et la souffrance d’une rupture parce que je n’ai jamais été vraiment en couple sérieusement avec quelqu’un. Il y a bien eu Owen l’an passé mais notre histoire ne rimait à rien et on s’est séparé bons amis. On se voit encore en dehors sans que cela n’ait changé quoi que ce soit entre nous. Et avant Owen, on peut dire que j’ai eu quelques amourettes d’étudiante. Rien de sérieux, rien d’engageant. Je sais que j’ai beaucoup grandi ces derniers mois, depuis un an en réalité. J’ai rencontré Lyam au moment où j’avais pris énormément confiance en moi, sachant la voie dans laquelle je voulais m’engager, sachant que j’étais capable de faire des choses par moi-même. C’est la Kayla sûre d’elle qu’il a vu au bar, la Kayla qui sait ce qu’elle veut et qui sait ce qu’elle ne veut pas. Une adulte, une jeune femme indépendante. Pourtant, cette belle image s’est étiolée lors de notre dispute dans sa maison alors qu’il m’a remis à une place d’enfant. C’est ainsi que je l’ai vécu alors qu’il s’est adressé à moi de manière condescendante, m’expliquant que je ne savais rien de la vie et que je n’étais qu’une gamine. Il ne l’a peut-être pas exposé ainsi, mais c’est comme cela que je l’ai entendu, que je l’ai compris. Si ses mots m’ont profondément blessée, je me suis rendue compte que Lyam avait touché là mes failles et mes craintes de ne pas être prise au sérieux. Il avait ébranlé cette confiance en moi si fraichement gagnée, si lentement acquise. Après Poudlard et l’obtention de mes ASPIC, je me suis lancée en droit, sans grande conviction mais parce qu’on me l’avait conseillé. J’ai échoué si lamentablement que je ne savais plus où j’en étais et encore moins ce que je souhaitais faire. J’ai quitté l’université, j’ai enchaîné les petits boulots et lorsque je suis arrivée en Protection Magique, c’est Eirian qui a réussi à me sortir de ce gouffre d’incertitudes qui m’emprisonnait. Grâce à lui, grâce à ses conseils, j’ai compris que je pouvais et que j’étais capable. Je ne sais pas pourquoi mais lorsque Lyam m’a renvoyé le fait que j’étais à peine majeure, je me suis revue frileuse et inquiète le premier jour d’école, pas armée pour affronter mon manque d’assurance, manquant d’aplomb. J’y ai encore beaucoup réfléchi ces dernières semaines et il y a une chose dont je suis certaine : il a tort. Je ne suis plus une enfant et je ne mérite pas qu’on me traite comme telle, je ne mérite pas qu’on décide pour moi et qu’on choisisse à ma place. J’ai détesté ce versant de Lyam que je ne soupçonnais pas l’existence. Je sais qu’il a dû être totalement bouleversé par mes mensonges et que ses mots ont probablement dépassé sa pensée ; ce que je peux comprendre en réalité. Je lui ai menti, je l’ai trompé, j’ai été nulle avec lui. Nous avons tout deux dépassé les bornes. Mais ce que je sais, c'est qu'il me manque. Terriblement. C’est la seule chose ce que je retiens alors que je suis face à lui et qu’il me présente sa collègue. Cette situation malaisante me met dans l’embarras et je sens que les larmes me montent aux yeux donc je préfère m’enfuir. Mes pas sont lourds, j’inspire et expire à une vitesse incroyable pour ne pas pleurer alors que la voix de Lyam m’interpelle. Je m’arrête et mon regard vide se pose sur lui. Que veut-il ? Il vient de me rattraper et une once d’espoir s’installe en moi. Il aurait pu me laisser partir et cela aurait été une réponse à toutes mes questions mais ce n’est pas ce qu’il a fait. À sa proposition d’aller dehors, j’abdique doucement : « D’accord. »

