wicked game ≈ olivia

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Assis en travers sur une chaise du bar, je passe une main dans mes cheveux d'ébène avant de porter mon spicy coke à mes lippes. Mon regard brillant balaie la surface boisée, vagabonde de visages en portraits, avant de s'attarder sur une silhouette bien familière. Ses cheveux bruns coulent en cascade sur ses épaules frêles, coupant son visage pâle orné de deux sublimes perles émeraude. Un sourire étire mes traits alors que je me détache maladroitement de mon siège pour réduire la distance qui me sépare de la femme dotée d'un tempérament de feu : Olivia.

Le contenu de mon verre se mouve périlleusement, répercutant la houle qui m'étreint depuis quelques mois maintenant. Bien que cela fait un an que j'ai rompu les ponts avec mon meilleur ami suite à un geste que je ne sais lui pardonner, l'absence du jeune homme devient de plus en plus lourde à porter. Je m'interroge sur ma décision radicale, regrettant ce caractère buté qui motive mes agissements. Une inquiétude vient par ailleurs me tarauder : et si Jonas se portait mal ? Et s'il lui arrivait malheur sans que je ne sois présent pour lui porter secours ? Je m'estime bien hypocrite de me soucier de sa santé lorsque mon ignorance de ses messages a assurément obscurcit ses états d'âme. Pourtant, nos conversations quotidiennes me manquent atrocément, tout comme une partie de mon palpitant me paraît amputée par cette ignorance de son cheminement dans la vie. Un soupire file entre mes lèvres, je percute une épaule musclée sur mon trajet menant à la Baring. « T'as un problème ?! » J'agresse sans vergogne et le blond, obstacle sur ma voie, me dévisage sans merci, bien que ne cherche pas la confrontation et me dédie plutôt un silence méprisant. J'aurais probablement évacué ma frustration sur lui, comme je l'avais convié par mes propos gratuitement acerbes à son égard. J'aurais aisément transvasé les émotions néfastes qui m'intoxiquent par des coups de poings féroces qui m'auraient propulsé sur le trottoir humide londonien par le videur des lieux. Je pouffe puis reprends mon chemin vers Liv, grognon.

« Salut, dragon, » j'adresse sans raison particulière à la vingtenaire, si ce n'est sa capacité à m'articuler des propos ardents régulièrement. « T'as un plan ce soir ? » Je poursuis, avant de lever le verre au niveau de nos pupilles, évoquant davantage un projet de soirée plutôt qu'un plan intime, bien qu'un combo ne soit assurément pas pour me déplaire. J'efface quelques gouttes d'alcool qui se sont échouées sur la chaire de ma main dans le mouvement. « J'nous paie une tournée de shooters ? » Je m'appuie sur le bar. Autant dire que je ne suis pas très net mais j'ai encore toute ma tête comme ma conscience, ainsi qu'une énergie à toute épreuve pour passer une soirée mémorable. De plus, je détiens une poignée de souvenirs à asphyxier et un lot de remords à noyer.

Date d'inscription : 26/06/2020

Jordan Millers & Olivia V. Baring || London Bar || Octobre 2020 || Soirée

Wicked Game

Une journée bien pourrie. Comme elles se ressemblaient toutes en ce moment. Olivia se surprenait à venir de plus en plus trainer dans les bars. Cela lui évitait de se retrouver toute seule dans son appartement à ressasser trop de mauvais souvenirs et de questionnements moraux dont elle se serait bien passée. Il y avait aussi ses douleurs qui reprenaient de plus belles. Calmées un temps par l’occupation, cela n’avait été que pour revenir plus incisives encore. Alors naturellement, Olivia avait replongée. Dans l’alcool, dans ses calmants et dans toutes les dérives dont elle pensait avoir réchappé. Cependant, ce nouveau naufrage avait cette fois-ci quelque chose de différent : elle ne se voilait plus la face. Elle était camée avec une certaine tendance pour l’alcoolisme. Mais elle n’en avait pour le moment rien à faire. Peut-être parce que le jour de son accident, une partie d’elle n’avait jamais vraiment tiré sur le siège éjectable et s’était abimée avec son avion sur le sol poussiéreux du Moyen-Orient.

