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Car je suis fou de toi quand tu ne m'appartiens pas || LORA VII :: Three Broomsticks :: Pensine :: Les RPs
Luca Zabini
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Ven 21 Mai - 23:53
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dora&luca || mi septembre 2020, fin d'après-midi

L’ambiance au Thestral Motor est redevenue plus sereine depuis quelques temps. Oserais-tu dire depuis l’importante dispute entre la jeune comptable et toi-même ? Nul ne saurait le dire. L’été avait également lavé les derniers ressentiments que tu avais pour la trahison de Jaeden et tout semblait redevenir comme avant. La vie reprenait son cours, tu reprenais tes habitudes, non sans mal et tu étais avide de savoir si cela allait pouvoir se maintenir dans le temps tout en espérant que vous ne commettrez plus les erreurs du passé. Les affaires sont bonnes en ce moment, que ce soit la partie officielle ou plus officieuse alors tu reprenais confiance en l’avenir. Le mois de septembre était déjà bien entamé et depuis quelques jours, une seule idée te revenait en tête : l’anniversaire d’Anjelica. Bon, tu étais déjà en train de voir avec Alessia et Jaeden comment lui organiser une fête dont elle se souviendra au bar ; tu avais envie de lui offrir ça pour son soutien et pour tout ce qu’elle a fait ces derniers mois. Il est vrai que depuis ton retour en avril dernier, tu ne l’avais jamais réellement remercié de son investissement, de t’avoir remplacé durant quasiment un an alors qu’elle n’avait pas à assumer ce rôle à ta place. Par ailleurs, elle a également été un appui non considérable après la révélation du mensonge de Jaeden et Théodora, te soutenant contre vents et marrées et reconnaissant que tu avais pris la meilleure des décisions, celle qui était la moins pire, la plus acceptable pour tous (même si cela va s’en dire que tu aurais préféré vous épargner tout cela à vous tous). Bien évidemment que cette décision a sans doute été la plus dure à prendre de ta vie, alors la compréhension d’Anjelica t’avait alors permis de mieux vivre cette transition. Alors cette fête, c’était pour tout cela. Après, la relation avec Anjelica était tellement forte, tellement importante à tes yeux, que tu tenais aussi à marquer le coup avec un cadeau plus personnel, plus individuel, qui t’est propre. Le hic dans cette histoire ? Tu n’as strictement aucune idée de ce qui lui ferait plaisir. Anje est comme toi, elle a les mêmes besoins, les mêmes envies et tu as déjà réfléchi à lui offrir une nouvelle paire de boots, un nouveau cuir, voire même une nouvelle moto maintenant qu’elle recommençait doucement à s’y mettre. Mais ces cadeaux semblaient si simples, si convenus, presque impersonnels à vrai dire à tes yeux : ce sont des cadeaux que tout à chacun qui la connait un tant soit peu pouvaient lui faire. Alors tu t’enquiers d’une autre idée mais rien ne te venait à l’esprit jusqu’à ce que tu rencontres Alcyone Greengrass à l’une des réunions entre ambassadeurs. Nouvelle recrue, elle avait exposé son travail et parlait de ce qu’elle faisait avec les bijoux. En soit, même si tu n’es pas certain que ta sœur serait ravie d’être affublée d’un collier ou d’un bracelet, l’idée que cet accessoire soit en plus un moyen de se défendre te plaît assez. Alcycone confectionne effectivement des bijoux protecteurs, des bijoux pouvant servir de bouclier. La crainte qu’il arrive quelque chose à Anja reste bien trop présente dans ta tête pour que tu balayes cette idée sans même prendre le temps d’y réfléchir.

C’est la raison pour laquelle tu traces ta route sur le chemin de traverse jusqu’à la boutique de la jeune femme. Elle te salue en te voyant arriver et tu te diriges vers elle. « Salut Alcyone. » Tu lui expliques les raisons de ta venue et vous convenez que tu reviens vers elle après avoir fait le tour de la boutique. C’est étrange, mais les réunions du conseil te permettent en réalité d’élargir ton réseau à d’autres horizons. Et puis, il faut l’avouer, tu prenais bien mieux ces putains de réunion depuis que Rose y présidait en tant que membre du Conseil d'Administration. Passée la surprise de cette annonce, tu t’es bien rendu compte à quel point avoir Rose au sein du Conseil pouvait être un avantage considérable pour toi et pour la Cosa Nostra : elle continuera toujours d’œuvrer dans l’ombre pour la Famille tout en te protégeant plus largement des agissements du Conseil. Cela légitimait presque le fait que vous vous voyiez en dehors des réunions en réalité. Bref, comme expliqué tout à l’heure, l’horizon s’éclaircit pour Luca Zabini, il n’y avait presque plus aucune ombre au tableau et c’est l’esprit plus léger que tu arpentes les différents rayons, les différents étalages, scrutant chaque collier, chaque perle, chaque bracelet, chaque bague ou boucles d’oreille.

Quand soudainement, une silhouette bien connue attire ton regard. Cette allure, cette chevelure… Théodora Haig. Les relations avec la jeune femme se sont disons… apaisées depuis que le volcan est entré en éruption il y a quelques semaines. Après cette violente dispute que tu as –ne mâchons pas les mots- mal vécue, tu as utilisé cette fameuse technique de l’autruche qui t’est si chère, décidant qu’il était temps de reprendre les habitudes du passé. C’est avec une surprise non dissimulée que Théodora t’a donc accueilli le lundi suivant pour vos fameuses réunions comptabilité. La vie reprenait doucement son cours et vos derniers échanges étaient calmes, détachés, professionnels. En dehors de celles-ci, tu faisais des efforts et la saluais avec toute la bonne volonté du monde même si des questionnements te revenaient sans cesse en tête sur les mots qu’elle avait pu employer dans son bureau. A s’attacher. C’est ce qu’elle avait dit. Tu y as longtemps pensé à cette phrase, ne sachant pas trop quoi en faire, ni comment l’interpréter. Tu n’avais jamais montré le moindre signe à Théodora qu’il pourrait y avoir plus entre vous que cette prétendue relation professionnelle améliorée et tu concevais mal le fait qu’il puisse en être autrement ; mais les temps changent et tu te dis que vous pourriez peut-être devenir… amis ? Repasser par une case plus neutre avec moins d’affects te conviendrait peut-être ? Tu n’en sais strictement rien. Tu mentirais si tu disais ne pas avoir pensé à elle depuis. Au contraire, elle hante tes pensées, elle hante parfois certaines nuits. Rien n’était jamais facile avec elle. Mais alors que tu t’approches doucement d’elle, sans faire un bruit, tu la regardes admirer un collier que tu trouves affreux personnellement. Et tu lui dis : « Mademoiselle Haig. » dis-tu d’un ton amusé. Alors que tu as décidé d’abandonner cette habitude pourrie de la vouvoyer durant vos rendez-vous compta, tu lui demandes : « Vous cherchez un collier pour votre employeur ? Pour votre gouverne, son anniversaire est déjà passé. » Et oui, trente-et-une bougies soufflées, il allait bientôt falloir te mettre à construire une famille lol. En tout cas, le Luca rieur est de retour et tu n’en es pas mécontent.
 

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Mar 25 Mai - 21:51

Car je suis fou de toi quand tu ne m'appartiens pas - Lora VII
Luca & Théodora
Mi-septembre 2020 | Atelier des Pléiades | Fin d'après-midi

La tempête était passée. Jaeden et Théodora étant encore en vie tous les deux, dans la Cosa Nostra et cela était en un sens une victoire. La jeune femme ne s’était cependant pas remise du meurtre qu’elle avait perpétré. Après tout, à quoi s’attendait-elle avec une vélane ? Une créature magique bien loin du sorcier et pourtant en un sens si proche. Mais cette part d’elle, Théodora avait plus que jamais décidé de l’enfermer au fin fond de son être. Elle avait oublié ce qui pouvait arrivé et joué avec le feu avec une satisfaction non dissimulée. Mais le feu brûlait et avait sans vergogne emporté une partie d’elle : le peu d’innocence qui subsistait. De là à savoir comment cette innocence avait pu survivre jusque-là était une question tout aussi étonnante. La vie avait continué comme si de rien n’était. Les regards sur elle de ses camarades de la mafia étaient différents mais elle n’aurait su dire si c’était en bien ou en mal. Qu’importe, au moins son appartenance était maintenant connue de tous, l’exécution ayant été publique et racontée à tort et à travers. Garder la tête haute en toute circonstance et continuer à avancer. C’était aux autres de se faire à elle. Elle s’était suffisamment pliée en quatre pour eux. Ainsi, sans vraiment s’en rendre compte, son comportement changea. Elle se sentait plus à l’aise, plus à sa place. Après tout, plus aucune petite voix ne pouvait lui murmurer qu’elle ne méritait rien de cette vie. Une vie contre une vie. Le marché était pourtant clair. Au moins avait-il tenu ses promesses.

Théodora devait s’ouvrir au monde. Certes la Cosa Nostra lui offrait à présent un cadre serein mais elle avait besoin de plus. Alors que son temps n’était plus occupé à trouver des gallions pour se nourrir ou un toit pour dormir, ou son attention rivée sur une possible mise en lumière de ses mensonges, elle se retrouvait avec du temps libre. Un étrange concept qu’elle aimait énormément. Elle pouvait flâner des journées entières au Chemin de Traverse, faire les boutiques ou tout simplement se balader sans risquer de voir sa tête tomber dès son retour. Elle se sentait comme une adolescente à qui on aurait enfin donné une permission de sortie illimitée. Et avec le soleil trainant de septembre, elle en profitait bien.

Une nouvelle boutique avait attiré son attention. Une bijouterie. Théodora adorait ça. Tout ce qui brillait et coûtait cher. Elle y était allée plusieurs fois et s’était bien entendue avec la propriétaire. Une jeune femme brune qui était également la bijoutière. Aujourd’hui comme beaucoup d’autres, les pas de la comptable l’avaient menée à cet endroit et après avoir salué Alcyone, elle s’était mise en tête de se trouver de nouveaux bijoux. Sa paie arriverait bientôt, elle pouvait se permettre quelques folies. Et puis en un sens, elle les avait bien méritées. Des bagues, des colliers, des boucles d’oreille. Les yeux de la jeune femme brillaient. À chaque essayage, elle tentait d’imaginer une tenue accordée aux pierres brillantes et étrangement, à chaque fois ce n’était pas des habits qu’elle possédait. Ce qui l’obligerait à en racheter des nouveaux… Quel dommage ! La porte de la boutique s’ouvrit mais Théodora n’y fit pas attention. Elle regardait plutôt les bagues de défense dont elle avait tant entendu parler. Elle sourit en se disant qu’elle en utiliserait bien une sur plusieurs personnes. Elle risquait d’ailleurs de craquer pour l’une d’entre elle. Au  côté de la vitrine les contenant, se trouvait un superbe collier avec tant de pierres, qu’il devait être éblouissant au soleil. Elle n’osa pas en regarder le prix, sachant très bien qu’il serait hors de son budget, même en le poussant à son maximum. Elle n’avait juste pas suffisamment de gallions. Un jour.

