Iliza Barjow était à nouveau enceinte… Un garçon. Caïn, le premier né allait sur ses trois ans et tout ce qu’attendait Henry Barjow c’était une fille à marier à l’héritier d’une grande famille de sang-pur. C’est tout ! Deux enfants : un garçon et une fille. Un autre garçon ne faisait pas ses affaires. C’était une bouche de plus à nourrir, un gamin de plus à éduquer, une scolarité de plus dont il devrait se préoccuper et trouver quoi en faire ! La boutique, un poste haut placé, une fille à qui le marier… Beaucoup de soucis pour rien. Malheureusement pour lui, Iliza voulait garder l’enfant. La sensibilité de cette femme causerait sa perte un jour, il en était persuadé !

C’est donc dans ce climat que naquit Rory. Enfant chéri par sa mère, ignoré et presque méprisé par son père qui dressa Caïn contre lui. Observer un tout jeune enfant d’à peine 3 ans maltraiter son petit frère a quelque chose de dérangeant… Le garçon allait simplement au bout des gestes que son père retenait. Il n’y avait qu’Iliza pour lui apporter amour, tendresse et bienveillance. Il était son fils chéri, celui dont son mari ne voulait pas entendre parler et qu’elle pouvait éduquer à sa manière. Lui inculquer ses principes à elle et pas ceux des Barjow qu’elle jugeait inhumains et d’une autre époque. Les premières années de Rory furent donc bercées d’innocence. Aucun moule auquel se conformer, aucune règle à suivre pour contenter son père jusqu’à ses 6 ans.

Son père lui porta soudain un certain intérêt en observant la curiosité débordante de Rory pour tous les objets enchantés de sa boutique, les fioles à potions et les livres traitant des plus dangereuses créatures magiques. Il y avait peut-être quelque chose à faire avec celui-là finalement !


Plus les années passèrent et plus Rory était formaté par son père. Par chance pour lui, la pression était entièrement portée par les épaules de Caïn. Au final, Henry n’attendait rien de spécial de son second fils. Il en avait pour preuve les nombreuses contusions et yeux au beurre noir dont il écopait quand son père n’était pas d’humeur. Caïn, lui, restait le fils adoré et adulé contre qui le père Barjow n’aurait jamais levé le petit doigt. Son aîné aurait pu le rouer de coups qu’il lui aurait donné des indications sur comment mieux le battre. Toutefois, Rory n’était pas jaloux pour un sous. Il y voyait là la possibilité de jouir de ses privilèges de sang-pur issu d’une famille réputée et redoutée tout en faisant ce dont il avait envie.

Afin de permettre à son fils de se démarquer de Caïn et gagner la fierté de son père, Iliza entreprit la longue, fastidieuse et complexe tâche de le faire devenir animagus. Une idée farfelue et surtout un sacré défi mais elle croyait en lui. A grands renforts de « Je crois en toi pumpkin ! », « Papa sera si fier de toi. », « Tu verras, quand tu y arriveras, même Caïn sera jaloux de toi… », Iliza eut vite fait d’embarquer Rory dans cette longue aventure.

Ils entreprirent ainsi le long processus non sans de nombreux échecs. Par chance pour leur petite entreprise, plus une étape était manquée, plus Rory gagnait en détermination. Pour rendre fier père et faire mourir de jalousie Caïn. Chaque échec était ainsi analysé, décortiqué pour tenter de comprendre ce qui s’était mal passé et ils reprenaient de plus belle.
Quand le premier éclair arriva enfin, Rory avait arrêté de compter le nombre de fois qu’ils avaient repris le processus depuis le début. Seuls ses nombreux carnets remplis de notes étaient les témoins de leur acharnement et de tout le temps qui s’était écoulé pour en arriver là. A trois heures du matin, sous une pluie battante, les yeux encore collants et un bâillement s'arrachant de sa bouche, Rory émergeait difficilement. Iliza présente ce soir là lui remit les idées en place grâce à une poudre d’éveil de sa confection. Il suivit donc scrupuleusement les consignes que lui dictaient sa mère et qu’il connaissait sur le bout des doigts jusqu'à sentir une vive douleur dans sa poitrine se propageant dans le reste de son corps. Il n'avait pas été préparé à ça par contre ! Plié en deux, il vit très clairement un renard se dessiner dans son esprit. Le processus avait commencé.

Sa première transformation cette nuit là restera à tout jamais gravée dans son esprit. Un des pires moments de son existence. Tant au niveau de la douleur ressentie que le traumatisme qu'il vécut. Malgré la préparation et le désir brûlant de devenir animagus, qui est complètement prêt à voir son corps se transformer de la sorte ? Le chemin allait être encore long, il allait devoir s’entraîner avec acharnement pour réussir à maîtriser ses transformations mais ça allait être sa botte secrète, son petit plus à lui qui. Tout le monde saurait que le second fils Barjow est un talentueux animagus. Il allait peut-être même pouvoir décrocher une place au ministère de la magie grâce à cela ! Il ne lui manquait plus que de longues séances d'entraînement et de la rigueur pour arriver à son but.