Elle sortit ses petits calmants et en avala deux d’une rasade de bière. Boire seule, qu’est-ce qu’elle trouvait cela déprimant. Elle avait véritablement touché le fond et commença, dans une vaine tentative d’occupation, à détailler les affichettes collées sur le mur en face d’elle. Un gars baraqué, avec quelques tatouages qui dépassaient de son t-shirt, s’accouda au bar à ses côtés. Olivia releva la tête et jugea l’homme d’un coup d’œil. Plutôt un physique avantageux mais le regard libidineux qu’il posait sur elle et son T-shirt ne lui plut pas du tout. « Salut beauté. Alors on boit toute seule ? » Ayant servi dans l’armée et grandit sur une base militaire, des machos et autres idiots de première catégorie, elle en avait côtoyé. Et elle avait aussi appris à les gérer tout en se faisant respecter malgré une profonde absence d’envie de se mettre en avant. Elle resta silencieuse quelques secondes. Son cerveau, qui commençait à s’embrumer des substances ingérées, tenta de décider dans l’intervalle si elle voulait s’envoyer en l’air avec cet inconnu, lui mettre un coup de poing pour lui apprendre le respect, ou le renvoyer à ses copains par une réplique bien sentie. Bien que les deux premières idées fussent particulièrement séduisantes, elle opta pour la troisième, qui normalement ne la ferait pas quitter le bar avant d’avoir finie la pinte qu’elle avait payé ridiculement chère. « Et oui. D’ailleurs la beauté va continuer de boire sa bière seule sans être dérangée en espérant que tous les lourds de ce foutu pub le comprennent avant que la beauté ne soit obligée de leur casser le bras et de leur faire bouffer le bois du bar dans le processus. » Avec un sourire parfaitement forcé, Olivia se détourna finalement pour reprendre son étude de la décoration. L’homme grommela quelques insultes impliquant la vertu de la jeune femme tout en retournant vers son groupe d’amis. Bien que passablement énervée, Olivia ne lui fit pas ravaler ses paroles… Le groupe d’amis en question cumulait les gabarits rugbymen et elle savait ne pas pouvoir tous les maîtriser.

La jeune femme entendit le ton un peu monter sur sa droite mais il n’y prêta pas plus attention que cela. Ce n’était pas ses affaires. Elle garda malgré tous les sens en alerte, dans l’espoir peut-être qu’une bagarre éclate et qu’elle puisse se détendre un peu. Des pas se rapprochèrent et elle sentit une présence à ses côté. N’avait-elle pas remis le premier lourdingue à sa place, il fallait qu’un autre tente sa chance ?! « Salut, dragon, » Surprise par l’appellation, quoiqu’étrangement flattée, elle se retourna vers l’origine de la voix qui lui était familière. Un sourire vint s’apposer sur ses lèvres malgré sa mauvaise humeur du soir. « Toujours un plaisir Jordan. » Répondit-elle moqueuse. Des plans ? Non elle n’avait rien du tout, nada. Elle aurait pu mais c’était différent de se joindre à des inconnus ou de sortir avec ses amis. Ici, Jordan, c’était une connaissance. Ils se connaissaient suffisamment pour qu’elle l’apprécie mais ils n’étaient pas assez proche pour qu’ils aient à échanger de profondes paroles. Non, Jordan était pile poil la compagnie qu’il lui fallait. « Ouai je comptais me faire le Duc de Sussex mais il est trop attaché à son actrice de femme. Du coup, j’ai rien d’autre à faire que de boire ce soir. Et toi ? » Répondit-elle avec une ironie non dissimulée. Elle lui fit signe malgré tout de s’asseoir à ses côtés.

« J'nous paie une tournée de shooters ? » Olivia jaugea silencieusement Jordan du regard. Il ne semblait pas particulièrement sobre mais qui était-elle pour faire ce genre de remarques ? Elle ne voulait pas lui demander comment il allait car alors il lui retournerait la question. Et bien sûr elle mentirait mais… Mais elle n’avait pas envie de parler de ça. Elle voulait juste boire et l’Univers avait fait en sorte qu’elle ne soit pas toute seule. « Vas-y, je payerai la suivante. » Elle prit une gorgée de sa bière, avec l’intention plus ou moins assumée de la finir avant que les shooters n’arrivent. « Qu’est-ce que tu fous là ? T’avais plus de bouquins à lire ? » Demanda-t-elle moqueuse. Ils avaient échangés quelques mots entre deux coups de poings, deux pintes dans un bar et deux rencontres au lit. Pour lui, comme pour tous les autres, elle n’était qu’une petite guide de musée, avec un penchant pour les sports de combat, une moitié de mensonge qui lui permettait de justifier les blessures nombreuses qu’elle se trimballait. Et lui, Jordan Millers, était un libraire avec une propension certaine à la boisson et aux plaisirs faciles. Un gars de fort bonne compagnie en somme. Il était beau garçon, avait la langue bien pendue, elle était sûre de ne jamais s’ennuyer en sa présence et il buvait autant qu’elle. Oui, ce soir c’était vraiment la compagnie qu’il lui fallait.