« Mademoiselle Haig. » Elle sursauta en se relevant rapidement vers l’origine des paroles. Théodora se retrouva nez à nez avec Luca Zabini, toujours affublé de cet air détaché qui avait la fâcheuse manie de disparaitre très souvent en sa présence. « Monsieur Zabini. » Répondit-elle sur un ton neutre mais avec malgré tout un petit sourire. L’un comme l’autre avait un pouvoir d’emmerder l’autre assez incroyable. Quoique depuis quelques semaines, après leurs hurlements que l’ensemble du garage avait dû entendre, ils avaient réussis à montrer un semblant de politesse et de calme. Enfin cela était bien malgré Dora qui avait été bien étonnée de voir débarquer un Luca dans son bureau à l’horaire de leur réunion hebdomadaire, le hibou le concernant étant pratiquement prêt à partir. Il s’était assis comme d’habitude dans le fauteuil qui aurait dû avoir son nom gravé dessus. Celui-là même sur lequel elle avait de nouveau bandé sa main quelques jours plus tôt. Dans ce bureau où il lui avait dit que tout était trop tard et que tout était foutu. Parce que t’es étonnée d’avoir encore foiré quelque chose ? Non, elle ne l’était pas. Quoi que ce « quelque chose » ait pu être ou aurait été. Elle ne le saurait jamais. « Vous cherchez un collier pour votre employeur ? Pour votre gouverne, son anniversaire est déjà passé. » Théodora souffla légèrement devant cette question. Treize août mille-neuf-cent-quatre-vingt-neuf. Elle ne l’avait pas oublié. Dora connaissait beaucoup de choses des gens. C’était fou ce que ses tableaux pouvaient lui apprendre. Et ce que sa mémoire choisissait de retenir. « J’ai jugé bon de laisser mon employeur tranquille pour son anniversaire. Une attention de ma part aurait été déplacée à cette date. » Cette réponse était surtout descriptive bien plus qu’accusatrice. Vu leurs « retrouvailles », recevoir un cadeau de Théodora Haig quelques semaines à peine après le procès n’aurait pas été la meilleure chose pour Luca… Pourtant le nœud papillon qu’elle lui avait acheté en juin pour cette occasion et qui aurait pu lui servir pour le mariage de Jaeden et Anjelica semblait trop futile. La boite bleue entouré d’un ruban turquoise et d’une étiquette « L. Zabini » attendait toujours sagement dans le tiroir du bas de son bureau. Elle n’avait pas encore eu le cœur de le jeter.

Le regard de la comptable s’arrêta un instant sur Luca. Y avait-il encore de la colère dans son regard ? De la pitié ? De la tristesse ? De la trahison ? Ce regard elle l’avait ostensiblement évité lors de leurs dernières réunions, aidées par les tableaux et les chiffres qui l’entouraient. Mais ici, elle n’avait rien pour la cacher, la protéger de sa propre culpabilité. Revenant à elle en secouant la tête, elle tenta quelques paroles de politesse. « Je cherche quelques trucs pour moi. Je suis bien payée, autant en profiter… Et vous ? » Théodora réfléchit un instant. Une nouvelle conquête qu’il voulait contenter ? Non… Luca Zabini dans une bijouterie c’était… Inopiné, une case rouge dans le tableau de l’existence. Il ne se serait jamais rendu ici si ce n’était pour celle qu’il aimait le plus au monde. Vingt-huit septembre mille-neuf-cent-quatre-vingt-treize. Théodora sourit un instant devant ce geste qu’elle trouvait touchant. « Elle sait que t’es ici ? » Demanda-t-elle sans vraiment attendre la réponse de Luca ni préciser de qui elle parlait. Anjelica était du genre à savoir ce qu’elle voulait. Cela n’aurait nullement étonné Dora que la Zabini ait clairement indiqué à son frère ce qu’elle voulait et qu’il ne soit là que pour le récupérer.

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dora&luca || mi septembre 2020, fin d'après-midi

Lorsque Théodora sursaute alors que tu prononces son nom avec une solennité qui t’est propre, un léger sourire s’immisce sur le coin de tes lèvres. Tu as toujours su faire faire naître sur ton visage cette expression si détachée, si détendue dans l’attente que celle-ci se transforme en une autre bien moins réjouissante : aux côtés de la jeune femme, on devait toujours s’attendre à tout. Votre relation n’est qu’une longue course de moto qui ne semble jamais se terminer : un virage à gauche, un virage à droite, un retour en arrière à cent quatre-vingt degrés, une soudaine accélération puis un freinage d’urgence afin d’éviter le mur qui s’érige soudainement sur le chemin. Tout cela pour dire, qu’avec elle, on ne s’ennuie jamais et tu ne saurais dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu as décidé de te laisser porter et de ne plus réfléchir, cela semble être une solution sans affect qui te prend moins la tête. Tu bosses, tu bois, tu fumes, tu baises, tu dors. Et le lendemain, cela recommence, telle une litanie sans fin pour ne pas perdre pied et ne pas sombrer dans l’incertitude qu’elle te propose. Tu détestes le fait que Théodora semble totalement ignorer à quel point elle a une influence sur toi et à quel point elle t’empêche de réfléchir convenablement. Cela est encore plus flagrant alors que ton nom sort à son tour de sa bouche d’une voix puant la neutralité alors qu’un sourire point néanmoins sur ses lèvres. Pourquoi fallait-il que vous jouiez à ce petit jeu sans fin ? Vous avez beau foncer droit dans le mur à de nombreuses reprises, tu as l’impression que vous en revenez toujours au même point, comme si cela n’était pas possible de faire autrement. Bref, cela annonçait des emmerdes en somme.

Lorsque tu lui demandes ce qu’elle fait là tout en suggérant qu’elle était peut-être en train de chercher un cadeau pour fêter ton trente-et-unième anniversaire, sa réponse ne se fait pas attendre et tu lèves les yeux au ciel. Elle n’a pas tort. Elle a même totalement raison non ? Cela aurait malvenu, cela aurait être inconvenant et tu n’aurais certainement rien accepté venant d’elle à cette période. Ou bien… Et peut-être que si en réalité ? Comment savoir ? Votre dispute monumentale aurait très bien pu concerner son cadeau probablement pourri et votre discussion se serait probablement terminée de la même manière que celle dans son bureau : parce que vous êtes faits ainsi, vous ne savez pas vous parler sans que cela se termine en hurlements ou que l’un d’entre vous n’hausse le ton, succombe à sa colère ou à a furie. « Ce n’est pas totalement faux. » Et pourtant… Tu n’oseras jamais dire que tu avais peut-être espéré qu’elle fasse un pas vers toi ce jour-là en signe de reddition ; il est probablement certain que tu l’aurais envoyé bouler mais c’est ainsi que tu alimentes toutes les contradictions qui t’animent lorsque cela concerne Théodora. Tu l’as attendu tout comme tu l’aurais détesté si elle l’avait fait. Pourquoi cela ne pouvait-il pas être simple ? Pourquoi fallait-il que tout soit compliqué lorsqu’il s’agit d’elle ? Si seulement tu le savais.  

Ton regard se pose à nouveau sur elle, tentant de décrypter une quelconque émotion sur son visage et alors que tu croises ses yeux bleus, tu te rends compte qu’elle est en train de faire exactement la même chose. Tu fronces un sourcil et tu soupires de manière presque imperceptible. Il faut dire qu’aucun d’entre vous n’aviez vraiment pris la peine d’observer l’autre lors de vos réunions hebdomadaires. Être dans la même pièce sans que les décibels ne grimpent était déjà un exploit en soi alors tu l’avoues, tu n’avais alors pas vraiment prêté attention à elle, préférant te concentrer sur l’objet même de la réunion. « Tu fais ce que tu veux de ton argent, ça c’est sûr. » admets-tu alors qu’elle explique être là pour s’acheter quelque chose pour elle-même ; il faut dire que Théodora a toujours aimé les belles choses et il est probable que si tu avais dû lui acheter un cadeau, c’est probablement ce à quoi tu aurais pensé en première intention. Contrairement à Anjelica, Théodora aime le bling bling, tout en restant dans l’élégance et la sobriété d’ailleurs mais on sent qu’elle cherche par le biais de ces parures à s’extraire du monde de pauvreté dans lequel elle a grandi en montrant qu’elle a désormais les moyens. Alors que tu allais expliquer la raison de ta venue, elle te devance et tu es surpris de voir à quel point cela lui a paru si évident. « Putain, je suis si prévisible que ça ? » demandes-tu d’un ton amusé. En réalité, Luca Zabini dans une bijouterie pouvait effectivement poser question. Tu es loin du genre à offrir un cadeau aussi lourd de sens à une conquête. Théodora devait le savoir, le sentir. Il n’y avait que pour Anje que tu pouvais te permettre une chose pareille. « Non bien sûr que non. » Une moue ennuyée s’installe sur ton visage alors que tu regardes la vitrine que Théodora était en train d’examiner avant que tu l’interrompes. « J’ai l’impression que c’est ridicule de lui acheter un bijou. La Zabini attitude, c’est d’être parfait sans toutes ces fioritures tu sais. » déclares-tu en repassant rapidement au tutoiement, tu n’as pas envie de t’embarrasser de ça, ni même de continuer à jouer au jeu auquel vous vous êtes adonnés pendant de nombreuses semaines avant que tout s’effondre. Tu ajoutes : « Mais je me suis dit que… enfin… » Tu cherches tes mots : « Disons qu’Alcy, la proprio, a des arguments plutôt convaincants et sa nouvelle gamme est intéressante. » Tu hésites longuement puis tu demandes : « Tu veux bien m’aider à chercher ? T’as un goût plutôt sûr sur ces choses-là. » Oui parce que pour le reste, elle a des goûts de chiotte. Surtout quand elle met ses tailleurs de merde qui ne mettent pas en valeur ses formes. Putain mais pourquoi je pense à ça ? te demandes-tu. « Enfin, si t’as le temps. » dis-tu précipitamment. « T’as peut-être autre chose à foutre. »
 

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Mar 1 Juin - 21:44

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Alors que Luca levait les yeux au ciel, Théodora fronça les sourcils. Que voulait donc dire cette réaction ?! Théodora commençait déjà à s’agacer. N’avait-elle pas raison au fond sur cette histoire de cadeau ? Il aurait déjà fallu qu’elle puisse entrer dans le bureau du Zabini alors qu’il ne voulait pas la voir, qu’elle lui offre ce foutu paquet et qu’il daigne l’ouvrir avant de le jeter dans sa stupide corbeille ! Car il en aurait bien été capable ! Lui prendre le paquet et sans un regard l’envoyer dans les déchets. Alors ils se seraient engueulés et rien de bon n’en serait ressorti. Après tout, Dora avait bien vu ce que cela avait donné de les avoir tous les deux dans la même pièce seulement quelques semaines plus tôt. Bref, tout cela pour dire que les petites mimiques dégradantes de Luca qui ne faisaient que rajouter de l’huile sur le feu il pouvait bien se les garder… « Ce n’est pas totalement faux. » Oh… Elle ne l’avait pas vu venir celle-là. Théodora tenta de garder son étonnement pour elle. De l’étonnement et une pointe de déception. Elle était surprise par la relative honnêteté de Luca mais également frustrée qu’il acquiesce aussi facilement. Pourquoi avait-elle encore ce foutu espoir qu’il l’apprécie ? Il avait pourtant été clair lors de leur entretien qui avait viré à la guerre ouverte. Non il était grand temps que Théodora le laisse tranquille. Elle lui devait bien ça en un sens.

