Les études. L'anglais. La bibliothèque. Les sortilèges. La baston. Tout ça est extrêmement compliqué pour moi, et ce n'est rien de le dire. Je savais à quoi m'attendre en venant à l'université ici, mais peut-être pas de rencontrer des difficultés à cause d'un cursus radicalement différent entre Maho et Poudlard. Je connais des sorts qu'ils ignorent, mais en contrepartie, beaucoup sont inconnus pour moi...ce qui est quand même con quand on doit suivre un cours de « sortilèges avancés », vous ne trouvez pas ? Moi qui aime tant faire les choses moi-même sans réclamer d'aide, il va falloir que je prenne mon courage à deux mains pour tenter de trouver une bonne âme. Hyacinthe ? Il en est hors de question ! Il serait capable de se foutre de ma gueule, et je ne veux pas lui donner de matière supplémentaire pour ça. On pourrait finir de nouveau à l'infirmerie à cause d'une bagarre, mais cette fois pour avoir essayé de s'entraider. Il faut croire que nos deux caractères explosifs ne font pas bon ménage ensemble.

Il me faut un entraîneur, un coach, ou plus simplement quelqu'un d'autre que Chang pour m'aider dans ces études. Et quoi de mieux pour cela que de demander à quelqu'un de la même filière, de préférence plus doué que moi ? Au moins du même niveau...nous pourrions nous faire évoluer l'un l'autre, apprendre de nos erreurs sans risquer de finir six pieds sous terre. Je dois dire que c'est surtout l'attaque de Londres qui m'a fait me décider à mettre mon orgueil et ma timidité de côté pour me plonger là-dedans. Je ne veux pas d'attache ici, mais c'est loin d'en être, n'est-ce pas ? Je demande simplement de l'aide, et ils ne risquent rien à m'en donner ici. Même si mon projet d'avenir est plutôt spécial, et même s'il échoue à la dernière minute, je dois tout mettre en œuvre pour le réussir.

J'ai fait comme d'habitude ce que je sais faire de mieux : observer les gens, observer tous ceux qui travaillent à la bibliothèque ou dans la salle commune. Pour plus de commodité, il s'agirait que mon « entraîneur » vienne de la même maison que moi, car à cause de leurs histoires de maison, il est difficile de rester avec quelqu'un qui ne peut venir dans la salle commune. Il y a bien d'autres pièces, mais difficile d'y accéder le soir par exemple. Et puis c'est un peu chiant aussi, on ne va pas se le cacher. Bref, il me faut un type qui vient de ma maison et qui suit les mêmes études. Autant dire que ça ne semble pas courir les rues ici...

Je commence à désespérer alors que mes recherches ont à peine commencé. Moi qui suis plutôt du genre à m'acharner, il faut croire que ça dépend des moments et du contexte hmm...je me sens un peu con là, mais c'est quand même plus difficile que d'aller simplement fouiller les bouquins à la bibliothèque ! Je me laisse choir sur un des fauteuils devant la cheminée verdâtre, et soupire longuement de désespoir. La salle est vide, sûrement à cause de l'heure tardive...à part un type penché sur ses notes ou sur un bouquin quelconque non loin, qui n'a pas l'air de m'avoir remarqué. Moi aussi j'ai des devoirs, mais je n'ai pas le courage de m'y mettre...déjà parce que je galère à déchiffrer certains termes spécifiques en anglais, mais aussi parce que je suis déprimé de ne pas pouvoir trouver quelqu'un pour m'aider autre que Hyacinthe. Si je suis obligé de passer par lui, je sens que je vais finir par le buter.

Les minutes passent, presque oppressantes, et moi je fixe du regard ce type à seulement quelques mètres de mon fauteuil. Si j'avais un peu plus de couilles, je lui taperais la discute là tout de suite...mais je ne suis pas comme ça. C'est Hyacinthe qui interpelle les gens sans problème, pas moi...enfin...ça dépend des moments. Nouveau soupir, d'exaspération cette fois. Envers moi-même bien entendu. C'est pas si compliqué de causer, non ?

« Hey...tu lis quoi ? »

C'était limite de l'impolitesse, et en plus j'ai laissé tomber mon vouvoiement habituel. Tu parles d'une interpellation ! J'aurais quand même pu faire mieux. Je me force à sourire à ce type. Je dois m'entraîner à être plus sociable si je veux pouvoir réclamer de l'aide à n'importe qui...autant commencer par lui, n'est-ce pas ?