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Installé en équilibre précaire sur l'un des tabourets du bar, le verre dont le contenu tanguait vu sa position de travers, à cheval sous mon doigt et la surface boisée du comptoir, je toisais Olivia sans scrupule tout en la saluant en soulignant son tempérament ardent. Arrogant, je soutiens ses perles émeraudes tandis qu'elle porte son attention sur ma personne, et pouffe légèrement alors qu'elle indique : « Toujours un plaisir Jordan. » « Évidemment. » Comme s'il pouvait en être autrement. Je porte mon verre à mes lèvres puis interroge mon interlocutrice sur ses plans de la soirée. « Ouai je comptais me faire le Duc de Sussex mais il est trop attaché à son actrice de femme. Du coup, j’ai rien d’autre à faire que de boire ce soir. Et toi ? » Je hausse les sourcils. « Qu'est-ce qu'elle a l'air chiante d'ailleurs, celle-là, » je commente éhontément la duchesse, quand bien même je risquais ainsi de me faire lapider par les patriotiques buvant aux alentours. Je n'avais pas été élevé dans le respect de la famille royale et mon franc parler n'était que périlleusement exacerbé par la quantité d'alcool que j'avais ingérée sans cérémonie. Je mouve une épaule nonchalante en songeant à mes propres projets de la soirée. « Boire est un sage plan. L'alcool révèle les talents bruts. » A vrai dire, j'étais venu temporairement étouffer mes remords et chasser Jonas de mes réflexions, mais en valait-il la peine de le communiquer à la Barling ? Assurément pas. Je préférais jouir de sa compagnie pour me distraire comme je l'ambitionnais ce soir.

Alors, j'ignore prodigieusement son interrogation et invite à la boisson. La brune accepte, je souris et fais signe au vendeur de nous servir six shooters. Elle a beau payer la suivante, j'aime prendre les devants et surtout ne pas manquer de boisson. « Qu’est-ce que tu fous là ? T’avais plus de bouquins à lire ? » Je l'entends me questionner alors que le serveur prépare ses mélanges sous mon œil attentif. Inutile d'essayer de me berner sur les ingrédients sous prétexte que je suis un peu éméché. « Tu m'vois vraiment comme un rat de bibliothèque ? J'avais envie d'écrire l'histoire moi-même, ce soir, » j'expose, une arrière-pensée me soufflant que j'avais surtout envie de réécrire mon passé. « Chiche d'être une protagoniste de mon chapitre actuel ? » Je soumets en plantant un regard empli de défi dans les pupilles de ma compagnie. « Contrairement à Harry, j'peux faire de ta soirée une épopée. » Je vante sans vergogne, mes yeux dilatés captant le regard soutenu d'un baraqué dévisageant notre duo. « T'as un problème ?! Tu veux notre photo ? Un cours particulier pour réussir dans la vie ? » je lance avec agressivité, avant de pouffer en constatant l'homme se concentrer sur ses amis.

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Jordan Millers & Olivia V. Baring || London Bar || Octobre 2020 || Soirée

Wicked Game

« Évidemment. » Cette réponse arracha un petit sourire en coin à Olivia. La confiance que Jordan avait en lui, frôlant l’arrogance, était presque salutaire dans cette soirée qui aurait pu s’annoncer morose pour la jeune femme. Rien n’allait vraiment en ce moment et pouvoir oublier un temps ses idées noires avec une personne aussi sanguine et imprévisible que Millers ici présent, sembla être une véritable bonne idée. Elle se tourna légèrement vers lui, signifiant toute la satisfaction qu’elle avait de trouver une tête connue avec laquelle elle pourrait boire des pintes à n’en plus compter.