Des 5 ans de Rory à ses 16 ans, sa vie fut rythmée par les tragédies. Elles semblaient s’appeler mutuellement jusqu’à atteindre le pire événement qu’il eut à vivre.
Tout commença vraiment avec la naissance de sa petite soeur Lilibeth. Son père, ayant enfin une fille à marier et des connections à faire avec d’autres grandes familles, était ravi ! C’était sa petite princesse, son joyaux, son tout qu’il chérissait comme il n’avait jamais chéri un autre de ses enfants, pas même Caïn. La situation se poursuivit jusqu’aux neuf ans de la petite. Pendant tout ce temps là, la vie avait été rythmée par les crises de jalousie et d’agressivité du fils aîné, devenu difficilement contrôlable et des excès de colère de son père reportés sur Rory. La routine finalement…

Quand les 8 ans de Lilibeth approchèrent, la vie prit une tournure plus sombre. Plus le temps passait et plus Henry désespérait de voir un signe de magie provenant de sa fille. Son pire cauchemar était en train de se réaliser : une cracmol. Non seulement il avait deux fils mais en plus de ça il se tapait une cracmol ?! C’était une blague ! Les semaines et les mois passèrent et la colère du patriarche montait en puissance. Sa haine envers sa fille également. Arrivée à un âge où Caïn et Rory avaient fait preuves de signes évidents de magie depuis belle lurette, Henry décréta que sa fille était une cracmol. La honte pour la famille. L’enfant fut un temps cachée. En société on devait dire d’elle qu’elle était très malade. Quelque chose d’inconnu, d’incurable selon les meilleurs experts ! Seul Rory se préoccupait vraiment d’elle. Son père et son frère ignoraient jusqu’à son existence tandis que sa mère sombrait dans la dépression.

Quand Caïn parti pour Poudlard, la pression s’intensifia. Les coups et insultes pleuvaient sur les deux enfants Barjow restant. L’un étant un bon à rien tandis que l’autre était une abomination de la nature. Leurs seuls moments de répits étaient quand le père Barjow partait travailler dans sa boutique. Ils pouvaient ainsi jouer en extérieur, sauf quand d’autres sang-purs venaient leur rendre visite. De cette époque là, Rory en garde aujourd’hui un souvenir en demi-teinte. Ce fut à la fois ses meilleures années avec sa soeur, celles où il pouvait jouer avec elle mais aussi la protéger de la colère paternelle. Cette période était également la fin de sa mère telle qu’il la connaissait : rayonnante, aimante, présente dans les bons comme dans les mauvais moments. A présent elle n’était plus que l’ombre d’elle-même, alitée, avalant constamment les potions que lui rapportait son mari.

Puis, quand Rory eut 13 ans, vint cette fameuse nuit tragique. Celle de la mort de Caïn. Il avait littéralement été au mauvais endroit au mauvais moment ! Pas de chance… Le jour de son enterrement il aurait dû avoir 16 ans. Un âge lourd de significations pour les Barjow. C’est à cet âge là que l’on découvre le nom de notre promise une fois Poudlard fini. C’est aussi à cette période que l’on se fait « initier ». Que l’on peut officiellement rencontrer des Mangemorts. C’est à cet âge là que Caïn quitta ce monde, laissant toute la responsabilité de l’héritier Barjow sur les épaules de Rory.

Heureusement, il n’avait à subir le tempérament colérique de son père que durant les vacances, contrairement à Lilibeth qui était cloîtrée dans cette maison lugubre au quotidien avec eux. A présent il devait avoir de bons résultats, améliorer ses relations avec certains enfants de sang-purs, ne plus fréquenter certaines personnes, faire honneur au nom Barjow ! Fini les conneries. Il prenait la suite de son frère. Toutefois, Rory avait un plan. Il continuait de s’entraîner à maîtriser son don d’animagus dans le seul et unique but d’impressionner son père. Quand il pourrait lui montrer ses talents, ça allait tellement lui en boucher un coin qu’il n’oserait plus jamais lever ne serait-ce qu’un doigt sur lui. Et puis, le lendemain de ses 16 ans, alors qu’il avait pu révéler son secret à son père, une seconde tragédie frappa la famille Barjow.

Les vacances de printemps étaient sur le point de s’achever pour Rory qui avait déjà fini de préparer ses affaires, il ne lui restait plus qu’à aller embrasser une dernière fois sa mère avant de la retrouver pour l’été. Etrangement cette après-midi là un clapotis provenait de sa chambre. Sans trop s’en soucier, il toqua mécaniquement sur la porte en franchissant le seuil de celle-ci. Ne la trouvant pas du regard, il porta son attention sur la source du clapotis. La porte de la salle de bain attenante était fermée mais il devinait la présence de sa mère par la lumière qui y était allumée. Il vint donc l’appeler tout en toquant à la porte. Une première, deuxième, troisième fois. Son inquiétude commençant à transparaître dans sa voix, il enfonça la porte verrouillée pour tomber sur le corps inanimé de sa mère. Cette dernière gisait au sol, un rasoir de barbier déplié et maculé de sang à ses côtés. Ses avants bras étaient tellement lacérés qu’il ne parvenait même pas à évaluer le nombre d’entailles qu’elle s’était infligée. L’enchantement qu’elle avait lancé pour maintenir l’eau du bain à une certaine hauteur continuait de fonctionner, brisant le silence de mort qui régnait dans la pièce.

Il fallut la présence de son père et de son oncle pour le tirer de sa torpeur. Le regard vide, l’image du suicide de sa mère imprimé à tout jamais sur sa rétine. C’était fini. Il était condamné. Le rayon de soleil dans sa morne existence l’avait abandonné à son triste sort. Il prenait la responsabilité de Lilibeth, portait plus que jamais le fardeau d’honorer le nom des Barjow et tenter de rendre fier son père. Il allait devoir prouver qu’il était un homme, un vrai !