L’ambiance au boulot avait changé depuis un petit moment. En début d’année c’était l’euphorie et maintenant… une tension dans l’air, un vent frais, parfois glacial venait faire poindre une chair de poule jusque sous mon bleu de travail. Etant d’un naturel discret, je ne me mêlais pas de ce genre de chose et laissais passer les tempêtes et les éclats avec le même détachement. Pour autant c’était quand même un exercice bien plus compliqué quand cela touchait des gens dont je me sentais de plus en plus proches. Le Thestral Motor avait pris plus d’importance que prévu en deux ans. Je m’y sentais bien, à l’aise alors que je fricotais tous les jours avec des mafiosos qui pourraient me faire disparaitre sans laisser de trace… mais c’était surement dû au fait que contrairement aux gros bras que j’avais croisé en Australie, eux cherchaient à me garder en vie. Je n’avais pas accès à leurs réunions de club privé de la rose et du serpent et je m’en gardais bien.  La mécanique était la seule chose qui m’intéressait vraiment, encore plus lorsqu’elle me résistait un peu et c’était bien moins compliqué à gérer que les rapports humains.
Ces mêmes rapports humains qui mettaient une ambiance douteuse au travail. Je le voyais, je le sentais Anje était préoccupée, Jaeden plus absent et les autres membres faisaient comme si de rien était, moi comprit bien évidemment, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés en voyant Anjelica dépérir ainsi… c’était comme ça que fonctionnait l’amitié non ?

J’avais fait le premier pas, une fois n’était pas coutume pour convenir d’un petit rendez-vous au bar.  Le White Thestral avait tout de suite été choisi, bien évidemment. On ne change pas une équipe qui gagne. Parler et boire aillaient souvent de paire pour nous deux. Chez moi l’alcool parvenait à me faire devenir enfin volubile, pour ma chère Anje je la sentais plus prompte à délivrer les choses qui lui tenaient vraiment à cœur et en fin de compte, les soirées finissaient bien souvent avec des anecdotes plus rigolotes.  
J’avais d’ailleurs prévenue mon ange à moi que je passais ma soirée loin d’elle, bien que nous ne fussions pas du genre à nous fliquer, je préférais toujours prévenir plutôt que la faire languir trop longtemps. Je la savais bien trop preste à se mettre dans certains états particuliers en attendant mon retour. D’ailleurs rien que d’y repenser… non cette fois là nous avait donné quelques leçons !

Poussant la porte du lieu à l’écusson blanc, je laissais les odeurs et bruits caractéristiques m’envahir. J’avais toujours aimé ce genre d’endroit, sonore, vivant. Il était encore tôt mais le White Thestral était rarement vide. Aussi, je profitais du déplacement d’une des serveuses dans mon périmètre pour l’aborder. Une nouvelle visiblement, sinon je m’en serais souvenu… Je m’approchais alors de son oreille pour couvrir la musique.

« Anjelica est là ? »
« Oui c’est pour ? » Une nouvelle ! Je le savais !
« Dites-lui que Khris l’attend à sa table ! » Je lui fais un petit sourire enjôleur dont j’ai le secret et la brunette aux yeux verts repart vers la table qu’elle cherchait.

Vraiment pas désagréable… Enfin ce n’était pas le but de la soirée ! Tournant les talons, je me dirigeais alors vers la table attitré d’Anje et de son frère, perdu un peu à l’écart dans un coin de la salle, assez proche pour profiter et avoir vu sur le reste de la pièce, mais assez loin pour qu’on ne les entende pas. Toujours était-il que je m’installais nonchalamment, attendant de voir au bar une tête bien connue se montrer. Je commençais déjà à avoir chaud, la veste en cuir finirait par tomber très bientôt.

L’atmosphère était déjà chaude. La musique à fond. Pour quelqu’un comme moi qui n’aimaient pas particulièrement les grandes villes, on aurait pu penser qu’un bar était le dernier endroit au monde où je serais à l’aise et pourtant, c’était le seul endroit social que j’appréciais. Je m’y sentais bien et au White Thestral tout particulièrement, cela venant probablement du fait que je connaissais la moitié du staff et l’autre plus intimement… C’était un territoire conquis. Un endroit sécurisé. Cela pouvait ne pas empêcher certaines soirées de dégénérer, c’était un bar après tout, mais au moins je savais que je pourrais toujours trouver un allié entre ces murs.

