Le brouhaha des conversations résonne sous le plafond enchanté de la Grande Salle et te vrille la tête. Comment les autres arrivent à supporter un tel vacarme sans broncher, tu l’ignores. Tu saisis des mots au vol à droite et à gauche, on s’agite à côté de toi et chaque frôlement de ton voisin de table te crispe un peu plus. Lorsqu’il tend brusquement le bras pour attraper une carafe d’eau, tu manques de l’écarter brutalement, retiens ton geste à la dernière seconde. Il a perçu ton sursaut cependant, te jette un coup d’œil surpris, tandis que la fille hausse un sourcil. Tu les ignores avec soin, fais semblant de te plonger dans les quelques notes que tu as posées sur la table, plus dans l’intention de montrer que tu ne veux pas communiquer que pour réellement étudier. Il y a trop de bruit de toute façon, et tes pensées sont trop focalisées sur tes voisins pour que tu arrives à te concentrer sur autre chose.

Tu baisses les yeux sur ton assiette. Même si tu t’es peu servi, tu as à peine grignoté et tu n’as déjà plus faim, gorge serrée et ventre noué. L’odeur t’écœure. Tu n’avaleras rien de plus ce soir, te forcer n’a jamais servi à rien d’autre qu’à te rendre malade. Tu compenseras plus tard. Avec un soulagement un peu coupable, tu repousses ton assiette, ramasses tes affaires et fuis la Grande Salle. Le silence qui règne dans le hall, guère perturbé par le son étouffé qui provient du réfectoire, te défend. Tu inspires profondément, lentement – et tu te rends compte à quel point tu étais crispé, à quel point tu avais du mal à respirer là-bas. Toujours le même constat, et tu ne sais pas vraiment quoi faire. À part laisser du temps au temps, même si au bout de quelques semaines de cette stratégie, elle montre ses limites. Quoi d’autre de toute façon ? Il faut seulement que tu arrives à te ressaisir. Ça va venir, le temps de terminer d’encaisser ton entrée dans l’Ordre, les missions que tu accumules, les cours à gérer, ta recherche de boulot maintenant que tu t’es fait jeter. Et que tu arrives de nouveau à dormir plus de quelques heures par nuit, même si pour l’heure cauchemars et insomnies sont les grands gagnants.

Les portes du château ne sont pas encore fermées et tu gagnes machinalement le parc et le bord du lac. L’air nocturne te tire un frisson, mais achève de dissiper ton malaise. Bien sûr, tu restes trop attentif au silence, au moindre son qui pourrait trahir une autre présence, mais tu n’as plus l’impression que tes nerfs vont craquer d’une seconde à l’autre. Des clapotements discrets agitent la surface de l’eau, un sourire t’échappe en pensant à toute la vie qui habite le lac.
Le vent frais de la nuit te balaie, t’envoie des mèches dans les yeux. Tu écartes un peu tes boucles qui commencent à devenir un poil longues. Tu t’en occuperas… plus tard. Pour l’instant, tu profites du moment pour te ressourcer en paix, te vider la tête loin des autres. Tu essaies de tenir tes soucis à l’écart aussi. Tu y penses déjà bien assez au fil de la journée, pour ne pas qu’ils t’embêtent maintenant.
Un froissement d’ailes. Tu lèves le bras et ton petit duc vient se poser dessus, te mordille doucement les doigts. Tu glisses une main douce sur ses plumes. Au moins, cette fois, il ne te ramène pas de souris. Un petit hululement lui échappe et tu pars en quête de ses friandises. Pas trop, il a sans doute déjà profité de ses chasses.
L’heure du couvre-feu se rapproche et tu le laisses repartir. Le concierge te glisse un regard noir quand tu te faufiles à l’intérieur. « C’est bientôt l’heure du couvre-feu, dépêchez-vous ! » Tu presses le pas jusqu’au prochain angle de couloir, avant de ralentir. Les corridors et les escaliers sont déserts, les élèves ont déjà pratiquement tous rejoint les salles communes. Du bruit encore. Et dans les dortoirs… Peu importe qu’ils dorment ou pas, tu as toujours autant de mal à supporter la présence de tes condisciples. Un mouvement en rêvant, un ronflement brusque, l’un qui se lève au milieu de la nuit… n’importe quoi suffit à te réveiller. Sans parler d’arriver à t’endormir.

Décidé à prendre ton temps pour rejoindre la tour de Serdaigle, tu traînes dans les couloirs en négligeant tous les raccourcis que tu connais. En fait, s’il y avait un chemin crédible qui passait par les cachots, tu l’aurais emprunté aussi, mais tu as déjà pris la direction des étages. Alors que tu vas atteindre un nouvel escalier, un frôlement attire ton attention. On descend. Tu hésites à changer de route, à plonger dans l’ombre, mais tu n’es pas encore en dehors des horaires officiels.
Au bout de quelques marches, tu reconnais la silhouette du professeur de Runes, Morgan Black. Cela faisait longtemps que tu ne l’avais pas vraiment croisé, seulement aperçu lors des repas depuis le retour des élèves de l’université à Poudlard. Tu as toujours aimé cette matière. À son arrivée, lors de ta septième année, cela avait été une sorte de soulagement. Tu t’entendais bien avec l’ancien professeur et il aurait sans mal remarqué les changements chez toi. Là, c’était parfait pour te faire oublier au fond de la classe et que la chute brutale de tes notes n’attire pas trop l’attention. Puis tu as réussi à te reprendre et tu as continué de te fondre parmi les autres. Pas de vague, jamais. Tu le salues en parvenant à sa hauteur.