Je le suis vers la sortie sans vraiment savoir ce que je vais lui dire et encore moins ce qu’il va me dire. Après tout… Il sait déjà ce que je souhaite. Je lui ai dit après notre dispute que je ne voulais pas que notre histoire s’arrête là. J’ai déjà fait un pas vers lui en lui renvoyant cet SMS, qu’il a ignoré d’ailleurs. C’est donc plutôt à lui de me dire le fruit de ses réflexions et de ses débats intérieurs et pas l’inverse. Lorsqu’il pousse la porte et la retient pour me laisser passer, je soupire doucement. Ces petits gestes attentionnés et galants, c’est tellement lui et ça me brise un peu plus. Le froid saisissant du mois de novembre me crispe brusquement et je me dis que j’aurai dû prendre mon manteau avant de le suivre mais peu importe. Le silence s’installe et je décide de ne pas le briser. Je n’ai pas envie d’ouvrir la bouche, moi qui suis si loquace d’ordinaire : ce silence est déjà une réponse en soi, pour moi en tout cas. Je me tourne vers lui lorsqu’il me dit que ce n’est pas ce que j’imagine. « Vraiment ? » murmuré-je sans grande conviction. Il répète à nouveau qu’elle n’est qu’une collègue avec qui il sort parfois boire des verres pour se détendre après certaines missions longues. Je ferme les yeux. Je comprends la nécessité d’avoir une soupape de décompression, bien au contraire. Je pense que chaque personne travaillant dans ce corps de métier en a besoin. En réalité, ce n’est pas vraiment ça le problème. En vérité, cette femme n’est qu’un prétexte à mes yeux, elle n’est qu’un prétexte pour lui reprocher son silence, son absence.

Je m’arrête de marcher lorsqu’il bredouille qu’il a bien reçu mon SMS et qu’il comptait y répondre. Je fronce un sourcil. L’excuse est facile. Je ne sais pas si j’ai envie d’y croire tout de suite… Mon regard croise le sien et un poids immense quitte ma poitrine tandis qu’il me dit les mots que j’attendais depuis des semaines. Tu me manques aussi. Je ferme les yeux quelques instants, renfermant mes bras contre ma poitrine pour me garder du froid ambiant. J’avale durement ma salive et je ne sais pas quoi lui dire. Alors tout simplement, ce sont les mots qui sortent de ma bouche : « Je ne sais pas quoi te dire Lyam. » Mes mains frottent mes avant-bras et je ne sais absolument pas si c’est à cause de la température extérieure ou à cause de ma nervosité. « Je comprends Lyam, je te jure que je comprends que tu aies eu besoin de temps. Je comprends et je l’accepte. » Je lève les yeux vers lui et j’ajoute : « Je peux pas effacer les erreurs que j’ai faites. C’est certain. Et ce n’est pas ce que je veux non plus. Mais ce silence… Être confrontée à ça alors que j’étais au fond du trou, ça m’a fait réfléchir. À ce que je veux, à ce que je suis.» J’ajoute : « A ce que je peux accepter d’un homme et ce que je ne peux pas accepter. » Je sais que je ne suis pas claire, j’ai l’esprit tellement embrouillé. Je suis confuse, pourtant, j’essaie vraiment de le lui faire comprendre. « Quand je t’ai vu avec elle, je… je… » Je secoue la tête et je murmure : « J’ai cru que t’étais lâche, que tu entretenais cette incertitude, que t’en foutais de me faire du mal, que tu le souhaitais peut-être après mes mensonges. Je t’ai détesté quand tu ne m’as pas répondu. Même si t’avais une putain de bonne raison Lyam… Pourquoi tu ne m’as pas écrit avant ? » Je demande piteusement : « Tu m’as manqué à la seconde même où je t’ai quitté Lyam. J’ai le cœur en vrac depuis trois semaines, si tu savais comment j’ai dû prendre sur moi pour te laisser de l’espace, pour te laisser du temps. Mais là je sais plus où j’en suis du tout. Je ne m’attendais pas à te croiser, pas comme ça. Je suis perdue. J'ai même envisagé l'idée que notre histoire se finisse comme ça. Sans avoir aucune réponse. ». Totalement perdue.

