3 juin 2002 - 7h52
Grande salle de Poudlard
En cette matinée de juin, les quatre tables des maisons de Poudlard étaient grassement recouvertes de nombreuses victuailles. Tout était fait pour préparer les élèves aux différents examens qu’ils s’apprêtaient à passer en cette fin d’année. Montagne d’oeufs brouillés, bols entiers de salade de fruits frais, fontaine à jus, tour de pancakes au sirop d’érable, pyramide de petits gâteaux en tout genre, saladiers entiers de saucisse, bacon ou même haricots blancs en sauce. Il y en avait pour tous les goûts et tous les appétits. Pourtant, malgré le faste de la table, seule une maigre tartine enduite d’un peu de beurre faisait face à Rory.
Le regard vide, il fixait le petit carré jaune progressivement fondre sur le pain encore chaud dans son assiette. A mesure que ce dernier disparaissait, il laissait une trace jaunâtre sur la surface de la tartine, lui donnant un aspect luisant de graisse. Son maigre petit déjeuner auquel il n’avait pas encore touché contrastait face aux assiettes bien remplies de ses camarades de cinquième année. Tous se préparaient à leur examen des B.U.S.E.S qui allait démarrer dans quelques jours. Des mois de travail pour cette première vraie épreuve. Une épreuve que même Caïn n’avait pas eu l’occasion de passer. Il ne pourrait donc pas faire mieux ou pire que lui. Voilà le seul soulagement qu’il y trouvait.
Depuis son retour à Poudlard des vacances précédant les examens, Rory n’était plus le même. Isolé, discret, froid et agressif, il n’avait adressé la parole qu’à de très rares personnes et ça s’était toujours plus ou moins mal terminé. L’ensemble du personnel de l’école avait été alerté après la première altercation qu’avait eu le jeune Barjow avec un de ses professeurs. Sans raison apparente, Rory s’était mis à le traiter de tous les noms devant la classe entière, écopant d’une sévère punition. Une excuse de plus pour moins subir les nombreuses questions de ses camarades les plus proches concernant son changement brutal d’attitude. Ce ne fut donc qu’après cet incident dont le patriarche Barjow avait été alerté que ce dernier jugea bon de notifier la nouvelle au directeur de Poudlard.
« Madame Barjow s’est ôtée la vie. Rory fut le premier à trouver le corps sans vie de sa mère. J’imagine que ça a dû le marquer. Soyez assuré, Monsieur le Directeur, que mon fils sera sévèrement puni pour son attitude à son retour à la maison cet été. »Voilà quelles furent les paroles de son père pour expliquer l’attitude de son jeune fils. Ce dernier avait déjà prévu des atrocités toutes plus violentes et sadiques les unes que les autres pour le punir. Monsieur Barjow avait, à ses yeux, tout perdu : son fils ainé si prometteur, sa femme, l’honneur avec une fille cracmol et voilà que son seul espoir de redorer le blason des Barjow se heurtait à la sensibilité de Rory. Pitoyable !
Assis, seul sur la grande table des Serpentards, Rory n’avait pas encore avalé un bout de sa triste tartine au beurre. Voilà quinze minutes maintenant qu’il n’avait pas bougé, perdu dans ses pensées, revivant en boucle cette fameuse fin d’après-midi où il avait poussé la porte de la salle de bain de ses parents. Le corps sans vie de sa mère le hantait. Il revoyait encore l’imposante flaque de sang dans laquelle elle gisait, inerte. A cette pensée, les larmes lui montèrent aux yeux qu’il essuya du revers de sa manche avec rage. Alors qu’il venait tout juste de se saisir de sa fourchette, quelques mots parmi le brouhaha ambiant retinrent son attention.
« mère, suicide, Barjow » Instantanément, son attitude changea du tout au tout. Son échine se redressa, les traits de son visage semblèrent se gommer pour ne plus afficher aucune expression tandis qu’il poussa lentement son assiette sur le côté. Son regard s’était rivé sur l’élève de septième année à la table des Gryffondor qui riait à gorge déployée.