Les souvenirs d’une autre vie opacifiaient mon regard, me plongeaient vers ce présent incertain et ce futur où l’épée de Damoclès semblait tous les jours un peu plus lourde au-dessus de ma tête. Pourtant lorsque je reconnu la silhouette toute menue de ma patronne et amie au bar à côté de la serveuse que j’avais rencontré un peu plus tôt, je me mis à les observer un petit sourire aux lèvres. Le message devait être transmit. C’était amusant de voir comme ma relation avec Anje avait évolué. Au vu du commencement, il aurait pu en être tout autrement aujourd’hui, mais mon secret dévoilé, sa promesse, notre passion commune pour la mécanique et surtout sa bienveillance à mon égard avait fini par créer un vrai lien d’amitié. Un lien rare pour quelqu’un comme moi pour qui les interactions sociales s’arrêtaient assez vite aux nécessités les plus basiques. Ce n’était pas que j’étais quelqu’un de particulièrement solitaire, je ne laissais juste presque personne vraiment me connaitre. Valentinia, mon ange, avait été la première à me sortir de cette bulle ou plutôt à la pénétrer durablement. Anje, elle, avait été la seconde, d’une toute autre manière. Était-ce d’ailleurs un signe du destin que leurs surnoms se disent de la même manière ? Je vous jure que si le prochain mec dont je me rapproche est un « Angelo » je ferais brûler une église juste pour faire chier le grand mec dans le ciel qui doit bien se foutre de ma gueule !
Sur ces sages réflexions la belle brune aux yeux verts apparue soudainement devant moi, un peu plus avenante que tout à l’heure, elle me demanda ce que je souhaitais consommer en précisant qu’elle avait prévenue l’intéressée. Je détaillais son visage, j’avais bien une idée en tête pour lui répondre mais non décidément je n’étais pas venue pour ça. Cela dit, je lui commandais tout de même dans le plus grand sérieux un Orgasm… Subtil vous avez dit ? Certes, mais c’est que vous ne connaissez pas ce cocktail italien…. Un délice.  Je décelais un peu de surprise dans le regard de la brune, mais très vite le mien fut attirer par Anjelica qui plongeait pour récupérer un verre. Ma main atterrie directement sur mon visage pour masquer un rire alors que je la regardais à présent venir vers moi, une bouteille de prosecco dans l’autre main.
La regardant s’installer, de plus en plus amusée, j’avais du mal à cacher mon sourire quelque peu désespéré par son naturel.

« J’ai vu ça… et je crois que je ne suis pas le seul d’ailleurs. » Fis-je remarquer en laissant glisser mon regard sur une table dont les mecs avaient apprécié le spectacle.
Aussitôt je vis apparaitre devant moi ma commande et je remerciais la jeune femme avec un petit air enjôleur. Je n’avais jamais su résister aux belles femmes… et Anjelica vint me le confirmer avec sa finesse légendaire.
« Bois ta bouteille, ivrogne ! On parlera bouffe plus tard !» Lui rétorquais-je amusée par sa verve.
« Objectif gueule de bois ce soir ? »
« Pourquoi crois-tu que je t’aie proposé cette soirée ?! »
Je trinquais avec elle de bon cœur, me délectant au passage de mon breuvage Amaretto, Bailey’s, Kahlua. Une petite note douce-amère pour commencer la soirée. Evidemment le but de l’invitation était également de lui délier la langue à cette introvertie des sentiments, mais autant commencer en douceur et dans la bonne humeur. Il me fallut encore deux ou trois gorgées pour me sentir trop à l’étroit dans ma veste en cuir que j’abandonnais alors sur le dossier de ma chaise, me laissant en chemise ouverte sur un tshirt blanc.

« Au fait… A quoi on trinque exactement ?  Ça fait un moment qu’on n’a pas fait ça, faut le dédier à quelque chose ! »

Une petite porte ouverte... Oh je n’essayais pas d’être particulièrement subtile, ce n’était pas ma principale qualité de toute manière, mais si on voulait arriver à discuter à cœur ouvert, il fallait se créer des occasions, et comme je n’étais pas du genre à forcer les choses, autant la laisser libre de choisir si elle voulait parler maintenant, ou si je devrais ouvrir une autre porte un peu plus tard lorsque l’on serait encore plus détendues.

Je riais sous cape en voyant le regard d’Anje suivre le mien sur la table de mecs qui l’avaient reluquée au bar, et plus encore lorsqu’elle leur adressa son plus beau doigt ainsi qu’une petite phrase bien sentie.  Ah, j’aurais peut-être dû prendre une bière…  Les hommes éméchés ayant eux  aussi reçu le message, ne tentèrent pas leur chance. Ils étaient intelligents, ou des habitués ! Quelques remarques fusèrent, mais personne ne se leva, et nous pûmes reprendre entre nous.