Suivre Lyam à l’extérieur du bar rallume la faible lueur d’espoir qui me maintient encore debout. Lorsque j’ai foncé vers sa table pour l’incendier, j’étais persuadée que notre relation allait s’achever ainsi, dans la colère et dans les pleurs. Pourtant, il a demandé à ce qu’on sorte et je m’accroche à ça, au fait qu’il souhaite peut-être que l’on s’accorde une chance : une chance de s’expliquer d’abord. Après tout, lors de notre dispute, nous étions beaucoup trop dans l’affect pour être objectif et avoir une discussion posée. De mon côté, j’étais tellement terrifiée à l’idée qu’il me quitte que je ne pensais qu’à cela, et de son côté j’imagine qu’il était tellement aveuglé par mes mensonges que le reste n’avait tout simplement aucune importance. Je le comprends. J’ai eu assez de temps pour y réfléchir à nouveau et pour comprendre que j’avais vraiment merdé dans cette histoire, m’engluant dans une pagaille sans nom à laquelle j’aurai pu couper court plus rapidement en lui avouant tout dès le début. Mais malgré tout, rien ne dit que l’issue ne s’en serait pas trouvée changé. Lyam aurait très bien pu décider d’arrêter notre relation sans préavis ; au moins, j’avais tenté. C’était un calcul délicat, un calcul vraiment dangereux ; j’ai joué. Ai-je perdu ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas si « forcer » Lyam à me connaître avant de lui dire la vérité était le bon plan. Je sais maintenant que j’aurai dû tout dire dès le début mais ce qui est fait est fait de toute manière et je ne peux plus rien y changer. Maintenant, je ne peux plus qu’assumer les conséquences de mes actes.

Lorsqu’il me dit que je lui ai manqué moi aussi, je n’ai qu’une envie, c’est de me blottir dans ses bras mais pour une fois, j’écoute la petite voix dans ma tête qui me demande de ne pas être trop impulsive et de penser à ce que je fais. Je ne suis pas quelqu’un de très mesurée d’ordinaire. Au contraire, je fonce dans le tas sans réfléchir. Mais cette fois, j’ai envie de prendre le temps de bien faire les choses ; je n’ai pas envie de retomber dans mes anciens travers et de faire n’importe quoi. Si je veux montrer à Lyam que je suis adulte, je dois aussi me comporter comme tel. C’est une chose de raconter connerie sur connerie avec Max, c’en est une autre d’échanger avec Lyam. Je lui exprime tous mes ressentis, mes craintes, mes angoisses, ma souffrance. Parce qu’il m’a fait souffrir, oui. Dans cette froide indifférence, j’ai eu l’impression de mourir mille fois, j’ai eu l’impression qu’on écrasait mon cœur avec un pilon ; mes proches m’ont alors ramassé en miettes. Alors que la conversation prend un autre tournant, nous nous arrêtons, nous faisant face et chacun observe l’autre en se demandant comment cette discussion va se terminer. Pour ma part, après avoir expliquée à Lyam les émotions qui m’ont traversées ces dernières semaines, je me sens vidée, comme si je n’avais plus aucune énergie pour continuer de parler. Je laisse alors Lyam prendre la parole et je ferme les yeux pour ne pas affronter son regard lorsqu’il me dit qu’il était prêt depuis quelques jours à reprendre contact. Il ne l’a pas fait pourtant. Je sais que c’est à cause de sa mission. Mais était-ce si compliqué d’envoyer un SMS avant ? Il répète que je lui ai manqué et je réouvre mes paupières pour l’observer tandis qu’il appuie très fortement sur ces mots, comme s’il souhaitait que j’en prenne réellement conscience. Il est vrai que pour le moment, je ne suis sûre de rien. « Je sais. » me contenté-je de dire lorsqu’il me dit qu’il n’a pas voulu me faire souffrir. J’ai beau le connaître que depuis quelques mois, ce que je sais de lui est suffisant pour comprendre qu’il ne ferait pas ça volontairement. Mais peu importe. C’était fait. Nous faisons finalement bien la paire lui et moi, nous blessant l’un l’autre sans le vouloir.