— Bonsoir, professeur !

Tu t’apprêtes à poursuivre lorsqu’un bruit sourd résonne soudain à l’étage supérieur. Ta baguette saute dans ta main avant même que tu y penses, tandis que tu lèves les yeux. Rien en vue, mais le vacarme se poursuit, répétitif, métallique. Pour un peu, tu aurais l’impression que des élèves se battent en duel avec des épées. Qu’est-ce qu’il se passe encore ?

— Nous devrions peut-être aller voir… ?

Non que ça t’enchante particulièrement de te retrouver embarqué dans tu ne sais quelle histoire, mais ta curiosité revient.

Pour une fois que tu as pris globalement soin de respecter les horaires et que tu ne comptes pas traîner dans les couloirs en dehors des heures autorisées, il faut que tu tombes sur un professeur. Ça ne donne pas l’avantage au fait de respecter le règlement, tu es beaucoup plus tranquille lors de tes vadrouilles nocturnes – excepté cette fois où tu es tombé sur Helios Carrow, un préfet et Rusard en un joyeux comité dont tu te serais bien dispensé.
Le rappel à l’ordre ne tarde pas et tu hoches la tête.

— J’étais justement en train de rejoindre mon dortoir.

Ce n’est même pas un mensonge pour une fois. En dehors de tes escapades, dont le corps professoral ignore tout, tu as toujours maintenu une façade polie, discrète, un peu lisse, qui n’offre guère de prises et qui surtout ne retient pas l’attention. Tes bonnes notes en général la renforcent et, dans l’ensemble, tu arrives à te faire oublier et à convaincre les autres de ne pas s’intéresser à toi ni à ce que tu pourrais cacher.

Black s’écarte et tu reprends la montée en faisant en sorte de passer aussi loin de lui que le permet l’escalier, lorsqu’un fracas brutal te fait redresser la tête. Baguette à la main, tu poursuis l’ascension avec le professeur. Une fois à l’étage, il n’est guère difficile de trouver la source du bruit, une salle abandonnée d’où monte le bruit métallique, de plus en plus assourdissant. On dirait que les fantômes ont décidé de donner un concert de scies musicales… ou que les armures jouent du tambour sur leurs plastrons. C’est presque cela, comme tu t’en rends compte en jetant un coup d’œil dans la salle.
Deux armures sont en train de rejouer un tournoi, comme au bon vieux temps. Bien que leurs chevaliers les aient désertées depuis des siècles, elles portent sans doute le souvenir des joutes. Lorsqu’elles se heurtent de nouveau, le vacarme te vrille la tête. Tu grimaces tandis que Black lance un sortilège d’insonorisation.

Il t’invite à rejoindre ta maison, mais autant tu es doué pour fuir les problèmes, autant une fois que tu es plongé dedans tu as du mal à reculer. Il n’y a pas vraiment de danger, mais tu as toujours besoin de cette adrénaline qui revient lorsque tu te retrouves dans l’action. Une fois de plus c’est l’occasion de chasser les pensées qui t’envahissent, d’agir pour de bon.

— Je peux vous aider.

Tu lèves ta baguette. Un « Finité incantatem » devrait faire l’affaire, du moins tu l’espères. Les armures ne vous ont heureusement pas encore remarqué, mais cela ne devrait plus tarder. Elles s’élancent de nouveau l’une contre l’autre, se heurtent brutalement et roulent toutes les deux au sol avant de se redresser dans des grincements métalliques. L’une d’elles récupère son gantelet qui a roulé un peu plus loin et le fixe au bout de son bras. Elles rajustent leurs heaumes, prêtes à une nouvelle manche.

— Finite incantatem !

Ton sortilège frappe l’une des armures qui s’immobilise aussitôt. Elle oscille un peu, mais ne s’écroule pas. Tu attends quelques secondes, afin d’être sûr qu’elle est bien neutralisée, au moins pour les minutes à venir. Mais cela a l’air d’être le cas. Tu as forcé sur le sortilège, conscient que celui qui les anime est très puissant. Ton affinité avec cette matière et tes capacités ne sont plus à prouver, mais tu es quand même soulagé que cela ait fonctionné.

La deuxième armure s’est immobilisée, surprise par l’absence de mouvement de son adversaire, puis elle se tourne vers vous. Un grondement métallique émane du heaume vide, comme si elle vous lançait un défi. Elle se prépare visiblement à vous charger, furieuse que vous lui ayez volé sa victoire ou contente de se retrouver face à de nouveaux adversaires, c’est dur à dire. Tu resserres ta prise sur ta baguette.