La comptable ne savait toujours pas vraiment comment réagir. Elle acquiesça à la remarque de Luca qu’en à sa liberté de dépenser ses gallions comme il lui chantait. C’était la moindre des choses qu’elle puisse faire ce qu’elle voulait, il voulait des remerciements ou quoi ? Elle savait à quel point Luca avait une forte envie de tout contrôler, ce qui impactait indirectement son existence à elle. Mais elle devait reconnaître que maintenant, au moins se tenait-il à l’écart de ses affaires personnelles.

Théodora n’eut pas besoin de beaucoup de réflexion pour deviner les raisons de la venue de Luca. Elle commençait à les connaitre les deux Zabinis. Elle se sentit presque comme au bon vieux temps alors qu’elle oubliait le vouvoiement, prise au dépourvu par ses propres pensées. « Putain, je suis si prévisible que ça ? » La jeune femme laissa échapper un petit rire. Elle lui sourit. « Sur certains sujets, oui. » Ne lui avait-elle pourtant pas sans cesse répété qu’il était imprévisible dans sa violence et dans ses choix ? Lorsqu’il la menaçait ou lui indiquait clairement de se tenir à carreaux ? Alors même qu’elle le manipulait à ses dépens ? Douce ironie. Tous ses souvenirs lui firent perdre son sourire et elle tenta de rester neutre de nouveau. C’était bien la seule manière avec laquelle elle arrivait à ne pas être trop sympathique, trop chaleureuse, trop amicale. Luca ne voulait pas de cela et elle respectait son choix. Même si ça t’énerve plus que tu veux bien l’admettre. Ta gueule la voix.

« J’ai l’impression que c’est ridicule de lui acheter un bijou. La Zabini attitude, c’est d’être parfait sans toutes ces fioritures tu sais. » Elle baissa les yeux et se mordit les lèvres pour ne pas sourire de nouveau. Elle devait rester aimable mais c’était tout. Elle ne savait pas faire ça avec les hommes. Elle passait sa vie à flirter, sur un fil ténu entre le désir et l’abandon. « Oui j’avais cru comprendre… » Théodora se retint d’ajouter que la plus belle des parures restait la modestie qu’il ne semblait pas connaître mais encore, ce n’était que des piques qui n’auraient menées à rien. La conversation continua et Luca parlait. Beaucoup. Plus que tous les derniers mois réunis. Théodora s’apprêtait à chaque instant à prendre congé mais il ne lui en laissa pas l’occasion. Cela aurait pourtant été le mieux pour tous les deux. Leurs interactions devaient être à petite dose s’ils voulaient espérer ne pas repartir dans la dispute du siècle.

« Tu veux bien m’aider à chercher ? T’as un goût plutôt sûr sur ces choses-là. » Cette fois-ci, la surprise, elle n’arriva pas à la cacher et ses yeux agrandis la trahirent. Théodora ouvrit la bouche cherchant ses mots. « Moi ? Je… Enfin… » La réponse de Luca fut précipitée. « Enfin, si t’as le temps. » Inconsciemment, la tête de Dora se secoua de gauche à droite, trahissant le mensonge de sa réponse. « Cela aurait été avec plai… » Rapide ajout de Luca. « T’as peut-être autre chose à foutre. » Présentement ? Pas grand-chose si ce n’était du shopping, ce pour quoi Luca lui demandait son aide. Il venait de faire un pas vers elle. Allait-elle combler la distance qui les séparait ou garder encore ce fossé entre eux ? Peut-être en avaient-ils vraiment besoin de ce fossé ? Elle releva les yeux vers le Zabini tentant à nouveau de percer ses secrets, de comprendre ses motivations et ce qu’il avait prévu. Sans succès. « Je… Oui. Non. Enfin oui pour t’aider et non je n’avais rien d’autre chose à… Foutre. » Hésita-t-elle en reprenant ses paroles. Elle s’humidifia les lèvres, pas franchement à l’aise, préférant malgré tout le tutoiement par mimique. « Tu… Tu avais déjà des idées ? » Une seconde en suspens, le regard vissé sur celui de l’Italien. Un petit sourire. Mais bien vite, elle se détourna pour détailler les vitrines. Après une grande inspiration, elle se mit à tenter de trouver un cadeau à une Anjelica qui ne pouvait pas la blairer pour un Luca qui ne l’appréciait pas non plus… Théodora montra un collier assez simple, une chaîne avec une pierre rosée scellée dans l’argent. « Quelque chose comme ça ? »  

Il ne pas l’appréciait pas ? Enfin était-ce toujours le cas ? Et si non, peut-être pourraient-ils finalement être amis ? Leur faudrait-il oublier tout ce qu’ils avaient vécu jusque-là ? Aussi bien les joies que les peines ? Cela ne serait-il pas en un sens un soulagement ? Elle pourrait repartir à ses mauvaises habitudes et se laisser sombrer dans ses choix de vie merdiques. Était-elle vraiment la seule ? En desintox. Cette information que Luca lui avait lâchée lors de leur dernière altercation, elle n’y avait pas franchement repensé. Après tout elle n’avait pas vraiment eu le temps de s’inquiéter pour lui alors qu’elle tentait en vain de justifier ses actes. Mais cette information remonta comme une bulle de champagne. Elle jeta un regard en coin fugace à Luca. Juste une question générale et elle ne se mêlerait plus de rien. Ce n’était pas son rôle. « Tu vas bien ? Je veux dire avec ces dernières semaines… Tu… Tiens le coup ? » Tenta-t-elle sans le regarder, de peur de voir une quelconque réaction qu’elle n’apprécierait pas, plutôt plongée avec une fausse application dans le détail des pièces d’orfèvrerie.

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dora&luca || mi septembre 2020, fin d'après-midi

Sur certains sujets oui. Qu’est-ce que ça veut dire ? Que veut-elle dire par là ? « Sur quels sujets ? Eclaire-moi s'il te plaît. Cela m'intéresse. » Oh que oui que cela t'intéresse. Sur quels sujets es-tu si prévisible ? Lorsque tu t’attaques à elle ? Lorsque vous êtes ensemble ? Pourtant tu as tellement l’impression qu’avec elle tu ne sais pas sur quel pied danser. Vous êtes passés par tellement d’étapes tous les deux qu’il est difficile de faire le tri entre ce que tu ressens et le reste : l’incompréhension, la colère, le désir, le ressentiment, la fureur, le manque, la hargne, la haine, le besoin d’elle. Et maintenant ? Que ressens-tu vraiment ? Bien sûr que l’aigreur qui t’a animé cet été s’est éteinte mais avec elle, tu as l’impression d’avoir étouffé tout le reste. Théodora avait pris une place importante dans ta vie avant même que tu ne t’en rendes compte : le procès t’a remis les idées en place et tu as réalisé que tu t’étais attaché à elle. Tu as réfléchi à ces dernières paroles dans son bureau cette fameuse nuit. C’est elle qui avait commencé à parler d’attachement. Cela a hanté tes nuits après coup. Est-ce que l’attachement est le début d’une relation plus intime, plus profonde ? Tu es perdu, désabusé ; tu te sens incompris, même pas par les autres, par toi-même. Tu ne te comprends plus, tu ne sais plus ce que tu ressens. Alors tu as décidé d’utiliser ta technique préférée : celle de l’autruche. Tu laisses tomber, tu laisses venir. Tu oublies les vieilles rancœurs et décides de te préoccuper uniquement de toi-même et de ce qui te fait du bien. Ce qui te fait du bien en ce moment ? Réfléchir à l’organisation démentielle de l’anniversaire d’Anjelica et de lui prévoir une fête dont elle se souviendra. Et la fête passe obligatoirement par l’achat d’un cadeau. Et qui pouvait mieux te conseiller en matière de bijou que Théodora Haig ? Elle n’a jamais caché aimer les belles choses et envier tout ce qui est cher. C’est l’excuse bidon que tu cherches Luca, te dit la petite voix dans ta tête, celle qui n’avait pas résonné en toi depuis quelques jours. Pour une fois, tu l’écoutes. Quelle autre raison y aurait-il à cela ? Aurais-tu envie de passer davantage de temps avec elle ? À ses côtés ? Souhaiterais-tu retrouver votre ancienne relation ? Celle avant que tous les mensonges soient découverts ? Tu n’en sais strictement rien quand je vous dis qu’il est perdu le zabzab….

Peu importe finalement, parce que les mots dépassent ta bouche avant que tu ne parviennes à les contrôler. Ils s’en échappent et tu ne peux plus revenir en arrière alors t’assumes jusqu’au bout. Tu fronces les sourcils lorsque tu observes ses yeux bleus s’agrandir, probablement surprise par ta proposition qui sort évidemment un peu de nulle part. Oui, tu as peut-être envie de montrer que tu n’es pas si prévisible que ça : au contraire, avec elle, c’est l’imprévisibilité qui te définit, accompagnée d’une très belle labilité émotionnelle. Tu ne sais jamais quels affects vont te submerger et lesquels vont exploser. Théodora lève les yeux vers toi et tu soutiens ce regard qui ne te fait pas rien. Son regard te transperce et tu décides de ne pas bouger pour ne pas te trahir et pour ne pas montrer que tu es perturbé qu’elle ne dise pas oui tout de suite. Mais à quoi t’attendais-tu en réalité ? Tu l’ignores encore une fois. Peut-être qu’une partie de toi attend qu’elle mette définitivement un terme à votre relation, quelle qu’elle soit d’ailleurs. Peut-être qu’il vaudrait mieux pour vous deux d’ailleurs. Mais Théodora s’engouffre dans cette brèche que tu viens d’ouvrir non sans hésiter et tu comprends qu’elle est dans le même état que toi : elle ne sait pas non plus si elle a raison d’accepter. « Des idées pas vraiment. » Tu rejoins Théodora dans son observation des vitrines. La jeune femme te montre un joli collier mais cela ne conviendrait pas à ta sœur, de ce que tu saches. « Mhum, je trouve que ça te conviendrait plus qu’à Anja ce genre de truc. » Il était simple et même si Théodora aimait les bijoux clinquants, tu imagines fort bien cette pierre rosée sur sa peau laiteuse. Un frisson te traverse tandis que tu repenses sans le vouloir à tes mains sur sa peau douce… Tu secoues la tête et te reprends : « J’avoue que le frère inquiet que je suis était plutôt intéressé par la nouvelle gamme de bijoux défensifs. » Si on pouvait après tout joindre le beau à l’utile ? Comment ça, ça se dit pas cette expression ? Chut faites semblant. « J’sais pas en même temps, j’ai peur qu’elle prenne mal. En mode elle est pas capable de se défendre toute seule alors que c’est pas du tout l’idée tu vois. » Tu ne sais pas si Théodora voit justement où tu veux en venir. Mais oui, tu es sans arrêt sur les nerfs depuis ton retour. Depuis toujours en réalité en ce qui concerne Anjelica. Tu en crèverais s’il venait encore à lui arriver quelque chose. Il y a des fois où tu te sens si impuissant.

