Fallait-il donc que le sort s’acharnât ? A deux jours de mon anniversaire de mariage – que je ne fêterais pas, de toute évidence, puisque ma chère et tendre était partie loin de moi – voilà que je me retrouvais à devoir partir en mission pour notre Cause avec non moins que la femme de Malefoy. J’aurais pu rêver bien mieux, en réalité.
Mais bon, entre ce que je voulais, ce que je rêvais, ce qui était possible et ce qui arrivait, il y avait toujours un monde de différence. Et je ne savais pas si j’étais réellement prêt à supporter de passer plusieurs heures avec cette femme. Rien ne me prouvait qu’elle n’allait pas se servir de cette occasion pour me plomber… pour essayer de me faire perdre pied ou pour tenter d’obtenir des informations qui pourraient ensuite être utiles à son mari dans sa lutte contre moi…

Depuis que nous avions découvert, Tobias et moi, que Phoebus n’hésitait pas à verser des potions dans les verres des gens à leur insu, je ne pouvais que me méfier, même de sa femme. Une beauté empoisonnée, à coup sûr.
Je n’avais même pas encore lu les lignes directrices de cette mission entre mangemorts, mais d’après ce qu’elle disait, nous allions devoir jouer le rôle d’un couple. Et bam, la première pique tombait comme un couperet, par rapport à mon âge. Sans vouloir m’offenser, bien sûr.
Et elle évoqua une potion de jouvence, comme si j’avais besoin de ça… Je tâchais de ne pas montrer à cette femme qu’elle m’horripilait d’ores et déjà. « C’est ça, oui. » Et puis, Salazar puisse me pardonner, je lâchais tout de même : « Mais certainement pas une potion qui viendrait de la société de votre mari, sans vouloir vous offenser. »

Je n’arrivais pas à comprendre comment une entreprise comme celle-là pouvait être aussi florissante. Tout le monde était capable de réaliser des potions, après tout. C’était un peu comme acheter des plats tout préparés, qu’il ne fallait plus que réchauffer, comme le faisaient certains moldus, alors que cuisiner n’était pas bien compliquer. Je ne comprendrais jamais cette fainéantise.
Elle me souriait avec un air qui me semblait terriblement faux. Cette bonne femme était aussi fausse que ses ongles, ça se voyait comme le nez au milieu du visage. Elle allait assurément me faire passer une sale journée. Quelle merde…

Je déroulais le parchemin et je lus rapidement ce que nous devions faire aujourd’hui. En quoi est-ce que passer pour un couple allait pouvoir nous aider à obtenir des informations, très franchement ? J’avais l’impression que c’était du grand n’importe quoi. A moins que je ne sois en train d’essayer de me convaincre de cela. C’était possible aussi.

« Si nous devons passer pour mari et femme, je vous demanderai tout de même de ne pas me toucher. » Bon, ça pouvait donner l’impression que j’étais prude, pour le coup, mais je ne voulais pas que les mains de cette femme, ces mains qui devaient sans doute caresser Phoebus Malefoy et plus car affinités, ne viennent me souiller par un contact aussi dérangeant. Psychologiquement, je ne pouvais simplement pas.
« Et je ne vous toucherai pas. »  

Comme cela, tout était clair dès le départ. De toute façon, je sentais bien que j’allais avoir beaucoup de mal à supporter cette femme. Elle avait beau partager les mêmes idées que moi, ça restait la femme d’un homme qui ne m’avait jamais rien apporté de bon et qui, sans doute, ne le ferait jamais.
Je repliai le parchemin et ma bouche se tordit en un rictus.
« Vous allez vous changer, j’espère ? Une tenue un peu élégante, ce serait bien mieux. » Moi qui mettais toujours un point d’honneur à porter les tenues les plus parfaites possible, en accordant de l’importance à des détails que d’autres ne remarquaient pas. J’étais attentif à bien des choses. Je ne pouvais décemment pas me retrouver en mission avec quelqu’un qui n’était pas vêtu de façon un peu plus élaborée.