Je frissonne un peu et mes doigts gelés frictionnent mes bras tandis que je l’écoute poursuivre ses explications. Je me rends compte alors qu’il n’a pas bien compris le sens de mes propos lorsque j’expliquais de plus savoir où j’en étais. Cela ne concernait en rien notre relation. L’avais-je sous-entendu ? J’ouvre la bouche pour le lui dire, pour rectifier la vérité, mais la referme tandis qu’il continue de parler. Ce qu’il veut vraiment. Je suis soudainement suspendue à ses lèvres, comprenant que la poursuite de notre couple va probablement se jouer ici et maintenant. Je vais enfin savoir ce qu’il pense, ce qu’il a décidé. Et cela me terrifie. J’ai peur, j’angoisse. Je me mets à trembler et je ne saurai dire si c’est à cause du froid ou parce que j’appréhende les révélations. Peut-être un peu des deux. L’entendre dire que mes mensonges l’ont impacté ne me dit rien qui vaille et je sens ma gorge se serrer brusquement. Mais pourtant… « Lorsque j’étais là-bas dans le froid à attendre pendant des heures en me rendant compte que la vie pouvait s’arrêter d’un simple claquement de doigt, si bien qu’une histoire d’âge au final en devient presque ridicule… C’est… Avec toi que j’ai envie d’être Kayla… Peu importe ton âge, je sais que je ne suis pas prêt à me passer de toi. » Je ne dis rien. J’encaisse. Je laisse le silence s’installer entre nous, préférant être certaine de ce qu’il vient de dire. Je secoue la tête avant de laisser une larme s’écraser sur ma joue. Sans plus attendre, je m’effondre dans ses bras, laissant libre court à mes émotions, celles enfouies en moi depuis des semaines. Je m’accroche à sa chemise et noue mes bras autour de sa nuque avant d’enfouir ma tête dans le creux de son cou. Quelques soubresauts soulèvent mon corps frigorifié mais je préfère mille fois avoir froid et être avec lui. « Moi aussi je veux être avec toi Lyam. » je finis par dire même si je pense qu’il l’avait compris de lui-même. « Je… » Mes doigts glissent dans ses cheveux, je retrouve si facilement les automatismes que j’avais auparavant et mon cœur se serre en me disant que j’ai failli tout perdre à cause de mes mensonges. Et des mensonges… il y en a d’autres. Ma gorge se noue et je me colle à lui un peu plus fortement, comme si je ne voulais pas prendre le risque de me décoller de lui de peur qu’il ne change d’avis. « Je sais pas ce que j’aurai fait si tu n’avais pas changé d’avis… » Je me contente de murmurer ces quelques mots. « J’aurai jamais supporté d’avoir tout gâché. » Je soupire doucement. « Je… » Je quoi ? Je ferme les yeux et je ne termine pas ma phrase, j’ai presque failli le dire. Mais c’est trop tôt, je ne peux pas. C’est impossible. Je ne peux pas lui dire que je l’aime. Pas maintenant, pas comme ça. « Merci de nous donner une chance. » dis-je dans un chuchotement. Timidement, je viens déposer mes lèvres sur les siennes dans un baiser chaste, presque défendu ; comme si je n’y avais plus vraiment droit. Pourtant, retrouver cette sensation simple suffit à me contenter tandis que mon cœur bat à la chamade ; la flamme de mes sentiments se ravivant par la même occasion, grisée par le contact chaleureux de Lyam, par cette étreinte rassurante, par son parfum galvanisant. Je me sens à nouveau chez moi alors que je suis dans ses bras, déposant quelques baisers dans le creux de son cou comme j’avais déjà l’habitude de le faire auparavant. Comment Lyam peut-il me bouleverser autant ? Je le connais depuis quelques mois seulement mais je m’imaginais déjà au fond du gouffre après notre rupture : comment a-t-il pu prendre une place aussi importante en si peu de temps ? Je frissonne encore : « Tu veux continuer la discussion à l’intérieur ? »