Tu as déjà vu pas mal de choses lors de tes escapades nocturnes dans le château, mais ça, c’est bien la première fois et, à dire vrai, tu t’en serais volontiers passé. Avec un peu de chance, vous n’aurez pas trop de mal à vous débarrasser de ces deux-là et les autres vous laisseront tranquilles. Tu n’y crois pas trop ; la chance est un concept dont tu n’as jamais pu éprouver l’existence et, généralement, dès que tu penses à ce qu’elle pourrait faire pour toi, c’est le contraire qui se produit. Un jour, tu devrais tester dans l’autre sens, pour voir.
Face aux armures en train de s’affronter, tu prends l’initiative d’arrêter l’une d’elles, déjà pour t’assurer que vous pouvez en venir à bout. Sinon, tu es tout à fait disposé à les enfermer dans la salle et à les laisser se battre jusqu’à ce qu’elles en aient assez. Ton sortilège fonctionne. L’armure immobilisée, tu respires un peu mieux. Le professeur accepte ton aide avec un sourire.
À son tour, il lève sa baguette et fige le deuxième combattant, tandis que tu gardes ta baguette levée, attentif aux réactions des autres armures. Pourvu qu’elles ne prennent pas ça pour une ingérence… La deuxième armure regagne sagement son socle.
Un frémissement te traverse l’échine lorsque toutes les armures autour réagissent et tu resserres ta prise sur ta baguette. Bon sang, ça sent mauvais. Tu aurais peut-être mieux fait de ne pas intervenir, en fin de compte, et les laisser se débrouiller. Si elles vous attaquent toutes… Elles sont peut-être vides, mais leurs armes sont bien réelles. Tu lorgnes sur les épées, les lances et les masses d’arme qui vous entourent. Si vous êtes assez rapides, vous pouvez peut-être vous échapper.
Un grincement métallique te tire de tes réflexions pratiques. Les armures frottent leurs gantelets comme si… elles applaudissaient ? Tu jettes un coup d’œil vers le professeur Black qui a l’air aussi surpris que toi.

— Moi non plus. Elles nous… félicitent ?

Tu n’en es pas encore totalement sûr, mais elles ont l’air moins vindicatives. Les grincements te vrillent la tête, mais ils ne tardent pas à s’estomper. Le professeur émet l’idée qu’elles veulent que vous participiez à leur tournoi. L’idée ne t’enchante pas vraiment – même si tu as du mal à résister à une occasion de pratiquer des sortilèges. Le souci, c’est qu’elles ne mesurent pas leur force et qu’aucun de vous n’est en métal ni n’a de quoi se protéger. Et elles sont nombreuses… Un grincement métallique résonne dans ton dos. Une armure vient de se glisser devant la porte, bloquant la sortie. Okay.

— J’en ai bien l’impression. Et je ne suis pas sûr qu’elles nous laissent le choix.

Une vingtaine d’armures à vous deux… ça va être sportif. Mais au fond, tu aimes ça, non ? Te battre, esquiver, lancer des sortilèges… En général, tu essaies de faire ça de façon plus utile, on va dire, mais ce n’est pas le pire exercice qui soit. Et de nouveau, tu as un danger sur lequel te concentrer, de quoi maintenir ton hypervigilance occupée et arrêter le tourbillon dans ta tête. Ça pourrait être pire. D’accord, l’idée commence à te plaire, maintenant qu’il y a un vrai risque. Tu te sens tellement plus… lucide et vivant dans ces moments, en pleine possession de tes moyens, loin des pensées trop envahissantes enfin tenues à l’écart. Tu as l’impression de redevenir comme avant. Morgan plaisante et tu souris.

— Je vais faire mon possible, professeur. Vous êtes prêt ?

Elles doivent te comprendre ou saisir l’intonation de ta voix, parce que l’armure la plus proche te charge soudain dans un concert de grincements et de pièces qui s’entrechoquent et cliquettent. Tu plonges sur le côté en un roulé-boulé souple, évitant de justesse la lame qui s’abat juste à côté et s’arrête un cheveu avant d’esquinter le parquet. Tu te relèves un peu plus loin, baguette braquée vers l’armure. De nouveau, tu t’en tiens au « Finite Incantatem », malgré l’envie d’y aller un peu plus fort. Mais sans pouvoir déterminer comment les autres vont réagir, tu préfères en rester au plus simple et au moins violent.
Les autres armures bougent à leur tour. Pour récupérer un peu de marge de manœuvre, tu lances un Protego. Ça bloquera toute attaque et te laissera le temps de parer. Tu jettes un coup d’œil vers le professeur.

— Est-ce qu’on pourrait essayer d’en bloquer plusieurs à la fois ? Ou de les ralentir ? Ou c’est trop risqué et il vaut mieux les prendre une par une ?

Concrètement, tu ne sais pas trop comment. Les idées et les possibilités défilent : rendre le sol glissant, faire apparaître une sorte de filet géant pour les déséquilibrer… Mais tout dépend de si cela s’apparente à une tricherie pour elles. Tu n’es pas vraiment au fait des règles qu’elles appliquent entre elles.