Théodora et toi reprenez votre observation des différentes pièces proposées par Alycone en silence et tu élimines d’emblée certaines pièces monstrueuses voyantes qui ne correspondraient pas du tout à ta sœur. Par contre elles iraient bien à une jeune comptable. Tu soupires en ne cherchant plus à faire taire la voix dans ta tête. C’est le timbre de celle de Théodora qui te sort de ta rêverie. Comment ça tu tiens le coup ? Tu ne comprends pas. C’est réglé depuis longtemps cette histoire, tu ne saisis pas où elle veut en venir. Tu dis tout simplement : « Oui bah tu sais, ça fait plus de deux mois maintenant, c’est bon, j’ai digéré le truc. Avec Jae, tout est redevenu quasiment comme avant. Et toi et moi… » Tu fais la moue et mords tes lèvres : « Disons que j’apprends à faire sans. » Sans quoi ? Sans son cul ? Sans elle dans ton lit ? Putain ça veut dire quoi cette phrase ? « Enfin j’veux dire que je fais avec. » Ce n’est pas beaucoup plus clair comme ça. Parfait. Tu es aussi perdu dans ta tête que dans tes paroles. C’est cool. Tu hausses les épaules et demandes : « Et toi ? » C’est vrai que lors des réunions, tu ne t’embarrassais pas de savoir quel était son état d’esprit. Vous vous étiez restés au strict minimum, à savoir le travail. Parce que c’est plus simple ? Mais aujourd’hui, alors que vous étiez tous les deux sur un lieu neutre, n’ayant aucun lien avec la Cosa Nostra, avec l’ambiance teintée de la mafia du White Thestral ou du Thestral Motor, tu te dis que c’est peut-être le moment de construire quelque chose de différent de d’habitude. Mais quoi ? Pouviez-vous seulement vous débarrasser du passé et faire table rase ? Tu n’en sais strictement rien. Mais alors pourquoi est-ce que tout ton cœur te hurle d’essayer ? Est-il à ce point masochiste pour reproduire encore et toujours les mêmes erreurs sans jamais en retenir la moindre leçon ?
 

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Luca & Théodora
Mi-septembre 2020 | Atelier des Pléiades | Fin d'après-midi

« Sur quels sujets ? Eclaire-moi s'il te plaît. Cela m'intéresse. »  Et voilà, cela n’avait pas loupé. Luca ne laissait jamais rien passer. Théodora se sentit agacée par cette réponse. Elle lui avait à plusieurs reprises exprimé le fond de sa pensée, mais il n’avait jamais voulu l’entendre alors qu’il aille se faire voir, lui et ses questions à la con. Elle se réfugia dans l’évasement et botta en touche. Elle leva les yeux au ciel. « Sur rien, c’est sans importance. »  Théodora ne voulait pas se battre avec Luca. Ils l’avaient trop fait tous les deux et cela lui faisait d‘autant plus mal à présent que leur relation était au plus bas. Ils marchaient sur des ruines encore fumantes, le temps n’ayant pas effacé grand-chose. Ils devaient s’éloigner. Pour leur bien à tous les deux. Théodora n’en avait pas été capable quelques mois plus tôt dans ce foutu bar puis dans ce foutu ascenseur. La troisième fois, ici dans cette bijouterie serait peut-être la bonne ?

Théodora ne voulait pas penser aux « et si ». Et si Luca n’avait rien découvert ? Et si elle n’avait pas menti dès le départ ? Peut-être que les choses auraient été différentes : peut-être seraient-ils en train de s’envoyer en l’air à cet instant ou au contraire se croiseraient dans une indifférence totale ? Elle ne le saurait jamais. Qu’est-ce qu’elle l’avait maudit ces quelques temps suivant le procès. Elle avait eu envie de lui arracher sa jolie petite tête de son corps beaucoup trop parfait avec fureur. Il aurait mérité, pour tout ce qu’il avait fait. Et même après qu’ils se soient recroisés, que Théodora ait déballé son sac, Luca n’avait rien voulu entendre, faisant son… Son autruche ! Ce qui avait encore plus agacé Théodora. Bref, il était temps de s’éloigner.

Sauf que Luca ne sembla pas de cet avis et très vite lui demanda de l’aide pour trouver un cadeau à Anjelica. Si elle s’attendait à ça… Après plusieurs hésitations, elle consentit à l’aider. Que pouvait-elle faire d’autres ? Lui dire non pour qu’ils repartent dans un énième débat stérile ? Luca serait bien capable de lui sortir qu’elle ne faisait jamais rien pour lui/la famille de toute façon et elle aurait risqué de lui mettre une droite sous la fureur. Voilà ce que lui faisait ressentir Luca Zabini : un bouillon d’émotions qui ne lui ressemblaient pas. Enfin ci, mais qu’elle contrôlait à peu près en temps normal. Non l’Italien lui faisait ouvrir les portes de ses émotions fortes en grand, pour le meilleur et surtout pour le pire. Alors qu’il lui indiquait ne pas avoir d’idées, elle lui proposa un collier simple mais joli. À dire vrai elle voulait terminer cette recherche le plus rapidement possible. Elle ne voulait pas se rappeler le Luca sympathique, drôle et charmant qu’elle avait appris à connaître. Car alors il ne serait plus le salopard qui l’avait laissée tomber devant les grandes familles et elle ne serait plus que la pouffiasse qui avait profité de lui à ses propres fins. « Mhum, je trouve que ça te conviendrait plus qu’à Anja ce genre de truc. »  Théodora ne sut pas comment régir à cette remarque et préféra en faire abstraction en continuant ses recherches. Elle se redressa tout de même imperceptiblement sous l’effet de ce qu’elle prit pour de la flatterie, avec une pointe de satisfaction.

La comptable écouta Luca lui parler des bijoux défensifs. Ça tombait bien, elle en voulait aussi pour elle. Elle se mordit les joues pour ne pas sourire au « frère inquiet » qui était touchant tout comme toutes les hypothèses qu’il échafaudait sur la potentielle interprétation par Anjelica de son présent. Elle le laissa finir avant de lui répondre. « J’vois très bien Luca. J’pense pas qu’Anjelica le prendra mal. Les bagues sont magnifiques et se suffisent en bijoux. Le fait de pouvoir les utiliser comme armes défensives n’est qu’un plus. Elle n’en sera que plus touchée j’en suis persuadée. Je pensais moi-même à en acheter une d’ailleurs. »  Des phrases qui lui semblaient plates, sans saveur, exactement ce qu’elle voulait maintenir entre Luca et elle.

Après quelques secondes de nouvelles inspections, elle se décida à demander comment allait Luca. Elle n’était pas sûre de la réponse qu’elle attendait. Plus d’explications sur cette histoire de desintox probablement. C’est re ton problème maintenant ? Non bien sûr que non. Elle avait dit juste une question et elle le laissa tranquille. Luca sembla la comprendre de travers. Il lui parla du procès, sujet qu’elle ne voulait absolument pas aborder. Elle tenta de ne pas le montrer mais fut soulagée que Jaeden et Luca en soient de nouveau au point d’être amis. Ils avaient besoin l’un de l’autre. « … Et toi et moi… » L’hésitation fit rater un battement au cœur de Théodora. Qu’est-ce que ça pouvait lui foutre ce que pensait Luca ? Elle s’obstina dans la contemplation des bagues pour garder une certaine contenance. « Disons que j’apprends à faire sans. » La sorcière ne put s’empêcher de se retourner vers Luca à cette remarque. Qu’espérait-elle voir sur son visage ? Que voulait-elle lire dans son regard ? Elle ne comprenait pas ce qu’il voulait signifier. « Enfin j’veux dire que je fais avec. »  Pas plus avancée. Théodora se détourna aussi vite qu’elle s’était tournée. Elle ne savait pas quoi répondre et supposait que la conversation mourrait toute seule. « Et toi ? »  Elle tenta de masquer sa surprise mais n’y arriva pas vraiment. De nouveau un combo tournée/retournée à grande vitesse. « Moi ? Je… Hein ? Quoi ? Je… Ça va. »  Arriva-t-elle à articuler, visiblement mal à l’aise. Que voulait-il qu’elle lui dise ? Que les cauchemars s’étaient espacés sans jamais vraiment disparaitre ? Qu’elle buvait, fumait et baisait bien plus qu’avant pour se donner un semblant de contrôle sur son existence ? Qu’une fois elle était restée plantée devant l’escalier qui donnait sur l’appartement de Luca et qu’un bref instant elle avait voulu monter ? Que sa vie était sauvée mais qu’elle n’allait pas mieux, voir bien pire qu’avant parce qu’elle se haïssait presque autant que lui la détestait ? Non, non et non. Rien de tout ça. Elle ne lui avait répondu qu’un « ça va » ridicule. Parce que c’était ce qu’il attendait d’elle.  

« Qu’est-ce que tu penses de celle-là, au fond ? »  indiqua-t-elle de l’index. Une jolie bague argentée, finement ciselée, emprisonnait une rangée de topazes. Pour la présentation, la lame sortait légèrement du bijou pour montrer l’efficacité de l’utilité. Voilà. Elle avait trouvé une bague, fait la conversation. C’était tout ce qu’il fallait faire. Maintenant il devait simplement valider son choix et la laisser s’enfuir. Donc tu vas rien lui demander sur cette histoire de désintox ? Bah sympa… Bah sympa quoi ? Non, elle n’avait rien à lui demander car ce n’était pas ses affaires. Luca était suffisamment grand pour battre des gens jusqu’au sang, il était donc suffisamment grand pour gérer ses stupides addictions. Non mais pas de soucis… Je vois le genre… Quoi ? Quoi, elle voyait le genre de quoi la petite voix ? Théodora avait été exemplaire ces derniers mois ! Elle ne s’était jamais autant contrôlée de toute sa futile existence alors oui, elle était prête à assumer et dire qu’elle avait bien géré et que son genre était tout à fait correct. Si ça te rassure. Salope de petite voix. « C’est bien que tu ais… Hum…. « Digéré le truc »... Mais… Hum… Je parlais de… »  Oh non, elle allait le faire. Théodora continua à détailler obstinément les bijoux. « De cette histoire de desintox dont tu avais parlé la fois où… Enfin bref… C’était juste pour savoir si ça allait… » Elle se racla la gorge. « Non mais de quoi j’me mêle pas vrai ? C’est pas mes affaires. Je me tais et je retourne aux bijoux. Bijoux pour Anjelica. Voilà faisons comme ça. » Ah bah si ça ce n’était pas de l’éloquence… Théodora était mortifiée et persuadée que son visage avait viré au rouge tomate –plutôt rosé soutenu en réalité-. « Sinon hum… Celle-ci ? » Tenta-t-elle pour noyer le Strangulot en montrant la première bague qui passa dans son champ de vision.