L’insolente ! Elle me renvoyait sur la serveuse en parlant d’apéritif. C’est vrai que j’aurais facilement pu en faire mon casse-dalle. Ah…. On verrait bien, j’avais toute la nuit devant moi et pas question d’abandonner si rapidement celle pour qui j’étais venue. En parlant de ça, nous trinquâmes et j’engloutis une bonne partie de mon cocktail. Je n’avais pas beaucoup de points de comparaison pour les vrais amis, mais j’approuvais cette maxime.  J’étais prête à la suivre et ne doutais pas que la réciproque serait vraie le moment venu.  

Poser ma veste, sur le dossier de la chaise, m’attira les taquineries de l’italienne. Toujours prompte à m’embêter, je lui adressais un clin d’œil enjôleur pour entrer dans son jeu.  La serveuse reviendrait de toute façon, ce verre n’allait pas suffire. Pas plus que cette bouteille de pétillant.  Vu la soirée qui nous attendait, on allait avoir besoin de légèreté, alors autant commencer directement.

Le ton fut donné. « A notre amitié ! » Je fis de nouveau tinter mon verre contre le sien, engloutissant une autre partie du mélange blanc. Oui, c’était un bon choix. Je lui étais reconnaissante pour beaucoup de choses. La confiance mutuelle qu’on se portait aurait pu se déliter bien des années auparavant, après l’Italie. Lorsque j’étais repartie. Mais en rencontrant Anje à Londres, c’était comme si on ne s’était jamais quittés. Notre complicité étrange avait repris là où elle s’était arrêtée, elle m’avait trouvé un travail, avait soutenue ma candidature face au scepticisme de son frère. Après tout, je n’étais pas de la Cosa Nostra, j’étais l’étranger, le danger. Enfin ça c’était ce qu’il pouvait penser, car je n’avais aucun intérêt à les trahir. Ni Luca, ni le Thestral Motor et encore moins Anje. Elle m’avait permis de m’établir ici, de me construire ou me reconstruire… en attendant que la foudre tombe.

Le cocktail ne se buvait pas aussi facilement  que le pétillant, c’était dommage. Le Bailey’s rendait le liquide plus épais, et je dû me contenter d’une gorgée classique au lieu du cul-sec auquel j’aspirais. Levant le nez de mon verre, je regardais Anje se tortiller pour sortir un sachet bien particulier de l’une de ses poches. Je penchais la tête attendant sa justification qui ne tarda pas à venir. Une réserve hein ? Je détaillais le sachet, juste deux cachets.  C’était déjà ça.
Posé négligemment sur la table, mon regard continuait de voguer entre eux et mon amie. La curiosité me piquait. Je buvais beaucoup, c’était indéniable, les bars étaient fait pour ça de toute façon non ? Mais les autres substances m’étaient inconnues, j’avais toujours laissé ça de côté, effrayé de faire une erreur, de trop parler, de devenir accro….  La conversation bifurqua rapidement, sur le frère d’abord, puis le fiancé, c’était furtif, mais c’était un début et tout aussi précipitamment, elle revint à la charge avec la serveuse, avec son petit air d’angelot là ! Elle ne dupait personne !
« Pourquoi ? T’es jalouse ? » Je ris en la défiant du regard, puis en l’imitant, finis enfin mon verre.

« Tu as raison, il faut que je passe à quelque chose de plus facile et rapide à boire ! » Piquant la bouteille d’Anje, je remplis mon verre également. Il fallait bien attendre avant la prochaine commande non ?

Je soupirais, les interactions humaines étaient vraiment des choses compliquées. Entre son frère et son mec, Anje était bien entourée pour se prendre des migraines à répétition. Deux fortes personnalités qui, heureusement, n’étaient pas souvent en conflit…  J’espérais simplement que les choses allaient vite se tasser pour elle. Les informations ne filtraient pas beaucoup au travail et je n’étais pas du genre à avoir les oreilles qui trainent, aussi, toute cette situation me paraissait bien opaque. Prenant ma première gorgée de Prosecco, mes yeux retombèrent sur le sachet  qui trônait toujours sur la table. D’un geste nonchalant de la main, je le ramenais à l’attention d’Anjelica.
« Tu as envie de passer à la vitesse supérieure ? »

Je n’avais aucune idée des effets que ça pouvait provoquer, ni de leur durée, mais puisque c’était le début de la nuit, je me disais qu’il valait peut-être mieux évacuer les dangers tout de suite.  Pas le temps d’épiloguer, la jolie serveuse revenait vers nous comme l’avait prédit ma jeune amie. Mon verre n’était plus vide et elle hésita, mais je la rassurais d’un sourire. Visiblement ma  nouvelle tenue semblait tout autant lui convenir. C’était bon à savoir…
« Je vais prendre  un JagerBomb à la bière, tu me suis Anje ? Ou on anticipe la seconde de Prosecco ? »