Tu as toujours aimé les sortilèges. Depuis ton premier jour à Poudlard, c’est devenu une évidence, à la fois parce que ta baguette et les enchantements cristallisaient ce qu’était la magie pour toi, qui découvrais complètement ce monde, et parce que tu t’es tout de suite découvert une affinité avec la matière. Tu fonctionnes de façon intuitive, à l’empathie, et ça marche bien avec les sortilèges – beaucoup moins avec la rigueur affreuse des potions. Leurs couleurs, l’officielle comme celle qui n’est visible que de toi seul, le champ des possibles qu’ils ouvrent… cela t’a fasciné dès le départ, de même que le potentiel de la métamorphose. Avec les années, tu as beaucoup pratiqué seul, ton orientation pour l’université s’est en partie fondée sur la possibilité de poursuivre dans cette matière – en plus bien sûr de la nécessité de continuer d’apprendre à te défendre. Et tu as rejoint le club de duels.
Alors te retrouver face à ces armures pour te battre avec elles… ça te plaît, et tu réalises très vite que tu ne vas pas te contenter de Finite Incantatem, déjà parce qu’elles n’y semblent pas toute réceptives comme le montre la tentative du professeur Back, mais aussi parce que ça va rapidement devenir ennuyeux. C’est bien, ça va être l’occasion de faire montre d’un peu d’originalité.
Cependant, tu restes conscient du danger, de l’inégalité entre vos armes et les leurs. Si elles arrivent à approcher, ça va être plus compliqué. Mais tu aimes aussi le challenge. Et tu ne comptes pas te laisser faire par des armures. Le fait qu’elles ne soient pas humaines, qu’il s’agisse surtout de masses de métal animées, t’aide aussi ; tu appréhendes moins leur contact… enfin, elles peuvent sans doute te broyer le bras si elles te mettent la main dessus, mais ce n’est pas la même chose.

Le professeur englue une armure tandis que tu l’interroges sur la façon de procéder. Il te rappelle le sens de l’honneur des chevaliers et le fait qu’ils ne prenaient jamais en traître leurs adversaires. D’accord. Ta mère t’a appris à utiliser tous les moyens à ta disposition, parce que ton père et ses hommes ne se privaient pas de te prendre en traître, eux. Et la pratique du krav maga, dont le but est de se sortir des ennuis le plus rapidement possible, par tous les moyens – certes pas les plus dangereux en premier – t’a encouragé dans cette voie. Tu sais doser tes coups, mais tu sais aussi t’affranchir tes règles. Pour cette fois, tu les respecteras. Ça fait un bon compromis avec leurs capacités, et ça ajoute un peu de difficulté. Après tout, elles pourraient bien se ruer ensemble sur vous et elles s’en abstiennent.

— C’est compris, professeur. Si elles veulent de l’originalité, elles vont en avoir !

Déjà, ramener celle que tu as immobilisée à sa place. À peine as-tu eu le temps de le faire qu’une nouvelle s’avance. À côté de toi, le professeur Black lance un Impedimenta sur son propre adversaire qui s’écroule au sol dans un vacarme qui te vrille la tête et te tire un sursaut. Heureusement que le sortilège d’insonorisation fait toujours effet.
La voix du professeur résonne juste à côté de toi. Il n’a pas tort, c’est leur tournoi, leurs règles, il vaut mieux ne pas les contrarier.

— Vous avez raison. Et mieux vaut éviter qu’elles se liguent contre nous. Essayons quand même de ne pas trop nous éloigner l’un de l’autre.

Il faut quand même que vous puissiez vous protéger. Ton adversaire s’avance vers toi, sa masse d’armes levée, visiblement déterminé à l’abattre. Tu recules un peu, la laisses venir à toi, comme dans une sorte de ballet ou de danse incertaine. Tu prends des risques, elle est mobile malgré la masse métallique de son équipement, dont les plaques coulissent et s’articulent à la perfection. Ce n’est peut-être pas l’équivalent d’une combinaison, mais ça n’en est pas loin. Tu l’entraînes à droite et à gauche, mais elle commence à se rapprocher. Tu ne comptes pas sous-estimer sa vitesse. Hop, d’un mouvement de baguette, tu transformes sa masse d’arme en bouquet de fleur. L’armure s’arrête un instant, prise au dépourvu, le heaume tourné vers le mélange multicolore qui dépasse de son gantelet. Un sourire te vient. Remise de sa surprise, l’armure se précipite vers toi. Tu esquives d’un pas sur le côté, elle passe assez près pour que tu sentes le déplacement d’air sur ton visage.

— Reducto !

Le sort la réduit à la taille d’un jouet. Son pied métallique heurte le parquet en un mouvement d’humeur, elle jette un coup d’œil sur tes chevilles comme si elle envisageait de t’attaquer malgré tout, mais elle se résigne finalement à son sort et quitte l’arène d’un pas lent. Bien, bien.

Alors que tu cherches ton prochain adversaire du regard, on te heurte soudain. Et ce n’est pas une armure. Sans réfléchir, le cœur battant, tu lances ton coude vers l’arrière pour te dégager, heurtes ta cible… au moment où le professeur Black s’excuse. Tu recules aussitôt, penaud.

— Je… je suis désolé. Je ne voulais pas vous… attaquer. J’ai été surpris…

Tu espères qu’il mettra ta réaction disproportionnée sur le compte du tournoi et pas sur un problème extérieur. Cela commence à faire un moment que tu ne supportes plus les contacts, mais tu as l’impression que ça empire encore.
Vos adversaires en ont profité pour se rapprocher. Pour récupérer un peu de marge, tu lances un Glacio : une fine couche de verglas apparaît au pied des armures, sur laquelle elles patinent en essayant de se rattraper. Celle qui te fait face tombe dans un concert de grincement disgracieux. Un gant s’arrête devant toi, tu le fais glisser vers son propriétaire.

