Par Morgane merci ! Quand leur professeur annonça une sortie à Pré-au-lard, Septima eut l’impression de voir apparaître un ange descendu du ciel. Quinze jours que les cours ont repris, le comportement exaspérant de ses camarades lui donne du fil à retordre : elle hésite. Doit-elle se pendre à la plus haute poutre de la volière ou se trancher net la trachée à l’aide d’une baguette bien aiguisée ?

Ça jacasse examen dans les couloirs, veille tard le soir pour philosopher, parle mariage la bouche pleine pendant les repas, calcule les probabilités d’entrée à l’université. Et ils ne sont qu’en sixième année. Que se passe-t-il durant la septième ? On choisit le nom de ses futurs enfants et la maison de repos de nos parents ?

Contente de pouvoir se dégourdir l’esprit loin des futilités d’adolescents, Septima s’était débarrassée sans scrupule de ses camarades de maison pour balader seule dans les rues du village sorcier. Ça grouille d’élèves surexcités et d’adultes au garde-à-vous. L’incident à la Fête étudiante a mis toute la communauté sorcière sur le qui-vive. Sa cuisse qui peut en témoigner approuve cette initiative.

Cette après-midi-là, Septima passe le clair de son temps à promener de boutique d’apothicaire en boutique d’objets et accessoires magiques, interrogeant les commerçants, cherchant un œil expert pouvant lui expliquer l’origine de ce mystérieux Rappel-tout. Le temps défile à vive allure, si bien que l’heure tourne, le vent et le soleil aussi, et tandis qu’un brocanteur lui donne des indications pour trouver le professionnel dont elle a besoin, la majorité de ses camarades de classe se rassemblent pour retourner au château.

On n’est pas à cinq minutes près, si ? Septima sort de chez le brocanteur, faisant tourner le rappel-tout entre ses doigts enfouis dans la poche de sa robe de sorcière. Un vendeur à la sauvette, proposant des anneries à vendre en tout genre, destinées à soutirer le pauvre argent de poches des élèves, lui propose un authentique livre de potion d’amour, offre que Septima décline en lui répondant qu’elle ne sait pas lire. Laissant le sorcier ahuris en pleine réflexion, elle s’éloigne en direction de… des autres qui sont censés être là mais qui ne le sont pas. Par Merlin ! A-t-elle laissé filé autant de temps ?

Loin de s’inquiéter de la situation, Septima détourne les talons. Le temps qu’on s’aperçoive de son absence, elle a le temps d’aller s’acheter une petite glace. Arrivant devant la devanture de Jeffroy Geaipachaud (un concurrent tenace de Florian Fortarome), elle découvre avec stupéfaction que le rideau est tiré. Quoi ? On fait comme les moldus maintenant ? On nous impose un couvre-feu ? La guerre est déclarée et elle s’arrête si tôt dans l’après-midi ? Déçue, elle observe un élève, apparemment plus jeune, ranger sa bourse et tourner les talons avec une grosse glace alléchante. Décidément, elle ne sera pas seule à se faire brimer. Mais lui au moins, il a eu sa glace !

Pas le temps de baver, la voix d’un homme les interpelles. Comment ça on a loupé le coche ? On leur explique qu’il faut rentrer mais qu’il manque quatre de leurs camarades à l’appelle. Des premières années. Septima réprime un soupire de désarroi. La vue de la glace l’a mise en appétit, elle meurt de faim et quelque chose lui dit qu’ils ne sont pas près de manger…

« Peut-être que la cabane hurlante les a mangé ? »

Manger. Elle a tellement faim ! Elle avait parlé sur un ton détaché se rapprochant plus du sarcasme que de l’envie de détendre l’atmosphère. Ca lui apprendra !

Comme c’est étrange ! On se riait souvent d’elle parce qu’elle appelle les gens par leurs noms et prénoms. Voilà que ce jeune garçon donne son âge en addition. Que c’est amusant.

Je m’appelle Septima Ombrage, j’ai quinze ans, et je viens également de Poudlard, répond-t-elle d'une voix détâchée.