La critique de la Duchesse faite sans filtre arracha un petit rire à Olivia, rire qu’elle tenta de camoufler par une gorgée de bière. Ce geste sembla être approuvé par Jordan. « Boire est un sage plan. L'alcool révèle les talents bruts. » « Talents bruts » ? Rien que ça. Les paroles de Jordan sonnaient de plus en plus comme une invitation. Mais Olivia n’était pas encore sûre pour quoi. Mais elle ne put évidemment pas se retenir de le taquiner. Après tout, tous les deux n’étaient pas de bons amis, mais ils s’étaient fait virer du même bar et avaient partagé quelques nuits ensemble, alors cela rapprochait quand même un peu non ? « Des talents bruts ? Rien que ça dis donc… T’en es à combien de verres là pour arriver au talent brut ? T’en es au point de devenir Van Gogh ou t’as encore un peu de marge avant de vomir tout ton saoul ? » La proposition suivante de shooters lui fournit une première partie de la réponse. Et comme un défi, Olivia finit cul sec sa bière et la posa, triomphante sur le bar.

La concentration du jeune homme sur le serveur intrigua la Baring mais elle se garda bien d’un quelconque commentaire. Elle ne connaissait pas grand-chose de Jordan, voir quasiment rien. En même temps, les quelques fois où ils s’étaient recroisés, ce n’avait jamais vraiment été pour discuter. Alors cette attention, cela l’intrigua. Peut-être avait-il été serveur avant de devenir libraire ? Dans quel genre d’endroit ? Probablement un peu sordide. Il y avait ce quelque chose qui lui collait à la peau et qui indiquait qu’il n’était pas un jeune homme de bonne famille fraichement débarqué du manoir familial. Il y avait une rudesse, une hargne qu’on ne retrouvait pas partout. Avec son esprit qui commençait à se laisser couler dans la douceur de l’alcool, Olivia sourit. Avec lui, elle était une pseudo-inconnue parmi tant d‘autres. Pas de Blood Circle, d’armée, de trahison ou de zone grise. Juste un gars dans un bar, avec un sourire à tomber et une belle gueule qui aimait parler fort.

Alors qu’Olivia l’interrogeait sur ses motivations, ses réponses lui firent lever les yeux au ciel, le sourire aux lèvres. Elle le laissa se vanter, tentant de garder son sérieux en se mordant la lèvre. Même lorsque Jordan invectiva le gros lourd qui avait voulu la draguer, elle n’arriva pas à garder un visage impassible. Elle rapprocha son tabouret de celui de son acolyte d’un soir et se pencha comme pour lui murmurer un secret. « Tu fais le gros dur Jordan, mais on sait tous les deux que t’es plus rat de bibliothèque que chien de chasse. » Elle plongea son regard un instant dans ceux de Jordan. Que voulait-elle trouver dans ce regard aussi embrumé que le sien par l’alcool ? La même chose que ce qu’elle avait toujours voulu de Jordan. Qu’il l’aide à la faire sortir de sa tête, de sa vie, de ses déboires et de ses échecs. « Si l’épilogue n’arrive pas avant l’aube on pourra peut-être arriver à quelque chose… » Se relevant, elle éclata de rire. « Jordan, j’avais oublié à quel point la subtilité n’était pas ton fort. Tu… » Les verres qui arrivèrent devant elle lui firent perdre le fil de ses pensées. Elle fit un signe de tête au barman et reporta son attention sur le libraire. « Tu… Tu réponds pas à mes questions mais tu payes des verres. Habile. » Joueuse, une idée commença à germer dans son esprit. Quelques bribes. Apprendre quelques brides supplémentaires de la vie de Jordan, juste pour la divertir. « Quant au mec derrière, si tu comptes lui mettre un pain avant la fin de la soirée, sache qu’il faudra faire la queue, je suis première pour lui faire manger ses molaires. »

Olivia poussa un verre vers Jordan et en attrapa un pour elle. « On trinque avec le premier à notre sobriété qui ne passera pas la nuit ? » Demanda-t-elle en levant le shooter. Oui cette sobriété était prête à prendre sa journée, ou plutôt sa nuit. Et ce n’était pas pour déplaire à Olivia. L’alcool l’avait toujours désinhibé. Non pas qu’elle en ait besoin mais un peu tout de même. Elle était grande gueule mais sur certains sujets, elle se débrouillait bien mieux aidée de substances. Et puis vu qu’elle avait avalé quelques cachets il y avait peu, les effets risquaient d’en être accélérés. Tant mieux. Pour une nuit encore, elle n’aurait pas à penser. La perspective de se perdre dans les yeux de Jordan était bien plus intéressante que de s’enfoncer dans la mélancolie. Et puis, elle était une camée, alors un peu plus d’alcool ou un peu mois quelle différence ?