Sans chercher particulièrement la bagarre, tu apprécies les duels. Un reste des entraînements de ton enfance, débutés sous la houlette de ton père, mais surtout de ceux prodigués par ta mère. Évaluer les forces et les faiblesses de l’autre, trouver la faille dans sa garde et ses appuis, mesurer ses avantages par rapport aux tiens, adapter ta stratégie à ton adversaire du moment… Autant de réflexes acquis avec les années. Tu es longtemps resté petit et souple (et il faut bien avouer que même maintenant, tu n’as pas une carrure de catcheur), souvent amené à utiliser la force de ton opposant ou l’énergie de ses mouvements pour le déséquilibrer. Tu as fini par avoir l’œil pour jauger, et vite, d’autant qu’il ne s’agissait pas seulement d’une question de pratique pour toi, mais aussi d’une nécessité de survie. Face aux membres du Blood Circle, la moindre hésitation aurait pu te coûter la vie. Et si certaines de ces règles fonctionnent toujours dans le monde magique, d’autres sont rendues obsolètes par la magie et l’absence de contacts physiques. Esquiver les sorts ennemis, contrer, riposter rapidement… les réflexes sont les mêmes, mais pas la façon de faire. Tu continues de t’entraîner sur les deux plans, sur l’aspect sportif côté moldu et sur la vitesse d’exécution ainsi que l’esquive côté sortilèges. Tu as atteint une bonne maîtrise des informulés à présent, tu peux passer une bonne partie d’un affrontement sans avoir à prononcer le moindre sort. Et tu comptes bien t’améliorer encore. Face à la fois aux Mangemorts et au Blood Circle, tu n’as pas d’autre choix si tu veux rester en vie.
Face aux armures, la situation est encore bien différente. Elles restent mal coordonnées et lentes, ce qui vous donne un net avantage, mais, en contrepartie, elles sont bien plus destructrices au contact, sans parler de leurs armes. Si on t’avait dit que tu te retrouverais face à des épées ou des masses d’armes… D’un certain côté, c’est ce qui fait le charme de Poudlard. Et au moins ça te donne l’occasion de tester différentes choses et, surtout, de t’amuser, ce qui n’arrive pas si souvent, il faut bien le dire. L’adrénaline te rend plus lucide et, pour une fois, tu peux oublier tes pensées noires et envahissantes.

Le déséquilibre du professeur Black te prend au dépourvu et tu réagis d’instinct. Les réflexes acquis au fil des années, renforcés par ta vigilance constante, entrent en jeu avant même que tu aies le temps de vraiment réaliser ce qui se passe. Un cri de douleur échappe au professeur et tu pivotes, mortifié, en réalisant ton erreur. Il pare de justesse l’attaque de l’armure qui le vise. Par Merlin, s’il avait pris un coup par ta faute… Tu balbuties des excuses. Tandis que l’armure continue d’avancer, Black lance que ce n’est rien. Tu n’en es pas si sûr, tu sais très bien que tu n’as pas retenu ton coup. Au moins, les armures t’offrent un dérivatif.

— Très coriaces ! Mais nous sommes plutôt bien partis pour les vaincre !

Tu préfères ne pas crier victoire trop vite, c’est le meilleur moyen pour que la situation tourne en votre défaveur. Néanmoins, la lice commence à s’éclaircir, les armures vaincues regagnent leur place et il te semble qu’une ou deux ont l’air d’avoir moins d’entrain à l’idée de vous affronter. Voir leurs camarades se faire vaincre l’un après l’autre doit les décourager… mais d’autres restent très déterminées.

Sous l’effet de ton sortilège, l’armure patine, à la recherche de son équilibre. Ses semelles métalliques crissent désagréablement sur la glace et elle vacille de façon presque comique, son épée dessinant des moulinets tandis qu’elle tente de se rattraper. La voix du professeur te parvient. Tu lui réponds sans quitter l’armure des yeux.

— Je suis en Protection magique. On est loin des Runes et de l’Arithmancie.

Et ce n’est pas le choix le plus courant pour un Serdaigle. Tu as hésité avec le droit qui t’aurait bien plu aussi, mais il n’y avait quasiment plus de pratique magique, et si on en revient aux fondamentaux, il faut bien avouer que la maîtrise des sortilèges t’aidera plus facilement à t’en sortir que n’importe quel autre domaine.
L’armure commence à reprendre son équilibre. D’un Locomotor mortis informulé, tu lui bloques les jambes et elle s’effondre devant toi. Son heaume te cogne la jambe, mais rien de bien douloureux. D’un mouvement de baguette, tu renvoies les différents morceaux à leur place.

— Ça fait un bon entraînement pratique, du coup.

Même si dans un vrai combat l’efficacité primera toujours sur l’originalité. Il vaut toujours mieux aller droit au but ; moins longtemps la lutte dure, mieux c’est. Un grincement dans ton dos. Une armure en a profité pour s’approcher subrepticement, mais son mouvement pour amorcer son coup l’a trahie. Tu esquives la lame en souplesse.

— Ventus !