Je ne comptais pas lui dévoiler mon don de métamorphomage, à vrai dire. Je devais garder cette information secrète le plus longtemps possible, aussi allais-je feindre, en effet, de prendre une potion de jouvence pour me rajeunir de quelques années. Disons une quinzaine d’années de moins, ce serait très bien. Elle ne pourrait pas dire que je ferais trop vieux en ayant l’air d’avoir 37 ou 38 ans, cela me permettrait de sembler plus mûr, sans avoir l’air d’être trop âgé pour autant.

Je ne voulais pas vraiment me lier à Mrs Malefoy. Cette femme ne m’inspirait pas confiance. Je me sentais étrangement peu en sécurité avec elle. Peut-être parce que je faisais une sorte d’amalgame entre elle et les agissements de son mari. Je ne pouvais pas m’empêcher de me dire qu’Heaven Malefoy était sans doute manipulée par Phoebus et que sa présence ici, avec moi, à mes côtés, c’était surtout une sorte de tentative un peu vaine et terriblement peu subtile et peu délicate de me tendre un piège. C’était un test sans doute. Venu soit de son mari à elle, soit de ma femme à moi. Dans un cas comme dans l’autre, je comptais bien ne pas me faire avoir. Hors de question de tomber dans le panneau. Je ne voulais pas me retrouver à avoir des regrets. Il me fallait garder le cap et ne pas avoir l’air de pouvoir être faillible. J’avais déjà bien assez merdé comme cela jusqu’à présent. Je ne voulais pas perdre plus que ce que j’avais déjà perdu. C’était bien assez comme cela et je ne voulais pas avoir à me sentir responsable de situations que je ne souhaitais pas.

« Retrouvons-nous dans une heure pour pouvoir y aller ensemble. Faites en sorte d’être sortable, Mrs Malefoy. Et je ferai en sorte de ne pas avoir l’air d’un vieillard à côté de vous. »  
J’essayais de ne pas sortir trop de propos déplacés ou trop aigres, et je cherchais surtout à instaurer une sorte de climat qui nous mettrait sur un pied d’égalité. Au niveau de l’âge et au niveau de la classe. Ce serait très bien comme cela.

Les minutes passant, je laissais cette femme s’enorgueillir de ses petites répliques qu’elle pensait, peut-être, assez cinglantes pour me donner envie de réagir. Mais elle n’arrivait pas à la cheville d’Elianor, c’était une évidence.
Si elle souhaitait me blesser, ce n’était pas la bonne manière de procéder. Enfin, elle avait au moins le mérite d’accepter de rentrer chez elle pour se vêtir un peu plus correctement, tandis que, de mon côté, je devais faire en sorte de rajeunir un peu. Rien de bien difficile, en soi.
Nous avions convenu qu’en une heure de temps, nous aurions le temps de nous préparer comme il fallait pour nous rendre en terrain moldu. Ce n’était pas le meilleur endroit du monde, à mon idée, mais au moins, nous serions prêts à nous fondre dans la masse. Il ne devrait y avoir aucun sorcier dans les parages, parce que le milieu moldu n’était pas forcément hyper accessible et que pour les mangemorts, ce n’était sans doute pas non plus l’endroit où nous avions le plus envie de nous retrouver.