Qu’espérait la comptable avec ses questions ? Pourquoi continuait-elle de s’inquiéter alors qu’elle le détestait ? Alors qu’elle l’avait trahi, que leur relation, dès ses premiers instants dans la Cosa Nostra n’était que mensonge ? Non… Tout n’était pas mensonge. Il avait voulu qu’elle le lui dise mais elle le lui avait bien renvoyé à la figure. Il n’y avait eu qu’un mensonge. Tout le reste était vrai. C’est quoi tout le reste ? Aucune idée.

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To play by the rules
But we quickly found
It was just for fools
But through all the sorrow
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And the truth of the matter is
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dora&luca || mi septembre 2020, fin d'après-midi

Sans importance. Tu poses ton regard sur Théodora et tu te demandes pourquoi cela ne peut jamais être simple avec elle. Vous marchez sur des œufs en permanence, sans arrêt depuis le procès mais tu occultes le fait que c’était déjà le cas bien avant. Depuis l’entrée de la jeune femme dans la Cosa Nostra. Tu aurais dû te rendre compte plus tôt qu’il se passait quelque chose mais tu avais fait l’autruche ta technique préférée, tu avais fermé les yeux sur les signes, sur les indices parsemés ici et là par la jeune femme. Si tu avais été plus attentif, davantage sur la réserve, vous n’en seriez peut-être pas là, tu n’aurais pas dû baisser ta garde. Mais c’est trop tard désormais, il fallait donc assumer. Et si assumer c’était de remettre les choses à plat ? D’enfin arrêter de se voiler la face ? Tu décides de faire preuve de franchise alors tu dis : « C’est pas sans importance pour moi. » Mais tu capitules, tu n’insistes pas. Tu ne veux pas jeter de l’huile sur le feu parce que tu as l’impression que vous ne faites que ça avec elle, sans arrêt. Le feu s’atténuait parfois, devenant de simples braises encore ardentes mais il ne suffisait que d’un souffle, une vulgaire brise pour le ranimer en quelques secondes. Actuellement, les flammes brûlaient encore mais plus faiblement. Avais-tu réellement envie qu’elles s’attisent à nouveau ? Vous aviez encore trouvé un certain équilibre, à nouveau. Mais peut-être que vous êtes voués à rester dans cet entre-deux fragile ? Votre relation ne pourra peut-être jamais être sans tempête. Et le voudrais-tu vraiment ? Tu n’en sais rien.

Tu chasses de tes pensées ces questionnements parce qu’ils se mélangent dans ta tête depuis six mois donc ce n’est certainement pas aujourd’hui que tu vas avoir des réponses. Encore moins maintenant en choisissant un bijou pour l’anniversaire d’Anja. Pourquoi as-tu demandé l’aide de Théodora ? Pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi cherches-tu à te rapprocher d’elle à chaque fois que vous vous éloignez ? Il y avait d’abord eu ce soir au bar où bourré, tu t’es installé à ses côtés. Puis il y a eu cette fois dans l’ascenseur où tu l’as aidé à se détendre face à sa crise d’angoisse. Puis il y a quelques semaines de cela, quand tu t’étais retrouvé dans l’embrasure de sa porte à lui cracher toute ta haine. Mais malgré tout, tu n’avais jamais pu l’ignorer totalement : peu importe les émotions qui te traversent, que ce soit le désir, la colère, la rage, la fureur, il y avait toujours quelque chose qui te ramenait vers elle. Pourquoi ? Pourquoi ne parviens-tu pas à passer à autre chose ? Pourquoi est-ce si difficile de tout simplement la nexter ? Tu te ranges depuis trop longtemps derrière l’excuse de Jaeden : c’est ce que tu te répètes en boucle depuis des mois. Tu veux être sympa avec elle pour Jaeden, tu veux devenir ami avec elle pour Jaeden, tu veux lui pardonner pour Jaeden. Mais… et si c’était pour toi ? Et si tu te mens à toi-même depuis le début ? Putain t’es totalement paumé mon vieux, te dit la voix dans ta tête et pour une fois, tu es d’accord avec elle.

Tu soupires doucement et te reconcentres sur les bijoux après que Théodora ait accepté de t’aider. Pourquoi a-t-elle fait ça d’ailleurs ? Une multitude de question se bousculent dans ta tête sans que tu ne saches comment y répondre. Faut que tu arrêtes de nier l’évidence, il y a ce truc entre vous que tu ne saurais définir du genre fuis moi je te suis et suis moi je te fuis. Elle aurait dû partir, mettre un terme à toute ce merdier. Mais peut-être qu’elle n’en est tout simplement pas capable ? Tout comme toi ? Tu chasses ces idées de ton esprit pour observer le panel très important des bijoux d’Alcyone. Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Te concernant, le tarif t’importe peu du moment que cela plaira à ta sœur… Et tu espères que cela te rassurerait un peu. Tu écoutes Théodora expliquer qu’elle ne voit pas Anjelica mal le prendre et qu’elle-même souhaiterait s’en procurer. « Oui c’est pas faux… Après je vois pas lui acheter une bague, je laisse ça à Jaeden. » D’ailleurs, si tu ne dis pas de bêtise, il semble même que la bague de fiançailles vient d’ici… Un silence s’installe entre vous alors que tu penses à ta sœur et ton meilleur ami. Tout cela les a tellement affecté eux aussi… Le couple en sortira plus fort, t’en es persuadé mais pour l’instant, ils morflent tout autant que vous. Que vous ? Tu te reprends. Que vous qui Luca ? enchaîne cette putain de voix. Personne réponds-tu dans ton propre esprit, tentant de faire taire cette petite conscience qui s’était installée un peu trop confortablement dans ton cerveau et qui ne souhaite plus s’en déloger. Elle fait chier. Clairement. Parce qu’elle touche juste presque à chaque fois.  

Tu gardes la bouche fermée et ne dis plus rien jusqu’à ce que Théodora ne relance la conversation. D’ailleurs, tu es même étonné qu’elle le fasse : quand elle a accepté de t’aider pour les bijoux, tu n’as pas eu l’impression qu’elle était si ravie que ça. Elle te demande des nouvelles, elle veut savoir comment tu vas. Pourquoi demande-t-elle ça maintenant ? Tu veux enterrer toute cette histoire, tu ne veux plus l’évoquer : c’est encore trop douloureux dans ton esprit. Alors, pour une fois, tu parles avec ton cœur, lâchant un peu du lest. Lorsque c’est fait, tu retournes la question à la jeune femme et tu relèves la tête quelques secondes de la vitrine pour la regarder te donner sa réponse. Elle bafouille, elle se perd dans ses mots, tu pourrais presque voir du rose lui monter aux joues. Mais que croit-elle ? Que t’es un salop dénoué de sentiments ? Cela la choque tant que tu t’intéresses un tant soi peu à ton employée ? Ton employée ? ricane doucement la voix. Oui bien sûr, ton employée. C’est plus simple de la nommer ainsi ; les autres qualitatifs que tu pourrais lui donner ne rendraient certainement pas justice à la complexité de votre relation. Alors un terme neutre et générique comme employée te semble tout à fait approprié.

En réalité, tu as observé Théodora du coin de l’œil certains soirs au Thestral Motor et tu as rapidement compris que si tu noyais ton désespoir dans la drogue et les femmes, elle n’était pas en reste, buvant jusqu’à plus soif et s’offrant aux inconnus qui passent. Tu avais simplement fait comme si ça ne te faisait rien. C’était plus simple, on ne peut décemment pas en demander plus ; après tout vous n’êtes qu’un patron et son employé. Même s’il n’y a pas si longtemps que cela, vous étiez des inconnus le week-end, des inconnus vivant à deux cents à l’heure et profitant de chaque instant. Revenir à la réalité avait été difficile de ton côté et faire le deuil de ça tout autant, malgré la colère et la fureur que tu as ressenti suite aux mensonges. Une part de toi pense toujours que Théodora avait peut-être essayé de te le dire, à sa manière. « D’accord… » C’est le seul mot qui sort de ta bouche. Énoncé sur un ton énigmatique et nébuleux, il voulait simplement signifier que tu n’étais pas dupe mais tu ne seras pas celui qui lui tirera les vers du nez, c’est pas ton genre du tout.

Théodora te montre une bague plutôt jolie mais tu hausses les épaules à nouveau. Pas de bague tu as dit. N’a-t-elle pas écouté ? « Elle te plaît ? Prends la pour toi. Même si tu n’en as clairement pas besoin. » Un flash te submerge tandis que tu revois Giacometti la ruer de coups. « Ou peut-être que si. » Son don l’a sauvée mais ce que tu sais d’elle te fait dire qu’elle n’est pas à l’aise avec celui-ci. Laissant le silence s’installer à nouveau, tu portes ton dévolu sur un collier en argent magnifique, ornée d’une pierre que tu ne saurais reconnaître. Alors que tu allais interpeller Alcyone pour le voir de plus près, la voix de Théodora te sort à nouveau de ta rêverie. Tu ne comprends pas où elle veut en venir. Elle bégaie à nouveau et tu plantes ton regard dans ses yeux bleus pour tenter de mieux saisir ce qui la dérangeait à ce point-là, jusqu’à ce qu’elle lâche une bombe. Tes yeux s’écarquillent et tu restes planté là comme un con. Tu entends à peine ce qu’elle dit ensuite, en réalité tu n’entends même pas du tout. Tu as la gorge sèche. Tu te souviens pas avoir parlé de ça. Sous le coup de la colère, avais-tu lâché une information tenue secrète depuis bien trop longtemps ? T’es paumé. La seule chose qui te semble adaptée, c’est de réagir comme tu le fais d’ordinaire, sur un mode défensif. Alors, un semblant de sourire narquois s’installe sur ton visage et tu tentes de dédramatiser la situation : « Tu t’inquiètes pour moi toi maintenant ? » Tu fronces les sourcils, laissant apparaître ce que tu penses réellement ; t’es surpris en fait. « C’est vrai que c’est pas tes oignons. » dis-tu d’un ton un peu plus sec. Tu ajoutes : « Je croyais que tu me détestais. » T’es pas cool. C’est toi qui a dit ça en premier lors de votre dispute, elle n’a fait que te suivre sur ce chemin. Mais bon, tu t’en fous, tu veux détourner Théodora de la conversation même si tu sais que c’est impossible. Alors, tu capitules à nouveau parce que ce n’est de toute manière plus un secret pour personne : que ce soit Anje, Jaeden ou même Adèle, ils sont déjà tous au courant que t’es pas capable de tenir sans te droguer. « J’ai replongé de toute manière. Donc t’inquiète, tu seras peut-être bientôt à nouveau débarrassé de moi. Tu dois être contente. » Tu ne veux pas lui laisser le temps de répliquer ou de dire quoi que ce soit alors tu te tournes vers le comptoir et appelles : « Alycone ? » La jeune femme se dirige vers vous et vous offre le plus beau des sourires. T’aimes bien cette femme, elle est marrante. Elle fait partie des ambassadeurs depuis quelques semaines seulement : tu la connais réellement depuis bien peu de temps mais assez pour l’apprécier. « Je peux voir ce collier de plus près s’il-te-plaît. » La propriétaire de l’atelier des Pléiades se place derrière le comptoir et déverrouille à l’aide du clé magique le présentoir que vous regardiez depuis quelques minutes. « Celui-là ? » demande-t-elle en pointant celui que tu as choisi et tu acquiesces doucement. Elle sort délicatement le collier et le place devant vous ; tu te penches pour en examiner chaque détail. C’est vrai qu’il est beau mais tu n’es pas certain qu’il convienne à la peau et au style de ta sœur. Tu te tournes vers Théodora et lui demandes : « Je peux voir ce que ça donne sur toi ? » Tu demandes pas, tu fais. Sans attendre, tu te glisses derrière elle sur un air de déjà-vu coucou petit ascenseur et places le collier autour de son cou. Le fermoir est délicat et tu frôles à de nombreuses reprises sa peau et tu te dis que c’était une putain de mauvaise idée. Une fois que tu as réussi, tes mains s’attardent un peu trop sur ses épaules avant de la forcer à te faire à nouveau face pour regarder. Le collier jure avec la peau laiteuse de Théodora et réhausse avec grâce son cou et ses clavicules. Tu ne saurais dire pourquoi, mais ce bijou ne conviendrait effectivement pas pour Anja mais putain, ce qu’il était joli sur elle.  
 