Une rafale de vent jaillit de ta baguette, s’enroule autour de l’armure pour la repousser petit à petit vers sa place. Elle force pour résister, essayant de s’ancrer dans le sol, mais tu augmentes l’intensité du sortilège, et elle finit par renoncer. Ouf, tant mieux. Tu désignes la salle autour de vous.

— Cela doit vous changer de l’étude des runes.

Il ne te fait pas vraiment l’effet d’être un combattant, tu le vois plus se perdre dans les parchemins. Tu as apprécié ses cours, il y a deux ans, à partir du moment où tu as été apte à les suivre et à les comprendre.

Le combat se poursuit, mais le nombre des armures ne cesse de diminuer. Certaines ont refusé d’office de vous affronter, peut-être parce que vous en avez vaincu de plus puissantes qu’elles ou qu’elles ne voulaient pas se confronter à des sorciers. Pour une fois, il se passe quelque chose d’original dans les couloirs de Poudlard, ça te change de tes vadrouilles nocturnes dont Rusard constitue le plus grand danger – alors, certes, il vaut mieux ne pas te faire prendre, mais au fil des années, cela fait partie de la routine, et tu ne le considères plus vraiment comme un obstacle. Ça te fera une anecdote à raconter… et cela fait longtemps que tu ne t’es pas amusé de cette façon. Tu te concentres sur tes sorts et tes adversaires, oublies le reste. Il n’y a pas d’enjeu, pas de risque autre que les armes des armures, et elles sont assez peu mobiles pour que tu puisses les éviter facilement. Pas de risque non plus qu’un ennemi te reconnaisse et te grille auprès de tes alliés. Même si ta vigilance ne t’abandonne pas et que tu gardes la sensation du danger, tes réflexes toujours aiguisés, tu te détends bien plus que tu ne l’as fait ces derniers temps.
C’est un peu étrange aussi de te savoir hors-la-loi avec une bonne excuse pour une fois : on ne peut pas t’accuser de traîner pour rien dans les couloirs et tu as l’aval d’un professeur ou presque pour ce faire. Alors, sans le risque de te faire surprendre et de retrouver en retenue, tu t’en donnes d’autant plus à cœur joie. Maintenant que le professeur s’est un peu éloigné, sa présence ne te dérange plus, tu ne le perçois plus comme un danger, et tu arrives même à faire un peu de conversation tout en continuant d’affronter tes adversaires métalliques.
Ton choix d’études t’a fait abandonner les Runes, mais tu appréciais cette matière, la réflexion qu’elle demandait – tu restes un Serdaigle, tu ne peux pas le nier. L’essentiel de ceux qui prennent cette option en sont d’ailleurs, les représentants des autres maisons sont plus rares. Du moins ça a été le cas pour ton année. Mais même si tu ne comptes pas te reconvertir dans l’archéologie magique ou la recherche d’artefacts, cela pourra toujours t’être utile, au moins pour savoir reconnaître le danger et faire appel à un spécialiste avant que la protection ne t’explose au visage. Tout cela dans le cas bien improbable où tu réussirais à devenir Auror… Non, tu ne veux pas y penser maintenant ; ce rêve n’est que cela, et tu vas bien devoir l’accepter. Il faudrait déjà que tu arrives vivant au bout de tes études et entre le Blood Circle et les Mangemorts, ce n’est pas gagné. Tu verras en temps et en heure.

Le professeur Black souligne que la pratique des Runes peut être utile dans ton cursus et tu approuves.

— Oui, ça entraîne à chercher autre chose… à réfléchir d’une autre manière aussi, et c’est toujours enrichissant. Et même si la matière n’est pas… utile au quotidien, elle est très intéressante.

Puis s’il fallait étudier seulement des choses qui serviraient tous les jours… ce serait triste. Tu préfères justement te donner la possibilité d’explorer des domaines qui s’éloignent un peu de ton quotidien pour garder l’esprit ouvert – et les différentes manières de pratiquer la magie t’ont toujours passionné, même si tu restes un amoureux des sortilèges.
Il remarque d’ailleurs ton talent à ce sujet.

— Merci, monsieur.

Ton sortilège de vent finit par venir à bout de ton adversaire. Il en reste encore deux, mais l’une d’elles ne manifeste pas le même entrain que sa collègue. La conversation continue, tu souris quand Black remarque qu’il préfère l’étude des Runes au duel avec les armures.

— Oh, c’est très différent, mais j’aime bien les deux, ça change de ce qu’on voit d’habitude dans les couloirs !