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Mes nerfs sont à vif, mon arrogance effervescente ; mes regrets sont amers, les verres s'enchaînent. C'est sans cérémonie aucune que j'invite Olivia à rejoindre ma déchéance, ma convocation teintée d'insolence comme de défi. A mon plus grand ravissement, la brune me semble accepter endosser le rôle d'acolyte et je fais signe au barman de s'approcher. Cette nuit, il n'est pas question de se dessécher. J'ai après tout des tracas à noyer - une ambition que j'asphyxie même en prônant la survenue de talents bruts révélés par une inhibition avancée. « Des talents bruts ? Rien que ça dis donc… T’en es à combien de verres là pour arriver au talent brut ? T’en es au point de devenir Van Gogh ou t’as encore un peu de marge avant de vomir tout ton saoul ? » Le sourire sur mon portrait est arrogant, je me mouve sur le tabouret du bar sur lequel une seule de mes fesses repose. « T'inquiètes pas, dragonne, je ne compte pas salir ta jolie tenue. Pas de mon vomi, en tout cas, » je promets en caressant doucement l'étoffe du vêtement de mon interlocutrice, les sous-entendus maladroitement en suspens. Je réfugie ensuite mes doigts autour de mon verre et la vingtenaire termine cul sec sa bière. Je siffle pour la congratuler, avant de soumettre : « Puis je préfère Fitzgerald. Ou Hemingway. J'te laisse le choix dans ma grande bonté d'âme. »

L'employé arrive avec les verres à shooters et je le décris sans vergogne, intransigeant face à la possibilité qu'il puisse me berner sur le contenu de ces rafraîchissements explosifs. On ne fait pas dans la légèreté avec moi, il n'est pas question que ma commande ne contienne pas le dosage d'alcool requis sous prétexte que je sois déjà éméché. Olivia me questionne sur les motifs de ma tenue dans ce bar, je lui réponds par davantage de questions et une invitation à une épopée arrosée, jusqu'à ce que je jette mon amertume sur un client qui me toise. Je pouffe en le percevant me tourner le dos, satisfait, et sens la Baring rapprocher son tabouret du mien en vue de me glisser à l'oreille : « Tu fais le gros dur Jordan, mais on sait tous les deux que t’es plus rat de bibliothèque que chien de chasse. » « Pourtant, je t'ai montré bien savoir mordre le gibier, » je rétorque, soutenant ses perles émeraudes. « Si l’épilogue n’arrive pas avant l’aube on pourra peut-être arriver à quelque chose… » La malice et le défi s'invitent dans mon regard. « J'te pensais pas de la trempe de Cendrillon. » Le rire cristallin de la jeune femme retentit à mes oreilles, délicate mélodie. « Jordan, j’avais oublié à quel point la subtilité n’était pas ton fort. Tu… Tu… Tu réponds pas à mes questions mais tu payes des verres. Habile. » Je hausse les sourcils, amusé. « Tu doutais de mon habileté ? Ca fait trop longtemps qu'on ne s'est pas fréquenté, Liv. » Je fais dans un rire. « Quant au mec derrière, si tu comptes lui mettre un pain avant la fin de la soirée, sache qu’il faudra faire la queue, je suis première pour lui faire manger ses molaires. » Rictus en coin, je déclare : « On lui refera le portrait après, alors. »

Olivia fait glisser un verre vers ma main, que j'accueille avec bienvenue. « On trinque avec le premier à notre sobriété qui ne passera pas la nuit ? » « A la mort de la sobriété, » je fais écho, laissant tinter gauchement mon contenant contre le sien, avant d'en déverser le liquide dans ma gorge. Ca chauffe, ça irrite, mais mes yeux ne se plissent pas et je m'en délecte. « A la domination de notre monde, » je suggère sans répit en lui tendant un autre shooter avec éloquence, que j'avale d'un trait. « Et à nous et nos sales caractères, » je termine pour voir disparaître les deux derniers shooters. « Allez, une autre tournée ? » J'invite. « A moins que tu veuilles faire un tour dehors ? Respirer l'air et l'enfumer un peu ? » Cette nuit, non seulement je n'avais aucune limite, mais j'étais aussi sur la pente de l'autodestruction. Je ne reculerais devant aucun excès.