Derrière son expression figée parée d’un marbre brut, Septima toise le jeune élève des pieds à la tête. Elle ne se rappelle pas l'avoir déjà croisé. Quinze jours après la rentrée, elle n'a pas encore eut le temps de croiser toutes les têtes. Son camarade de Pouffsoufle a les bras encombrés de paquets. La jeune fille extirpe sa baguette depuis une poche de sa cape vert sapin avant de murmurer :

Extensio epiemeres.Tu peux ranger toutes ses affaires dans ton sac ; il est désormais assez profond.

De visu, le sac semble ne pas avoir changé de forme. Ce n’est qu’un sortilège basique pour agrandir magiquement l’espace d’un fond délimité.

Mais fais attention, le sort ne dure qu’une heure ou deux. On a raté le train, ils ne tarderont pas à s’apercevoir qu’on manque à l’appel.

Son ventre gargouille.

Tu n’aurais pas sur toi une chocogrenouille s’il te plait ?

Ou mille car elle a mille fois trop faim. Une voix masculine les interpelle. Un homme se dirige vers eux. Du premier coup d'oeil, il lui ai parfaitement inconnu. Si Septima avait le sens de la repartie, elle lui aurait répondu qu’elle se moque éperdument du sablier plein de sable vert trônant dans la grande salle. Mais elle songe que ce n’est pas très sympas de faire perdre inutilement des points à ses camarades qui travaillent avec acharnement pour remporter la coupe des quatre maisons.

Laissez-nous vous aider à les retrouver, demande-t-elle d’une voix calme. Cela vous prouvera notre bonne foi. Nous nous sommes fait avoir par le temps, nous aurions préféré être à Poudlard à cette heure-ci, plutôt qu'avoir des ennuis jusqu'au cou.

C'était évident et à la fois rusé. Elle mord dans sa chocogrenouille, la décapitant, en attendant que leur chaperon prenne une décision. Tous les trois se dirigent vers la Cabane Hurlante. Les rues sont désertes, on entend seulement, depuis les Trois Balais, les derniers poivrots entamer Jingle Bell sur un air d’au clair de la lune. Arrivés aux abords de la cabane, Septima s’arrête devant la clôture en bois décrépit qui délimite le jardin de l’étrange maison. On entend des cris. Puis plus rien. Puis encore des cris. Puis plus rien. Une pensée, un souvenir lui traverse l'esprit.

La dernière fois que je m’y suis rendu, explique-t-elle à voix haute, il y avait un épouvantard dans un placard. Au deuxième étage, la dernière porte à droite au fond du couleur.

Elle aurait peut-être dû le signaler. Les cris reprennent de plus belle. Est-ce que les épouvantards se reproduisent ? A en juger par les cris, c'est un peu comme si l'épouvantard rentrait et sortait de son placard à la manière d'un pantin. Dans le placard : pas de bruit. Sorti e de placard : cris. Dans le placard : pas de bruit. Sortie de placard : cris. Et encore, encore des cris !

La fine brise de septembre siffle dans les courants d’airs traversant les couloirs abandonnés de la maison hantée. Certainement que les bruitages ajoutés à l’aspect lugubre effrayèrent Sorin, onze ans, qui vient de Poudlard. Septima l’observe fuir, ses bras encombrés de paquets, comme un Niffleur peinerait à avancer les poches internes bien trop pleines de lourdes pièces d’or.

Leur chaperon s’appuie sur les barrières grinçantes délimitant l’accès à la Cabane Hurlante. Ces signes de fatigue sont étranges. Le monsieur n’a pas l’air si vieux. Sa canne pour appuie et son souffle saccadé lui donnent l’air d’un vieillard de quatre-vingt ans. Peut-être a-t-il des problèmes respiratoires ? Pourquoi leur envoi-t-on des chaperons aux poumons fragiles ? Espérons que ce ne soit qu’un épouvantard qui martyrise les quatre blaireaux fugueurs, Septima ne se sent pas d’attaque pour repousser seule une créature féroce. Toutefois, l’homme prends son rôle de chaperon très au sérieux, l’ayant déjà prié de ne surtout pas s’éloigner. Par les temps qui courent, il se veut prudent. C’est censé.

Face à la cabane remplie des hurlements d’enfants, l’adulte et l’élève s’apprêtent à faire leur entrée.

Tiens, ils vont se faire gober par un épouvantard. Hm … Pour des Poufsouffles, ça ne m’étonne guère.
Le nom d’un Pouffsoufle a été choisi par la Coupe de Feu en 1994. Nymphadora Tonks, Aurores de renommé, morte pour notre liberté, a également étudié dans cette maison, rétorque-t-elle sans animosité aux paroles de l’homme prise au premier degré.

Et, sans plus attendre, l’homme dépasse les barrières pour s’engager dans l’allée.

Pourquoi étiez-vous au deuxième étage de la cabane hurlante dites-moi ? Je dis cela en toute curiosité, mais je croyais qu’elle n’était pas accessible aux élèves.
Je n’y suis pas rentrée, ment Septima en lui emboitant le pas. On me l’a raconté, des étudiants connaissent apparemment un passage, élude-t-elle alors qu’ils faisaient face à la porte d’entrée.

Sous l’action d’un alohomora, la porte cède, dévoilant un couloir sombre, entrecoupé de portes, menant directement à une cage d’escalier. Les cris, poussés par intermittence, semblent s’être amenuis.

Les épouvantards sont-ils mortels ? Se demande Septima à voix haute.

Réalisant qu’elle allait peut-être gâcher leur entrée silencieuse, elle baisse d’un ton.

C’est là-haut, tout au fond du couloir, dernière porte à droite.

Elle se place de côté pour laisser l’adulte passer en premier. Un instant, elle songe lui proposer son bras pour l’aider à monter. Jugeant qu’il pourrait le traduire comme une provocation, elle se ravise et le suit sans mot dire dans les escaliers. Arrivés au deuxième étage, un cri, poussé à l’unisson, pourfend le silence. Le corbeau juché sur un poteau à l’extérieur de la cabane s’envole en batifolant des ailes. Surprise par le cri, Septima sursaute. Un bruit féroce retenti dans la pièce du fond, faisant trembler les murs. Un rugissement. Une vocifération inidentifiable. Figée sur place, Septima observe la porte, refermée, avec de grands yeux ronds.

Peut-être qu’il y en a un qui a peur des dragons…

De la poussière tombe du plafond sous l’influence de la détonation. Peut-être s’est-il fait mangé ? Dévoré un bras ? Coupé la tête ?  Aussi courageuse soit-elle, Septima n’a pas envie de voir des corps démembrés. Septima n’a jamais croisé d’Epouvantard. Elle se demande quelle forme celui-ci pourrait bien prendre en sa présence.
Cela dit, cette balade à Pré-au-Lard est beaucoup moins ennuyeuse qu’elle l’aurait pensé. Extirpant sa baguette, elle lance un regard à l’adresse de l’homme à la canne pour attendre son feu vert (rien ne remplace l’expert).

C’est donc sûrement le moment où vous allez me donner les noms de ceux et celles qui sont entré dans la Cabane Hurlante sans le consentement d’un adulte. Non ?

Septima ralenti le pas un instant, comme frappée de surprise. Elle papillonne des cils, lève la tête en direction de l’homme et répond :

Non, de manière assez brève et concise.

Puis elle hausse les épaules, lui emboîtant le pas dans la cabane qui crie. Arrivés sur le palier de la porte, les cris de ses camarades aux prises avec l’épouvantard redoublent de tonalité, son chaperon de fortune semble essoufflé. Etrange, il n’a pas l’air si vieux que ça. Septima n’est vraiment pas pressée de vieillir. Ses a priori s’effacent lorsqu’elle le suit dans les escaliers, dévalant les marches quatre à quatre (tout n’est pas perdu, elle peut vieillir en paix) après avoir répondu à sa question de manière assez claire. La précision est de taille ce soir. A mi-parcours, le sortilège d’allumage avait chu sans que Septima n’eut de soupçons sur l’état de santé de l’homme. Après tout, il voulait surprendre des élèves en pleine effraction du règlement. Et puis dans le noir, les pires cauchemars des Pouffsoufle ressortiront mieux. Un dernier cri, Septima sursaute, et les murs vrombissent.

Ce qui serait plutôt problématique dans un espace confiné comme ici … et même si je veux que vous ayez tort, je crains bien que vous ayez raison.

Ah ! Merci de l’admettre, songe-t-elle. C’est en silence que Septima le talonne jusqu’à la dernière porte du corridor, un brin d’excitation mélangé à de la crainte tiraillant ses entrailles. Contre la porte, le chaperon exige que les élèves sortent d’ici tout de suite ce qui, au vu du commentaire de l’un, semble impossible.

Totalement inutiles ces mômes.

Septima acquiesce, se languissant qu’il ouvre la porte. Elle ne fut pas déçue. Un simple alohomora la fait sortir de ses gonds dans un craquement sinistre. Septima ouvre de grands yeux ronds, levant à nouveau la tête en direction de Phoebus. Se passant de commentaire, elle s’empresse de regarder ce qu’il se passe à l’intérieur…

Quelle ne fut pas sa déception ! Tout ce remue-ménage pour un simple hippogriffe. Septima porte une main sur les hanches, haussant les yeux aux ciels. Dégoutée. Décue. Les peurs des gens manquent vraiment d’imagination. Sa déception promet d’être effacée. Pour l’imagination, elle va être servie. Si tôt l’hippogriffe de tourné vers l’homme, le puissant volatil change d’apparence… et c’est beaucoup, beaucoup moins drôle. Les yeux ronds de la serpentarde deviennent démesurément écarquillés. Un enfant… enchaîné au mur… des marques apparentes de maltraitance voire de torture… des vêtements (si on peut encore appeler ça comme ça) déchirés, sales… c’était affreux. Incapable de détourner son regard de l’épouvantard, c’est le rugissement de chaperon qui la tire de sa rêverie. Elle sursaute quand celui-ci s’écrie le sort capable de ridiculiser la créature se nourrissant de votre plus grande peur. Etait-ce lui, le chaperon, l’enfant enchaîné au mur ? Etait-ce son fils ? D’autres hypothèses lui viennent à l’esprit, mais l’heure n’est pas à la réflexion ni aux suppositions. Etrangement, le sortilège ne fonctionne pas. L’enfant demeure prisonnier de son mur.

Inutile de tergiverser sur les possibles champs d’action. Septima effectue deux pas en avant, se plaçant devant le chaperon. L’enfant torturé disparaît, brouillant l’espace d’une seconde la réalité pour prendre la forme d’un homme. L’homme leur tourne le dos, les mains jointes. Cette fois, les yeux de Septima ne trouvent plus de place sur son visage pour s’agrandir davantage.

Impossible ! S’exclame-t-elle à haute voix.

Oui, impossible ! Et pourtant… La plus grande peur de Septima a toujours été son propre reflet avec une tête aussi grosse qu’un ballon pourvus d’yeux globuleux affublés de longs cils. Une apparence ridicule pour ce petit jeu ridicule qu’elle jouait depuis trop longtemps. Le masque ridicule d’un mensonge éhonté traversant les années. Ce pourrait-il qu’en changeant radicalement son comportement en début d’année est modifié sa peur la plus profonde ? Septima n’avait plus honte de qui elle était…

William Ombrage l’observe du coin de l’œil la tête penchée, leur tournant toujours le dos.  La respiration saccadée, peinant à accepter les suppositions qui déferlent dans son palais mental comme une cascade de clous, sa main tremble tandis qu’elle extirpe la baguette de sa robe. Prenant un dernier instant pour regarder en face sa nouvelle peur la plus profonde, Septima pointe sa baguette :

Ridikulus ! S’écrie-t-elle, la voix quelque peu enraillée.

Que la force soit avec elle:

La chance n'est pas de leur côté. Un véritable océan de vipère grouille presque à leur pied. Sous le choc de la révélation, Septima les observe dans le vide. Les animaux, même rampant et pourvus d'écailles ne l'ont jamais dégouté à l'instar des créatures magiques. Ainsi donc c'était cela, sa crainte la plus profonde : décevoir Papa. Les épaules d'affaissée, elle lève tout juste la tête en direction de Phoebus lorsqu'elle lui exprime :

Je crois qu'on a besoin d'un plan.

Assurément.