Elle était bien bonne celle-ci, d’abord elle voulait me pousser vers sa serveuse et maintenant elle prétextait la jalousie.  Je répondis d’un rire franc, faisant ma propre analyse de cette situation. Ce soir, Anje voulait toute mon attention et bien qu’elle n’irait jamais m’empêcher de draguer qui que ce soit, je pariais qu’elle n’avait pas particulièrement envie que j’écourte notre soirée en tête à tête.  La jalousie n’était, de toute manière, pas vraiment dans les attributions de mes proches. J’étais assez direct et franc pour ne duper personne sur mes intentions.  Anje avait le monopole de mon amitié, Valentinia , celui de mon amour. Pour tout ce qui était relation charnelle en revanche, ma liberté était absolue et il en était de même pour ma femme. De part nos activités, nos, parfois trop longues séparations pour le travail ou simplement nos appétits, nous nous étions autorisés cette liberté partagée. Pas de jalousie au sein de mon couple, mon cœur lui appartenait plein et entier, seule son absence parfois trop longue à mon goût m’affectait, mais jamais la peur de perdre son amour.
L’italienne pesta pour la forme en me voyant voler une partie de son précieux alcool et je ris à sa suite.

Parce que ce sachet m’intriguait je rappelais à Anje sa présence. Je ne savais pas vraiment si ce n’était que récréatif ou un peu plus fort, mais la curiosité que j’avais pour ces gélules me surprenait moi-même.  Peut-être était-ce dû à ces longues semaines de séparation avec ma chère et tendre ? Val me manquait atrocement, et aucun autre corps entre mes mains ne pouvait remplacer sa douce étreinte, ni me la faire oublier plus longtemps que quelques heures à peine. Alors peut-être que l’un de ces trucs me ferait penser à autre chose ? Après tout, Anje le faisait bien, elle aussi. Et en sa compagnie, rien ne pouvait m’arriver… je tentais de me rassurer.
« Et bien…. »
La serveuse re-pointa le bout de son nez avant que je n’ai pu finir de m’exprimer. Son regard était appréciateur et je l’encourageais d’un sourire. Anje, elle, était hilare ! Je la rabrouais d’un regard, mais ne pouvait m’empêcher d’être amusé également. Elle ne m’aidait pas cette vilaine !  Nous finissions de passer commande d’une deuxième bouteille de Prosecco et à peine la brunette tournait les talons que ma chère et supportrice amie revint à la charge.
« Elle, probablement pas… » J’étais confiant en mes capacités à lui faire oublier le monde qui l’entourait. « Mais je ne suis pas certain que sa patronne apprécie le spectacle. » répliquai-je dans un petit rire.
Je n’évoquais pas le fait que personnellement, je ne préférais pas m’exposer à la vue de tous, en tout cas, si j’aimais le risque, j’appréciais bien moins les projecteurs.  

La conversation bifurqua rapidement à celle pré-interruption, Anje m’expliquant alors les effets et la durée de sa petite gélule magique. Planer et se sentir léger, c’était tentant. De plus, les effets n’étaient pas trop longs. Pas assez pour s’en inquiéter outre-mesure.  Encore hésitante, je les fixais tour à tour, puis sans répondre, je tendis la main pour en prendre une.  
Suivant l’exemple de la Zabini, je glissais la pilule dans ma bouche, la sentant rapidement fondre au contact de ma langue. Anje fermait les yeux, appréciant un effet bien connu. Moi, je restais encore sur mes gardes, attendant le premier signe de ces effets.
Anje dériva mon attention, revenant soudainement à Jaeden et ses soucis personnels.
«  Ça serait lié à l’enquête de ton père ? » Je n’avais pas la moindre idée de ce que pouvait être cette enquête, cela ne m’intéressait pas particulièrement, mais si ça affectait Anje, alors ça changeait la donne. « Ce n’est pas juste de l’inquiétude ou du stress ? »
Je posais des questions un peu évidentes sans doute, mais elles avaient le mérite de pouvoir laisser Anje s’exprimer librement.  De verbaliser la frustration que je sentais monter en elle depuis plusieurs  jours. Les relations sociales, humaines, n’avaient jamais été mon fort, je n’espérais donc pas résoudre d’un coup de baguette magique ses problèmes ou simplement lui faire réaliser une chose extraordinaire qu’elle n’avait pas imaginé jusque-là. Non, je n’étais là qu’en soutien, une épaule sur laquelle se reposer, déverser ce qu’elle ne pouvait plus faire ailleurs.  Si cela pouvait lui apporter un tant soi peu d’apaisement alors j’aurais accompli ma tâche. Nous n’en étions qu’aux prémisses toutefois et entre la serveuse qui ne tarderait pas à nous ramener la seconde bouteille de Prosecco et  la pilule qu’on venait de gober, je me demandais bien combien de temps tout cela allait prendre.  
« Sinon tu me dis, et on l’attache dans un coin pour le faire parler ! »
Un petit air malicieux sur le visage, j’espérais faire retrouver un peu son beau sourire à mon amie. Elle savait que je n’hésiterais pas si elle m’en donnait le feu vert.