Une mission secrète, pour l’Augurey, c’était bien quelque chose d’important. Et il fallait que tout soit parfait. J’avais toujours été minutieux, précis, et j’avais des valeurs claires concernant le déroulement des missions, même si elles devaient avoir lieu avec des personnes que je ne connaissais pas ou que je ne connaissais que peu, comme c’était le cas pour Heaven Malefoy.
Que savais-je à son sujet, au fond ? Je ne lui avais jamais vraiment parlé personnellement avant aujourd’hui. Ce que je savais d’elle, c’était ce qu’on savait tous. Elle avait perdu un frère, comme moi. Elle avait épousé Malefoy pour préserver la pureté du sang, mais j’ignorais ce qu’il en était de leur couple, cela ne me regardait pas, d’ailleurs.
Et en tant que personne ? Je pouvais constater qu’elle avait du répondant, déjà, ce qui me faisait penser que je n’allais sans doute pas m’ennuyer avec elle. A part cela… eh bien, je serais amené à découvrir qui elle était, car je me refusais à me contenter de me dire que c’était « la femme de Phoebus Malefoy ». Elle n’avait pas fusionné avec lui en l’épousant, après tout, alors, elle devait forcément avoir des traits de caractère que je ne connaissais pas et qui pouvaient être intéressants.
J’essayais de ne pas avoir d’idée toute faite sur la personne, mais nous avions tout de même commencé par des propos un peu tendus. Je sentais que les choses pouvaient prendre différentes tournures, en fonction de comment allait réagir Heaven et de comment elle allait me parler, aussi. Car je ne pourrais pas tolérer que l’épouse de Phoebus s’adresse mal à moi, sang pur ou non, je tenais beaucoup au respect qu’il devait y avoir entre nous, en tant que partenaires de mission.

En une heure, j’eus bien le temps de me préparer. Je n’avais pas trop besoin de conditions particulières pour me concentrer, je faisais cela assez facilement, depuis le temps… La métamorphomagie, c’était comme un muscle, d’une certaine façon, plus on l’entrainait, plus il était efficace et facile à solliciter.
Ce fut donc avec les cheveux châtains que je me présentais à nouveau dans la salle, où Heaven me rejoignit peu de temps après. Me présenter sous cet aspect, comme j’étais quinze ans plus tôt, c’était quelque chose que je n’aurais pas pensé devoir faire, mais ça n’était pas déplaisant. En réalité, je me sentais bien dans ma peau, sous cet aspect que j’avais à 37 ans. Le plus flagrant, dans le miroir, c’était la couleur de ma pilosité. Peu de gris, dans tout cela. Ça commençait à peine, à vrai dire. Un cheveu par ci, un autre par là, mais ça s’arrêtait là.

« Je suis prêt, oui. » Elle entra et je détaillais sa tenue. Elle avait joué le jeu, c’était parfait. Je pris une paire de lunettes pour compléter mon apparence, bien que ce ne fût pas nécessaire. Je notais la présence de sa baguette dans ses cheveux. « C’est une bonne idée. »
C’était intelligent de planter sa baguette comme cela dans ses cheveux. Avec la tenue qu’elle arborait, personne n’irait regarder de près sa coiffure. Et elle, eh bien, elle n’avait qu’un geste à faire pour avoir sa baguette à la main.
Pour ma part, ma baguette était dans ma manche, parce que j’avais l’habitude de la faire glisser alors depuis mon coude jusque dans ma main, en un geste. C’était très simple, très rapide et ça avait fait aussi ses preuves en termes d’efficacité.

« Vous avez bien en tête le déroulement de notre mission ? Je pense qu’à cette soirée, nous allons devoir faire preuve d’une grande discrétion pour récolter un maximum d’informations… » C’était obligatoire pour nous de nous infiltrer sans faire de vagues. Nous allions devoir nous approcher de nos cibles, discuter avec elles et réussir à ramener ce qu’il fallait pour préparer au mieux nos prochaines actions.
Nos cibles étaient liées au Blood Circle et à la politique. Nous devions nous rapprocher de ces grosses têtes pour nous faire une idée des prochains projets du Blood Circle. « Vous préférez que nous gardions nos prénoms ou nous changeons ça aussi ? »
Je n’avais pas encore réfléchi à cela, mais s’il nous fallait prendre un pseudonyme, il pouvait être intéressant d’y réfléchir déjà maintenant, pour éviter d’avoir à improviser au moment même et se retrouver alors dans une situation qui pouvait s’avérer délicate… or, nous ne pouvions pas nous permettre cela.