Profitant de l’étreinte avec Lyam, me réfugiant dans ses bras qui me procuraient chaleur et sécurité, je ferme les yeux tranquillement. Bien qu’il vienne juste de me dire qu’il avait envie d’être avec moi, je ne peux m’empêcher de douter. Je ne sais plus où j’en suis, je ne sais plus très bien ce qu’il me faut dire ou ce qu’il faut que je fasse. Alors je préfère tout simplement me dire que je dois laisser cet instant durer et durer encore car je ne sais pas quelle donne j’aurai le coup suivant et encore moins si ce bonheur retrouvé sera infini ou éphémère. Pourtant, j’ai l’envie profonde d’être honnête avec Lyam même si je sais que je le ne peux pas totalement, et cela me brise le cœur. Pourtant, à cet instant-là, mon cœur abandonne ses doutes et se contente de retrouver les contacts si singuliers qui me bouleversaient déjà lorsque nous étions ensemble, ces contacts qui m’avaient manqué. Lyam frictionne ma frêle silhouette meurtrie par le froid mais je n’en ai que faire pour le moment, malgré les tremblements, je n’échangerai cette place si fraîchement retrouvée pour rien au monde. Lorsque je lui dis que je souhaite moi aussi être avec lui, je sens qu’il me serre davantage contre lui et il ne peut imaginer à quel point ce simple geste me satisfait et me soulage car cela signifie tout simplement qu’il pense la même chose que moi et que ma réaction le rassure. C’est ce que je souhaitais aussi, qu’il manifeste à son tour son inquiétude à l’idée de me perdre. J’ai tellement pensé que j’avais tout gâché et le silence de Lyam m’avait conforté dans l’idée qu’il voulait mettre un terme à notre histoire -de la pire des manières d’ailleurs-. Je ne peux que me réjouir de m’être trompée.

Alors qu’il me dit que je ne dois pas m’excuser parce qu’il souhaite tout comme moi que notre relation se poursuive, je ne peux m’empêcher d’ajouter tout contre lui : « Oui je sais mais je sais que c’est de ma faute ce qu’il s’est passé et… je voulais juste que tu saches que j’en suis consciente. » Ces mots sont un murmure. Il a beau dire qu’il en a autant envie que moi, il n’empêche que si l’on regarde les choses en face, je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Engluée dans mes mensonges, je n’ai pas su comment m’en sortir. J’avais trop peur de le perdre, trop peur qu’en apprenant la vérité sur mon âge, il m’abandonne. Je dois l’avouer, étant donné sa réaction lorsque je lui ai tout avoué, je n’étais pas certaine qu’il puisse tourner la page sur mes mensonges et également accepter l’idée d’être avec une femme plus jeune. Je me promets de creuser cette question un jour, mais pas ce soir, pas maintenant alors que nous sommes en train de nous retrouver ; mais je garde cette question en suspens dans un coin de ma tête. Pour l’heure, mes lèvres rencontrent les siennes et je fonds sous le flot de sensations qui m’envahit, mon cœur tambourine dans ma poitrine et je savoure ce baiser symbolisant un nouveau départ. Je l’espère ardemment. Pourtant… Alors que je suis sur une sorte de petit nuage, déposant quelques baisers dans son cou, sentant un feu ardent s’embraser dans mon bas ventre, Lyam vient éteindre en quelques secondes cette flamme. Je me tends légèrement mais de manière assez perceptible alors qu’il me demande si je ne lui cache rien d’autres. Mon plus grand secret… Je me détache de lui et je lui demande s’il souhaite poursuivre la discussion à l’intérieur. Au moins j’aurai le temps de réfléchir sur le chemin à comment je veux lui annoncer que je suis une sorcière. Euh… Je secoue la tête. Je ne peux pas lui dire. Pas comme ça, pas ici. Mais je ne peux pas lui mentir non plus. Pas après ce qu’on vient de vivre tous les deux. « Pas de problème, ne t’en fais pas. » dis-je en réponse à ses excuses pour ne pas avoir réfléchi à la météo avant de sortir. « Je te tiendrai responsable si je suis malade. » plaisanté-je. Il ouvre la porte et la vague de chaleur me submerge comme tout à l’heure mais cette fois, elle ne me semble plus aussi oppressante. « Je comprends tout à fait, surtout si