« Je t'ai encore jamais croisé à la bibliothèque il me semble, pourtant j'y suis toujours fourré...mais peut-être que je suis simplement bigleux. T'es en quelle filière ? »

Bon. Je commence à me dérider un peu, même si ça ne fait pas très naturel comme conversation. Mes mains se tordent, et la seule raison pour laquelle ma voix ne tremble pas est que je suis assis confortablement dans une pièce que je connais par cœur. Fort heureusement. Pour l'encourager à me répondre, je décide de me dévoiler...un tout petit peu.

« Je suis en Protection Magique, première année...mais je galère, j'avoue. Je viens pas de Poudlard, alors pas mal de choses apprises normalement ici me sont inconnues...de la même façon, j'ai appris des trucs que je ne retrouve pas ici. »

Je laisse échapper un petit rire gêné, un peu nerveux. Bon...c'est comme ça qu'on entame une conversation, n'est-ce pas ? Il ne reste plus qu'à espérer qu'il ne m'envoie pas bouler, je sais que c'est courant chez certains Serpentard. Cette maison semble un peu être « chacun pour soi », mais qui suis-je pour les blâmer ? Moi-même j'ai du mal à faire acte d'altruisme, même si je me soigne avec Hyacinthe qu'il faut toujours surveiller. C'est altruiste de le droguer aux somnifères pour sa propre sécurité et sa santé, n'est-ce pas ?

« Mais je ne me suis même pas présenté. Taira Utakata, enchanté ! »

Ouh, pas très réceptif comme mec ce type. J'espère ne pas avoir fait d'erreur lui adressant la parole, j'ai appris grâce à – ou à cause de en fonction du point de vue –  Hyacinthe que la plupart des Serpentards n'étaient pas très avenants, voire carrément asociaux. Je n'ai pas grand-chose à dire à ce sujet, je sais, moi qui suis loin d'être le plus social des mecs ! Mais c'est pas très pratique quand on a besoin d'aide, je dois dire. Enfin. Quoi qu'il en soit, j'acquiesce gravement pour montrer ma compréhension. Oui, la bibliothèque est parfois bondée de gens qui ne sont pas forcément là pour réviser, si vous voyez ce que je veux dire. Mais j'ai trouvé pour ma part un petit coin bien tranquille, certes proche du bibliothécaire aigri, mais loin de tous ceux qui parasitent l'endroit. Hyacinthe me rejoint souvent là-bas, et j'avoue que ça me conforte dans mes révisions. Comme quoi...tout le monde n'a pas les mêmes besoins dans ces moments-là !

J'avais bien visé, ce mec est dans l'exacte même filière que moi mais deux années au-dessus. C'est mon senpai, pour parler de quelque chose que je connais. Dans la plus pure tradition japonaise, je respecte autant ces élèves qui me sont supérieurs que les professeurs qui doivent m'apprendre de nouvelles choses. C'est comme ça, chez nous. Et honnêtement, ce n'est pas quelque chose qui me dérange, contrairement à plusieurs autres actions étranges que je n'approuve pas. Comme par exemple l'hypocrisie latente et le fait de cacher les problèmes de société derrière une jolie tapisserie tendue par un gouvernement parasite. Ah, mais mon opinion politique et révolutionnaire ressort une fois de plus...je devrais me calmer, ou je cours droit à la catastrophe avec ces histoires.

« Eh ? Me filer un coup de main ? »

Alors là, je suis sur le cul. Moi qui pensais que j'allais devoir défendre mon bout de gras pendant des plombes avant d'avoir une réponse positive, voilà que c'est lui qui me propose de l'aide spontanément ! Je reste d'ailleurs coi un petit moment, si bien que je dois avoir une bonne tête de débile. Mais je me reprends vite, secoue la tête et esquisse un sourire satisfait. Au moins, il m'ôte les mots de la bouche et me permets de ne pas bafouiller comme un con en tentant de m'expliquer ! Je me lève vivement du fauteuil, la baguette à la main comme si je m'attendais à ce qu'il m'attaque immédiatement. C'est peut-être normal, vu le professeur de sortilèges qu'on a. J'ai encore à l'esprit les nombreuses fois où il a attaqué arbitrairement quelqu'un dans la salle, de façon totalement aléatoire et plutôt brutale...depuis, j'ai un réflexe presque surhumain pour sortir ma baguette en moins d'une demi-seconde.