L’armure peu enthousiaste se réveille au moment où tu t’apprêtes à lancer un sortilège et tu plonges en hâte sur le côté pour esquiver l’espèce de… hache qu’elle tient. L’arme siffle assez près de toi pour que tu sentes un courant d’air sur ta joue. Ce n’est pas passé loin. Elle retient son geste juste avant de fracasser le parquet et tu te relèves d’un bond. Elle résiste à ton premier sortilège, remonte aussitôt à la charge. Elle cachait bien son jeu jusqu’à présent, et tu es obligé de te focaliser sur elle. Juste le temps de lui jeter un sortilège de vieillissement : aussitôt ses articulations se couvrent de rouille et commencent à grincer, grippées, tandis que ses gestes ralentissent de plus en plus. Elle essaie encore de soulever sa hache mais celle-ci lui échappe presque. Alors l’armure fait demi-tour d’un pas traînant, dans un concert de grincements métalliques qui te font serrer les dents.
Alors que tu te prépares à affronter ta dernière armure, celle qui est face à Black donne un grand coup d’épée. Ton adversaire chute dans un concert de métal qui signe sa défaite. Tu inspires profondément en balayant la salle du regard à la recherche d’une armure en embuscade, mais vous êtes visiblement venus à bout de ce tournoi.
Tu te tournes vers le professeur de Runes lorsqu’il reprend la parole, incertain de bien comprendre ce qu’il veut dire. Vous êtes les deux seuls encore debout, alors… Tu croises son regard. Oui, tu as bien saisi. Tu souris. Très bien. Un duel de sorciers pour conclure ce tournoi, ça te va. Ton sourire s’élargit devant sa dernière phrase, tandis que tu reprends un peu de distance par rapport à lui, en te plaçant de profil pour effacer un peu ta silhouette, ta baguette pointée dans sa direction.

— Mais vous n’êtes plus mon professeur, monsieur, tu réponds sur le même ton.

Tes réflexes te pousseraient à attaquer dès la fin de ta phrase, mais vous êtes censés vous affronter selon les règles des tournois, à la loyale. Et il a déjà souligné qu’il n’était pas un pro des sortilèges. Encore une fois, tu ne te bats pas pour ta vie.

— À vous l’honneur.

Tu restes dans l’expectative, prêt à parer tout ce qu’il t’enverra.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le combat te fait du bien. Tu te sens plus lucide, tu as l’impression d’être plus en forme, plus vivant d’une certaine façon, même si tu éprouves aussi de la fatigue face au nombre d’adversaires. Pour un moment au moins, tes angoisses se sont calmées, ton hypervigilance a trouvé un objectif utile, plutôt que de te faire réagir au moindre mouvement innocent. Tu savoures cette sensation, celle qui te fait de plus en plus rechercher le danger, dans les missions de l’Ordre ou ailleurs, parce que ce sont les seuls moments où tu arrives encore à te sentir bien, où tu as l’impression de te retrouver – même si ce n’est qu’une illusion éphémère. Au moins, pour quelques instants, tu es bien, tes pensées endormies ou presque.
Tu reprends ton souffle. La fatigue te pèse dessus, mais tu en as l’habitude. Elle est pratiquement devenue un état constant ces derniers temps, tu as de plus en plus de mal à dormir la nuit. Tes cauchemars te réveillent et tes insomnies te font souvent veiller jusqu’à l’aube. Peut-être que cette fois, tu dormiras mieux, si tu arrives à garder les sensations du combat, mais tu ne te fais pas beaucoup d’illusions sur le sujet.
Les armures reviennent peu à peu à leur place, pas toutes très en forme, surtout que des pièces de leur équipement restent éparpillées au sol. Un peu de rangement s’imposera pour effacer toutes les traces du tournoi. Le retour progressif du silence te fait du bien aussi, loin du vacarme métallique qui t’a attiré ici en premier lieu avec le professeur Black.
Pendant les duels, la conversation se poursuit. Étrange de te retrouver dans un tel contexte, avec un enseignant en plus, toi qui évites à tout prix de te faire remarquer, mais d’une certaine façon, c’est bien plus gérable. C’est presque la normalité à Poudlard et ça te tire du reste, comme une parenthèse bienvenue, qui va bientôt prendre fin.
Malgré la fatigue, tu te sens plein d’énergie – sans doute l’adrénaline qui court encore dans tes veines et tu es presque déçu que ça se termine aussi vite, que certaines armures aient préféré se replier sans vous affronter. Constatant cela, le professeur Black propose que vous vous affrontiez à votre tour pour décider du vainqueur du tournoi. Sans réfléchir, tu acceptes, porté par ta réussite jusqu’à présent ; ce sera une bonne occasion de terminer de te défouler, même si face à un adversaire réel, l’appréhension rôde un peu – mais ce sera de la magie, aucune chance qu’il vienne au contact et tu écartes tes inquiétudes. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes que tu te demandes s’il était vraiment sérieux, s’il voulait simplement faire une plaisanterie, mais que tu l’as pris au mot. Il peut encore se reculer s’il préfère. Tu lui jettes un coup d’œil analytique, rassembles ce que tu sais sur lui, ce que tu as vu depuis le début du tournoi. Il s’en sort bien, mais il n’est pas réellement un combattant ; toi, tu t’entraînes tant que tu peux, trop conscient que face au Blood Circle ou aux Mangemorts, seuls tes réflexes pourront te sauver la vie. Et ta mère t’a élevé pour ça, pour que tu saches te battre et jauger une situation, s’il vaut mieux lutter ou abandonner le terrain.
Tu marques un coup d’arrêt brutal dans tes pensées. C’est un duel amical – pas un vrai combat. Tu n’as pas à examiner la situation comme si tu jouais ta vie, même si tu ne peux pas vraiment t’en empêcher. Tu prends une inspiration profonde pour te détendre, tandis que Black revient aux règles du duel. Tu as l’habitude du club, cela fait un moment que tu y participes.

— Non, je les connais bien.