tu reviens de mission, elle a dû te manquer et inversement… » Il me dit qu’on pourrait se voir prochainement pour en discuter plus longuement. J’acquiesce et je dis : « Je ne peux pas demain j’ai un… » Je me stoppe et je sais que je n’ai plus besoin de lui mentir désormais. « J’ai un cours du soir. Mais je suis disponible à partir de vendredi. Dis-moi ce qui t’arrange. » J’ajoute : « Tu as quand même quelques minutes ? » Mon cœur bat à la chamade. J’ai décidé ce que je vais lui dire et s’il ne préfère plus me revoir après ça, je préfère autant le savoir maintenant plutôt que de projeter à nouveau dans notre relation pour qu’au final il me dise dans quelques jours qu’il ne souhaite plus continuer.

Alors qu’il répond à l’affirmative, je me dirige volontairement vers la table que Lyam occupait tout à l’heure et où Madame-la-bombasse n’est plus là. « Je reviens. » dis-je à Lyam en déposant ma main quelques secondes sur son bras, lui souriant doucement. Ma cousine a le regard fixé sur nous tandis que je m’approche de la table. Je lève la main pour l’empêcher de dire quoi que ce soit et je lui dis : « Tout va bien, ne t’en fais pas, on va juste discuter un peu. » Elle demande : « Tu veux que je t’attende ? » Je secoue la tête, sachant que je vais sentir ses yeux sur moi pendant que je parlerai à Lyam et je ne veux vraiment pas ça. « Non, rentre chez toi, je viendrai te rejoindre si tu veux, je… » Je mime un « poc » silencieux avec ma bouche et elle sourit lorsqu’elle comprend que je transplanerai directement chez elle. Je récupère mon manteau, mon sac à main et mon verre de bière à moitié vidé puis retourne auprès de Lyam après avoir embrassée ma cousine. « Excuse-moi. » Je m’assois simplement et le regarde, ne sachant pas bien comment le dire, ni si je dois le dire. Puis je pense à la guerre, je pense à la forêt, je pense à toutes les personnes que je pourrais mettre en danger si je lui disais que j’étais une sorcière. Lui y compris. Et je le sais, ce n’est pas le moment. Pas dans un bar rempli d’oreilles indiscrètes. Je ne laisse pas à Lyam le temps d’imaginer pendant cent sept ans, je ne le laisse pas dans l’incertitude comme lorsque je suis venue chez lui, entretenant le malaise avec mon silence. Cette fois-ci, j’irai droit au but. « Tu m’as demandé si je te cachai autre chose. » Je le regarde doucement avant de détourner les yeux, ne supportant pas son regard. « Il y a autre chose. Oui. » Ma gorge s’assèche et je secoue la tête, me reconcentrant sur Lyam. Je dois le faire en assumant ce que je dis, c’est tout. Alors je m’accroche à ses prunelles et je dis : « C’est quelque chose qui… me concerne, qui concerne ma famille. Cela n’a rien à voir avec nous, avec notre histoire. Mais je… » Je bégaie doucement et prend le temps de poser ma respiration. Je veux être sûre de moi et de ce que je fais, je veux être transparente avec lui mais je sais que je ne peux l’être entièrement : « Je me sens pas prête à te le dire. Pas encore. Je veux être honnête avec toi et je ne veux pas te mentir à nouveau, mais là, c’est juste trop… trop difficile de t’en parler. Encore plus ici. » Lorsque je lui dirai mon plus grand secret, il faudra que ce soit dans l’intimité, là où je pourrai peut-être lui montrer, tout lui expliquer. Pas dans un endroit public rempli de moldus dont je ne sais pas les réactions qu’ils peuvent avoir. « Je sais que c’est peut-être trop pour toi, je te demande de me faire confiance. Ce… secret. C’est une partie de moi et de mon histoire. Mais, je te le promets, cela ne change en rien les sentiments que j’ai pour toi. » Et quels sentiments… Je conclue : « Si c’est impossible pour toi de continuer avec moi sans savoir, je comprendrai. » Je ferme les yeux. Notre relation peut donc éventuellement se terminer ici et maintenant. Cela dépend de Lyam et je n’ai absolument aucune idée de ce qu’il va dire.