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Jordan Millers & Olivia V. Baring || London Bar || Octobre 2020 || Soirée

Wicked Game

Il n’y avait pas de choses simples dans le monde d’Olivia. Tout était compliqué, tout devait être réfléchi, tout se devait d’être pensé pour ne pas échouer. Car échouer, dans le monde d’Olivia, c’était mourir. Et il n’y avait pas de seconde chance. Ne plus voir le monde avec dichotomie l’agaçait. Avant, on lui donnait un ordre, elle le suivait et c’était tout. Elle n’avait pas besoin de se pencher sur la question, ni d’en vivre les conséquences. Ni regrets, ni culpabilité. Et un temps, Olivia avait pensé qu’elle était extrêmement forte. Mais elle n’avait rien d’un chêne inébranlable : elle n’avait simplement jamais connu la tempête, la vraie. Et aujourd’hui, après tout ce qu’elle avait vécu, le chêne s’était effondré, les crissements de déclin étouffés par le tonnerre. Ainsi allongée, agonisante sur l’herbe humide, elle se savait condamnée. Aucun arbre ne se relevait. Avec ses racines hors de la terre nourricière, ce n’était qu’une question de temps avant qu’elle ne s’asphyxie. Alors pour le peu de temps qu’il lui restait, autant en profiter. Quelle importance de toute façon ?

Jordan la regardait. Il faisait son fier. Elle s’en amusait beaucoup. « T'inquiètes pas, dragonne, je ne compte pas salir ta jolie tenue. Pas de mon vomi, en tout cas, » Olivia leva un sourcil en ne pouvant s’empêcher de sourire devant le message qui aurait pu être écrit un néon clignotant tant la subtilité du libraire était légendaire. Cela tombait bien, ce signe elle avait bien envie de le suivre. Mais chaque chose en son temps. Le regard de la jeune femme se baissa un instant vers la main de Jordan qui effleurait son débardeur. L’invitation était extrêmement plaisante et Olivia se mordit la lèvre pour ne pas craquer dans l’instant. « Je fais toujours attention à mes affaires. Mais mieux ne rien porter pour être sûre de rien tacher… » Un verre cul-sec plus tard, terminé sous les acclamations de Millers, les paroles de ce dernier lui rappelèrent qu’il était un lettré. « Ah oui, j’oubliais que monsieur vivait pour les bouquins. Je dirais Hemingway, il a vu le pire de l’humanité… Et puis j’ai jamais pu blairer Gatsby… » Olivia n’était pas une littéraire. Elle avait lu à l’école comme tout le monde. Cela devait bien faire des années qu’elle n’avait pas ouvert un bouquin. Mais hors de question de paraître dépassée devant Jordan. Elle espérait juste qu’il ne creuserait pas trop le sujet, sinon, elle était cuite, enfin pas qu’avec l’alcool quoi.

Les choses sérieuses commencèrent avec le plateau de shooters qui fut posé devant eux. Bon, Olivia n’avait pas vraiment prévu d’en boire autant. Il faudrait vraiment qu’elle pense à boire un verre d’eau sinon demain le regret la suivrait. Les remarques fusèrent de l’un et de l’autre et Olivia se délecta de cette joute verbale. Il avait du répondant et elle adorait ça. « Pourtant, je t'ai montré bien savoir mordre le gibier, » Son regard se figea dans le sien. « Il semble en effet que tu es plein de talents… » Elle prit une moue de défi à la remarque suivante. « J'te pensais pas de la trempe de Cendrillon. » Ils étaient proches, très proches, trop proches pour que cela continue aussi sagement. « On a tous une autre vie dès que le soleil se lèvre… Mais je suis pas à son niveau, je sais pas aussi bien marcher qu’elle en talons… » Haussant les épaules, elle éclata de rire. « Tu doutais de mon habileté ? Ca fait trop longtemps qu'on ne s'est pas fréquenté, Liv. » S’appuyant nonchalamment sur le bar, le regard d’Olivia traduisait toutes ses pensées peu catholiques. « Oui ça fait un bail… Non mais j’oublie facilement ce genre de chose, faut pas hésiter à me le rappeler régulièrement Millers. » La perspective suivante de tabasser le gros lourdeau à deux fut particulièrement alléchante mais les shooters n’allaient pas se boire tout seul…