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Mi-septembre 2020 | Atelier des Pléiades | Fin d'après-midi

« C’est pas sans importance pour moi. » Un nouveau regard surpris de Théodora. Qu’était-il arrivé au Luca Zabini des derniers mois, voire des dernières années, qui désirait avoir ses réponses immédiatement, ne lâchant rien, et surtout pas elle ?! Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait. Certes, leur relation semblait s’être apaisée. Mais le grand écart effectué était d’autant plus grand que leurs mots avaient été durs quelques semaines plus tôt dans le bureau de Dora. Cela n’était à n’y plus rien comprendre. Que voulait-il d’elle ? Il allait falloir que l’Italien soit plus consistant dans ses actes car sinon, Dora risquait de continuer à être perdue, encore et encore.

L’attention fut rapidement amenée au choix d’un bijou pour Anjelica. Proposition absolument étrange et fait encore plus étrange Dora avait accepté. Que s’était-elle dit ? Ah oui : il s’agissait de maintenir des liens cordiaux avec Luca pour que celui-ci ne reparte pas dans ses hurlements. Il allait falloir un moment  pour revenir à ce qu’ils étaient avant cette histoire de procès… Était-ce seulement possible ? L’était-elle toujours -comment l’avait-elle formulé ?- attachée ?! Elle avait entraperçue un Luca moqueur mais si ouvert, attentionné, drôle et… Pourquoi se remémorait-elle cela ? Tout ça n’avait plus d’importance comme l’avait si justement souligné ledit Luca à leur dernière vraie conversation. Théodora s’était bercée d’illusions alors même qu’elle savait pertinemment que rien n’aurait pu bien finir. Elle s’était laissée glisser dans un apparent soulagement alors même que les fils retenant le couperet ne cessaient de s’effilocher. Seulement voilà, elle pensait que la lame ne serait que pour elle alors que celle-ci s’était également abattue sur Luca. Pouvait-elle ainsi lui en vouloir de la haïr ? Non pas vraiment. Et il était temps qu’elle s’éloigne pour qu’à sa prochaine chute, l’Italien soit épargné.

Sa concentration était à présent sur les bijoux alors qu’elle essayait de répondre à la demande de Luca. Certes elle n’avait vu que les bagues de défense mais effectivement, maintenant que le Zabini le pointait du doigt, un autre type de parure risquait d’être plus approprié. « Oui bien sûr… » Ajouta-t-elle plus par politesse qu’autre chose. Le silence s’éternisa et après un combat avec sa conscience, Dora se décida à prendre des nouvelles de Luca. Celui-ci avait morflé. Et elle le connaissait suffisamment pour savoir qu’il paraissait toujours sûr de lui sans l’être pour autant. Leurs nombreuses discussions avaient été claires là-dessus.  Mais il la comprit de travers, encore, et eut même l’audace de lui retourner la question. Prise au dépourvu, Théodora se raccrocha à une réponse bateau, classique, qui la sortirait de ce mauvais pas. « D’accord… » La jeune femme sentait bien que sa réponse ne l’avait pas particulièrement convaincu. Mais après tout, il n’en avait rien à faire, pas vrai ? Elle lui épargnait la gêne de devoir discuter de son état d’esprit qui n’était pas au mieux. Théodora préféra repartir dans la contemplation des bijoux. Un léger voile de tristesse, fugace, passa sur les traits de la jeune femme alors que Luca lui indiquait qu’elle pourrait en avoir besoin. Oui probablement. « J’y réfléchirai. » Répondit-elle évasivement. Avec son refus catégorique de refaire appel à son don dans quelle que circonstance que ce soit, Théodora considéra sérieusement l’idée. Mais elle verrait plus tard.

Sachant que son propre mal-être était profond, elle supposa que celui de Luca l’était tout autant. Plus encore lorsqu’il avait lâché cette info de désintox. Elle savait qu’il aimait la drogue, comme toute personne censée. Mais il y avait « aimer » et « être accro ». Et parfois, la frontière semblait bien mince. Alors sur les conseils de sa conscience, elle tenta d’en savoir plus. Juste pour être sûre. Juste pour s’assurer qu’il allait mieux. Voilà tout. « Tu t’inquiètes pour moi toi maintenant ? » Théodora leva les yeux au ciel. Non, il avait raison, elle s‘en foutait de lui... Est-ce que tu crois seulement ? Non… Bien sûr que non. Malgré tout ce qu’il avait fait, elle avait pris le recul nécessaire pour comprendre qu’il avait agi au mieux. Pire, elle reconnaissait qu’en un sens il lui avait même sauvé les fesses. Alors sa haine et sa colère s’étaient atténuées pour laisser place à quelque chose d’autre… Quelque chose qu’elle ne voulait pas ressentir : de la compassion et une honte de l’avoir obligé à vivre tout cela. « Je ne ferai plus cette erreur. » Rétorqua-t-elle froidement alors qu’il reprenait de plus belle avec ses piques. Mais sa dernière remarque, sur sa replongée dans les affres de l’addiction la blessèrent plus qu’elle ne pensait. Elle ouvrit la bouche pour rétorquer mais il ne lui en laissa pas le temps.

Alcyone arriva à son appel et Théodora jugea bon de ne pas continuer la conversation en sa présence. Elle détailla le collier choisit par le jeune homme et le jugea plutôt joli. Totalement quelque chose qu’elle-même serait prête à porter. Parfait, Luca semblait avoir trouvé, ils allaient pouvoir repartir à s’ignorer. « Je peux voir ce que ça donne sur toi ? » Théodora fut rappelée à la réalité mais déjà Luca se plaçait derrière elle pour le lui faire essayer. La jeune femme se figea alors qu’elle ressentait le souffle de l’Italien sur sa nuque, que ses doigts effleuraient son cou et y restèrent bien plus que nécessaire. Son cœur s’arrêta ou s’accéléra, elle n’aurait su le dire tant elle était focalisée sur Luca. Bien malgré elle, toutes les douces sensations qu’ils avaient pu vivre tous les deux lui revinrent. Elle dût se faire violence pour ne pas se laisser aller doucement en arrière et s’appuyer sur lui. Ses mains sur ses épaules la firent se tourner pour lui faire face. Les lèvres entrouvertes, Théodora tenta de maintenir une respiration calme même si tout s’affolait à l’intérieur. Elle croisa les yeux de Luca mais se dépêcha de les détourner vers un miroir. Avec précipitation, elle détailla le collier et répondit catégoriquement. « Ça n’ira pas du tout à Anjelica. Ce n’est pas son style et cela jurerait avec ses tenues. » Elle s’empressa de détacher le collier. Luca fit mine de vouloir l’aider mais elle l’arrêta. « Non non je peux le faire toute seule. » Elle ne voulait plus qu’il lui effleure si obscènement la peau. Cela ne serait qu’encore plus douloureux. Mais merde, pourquoi se mettait-elle dans des états pareils ?! J’ai bien une réponse mais… Non. Il n’y avait plus rien entre eux. Y avait-il eu seulement quelque chose ? Quoi qu’il arrive, c’était trop tard et cela faisait trop mal. Foutu cœur. Foutue vie. Foutus choix. « Alcyone, pourrais-tu nous apporter ta dernière collection de bracelets s’il te plait ? Il y en avait un avec des améthystes, sublime, qui je suis sûre plaira à Anjelica. » La bijoutière acquiesça, récupéra le collier que Dora lui tendait et partit à la recherche dudit bracelet dans une autre vitrine.

Théodora avait besoin de s’énerver. Oui il fallait qu’elle maintienne cette distance et cette antipathie à l’égard de Luca. C’était plus simple avec. Elle lui fit face et commença ses reproches. « Tu sais quoi ? Si, c’est mes oignons car si tu te barres à nouveau va encore falloir que je gère. » Elle serra les dents. « Et t’es gonflé de me balancer que je te déteste alors même que t’étais pas en reste sur le sujet si ma mémoire est bonne ! » Qu’avait-il dit encore ? « Et je vois l’estime que tu as de moi, ça fait plaisir. T’as vraiment pas changé en fait ! T’es toujours un abruti de première qui préfère se cacher derrière des reproches que de, ne serait-ce un instant, te mettre à la place des autres. Tu me considères toujours comme une connasse opportuniste c’est ça ?! Génial. Mais qu’est-ce que tu crois ? Bon sang Luca, tu crois vraiment que je serai ravie de te voir repartir ? » Théodora voulut ajouter une pique bien sentie, une parole blessante pour prouver à Luca qu’effectivement elle serait absolument ravie de le voir repartir, sombrer dans ses addictions loin d’elle et de ses problèmes. Seulement voilà, rien ne lui vint. Elle resta ainsi quelques secondes, avec cette question qu’elle voulait rhétorique, perdue dans l’air, qui semblait appeler une réponse qu’elle ne voulait surtout pas donner. Son regard, d’abord si dur venait de laisser transparaitre à quel point la remarque de Luca lui avait fait mal.

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dora&luca || mi septembre 2020, fin d'après-midi

Bien sûr que cette situation est inhabituelle. C’est la première fois que vous vous retrouvez dans des lieux plus neutres, moins empreints de l’ambiance parfois lourde de la Cosa Nostra ; alors ici, dans l’atelier des Pléiades, alors que votre rencontre n’était ni planifiée, ni préméditée, tu sens un peu perdu même si tu tentes de donner le change. Tu n’as jamais vraiment digéré ce qu’il s’est passé lors de ce soir de juillet, ce fameux soir où tout a basculé. Et tu n’arrives toujours pas à comprendre pourquoi tu as pu pardonner à Jaeden et en vouloir autant à Théodora ; ce n’est pas logique, ce n’est pas anodin et tu le saurais si tu voulais ne serait-ce qui penser à nouveau mais tu préfères balayer tout cela et faire comme si tout allait bien. C’est encore le cas aujourd’hui alors que le Luca drôle et rieur est réapparu, tentant de reprendre le dessus, et qu’il a embarqué Théodora dans cette chasse aux bijoux ridicule. Tu aurais très bien pu te débrouiller seul pour trouver le cadeau d’Anja, comme tu le fais depuis trente ans. Mais sur le moment, cela t’a simplement semblé être une bonne idée. Tu te convaincs de cela en supposant que c’est parce qu’elle a un goût très sûr en matière de mode, probablement plus que toi, même si au fond de toi tu sais que ce n’est pas l’unique raison. L’autre raison reste bien verrouillée au fond de ton cœur et n’appelle qu’à se faire oublier. Oublier, c’est plus simple après tout ; tu sais que cela te permettra de moins en souffrir et d’arrêter de te poser des questions qui n’obtiendront aucune réponse.