Je souris lorsqu’il me dit qu’il s’occupera de moi si jamais je tombe malade. Du Lyam tout craché en vérité. Cela ne m’étonne même pas qu’il me fasse ce genre de proposition, c’est dans son caractère. Tout comme son attachement pour sa fille, je sais à quel point il lui est difficile d’être séparé d’elle bien longtemps, voilà pourquoi je n’ai pas envie d’occuper son temps ce soir. Puis je dois l’admettre, je dois me remettre de mes émotions mais aussi je ne veux pas me faire de faux espoirs. Même si nous rentrons dans le bar, il y a une question à laquelle je dois répondre avant et je ne sais pas s’il pourra encaisser la réponse. Je ne veux pas lui mentir mais je ne peux pas lui dire la vérité tout de suite sur mon statut de sorcière, cela serait trop dangereux, trop compliqué. Cela pourrait le mettre en danger lui ou même Alice et je me refuse de lui infliger ça tant que je ne suis pas certaine qu’il ne risque rien mais aussi que je peux lui faire confiance totalement. Je veux aussi protéger ma famille, après tout, cela ne concerne pas que lui. Étant donné la conjoncture actuelle ainsi que les tendances politiques, je me dois d’être prudente. Lorsqu’il me demande si je veux venir chez lui ce week-end, je dis : « Cela me ferait très plaisir. » Je reste évasive, je ne rentre pas dans les détails. Après tout, dans deux minutes, peut-être qu’il ne voudra plus me revoir, je préfère ne pas me faire de fausses idées. Mon cœur bondit néanmoins dans ma poitrine tandis qu’il parle de me présenter Alice. C’est une étape que je me sentais déjà prête à franchir avant avec elle et qu’il me le propose maintenant, pour moi, cela n’est pas rien, cela signifie même beaucoup en réalité.