Je posais les yeux sur elle. Avec cette tenue et cette coiffure, elle me donnait un peu l’impression d’être une sorte d’incarnation de la grâce et de l’élégance. « Vous pourriez vous appeler "Grace", par exemple. » Quant à moi, j’opterais pour du simple, du classique, quelque chose de passe-partout : « Et je prendrai John comme prénom. »
J’espérais que cela serait suffisant pour nous mettre d’accord et pour faire en sorte d’être à peu près sur la même longueur d’ondes. « Si cela vous convient, nous allons pouvoir y aller. Nous devons transplaner un peu à l’écart pour arriver ensemble, en marchant. »
Pour passer pour un couple, ça allait être un peu délicat, puisque nous ne nous connaissions pas plus que cela, mais il allait y avoir quelques petites choses à régler, encore.

Il n’avait pas fallu bien longtemps pour que l’atmosphère commence à être moins pesante. Peut-être était-ce parce que Mrs Malefoy avait décidé qu’il était plus important d’œuvrer pour l’Augurey que de poursuivre le jeu de son mari.
Je n’avais que ses mots pour me mettre sur la piste de ce qu’elle pouvait bien penser, mais il était évident que quelque chose avait changé dans sa voix. Pas le timbre, bien sûr, mais le ton utilisé. Aurait-elle choisi de ne pas tenir compte de ce que son cher époux avait à me reprocher ? A moins que ce ne soit qu’une façon un peu détournée de faire pour mieux me poignarder dans le dos par la suite. Je devais rester méfiant. Hors de question d’ajouter cela en plus a tout ce qui me pesait ces derniers temps.

Je ne savais pas ce qui était le pire, au fond. Enfin, si, le pire, le plus difficile à vivre, c’était le départ d’Elianor. Mais il y avait eu d’autres choses et il aurait été très malvenu de ma part de lâcher ces informations a Heaven. Je ne lui parlerais donc pas du philtre de confusion qui avait été versé dans mon verre. Information découverte avec et grâce à Tobias.
Bref, je n’étais pas le genre d’homme assez faux pour balancer des informations du genre à la femme du principal concerné. Je ne savais que trop bien à quel point il pouvait être facile de perdre ceux que l’on aimait le plus au monde. Je ne souhaitais cela à personne.
Était-ce cela, se comporter en véritable gentleman ou était-ce juste une question d’empathie ? Mrs Malefoy semblait mettre l’accent sur le fait que je sois un gentleman et je pris cela comme un compliment, que j’accueillis avec le sourire.

« Je vous remercie de ne pas rester braquée sur ce qui a pu vous être dit. » Elle avait l’intelligence de préférer se faire sa propre opinion, en mettant de côté les médisances auxquelles pouvaient s’adonner mes détracteurs. Un bon point pour elle, que cela. Je n'aimais pas vraiment les gens qui se braquaient en se basant sur des potins, des rumeurs et du baratin.
Elle n'avait pas non plus fait allusion à mon sang qui était mêlé, donc perçu comme inférieur par certains sorciers rétrogrades et ultra conservateurs. Je ne pouvais que l'en remercier également, mais je n'en ajoutais pas. Un remerciement, c'était déjà très bien, après tout.

Après quelques minutes, je pus constater, aussi, que la jeune femme adhérait facilement au plan. Je me montrais galant, bien sûr, plus par politesse et par habitude que pour une autre raison. Je tenais à mener à bien cette mission, comme toutes les autres. Tout ce qui avait trait à la Cause et à l'Augurey me tenait bien trop à coeur pour que je prenne cela à la légère.

Heaven jouait le jeu et c'était une bonne chose, mais je préférais l'arrêter doucement à ses dernières paroles.
« Vous êtes tout aussi charmante, Grace, mais ne perdons pas de temps avec ces échanges de mots doux, je vous prie... Nous avons du travail et j'aime que les choses soient faites en temps et en heure. » Et qu'elles soient bien faites, aussi, cela allait de soi.

Je n'avais pas envie que l'on perde de temps et je n'avais pas non plus envie que ces rôles semblent un peu trop. Ne disais-on pas que certaines choses étaient trop belles pour être vraies ? Pour être crédibles, il nous fallait autre chose qu'une apparence de couple parfait. Et ça, j'étais sûr que Mrs Malefoy le savait bien.