Alors que vous vous concentrez sur les bijoux, la conversation prend un tournant que tu n’avais pas anticipé lorsqu’elle évoque ta santé. S’il y a eu méprise sur le sujet, Théodora ne manque pas de te faire comprendre qu’elle ne parlait aucunement du procès mais bien de la révélation effectuée sous le coup de la colère il y a quelques semaines. Ta cure de désintox. Toi qui croyais qu’elle savait déjà… En vérité, tu étais persuadé qu’elle avait déjà compris : une période d’absence aussi longue, Jaeden et Anjelica au courant, ils auraient bien pu lui dire. Son air abasourdi montrait qu’effectivement, ta sœur et ton meilleur ami avaient su tenir la langue et tu leur en es reconnaissant que cela ne se soit pas ébruité davantage. C’était une période de ta vie que tu ne savais pas commenter et que tu ne voulais pas commenter : il y avait cette faiblesse en toi, cette faille à exploiter par vos ennemis, cette honte grandissante de ne pas avoir pu protéger ce qui t’est le plus cher. Alors comme en homme imparfait que tu es, tu préfères tourner ce qu’elle a dit à ton avantage en lançant un pique à la jeune femme ; toujours retourner la situation, ne jamais lui laisser l’occasion d’apercevoir cette faille. S’inquiète-t-elle vraiment ? te demande la petite voix. Où est-ce simplement pour être polie ? demande l’autre, celle qui est davantage terre à terre, celle que tu écoutes la plupart du temps. Tu n’en sais rien même si tu espères qu’une part d’elle soit sincère. Tu n’arrives plus à comprendre la belle comptable, encore moins à lire en elle. C’était trop difficile de percer ses secrets, ils étaient bien trop enfouis, tout comme les tiens. Vous faites la paire, murmure la première voix. Pour une fois, tu es d’accord avec elle.

Tu regardes Théodora lever les yeux au ciel alors que tu lui craches ton venin. Elle rétorque tout aussi sèchement et froidement que toi qu’elle ne compte plus faire la même erreur et tu comprends aisément pourquoi elle pense ça. Alors tu cherches à échapper à la conversation en appelant la maîtresse des lieux ; voir un collier de plus près te permettra peut-être d’y voir plus clair. Parles-tu seulement du collier Luca ? Tu te mords les lèvres tandis qu’Alycone sort le collier que tu souhaites peut-être offrir à ta sœur. En le voyant et en le soupesant, tu te rends compte que tu pourras mieux l’imaginer porté alors sans demander la permission à ton employée -c’est tellement facile de dire employée, comme si cela la mettait à bonne distance de toi-, tu attaches le collier autour de son cou. Ce simple geste idiot ne te fait pas rien et tu refreines un frisson qui te parcourt l’échine. Pourquoi tes mains sur sa peau te font-ils l’effet d’une bombe ? Une fois face à elle, tu t’appliques à observer ce foutu bijou alors que ton regard meurt d’envie de se perdre dans le creux de sa poitrine et tu te mords à nouveau les lèvres pour ne pas faire quelque chose que tu pourrais regretter. Tu es chamboulé par cette simple caresse, comme si le fait de se toucher à nouveau, d’avoir cette proximité remettait en question tout le reste, tout ce que tu t’es appliqué à rebâtir depuis le procès ; une relation calme, détachée, professionnelle sans sexe, sans sous-entendus graveleux, sans saveur. Putain, tu t’ennuies d’elle. Cela vient de te péter à la gueule.

C’est Théodora qui te sort de tes lamentations en estimant que ce collier ne conviendrait pas à ta sœur. C’est ce que tu pensais tout à l’heure. « Je suis d’accord. » Tu esquisses un mouvement pour lui retirer le bijou mais elle s’y refuse et tes bras retombent mollement le long de ton buste. Cela la dérange-t-elle autant que toi d’initier un quelconque contact physique ? Putain… Tu ne sais pas pourquoi mais te rendre compte de ça te bouleverse mais tu n’en montres rien. C’est bien assez compliqué comme ça. Tu laisses la jeune femme rendre le bijou à Alcyone et elle lui demande une collection de bracelets. Tu laisses faire, après tout, pourquoi pas, tu étais plutôt parti sur un bracelet toi aussi. Tu soupires doucement et gardes le silence en attendant qu’Alcyone revienne mais la quiétude ne dura pas longtemps car aussitôt la jeune bijoutière hors de leur portée, Théodora fait volteface et son attitude te fait soudainement réaliser à quel point elle est furieuse. Qu’as-tu dit, qu’as-tu fait encore ? Cette femme est une putain de grenade qui n’attend qu’une seule chose : qu’on la dégoupille pour la faire exploser. Et tu es un putain d’expert en la matière. « Que tu gères ? Laisse-moi rire, t’es que comptable, redescends sur terre. » Pourquoi toujours ces mots durs ? Ces mots crus que tu ne pensais pas ? Pourquoi toujours se repousser si vivement ? Rien n’était jamais simple avec elle. Pour le reste, tu la laisses terminer son monologue de haine et de conneries tout en te rendant compte que chaque mot qu’elle prononce pourrait lui être retournée. Putain, la belle affaire.   « A ce que je sache, c’est Anje et Jaeden qui ont tout géré comme tu dis, et je les remercie chaque jour pour ça. » Tu grommelles toi aussi mais tu n’as guère envie de hausser le ton, pas ici non. Alcyone mérite pas ça, elle ne mérite pas une petite crise existentielle devant ses clients. Tu chuchotes : « Mais quels reproches ? Dis-moi quelle partie de ce que je viens de dire est fausse. Arrête de faire comme si mon sort t’intéressait. » Tu repenses à sa dernière phrase : « Qu’est-ce que j’en sais moi ? Enfin si, bien sûr que je le sais, tu l’as clairement formulé à plusieurs reprises. C’était plus facile avec Anja, c’était plus facile quand j’étais pas là blabla. Ce sont tes mots. Alors évidemment que mon départ te soulagerait. Fais pas comme si j’avais une putain d’importance à tes yeux. » Peut-être que... Et si tout ce cirque, c’était ça finalement ? A s’attacher. Les mots prononcés dans son bureau te reviennent encore une fois en tête. « Enfin… Putain. Je sais plus. Tu… » Tu ne termines pas ta phrase. Elle te fait perdre la tête, tu ne comprends jamais rien avec elle. Tu soupires avant de lui demander : « Pourquoi est-ce si difficile entre nous Dora ? » Tu la regardes dans les yeux, tu la fixes si attentivement, les bras serrés contre ton buste, ne remarquant même pas que tu as laissé échapper le surnom qu’il ne faut pas. Tu as lâché prise, encore une fois. Une fois de trop sûrement. « Rentre chez toi, j’vais me débrouiller tout seul pour la suite. » lâches-tu un peu amer, pas certain de vouloir encore chercher la confrontation.

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Car je suis fou de toi quand tu ne m'appartiens pas - Lora VII
Luca & Théodora
Mi-septembre 2020 | Atelier des Pléiades | Fin d'après-midi

Toute cette mascarade commençait à user les nerfs de Théodora. Luca et elle ne faisait qu’hurler, se détester sans discontinuer. Et malgré tout, il y avait toujours ce fil tendu, presque invisible, qui ne leur permettaient jamais tout à fait de se séparer. Il continuait sans cesse de la ramener vers lui et elle n’arrivait pas à le sortir de sa tête. Ces cris, cette haine, cette douleur aurait dut y mettre un terme. La coupure aurait dû être nette, propre et ne pas s’infecter et se déchirer comme elle le faisait maintenant. Ils méritaient l’un comme l’autre de se libérer de leur emprise. Dora avait essayé de le détester et de l’ignorer mais rien n’y faisait, elle se retrouvait toujours au même point, presque prisonnière de l’Italien qui n’en avait plus rien à faire d’elle. Ces mains qui effleuraient son cou, ce n’était pas sain qu’elle en soit autant déstabilisée. Elle savait qu’il ne faudrait qu’un pas en avant pour qu’elle puisse retrouver ces bras et ces rires.  Enfin, cela, c’était avant. Avant quand tout était déjà suffisamment compliqué sans y rajouter un mensonge et une blessure profonde. Théodora ne voulut plus rien sentir, plus rien venant de Luca. Pourquoi était-ce si compliqué ?! Cela devait être la dixième fois qu’elle se promettait de s’éloigner, de ne plus rien attendre de lui. Et pourtant à chaque fois, une foutue lueur d’espoir se matérialisait. Et à chaque fois elle était déçue, triste et honteuse.

Il n’y avait bien que la colère qui laissait tous ses sentiments bien loin. Il n’y avait que la colère qui faisait encore réagir Luca. Après que Dora ait rendu le collier et qu’Alcyone soit parti chercher des bracelets, Théodora repartit au front. Luca était comme à son habitude injuste envers elle. Il ne faisait que la rabaisser sans cesse pour ne jamais se dévoiler lui-même et rester dans son petit rôle de chef qu’il affectionnait tant. Oui c’était une question de survie. Mais il n’avait pas besoin d’être un connard tout le temps pour faire survivre la Cosa Nostra. Et en cet instant, il n’échappa pas à la règle. « Que tu gères ? Laisse-moi rire, t’es que comptable, redescends sur terre. » Un classique. Taper sur son poste, c’était trop facile. « J’ai quand même plus géré que toi à cette période puisque t’avais disparu des cartes ! » Répondit-elle acide, chuchotant autant que Luca, la colère vibrant dans tout son être. Pourquoi n’arrivait-il pas à reconnaître quoi que ce soit de lui : ses envies, ses joies, ses peines, quelque chose, n’importe quoi ! Qu’il se montre vivant et pas juste un chef de mafia lambda ! Théodora avait envie de le secouer  et de l’insulter devant tant de lâcheté.

Bien sûr que Jaeden et Anjelica avait tout fait. Mais bon dieu elle aussi ! Pourquoi était-ce si compliqué pour lui de le reconnaître ?! Pourquoi ne pouvait-il pas la remercier ?! Pourquoi ne pouvait-il pas accepter qu’elle ait aussi aidé. Et pourquoi ne pouvait-il pas la pardonner ?! Chacune de ses paroles suivantes lui firent l’effet d’un coup de poignard. Théodora sentit quelque chose lâcher en elle. Peut-être était-ce enfin ce foutu fil qui les reliaient l’un à l’autre ? Peut-être qu’elle était enfin libre et que son ivresse avait pris fin. Elle avait fait tellement d’effort, tellement d’effort pour lui montrer… Lui montrer quoi Dora ? L’espace entre eux, c’était elle à chaque fois qu’il l’avait comblé. Mais rien ne s’était passé, comme si un pas en avant correspondait à dix pas en arrière. Les épaules de la jeune femme s’affaissèrent légèrement alors qu’elle le fixait, d’un visage qu’elle voulait fermé mais qui malgré tout laisser suinter toute sa tristesse, ses blessures devant tant d’affronts ainsi qu’une pointe de résignation. Il n’y avait plus rien à sauver. Elle n’avait fait qu’osciller entre le détachement le plus total et le « et si on revenait comme avant ». Mais avant même que la partie ne recommence, elle aurait dû se douter que rien ne fonctionnerait.