Alors que je file quelques instants récupérer mes affaires et prévenir ma cousine que je risque de rester auprès de Lyam quelques minutes encore, je lui intime de rentrer. Julia, je la connais, c’est une vraie commère, si elle reste là à nous observer je vais être très mal à l’aise. Dans tous les cas, je lui raconterai tout une fois que je serais chez elle. Peut-être même que j’y serais avant elle en réalité, cela dépendra de son métro. Je la désigne du menton tandis qu’elle sort du bar. « C’est ma cousine Julia. Elle était là quand on s’est rencontré. » dis-je un sourire aux lèvres. Cela me fait toujours bizarre de repenser à notre rencontre, c’était si inattendu, si impromptu. Nous en avons fait du chemin depuis et je dois l’admettre, finalement, tout ce que je vis actuellement, c’est grâce à elle, c’est elle qui m’a forcé à sortir un soir de semaine pour fêter mes résultats d’examen. Un génie cette fille. Lorsque je me réinstalle, il me demande si je veux boire quelque chose et je lui montre du doigt mon verre que je viens de rapporter. Est-il à ce point chamboulé par nos retrouvailles qu’il n’ouvre plus ses yeux ? Je souris doucement avant de tout balancer. Enfin, avant de rien balancer en vérité. Je lui explique qu’il y a un secret, un secret familial et après tout, c’est la vérité puisque les Rausale sont tenus par ce secret depuis des années maintenant, depuis que mon père a manifesté ses pouvoirs magiques. Un véritable né-moldu au milieu d’une famille sans le moindre sorcier depuis des générations. Pour autant qu'on sache. Je suis habituée à vivre ainsi depuis des années, mes cousins, Paul et Julia, sont moldus eux aussi et pourtant, ils ont conservé mon secret et vivent très bien avec cette vérité ; ils sont des soutiens de poids alors que le Blood Circle tente de corrompre l’esprit des moldus. Ils me soutiennent, ils savent, ils comprennent. Je ne suis pas un monstre. La plupart des sorciers non plus. Tout comme les moldus, des minorités viennent altérer le jugement des communautés alors qu’en réalité, les dissensions entre les camps n’ont jamais paru aussi fortes.

J’ai la gorge serrée après avoir tout dit, j’attends la réponse de Lyam, je ne sais pas comment il va réagir. Un sourire amusé s’amorce sur mes lèvres tandis qu’il demande si ce n’est rien de grave ou d’illégal. Et mon sourire s’accentue lorsqu’il demande si je ne suis pas une grande criminelle. « La plus grande criminelle de l’Ouest. D’ailleurs, pour passer inaperçue, je sors avec un militaire et je fais des études dans la police, tu vois, pour savoir comment dissimuler les preuves et tout le tralala… » J’ironise et je ris doucement en avalant une gorgée de ma bière qui m’attendait depuis tout à l’heure. « Ce n’est rien de grave, rien d’illégal et non, ça ne met en danger personne. » Enfin… pour la dernière partie, cela dépend de quel point de vue on se place. Ma main traverse la table et vient se poser sur la sienne doucement. « Je sais que je t’en demande beaucoup. » Il est vrai que je ne suis pas la meilleure des petites amies depuis quelques semaines. Mais j’ai vraiment envie qu’on puisse partir sur de nouvelles bases, des bases plus solides même si je ne suis pas encore à même de tout lui dire et de tout lui avouer. Mais la confiance, cela se mérite, et dans les deux sens. Je sais que si Lyam accepte ce soir de me faire confiance, je me sentirai plus sereine, plus sûre et plus confortable. Il y aura toujours ce secret qui subsistera entre nous mais il saura, il saura qu’il y a quelque chose qu’il doit savoir de moi, quelque chose que je lui dirai quand je me sentirai prête. À mon sens, c’est très différent que de le dissimuler totalement. « Mais… notre relation, notre couple, ce qu’on construit ensemble, ça a du sens pour moi, ça compte, je suis pas prête à y renoncer. » Je lève les yeux vers lui et lui souris tendrement. Je me mords la lèvre inférieure. J’aime cet homme, je le sais, mais je ne suis pas non plus prête à le lui dire. Il me faudra du temps, du temps pour assumer mes sentiments, du temps pour être certaine qu’il les partage. Je ne veux pas souffrir, je ne veux pas avoir mal à nouveau, cela a été trop difficile à vivre ces dernières semaines. Heureusement que j’avais le soutien de Thalia, de Maxime et de Julia. Sans elles, je me serai effondrée. Je sais que si Lyam consent à nous donner une chance malgré tout ce que je viens de lui dire, cela marquera probablement un nouveau départ. Je veux prendre mon temps, prendre le temps d’être avec lui, d’évoluer avec lui. Je demande : « Tu dois récupérer Alice à quelle heure ? » Le temps nous manque ce soir, mais il y aura bien d’autres moments, du moins, je l’espère.