« Vous savez à quel point la solidarité entre personnes de même sexe peut être importante... Quel sujet allons-nous prendre comme point de discorde ? » Une petite scène de dispute au sein d'une soirée mondaine moldue, puis chacun de notre côté, nous pourrions avoir accès à des sphères sociales que le statut de "couple" aurait bloquées. L'idéal pour récolter des informations. Et puis, je comptais bien, aussi, veiller sur elle d'un peu plus loin, parce que je ne voulais surtout pas qu'il puisse arriver quelque chose à l'une des nôtres, même si nous n'étions pas proches ni amis. « Je vous laisse choisir... je pense que l'on peut imaginer quelque chose au niveau familial : un beau-frère imaginaire qui s'inviterait un peu trop souvent, par exemple, ou des tâches ménagères mal réparties… Je ne suis pas difficile, je vous suivrai sans problème dans votre idée. »

Et comme elle m’avait pris le bras, je la tenais un peu plus proche de moi, pour un transplanage tout en douceur, comme elle le souhaitait. J’avais fait en sorte que nous nous retrouvions près d’un parc, à quelques minutes de marche de là où avait lieu la soirée. C’était une façon plus prudente de faire que d’arriver à pied. Et cela nous permettait, aussi, de fignoler les derniers détails de notre couverture.

« Nous commencerons par préserver les apparences. Nos cibles sont les visages politiques qui gravitent autour du premier ministre moldu. » Les noms étaient mémorisés depuis tout à l’heure, nous avions chacun quelques personnes à approcher et il fallait que nous soyons parfaitement coordonnés. Mais j’avais l’impression qu’Heaven avait envie de faire ses preuves et de montrer ce qu’elle valait sur le terrain, en infiltration, alors, autant lui donner sa chance et la laisser prendre des initiatives.

« En cas de souci, vous me rejoignez et nous nous éclipserons vers les toilettes, en nous prenant par la main. Une fois hors de vue, nous pourrons alors transplaner s’il n’y a pas de balises anti-magie. S’il y en a… il faudra prétexter une urgence médicale pour fuir facilement. » Nous avions encore une petite dizaine de minutes de marche devant nous, alors, c’était la dernière réelle occasion de faire le point. « Si cela vous convient, nous pouvons faire comme si vous étiez en début de grossesse, vous verrez que les langues se délieront plus facilement face à un heureux événement à venir. »

C'était vrai, la plupart des êtres humains s'adoucissaient considérablement et ressentaient une forme de sympathie pour les jeunes couples et les futurs parents. Un prétexte en or pour nous en sortir, aussi, en cas de pépin.