J’éclatais de rire en l’entendant répliquer. Je commençais à entrevoir l’étendue de ces « envies tordues » comme elle disait.  Depuis le temps, je savais qu’il n’y avait pas grand-chose qui arrivait à choquer la Zabini.  C’était de famille d’après ce que disaient les rumeurs.  Le bar était assez connu et reconnu pour sa qualité mais également pour une certaine débauche. Les mœurs pouvaient être  légères tant que chacun savait bien se tenir.
« Je ne voudrais surtout pas lancer une nouvelle mode ! »  Rajoutais-je en riant. Le pire c’était que j’étais à peu près certain que cela aurait pu devenir un spectacle à la mode. Peut-être était-il temps pour la Cosa Nostra d’ouvrir un autre type d’établissement, un genre où certains peuvent se produire sur scène. Dans les milieux undergrounds, ça pouvait rapporter gros.  

Je lu un peu de surprise dans les yeux de mon amie alors que j’acceptais cette pilule. Son regard était affuté et je savais que je ne tarderais pas à devoir passer aux aveux. Ce n’était pas que je voulais lui cacher des choses, mais je n’aimais pas vraiment parler de moi d’une façon générale. Inné ou acquis, je gardais le verbal pour ce qui touchait les autres, mais avec Anje… avec elle je pouvais m’exprimer, je le devais même. En temps et en heure.
En attendant, sa langue se délia en premier et sa principale préoccupation du moment, Jaeden, revint sur la table.  Hilare, avec les effets que procurait la drogue encapsulée, elle approuva mon plan pour lui tirer des réponses.
Sans attendre, elle redirigea la conversation sur ma personne. Ça n'avait pas mit longtemps.
« Tu as une mauvaise influence sur moi Anje, je l’ai toujours dit ! » m'amusais-je. J’avais l’impression de me retrouver entourée de coton, le produit faisant son effet, je me sentais léger, en confiance, je pouvais lui parler de mes problèmes sans me sentir écrasé par eux.

La serveuse ramena la prochaine tournée, mais prit dans notre conversation nous l’ignorons. Si elle se vexait, je n’y prêtais aucune attention. Je regardais mon amie dans les yeux, penchée vers elle, commençant à déballer ce que j’avais sur le cœur.
L’absence de mon âme sœur me pesait beaucoup. Elle partait longtemps et trop souvent pour le travail. Certes durant ses retours c’était magique, comme si nous ne nous étions jamais quitté, intense car nous rattrapions un peu de ce temps loin l’une de l’autre, mais le reste du temps était une torture.  Lorsqu’elle n’était pas là, je faisais beaucoup d'heures sup, comme j’aimais mon travail ça me permettait de faire passer le temps plus vite, de ne pas y penser. Le reste du temps j’allais me saouler dans les bars, partait en quête de conquête d’un ou deux soirs. Je m’occupais l’esprit, je passais le temps, mais je sentais que ça ne me suffisait plus. Alors ce soir… pourquoi ne pas essayer cette gélule qui me permettait de parler de tout ceci sans en souffrir.
Je pouvais lire de l’empathie dans le regard d’Anjelica, vu sa situation peut-être me comprenait-elle mieux que je ne pouvais l’imaginer. En tout cas, elle me laissa déverser ma souffrance, puis s’épancha à son tour.  
Je ne sais plus combien de verres et de fou-rire nous avons fini par partager cette soirée-là. Beaucoup, sûrement trop, car le lendemain, en plus d’un mal de crâne incroyable, la douleur m’indiqua que je m’étais musclé les joues !
Cette soirée m’avait fait du bien, et j’attendais la prochaine avec impatience. Peut-être que cette fois encore, Anje me ferait essayer l’une de ses gélules spéciales. Je crois que je commençais à y prendre goût.