« Pourquoi est-ce si difficile entre nous Dora ? » Dora soutint le regard de Luca alors même qu’elle sentait ses yeux se mouiller. Elle haussa les épaules en guise de réponse. Elle déglutit lentement pour éviter les trémolos dans sa voix. Elle ne pleurerait pas devant lui, elle ne lui donnerait pas cette satisfaction. « Parce qu’on est pas foutu de se comprendre. Pourtant entre hypocrites ça aurait dû fonctionner non ? » Elle détourna les yeux et remit ses vêtements en place pour se donner une certaine contenance. Ils avaient atteint le point de non-retour. Elle était tellement hors d’elle qu’elle ne remarqua même pas le « Dora » qu’elle appréciait temps. « Tu sais quoi Luca. Si t’arrêtais deux secondes de fixer ton nombril, tu te rendrais compte que parfois, seulement parfois t’es pas le seul à protéger les autres mais que les autres te protègent aussi. Et c’est pratique de ressortir mes mots d’il y a six mois, hors de leur contexte comme ça t’arrange, parce que c’est ce que tu fais Luca, tu utilises exactement ce que tu veux quand tu veux et tant pis pour le reste. » La mâchoire de Théodora se serra. Elle eut envie de le frapper, alors même qu’elle n’était pas franchement violente. Elle se rapprocha de lui en serrant les poings mais se retint, à quelques centimètres à peine de l’Italien. La rage et l’amertume de ses paroles la faisaient vibrer d’énervement. Il avait le droit d’être énervé, mais bon dieu elle aussi ! Si proche de lui, la tension dans l’air lui donna presque envie de l’embrasser. Mais elle était trop hors d’elle pour qu’elle ne l’envisage sérieusement.

« Rentre chez toi, j’vais me débrouiller tout seul pour la suite. » Quelques secondes de silence, à se fixer ainsi. «  Je pense que c’est mieux effectivement. » Dora se recula en secouant lentement la tête. « J’suis pas ta mère Luca. Si t’as des problèmes de confiance en toi, c’est pas à moi de te soigner. » Elle recula d’un autre pas. La Gryffondor en elle lui intima un dernier rugissement. « Ouai t’avais une putain d’importance à mes yeux. Mais j’ai juste été trop conne pour penser que ça pourrait, ne serait-ce qu’un peu, être réciproque. » Théodora attrapa son sac et ses paquets. Ses dents étaient serrées pour l’empêcher de trembler. Elle lui jeta un dernier regard. « Et te sens pas le besoin de me réadresser la parole. Parce que bon, on sait tous les deux comment ça se finit : va te faire foutre Luca. » La jeune femme se détourna sans plus de cérémonie et partit vers la sortie. Elle croisa Alcyone qui revenait avec le plateau empli de bracelet. Elle montra celui en améthyste qu’elle avait repéré précédemment. « Oui celui-ci sera vraiment parfait pour Anjelica. Mais je laisse à l’expert le soin d’en prendre un autre, lui qui aime tellement suivre son propre avis. Bon courage Alcyone. »

Théodora ne se retourna pas et sortit immédiatement de la boutique. Son cœur battait à tout rompre, les larmes se libéraient enfin de ses yeux et roulaient paresseusement sur ses joues. Elle garda sa concentration pour transplaner rapidement et se retrouver chez elle. Le fil était enfin rompu. Il n’y avait plus rien à se dire. Plus rien à faire. Elle était libre. Libre de ne plus vouloir aider quelqu’un qui ne voulait pas de son aide. Libre d’une affection qui n’avait qu’un sens. Libre… Pourtant elle ne faisait pas ça. Ça quoi Dora ? Pouvait-elle seulement le reconnaitre ? Oui : s’attacher à un homme autre que Jaeden. Mais elle le savait qu’à chaque fois cela se finissait mal. Dans cette histoire, dès le début la pomme était pourrie de l’intérieur. Et elle s’était évertuée à y croquer alors même que l’intoxication lui cisaillait les tripes. N’apprendrait-elle jamais ? Rien de ce genre ne fonctionnait pour Théodora Haig. Elle se versa un verre de rhum comme pour sceller cette malédiction qui n’était pas la seule qui la suivait.

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Avec Théodora, c’est toujours la merde. Il n’y avait jamais un instant où cela pouvait être calme et posé sauf peut-être après s’être envoyé en l’air, et quoi que c’est pas sûr. Tu le sentais bien pourtant aujourd’hui ; vos relations étaient redevenues cordiales et professionnelles -ou presque-, disons que chacun faisait des efforts pour aller dans ce sens-là. Tu en faisais toi aussi ; d’énormes efforts. Il y avait toujours cette voix dans ta tête qui te disait que tu devais faire en sorte d’être sympa avec elle pour Jaeden mais si cela fait longtemps que tu ne crois plus à cette raison-là. C’est elle qui te fait faire ces efforts-là. Elle. Si une autre avait fait ce qu’elle a fait, tu ne serais certainement pas en train d’essayer de renouer le moindre contact avec elle puisque tu aurais rayé cette personne de ta vie ; qu’est-ce qui faisait qu’elle était différente ? Pourquoi était-elle différente ? Tu n’en sais rien du tout.

Avec Théodora, c’est souvent la colère. Il ne pouvait pas y avoir un autre mode de communication. Il y a eu le sarcasme à un moment, puis les taquineries ; mais la colère revenait bien trop souvent à la charge au point qu’on en oublie qu’il n’y avait pas eu que des mauvais moments. Au contraire. Mais ce sont ceux-là que tu retiens, ce sont ceux-là qui te restent en mémoire et qui te reviennent à l’esprit à chaque fois que tu fais un pas vers elle. Peut-être que vous ne savez pas vous comportez autrement. Peut-être que tout cela est voué à l’échec ? Peut-être qu’il fallait mieux tout abandonner après tout. Tu es las de te battre, las de faire des efforts mais pourtant, tu reviens à chaque fois reprendre une gifle en pleine poire, pire encore, tu en redemandes. Tu lèves les yeux au ciel alors qu’elle te balance dans un murmure qu’elle en avait toujours fait plus que toi puisque toi, tu n’es pas là. Tu réponds à ton tour : « Y avait ma sœur, elle a ma confiance. » Comme si cela suffisait même si ce n’est pas de ça dont elle parle mais c’est la seule réponse que tu peux lui offrir pour le moment.

Avec Théodora, c’est parfois l’incertitude. À chaque fois. Alors que tu t’ouvres un peu à elle, en lui demandant pourquoi c’était si difficile entre vous, alors que tu t’attendais à une réponse différente, Théodora te surprend par son ambivalence : d’un autre côté tu perçois ses yeux mouillés et tu meurs d’envie de la réconforter, de l’autre sa voix s’emporte et elle te fait encore et toujours des reproches. Reproches plus ou moins fondées, tu l’accordes, mais il n’en demeure pas moins que cela rend la conversation encore plus nébuleuse qu’elle l’était en arrivant. Tu t’attendais à un échange simple, éloigné des lieux de la Cosa Nostra empreint de votre histoire ; même ça, ce n’est pas possible, même ça, c’est impossible. « Putain, tu me fais chier Théodora. » C’est toujours ce que tu lui dis quand tu sais qu’elle est dans le vrai. Bien sûr que vous êtes hypocrites tous les deux, bien sûr que vous n’êtes que des putains de marionnettes dans ce jeu et tu aimerais tellement savoir qui tire les ficelles. Cela te permettrait d’aller lui exploser la gueule pour enfin en finir avec tout ça.

Avec Théodora, c’est également aussi l’inconstance. Tu ne sais jamais à quoi t’en tenir, ni à quel saint te vouer. Ses réponses, ses réactions, sont pour ainsi dire, imprévisibles. Elle s’approche de toi, tu soutiens son regard à la fois flamboyant et larmoyant sans savoir comment tu dois lui répondre. Sa proximité te rend chèvre et tu meurs d’envie de te rapprocher encore tout en sachant que tu dois à tout prix l’éviter si tu ne veux pas aller au casse-pipe. Tes doigts s’agrippent au présentoir en verre pour ne pas succomber à d’autres bas instincts. Tu lui demandes de rentrer, il n’y a que cela qui pourra te permettre de reprendre le contrôle sur la situation. Sa présence ne fait qu’empirer ton état. Les mots qu’elle prononce ensuite ne font qu’accentuer ton énervement et tu te retiens de ne pas lui rentrer dedans. « J’ai pas de problèmes de confiance en moi, mais je pense que toi oui. » dis-tu d’un air détaché.

Avec Théodora, c’est aussi souvent l’incompréhension. Alors qu’elle recule, prête à continuer à cracher son venin, les mots qui sortent de sa bouche sont comme un poison qui vient te tordre les boyaux. T’avais une putain d’importance à mes yeux. Cela te retourne et tu ne sais pas comment gérer ce second aveu à mi-mots. S’attacher. Importance à mes yeux. Cela commence à faire beaucoup. Pourquoi tu as envie d’y croire ? Tes réactions demeurent bloquées dans ton estomac alors qu’elle t’intime ne plus jamais lui adresser la parole. Pourquoi ? Pourquoi putain. Tu restes immobile alors qu’elle sort de la pièce tout en pointant un bracelet pour Anjelica. C’est bête, cela te paraît bien dérisoire maintenant. Alcyone revient vers toi et tu laisses ton regard se reconcentrer sur les bijoux mais celui-ci se détourne une dernière fois vers la porte qui vient de se refermer sur Théodora et tu dis à la jeune propriétaire : « Accorde-moi une seconde. » Tu te précipites à l’extérieur. Tu ne veux pas la laisser partir comme ça, pas après ce qu’elle vient de dire. Être réciproque. Cela l’est. Cela l’était avant juillet. Tu ne sais plus ce que tu ressens, tu ne sais plus vers quoi tu dois tendre ni comment tu dois réfléchir à présent. La rue est déserte et tu retournes à l’intérieur en te souvenant que de toute manière, elle ne souhaitait plus que tu lui adresses la parole. Peut-être que pour une fois, tu pourrais respecter ce qu’elle veut ? Tu retournes auprès d’Alcyone et tranches : « Je vais prendre celui-ci. » en montrant le bracelet que la jeune comptable avait désigné. Tu laisses Alcyone préparer le paquet et sans réfléchir, tu dis : « Je vais prendre aussi le collier s’il-te-plaît. » Celui que Théodora a essayé. Les bijoux d’Alcyone sont uniques et il est hors de question que celui-ci se retrouve un jour à un autre cou.

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