Mission sans condition


28 janvier 2020

Un beau retournement de situation, c’était le moins qu’on puisse dire. Une preuve, si c’était nécessaire, que les liens du sang ou du mariage n’entravaient pas toujours les esprits plus libres. Pour mon grand bonheur, d’ailleurs, puisque finalement, Mrs Malefoy s’avérait être plus ouverte et moins retorse que son cher mari. Alors, oui, ça me convenait, forcément. Je pourrais peut-être même la trouver presque sympathique, pour tout dire. Presque.
Cependant, je me devais de demeurer méfiant. Après tout, elle était l’épouse de celui qui me voyait comme un rival, un ennemi depuis des années et sans que je n’aie vraiment mérité cet intérêt de sa part. L’homme avait pris une décision et s’était ensuite comporté en fonction de cela. Toutes mes tentatives pour arranger les choses avaient avorté. Et ce n’était pas faute d’avoir essayé… mais essayer de faire comprendre quelque chose à quelqu’un d’aussi borné, c’était se prendre un mur, de toute évidence. Alors les choses restaient en l’état, malgré tout, malgré ce qui s’était passé jusqu’à présent… et même si j’avais du mal à digérer certaines trolleries de sa part, je me donnais comme devoir de ne pas renchérir et de ne pas faire de vagues.
Bref, cette mission avec Heaven Malefoy était à double tranchant. J’avais tout à y gagner… ou tout à y perdre, à vrai dire. Et il allait de soi que je préférais ne pas perdre dans ce genre d’affaire… on était bien loin d’un enjeu simple et sans intérêt ou sans importance.
En homme galant, je lui avais laissé le choix de nos couvertures, cela me semblait être la moindre des choses… et puis, comme je ne savais pas ce que valait cette femme sur le terrain, je préférais qu’elle puisse se sentir en confiance et dans de bonnes conditions. Elle choisit l’excuse du beau-frère porté sur l’alcool, en me précisant que c’était un sujet qu’elle maîtrisait plutôt bien… sans blague, je n’aurais pas pu le deviner, tiens… mais au fond de moi, je la plaignais pour cela, en fait, l’alcoolisme n'était pas facile à vivre pour les proches de la personne malade. Pour le malade non plus, bien sûr, mais ce genre de maladie causait toujours de nombreux dégâts collatéraux et c’était pire qu’une dragoncelle. Le gros souci avec ce genre de problème de santé, c’était que pour traiter la maladie, le malade devait à la fois être conscient de son problème et vouloir s’en sortir. Pas évident du tout. J’avais moi-même eu des proches ayant souffert de cela. Certains avaient décidé de se soigner, d’autres n’avaient jamais accepté la situation… Je ne souhaitais cela à personne, vraiment.

Aux propos de ma binôme, j’opinai. Je n’avais pas très envie de renchérir et, entre nous, je n’en voyais pas non plus l’intérêt. Il était important d’être sur la même longueur d’ondes, certes, pour pouvoir avancer, il n’y avait rien de tel, mais il était aussi évident que nous n’avions pas de temps à perdre en discussions. Alors nous prîmes la route de la cette soirée. Je ne pus cependant m’empêcher d’esquisser un sourire à ce compliment sur mon intellect. A moins que ce ne fût cette petite phrase amusante que Mrs Malefoy ajouta ? L’un ou l’autre, finalement, le résultat était le même.
« Vous m’en voyez ravi… » Je ne savais pas plus qu’elle ce que la soirée allait nous réserver, mais au moins, si nous pouvions nous entendre, c’était déjà quelque chose d’important. D’ailleurs, elle mima bientôt le geste d’une future maman, avant de me faire part de la confiance qu’elle m’accordait ce soir. « Ma foi, je tâcherai de me montrer à la hauteur, en ce cas. »

Une fois arrivés sur les lieux, bras dessus bras dessous, il nous fallait repérer les personnalités visées par la mission, puis entrer en contact avec elles, obtenir des informations sans en avoir l’air… Peut-être qu’il serait de bon ton de jouer les futurs parents très inquiets pour l’enfant à naître : quels parents dignes de ce nom ne s’inquièteraient pas pour l’avenir de la chair de leur chair ? Dans un monde où régnerait le chaos, il serait normal et logique de s’interroger pour le futur…
Nous entrâmes donc. Je pris une flûte de champagne au passage, ainsi qu’un verre de jus de pommes pour ma partenaire. Si elle était censée être enceinte, il valait mieux qu’elle s’en tienne au jus de fruits. Quant à moi, j’aimais garder le contrôle et j’aimais garder les idées claires, alors, je tâchais de ne jamais abuser de boissons contenant de l’alcool. J’étais capable de savourer ces breuvages, mais je ne courais pas après.

Dans la salle, il fut assez facile de trouver les visages que nous devions rejoindre. Ils étaient entourés d'une petite foule et nous mêler à ces moldus fut relativement aisé.
« Ma chère Grace, nous avons de la chance... Nous allons pouvoir rencontrer ces éminents personnages politiques. Tu vas vite comprendre pourquoi je ne taris pas d'éloges à leur sujet !»
Jouer les convaincus, c'était facile. Il fallait juste dire le contraire de ce que je pensais, au fond. Et puis, pour le reste... eh bien, on verrait bien comment se passeraient les choses.

Kathou

Dés: