Surprise ! J'ai acheté des fleurs.
Sainte-Mangouste était le genre d’endroit qui pullulait de monde à tout moment. Printemps, été, automne ou hiver, il n’y avait pas moyen d’y échapper : il y avait toujours un imbécile pour s’envoyer un sort dans le nez ou des couples pleins de tension pour foutre en l’air la quiétude d’une journée.
Je ne savais pas ce que j’aimais le moins dans mes jobs. Entre les étudiants qui avaient souvent autant de capacités à prendre des initiatives que des pitiponks attardés, le fait de voir le niveau baisser d’année en année… ou bien recevoir de plein fouet la bêtise humaine ici, à Sainte-Mangouste, quand je devais traiter des pathologies parfois dues uniquement à des inconstances ou à des manquements au niveau de la jugeotte.
J’étais souvent assez interloqué de voir à quel point les gens pouvaient être bêtes. Et à quel point ça n’allait pas en s’arrangeant. D’où pouvait bien venir cette dégénérescence de l’humanité ?
Dans mon bureau, à Sainte-Mangouste, j’étais moins souvent dérangé qu’à l’université, c’était déjà ça. En général, les patients passaient d’abord par les urgences magiques avant d’être envoyés ici, et quand ils débarquaient dans mon service, je pouvais envoyer des stagiaires pour s’occuper d’eux…
Mais la secrétaire médicomagique, April, m’envoya bien pire qu’une patiente… Quand on frappa trois coups à la porte de mon bureau, j’aurais aimé pouvoir fuir ou disparaître, mais hormis prétexter un besoin urgent, je n’avais pas de solution pour ça… Enfin, ce fut ce qui me traversa l’esprit quand j’ouvris la porte…
« Miss Hepburn… pour une surprise… » Je n’étais pas un type jovial et elle le savait. Elle était là, avec une mèche de cheveux toute gluante de salive, devant ma porte, l’air aussi perdue que d’habitude.
« Vous avez un problème ? »Je posais la question par politesse. Car je savais bien qu’elle avait un problème. Et un sérieux, d’ailleurs. Elle était complètement tarée. Et elle ne le savait pas. C’était peut-être ça le pire, en fait… Tout le monde devait bien se rendre compte que cette femme avait un gros souci mental, mais personne n’était foutu de lui dire ou de l’aiguiller vers un spécialiste. Personne, sauf moi.
« Vous savez, j’ai un excellent ami qui devrait pouvoir vous aider. Angus Worthington. Je peux vous donner ses coordonnées. »Le psychomage était compétent. Et sympathique. Enfin, il faisait partie des rares personnes avec qui je me sentais bien. Et puis, nous pouvions parler de tout, lui et moi, il n’y avait jamais ni jugement ni critique. Je l’appréciais beaucoup, mon ami. C’était d’ailleurs sans aucun doute le meilleur ami que je puisse avoir.
Je regardais l’emballage et les fleurs que tenait la jeune femme.
« Vous avez un proche hospitalisé ? C’est gentil d’être passée me voir en venant pour lui, mais j’ai du travail. »J’avais déjà été moins délicat avec elle, mais peut-être que le fait qu’elle ait pensé à venir me saluer alors qu’elle venait rendre visite à quelqu’un de malade, d’une certaine façon, je trouvais ça sympathique… ou quelque chose comme ça.
Je ne cherchais pas à décoder les émotions, ce n’était pas des sciences exactes, tout ça. Je jetais un coup d’œil à ma montre. J’allais devoir intervenir pour un patient dans un bon quart d’heure. Cela me laissait juste le temps d’essayer d’avoir l’air sympa.
Je me demandais tout de même qui elle venait voir. Je n'avais aucun patient ici qui portait le nom de "Hepburn" et je n'avais aucun patient partageant une quelconque ressemblance avec elle. Peut-être que c'était un ami ou une amie, alors ? Ou un collègue du collège Poudlard ? ou un élève qui se serait déglingué quelque chose à son cours à elle ?