C’est un homme mort.Tout en reposant la fourchette qu’il avait à moitié pliée sous la force de sa rage, Rory enjamba le banc sur lequel il était assis puis vint poser un premier pied sur la table, puis un second. Les quelques élèves Serpentards proches de lui le regardèrent faire, incrédules, ne comprenant pas bien ce qu’il pouvait fabriquer. Points serrés et regard fixe, il enjamba le saladier d’oeufs brouillés avant de redescendre de la table. Dans l’allée séparant les Serpentards des Gryffondors, il fit face à l’insolent qui, après quelques secondes remarqua Rory qui, de l’autre côté de la table, se tenait face à lui.
« Tiens, quand on parle de l’orphelin ! » S’amusa-t-il, inconscient de ce qui allait lui tomber dessus.
A ces mots, un large sourire à vous glacer le sang étira les lèvres de Rory. Le Gryffondor comprit tout de suite qu’il était allé trop loin et avait joué avec la mauvaise personne. Il eut à peine le temps de se lever sur ses pieds que Rory lui fondit dessus. Poussant les élèves qui le bloquait, il se propulsa une nouvelle fois sur la table et tomba littéralement sur le septième année, commençant déjà à le rouer de coups. Étant tombés dans l’allée entre les Gryffondors et les Serdaigles, le spectacle était à la vue de tous les élèves présents dans la salle. Malgré l’heure matinale en ce jour de révisions générale, cette dernière était à moitié pleine pour assister au spectacle. Se sachant limité dans le temps, Rory fit pleuvoir les coups, répétant simplement ce que son frère et son père lui avait fait subir pendant tant d’années. Torse, flancs, ventre et visage. Voilà les zones sur lesquelles il se concentra. Alors qu’il levait une énième fois son poing pour le diriger vers la mâchoire de sa victime, Rory sentit ses muscles et son corps tout entier se rigidifier. Un éclair blanc était parti de la table des professeurs. A cheval sur le Gryffondor, Rory le fusillait du regard, plutôt satisfait de son oeuvre aux vues du visage boursouflé et couvert de sang qu’il avait sous lui.
Un silence pesant s’installa dans la salle que seuls les talons de la professeur responsable du sort brisait en se dirigeant vers eux. Une dernière goutte de sang émanant de ses phalanges à vif tomba sur le visage de sa victime avant que la professeur ne relève Rory par le col de son uniforme. Un petit coup de baguette et le voilà reprendre contrôle de son corps, filant directement le bureau du directeur. Ce nouvel incident calma les petits malins qui jugeaient bon d’houspiller Rory au sujet de sa famille et plus précisément de sa mère. Habitué aux bagarres et bêtises en tout genre, il écopa d’une nouvelle détention, interdit également de manger dans la grande salle ou encore d’errer à sa guise dans les couloirs de l’école. Une punition relativement laxiste compte tenu de l’état dans lequel il envoya le septième année à l’infirmerie.
« A chaque contexte sa réponse. » lui répétait sans cesse le directeur. A croire que sur ce contexte là, il avait eu pitié de lui. A moins que ça soit la proximité des B.U.S.E.S qui le rendait plus clément. B.U.S.E.S qu’il obtint d’ailleurs sans difficulté aucune et avec les félicitations.
Une nouvelle que son père préféra éluder pour se concentrer sur l’attitude de son fils. Cet été là fut le pire que Rory n’ait jamais connu. Il avait laissé à son paternel un mois pour trouver les pires atrocités qu’il allait lui faire subir. Au programme : torture physique (on ne change pas les bonnes vieilles habitudes), accompagnée de torture psychologique avec en invité d’honneur, pour son plus grand malheur, sa jeune soeur Lilibeth, souffre douleur préférée de leur père. Un été tout ce qu’il y a de plus joyeux !