Le premier shooter fut pour leur sobriété qui n’était plus. Olivia tenta d’éviter de faire la grimace alors que l’alcool se déversait dans son corps. Et de un. « A la domination de notre monde, » Jordan ne lui laissa pas une chance de reprendre ses esprits. « Carrément ? Allez pour la domination du monde alors ! » Mais Olivia n’était pas du genre à baisser les bras et elle fut bien résolue à ne pas flancher face à lui. Des concours de beuverie, avec les gars de son unité, elle en avait fait de nombreux. Hors de question que Jordan la pense de petite nature. T’as l’air de toujours vouloir qu’il ne voit pas tes failles dis donc…. Avec un presque inconnu, ne pouvait-on pas être qui on voulait ? Et Olivia voulait être une version d’elle qu’elle arriverait à regarder dans la glace. Et de deux ! « Et à nous et nos sales caractères, » Olivia éclata de rire devant la véracité de ces paroles. « Aye aye ! » Et de trois, et de quatre. Mais les deux derniers shooters avaient du mal à passer. Olivia savait qu’elle allait devoir se clamer sur les prochains ou ce serait le t-shirt de Jordan qui risquait d’être taché. « A moins que tu veuilles faire un tour dehors ? Respirer l'air et l'enfumer un peu ? » Comme s’il avait lu dans ses pensées, Jordan lui offrait une porte de sortie avec tact et élégance. Olivia ne laissa pas passer sa chance. « Oui, un peu d’air ça fera du bien. » Il fallait qu’elle bouge avant que les shooters ne fassent effet. Elle descendit d‘un saut de son tabouret, attrapa sa veste et avec un regard pour Jordan, se dirigea vers la sortie.

Le froid commençait à s’installer. L’automne était bien avancé mais les averses typiques de la saison semblaient s’être calmées pour eux. L’air frais sur le visage d’Olivia lui fit un bien fou. Elle s’adossa contre la devanture du pub, un peu à l’écart des autres personnes et regarda Jordan s’approcher. « Je vais te laisser seul dans ton vice, je fume pas… C’est pas bon pour les poumons tout ça tout ça… » Une belle hypocrisie de la part d’une fille qui venait d’ingurgiter une quantité monstrueuse d’alcool, condamnant son foie et l’ensemble de ses organes internes. Elle n’était plus à une cigarette près mais cela restait l’ultime blocage, l’ultime pas qu’elle n’avait pas encore franchi. Sa dernière muraille avant de vraiment savoir qu’elle avait sombré. « On a autant des sales caractères que ça ? » Demanda soudain Olivia suite à leur ultime toast. « Je te trouve vraiment adorable, je comprends pas qu’on ne puisse pas t’apprécier… » Se moqua-t-elle, emplie d’ironie, tentant de combler le silence. Elle posa sa tête contre le verre de la devanture et respira profondément, tentant de réprimer un shooter qui avait décidé de remonter un peu tôt. Réouvrant les yeux, elle fixa Jordan à la lumière des réverbères. La pensée qu’elle aurait pu tomber sur bien pire que lui lui traversa l’esprit. Il était aussi paumé qu’elle. Ce n’était pas lui qu’il l’aiderait à se redresser. Mais elle était déjà au fond du trou, alors il ne risquait pas de pouvoir l’embarquer dans sa chute. Et dans un même temps, il ne lui étalait pas devant ses yeux une quelconque réussite sociale qu’elle n’aurait pas supportée.

Non vraiment, Millers est exactement ce qu’il lui fallait. Il y avait même un petit quelque chose dans l’air. « Dis-moi quelque chose que je ne sais pas sur toi. » Demanda-t-elle simplement, sa curiosité de précédemment revenant au galop, tentant de faire taire les envies et ses instincts les plus primaires.

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