Pas de coup fourré, juste un échange de sortilèges à la loyale. Non que tu veuilles le blesser, il faut juste que ton cerveau se rappelle qu’il n’y a pas d’enjeu. Un instant, tu hésites. Si l’échange devient trop intense, tu risques de déraper. Ton regard glisse sur les armures, sur le décor familier du château. Tout va bien. Tu te secoues tandis que Black gagne le côté de la pièce.

— Vous avez ma parole, professeur, rien ne sortira d’ici.

Tu n’es pas du genre à te vanter de tes exploits, que ce soit face aux armures ou, éventuellement, au professeur. D’autant que l’heure du couvre-feu doit être franchie depuis un moment et que tu aurais du mal à expliquer comment tu t’es retrouvé à te battre avec un enseignant. Ça te vaudrait sans doute un aller simple dans le bureau de Thomas O’Malley, et tu préfères éviter. Pas de vague, jamais.
Tendu, tu restes sur tes gardes, à l’affût de la première attaque, ta baguette pointée vers l’avant. L’expelliarmus surgit très vite. Tu ne perds pas de temps à lancer le charme du Bouclier, tu bondis sur le côté pour esquiver le sortilège qui s’écrase contre le mur, la riposte déjà dans la tête.
Le stupéfix informulé part à son tour, tandis que tu anticipes la suite. Le temps qu’il esquive, cela te laisse la possibilité de créer un bouclier bien solide. Ton stupéfix heurte le professeur de plein fouet, interrompt net tes réflexions. Merlin ! Tu ne pensais pas l’atteindre du premier coup ! En lançant le contresort, tu traverses la pièce en hâte, te penches sur lui, ta baguette sur le côté pour ne pas avoir l’air menaçant.

— Vous allez bien ? Je suis désolé…

Si ça n'avait pas été lui, ça aurait été toi, c'est le jeu, mais tu te sens embêté quand même.

L’idée d’affronter un professeur est à la fois excitante et un peu angoissante, ce n’est pas tous les jours que les enseignants acceptent de se confronter aux élèves – et tu les comprends. Tu es plutôt curieux de ce que ça va donner. Et un peu inquiet malgré tout : la situation n’a rien de bien conventionnel, tu espères qu’il ne le prendra pas trop mal selon comment ça tourne. Tu as toujours été bon en sortilèges et tu y consacres encore plus de temps ces derniers mois, tant au club de duel qu’en t’entraînant seul pour travailler tes réflexes, ta vitesse de riposte et la qualité de tes informulés. Vous êtes en guerre et il faut t’y préparer – sans compter les mangemorts qui ne rechignent pas à l’idée de s’en prendre aux nés-moldus et contre eux aussi, tu dois être prêt.
Tu adhères sans mal au fait que rien ne doit sortir de cette pièce, cela risquerait d’attirer un peu trop l’attention, et tu préfères éviter, même si l’épisode des armures ferait une anecdote intéressante à raconter.

Une fois en place, le duel ne tarde pas à commencer. Tu te tiens prêt, les sens en alerte, ta vigilance concentrée sur le professeur Black, paré à réagir. Ce que tu fais dès que l’expelliarmus jaillit avant de riposter d’un stupéfix. Tu ne t’attendais pas à le toucher aussi rapidement et tu te figes un instant avant de te précipiter vers lui. Les excuses sortent tandis que tu te penches sur lui. Heureusement, il ne semble pas t’en vouloir, ni être en colère, et il te rassure rapidement. Tu souris tandis qu’il se redresse. C’est plutôt flatteur pour toi, mais tu n’es de toute façon pas du genre à te vanter, préférant garder tes petits talents pour toi. Et tu n’es pas sûr que tout le monde prendrait aussi bien le fait que tu aies mis un professeur à terre.

La salle a retrouvé son allure tranquille, les armures de nouveau à leur place, certaines vous saluent du heaume tandis que tu parcours l’endroit des yeux. Quelques pièces traînent encore, tu les repousses dans un coin d’un coup de baguette. Elles sauront bien retrouver ce qui leur appartient et terminer de se reconstituer. Rien ne trahit ce qui s’est passé au cours de la dernière heure – tu jettes un coup d’œil à ta montre, tu avais perdu la notion du temps. La fatigue commence à te tomber dessus, avec un peu de chance tu n’auras pas trop de mal à sombrer. Les combats t’ont fait du bien, tu te sens un peu plus détendu.
Le professeur te propose de glisser un mot au professeur O’Malley, puisqu’il ne peut pas t’attribuer de points. Tu hésites quelques secondes, tu préférerais ne pas attirer son attention, mais d’un autre côté, avec tes recherches de stage du côté des Aurors, toute bonne mention et recommandation est bonne à prendre. Tu hoches la tête.

— Je veux bien. Merci beaucoup, professeur.

Tu sors le premier de la pièce, et il ferme derrière vous. Le silence règne, bien loin du fracas qui vous a attiré ici en premier lieu. C’est presque étrange de retrouver le château aussi paisible après cette parenthèse un peu hors du temps.
Le professeur Black à tes côté, tu prends la direction de la tour de Serdaigle. C’est toujours bon de voir que même après tant d’années, après des nuits d’explorations nocturnes, le château te réserve encore quelques surprises.