« Bien sûr que j'accepte ! Mais...euh...tu veux qu'on fasse ça là ? Ici, dans la salle commune ? Ca risque de déranger pas mal de monde, ne serait-ce qu'avec le bruit...non ? »

Je sais que nous ne sommes pas censés être dehors après une certaine heure, mais l'endroit n'est pas forcément très bien isolé. A moins qu'il veuille lancer un Assurdiato dans la pièce entière ? Mon sort par définition, celui que j'utilise le plus souvent depuis que je suis à Poudlard. Il faut dire qu'avec Hyacinthe, on en a l'utilité parfois...et j'aime pas qu'on puisse entendre ce que j'ai à dire dans certaines situations, pas forcément dégoûtantes d'ailleurs, je vous vois venir. Non, quand je dois confier quelque chose à quelqu'un, je m'assure déjà qu'il n'y a personne d'autre autour et lance ce fameux sort. Discrétion oblige.

« J'ai du mal en sortilèges, comme j'ai dit, pas mal de trucs me sont inconnus parce qu'on en a seulement vu la théorie. Je connais la défense, mais pas grand-chose en attaque. C'est...un enseignement très spécial, là-bas, à Maho. Comme s'ils avaient peur qu'on se rebelle contre eux. »

C'est exactement ça, évidemment, mais il n'est pas censé tout savoir non plus. Après tout, je dois bien garder quelques secrets !

« Si on le fait là, je préfère insonoriser la pièce avant si ça te dérange pas. Il est tard, tout le monde dort maintenant, je sais qu'à leur place ça me ferait chier d'être réveillé par des cris ou autres bruits indésirables. »

Euh...ok, c'était presque tendancieux cette façon de s'exprimer. Mais je n'y ai pas songé avant de prononcer ces quelques mots. Je rougis légèrement, mais prie pour qu'il n'ait pas saisi le double sens lui aussi. Tout le monde n'est pas un monstrueux pervers tel que moi, n'est-ce pas ? Pour échapper à la gêne du moment, je m'éloigne pour nous faire une grande bulle insonorisée dans la salle entière. S'il y a des dégâts, un simple reparo pourra s'en occuper je pense...et je doute que qui que ce soit vienne nous interrompre à cette heure-ci, à part peut-être un ou deux insomniaque s'il y en a dans le lot.

« Voilà...on peut commencer maintenant. J'ai les réflexes pour la protection comme je t'ai dit, surtout à cause de monsieur Dolohov qui nous agresse à chaque cours, mais l'attaque...disons que je me suis retrouvé dans une situation où je me suis finalement rendu compte que j'avais quelques lacunes dans ce domaine, des lacunes handicapantes. »

Sans lui détailler ma vie, je songe bien vite au fiasco de noël. Si Hyacinthe n'avait pas été là, je serais sûrement mort à l'heure qu'il est, attaqué par ces mangemorts. Il a plus de réflexes que moi même s'il jure comme un charretier à chaque sort, et moi...je manque de précision, de vitesse, de tout. Manque de pratique je dirais, mais je n'ose pas aller pour le moment au club de duel par crainte de me faire battre à plate couture à chaque combat. Accepter de l'aide est déjà un gros effort de ma part ! Mais c'est nécessaire. Que pourrais-je faire face au ministère japonais si je ne suis pas capable de me battre contre une petite poignée de mages noirs ? Non, réellement, j'ai besoin de ces petits « cours particuliers ». Même si ça signifie que je vais finir par roter du sang à force d'efforts, un peu comme Hyacinthe en période d'examens. Je vais avoir besoin de potion de sommeil moi aussi, c'est ça ?

Il faut bien savoir s'entraider...ouais, c'était vite dit. En fait, ça me faisait surtout songer aux élèves de Maho...parce qu'on ne dirait pas dans une école où les bonnes notes et le prestige comptent plus que tout au monde, mais il y avait énormément d'entraide encadrée par les professeurs. Le souci, c'était qu'en-dehors de ces histoires principalement organisées par les profs, des moments de pure hypocrisie que même à l'époque je ne pouvais supporter, les élèves restaient tous dans leur coin à bosser comme des malades dans l'espoir de surpasser le voisin. L'utilité dans tout ça ? Trouver une place à la sortie de l'école dans la société, un peu comme les moldus actuellement. Trouver une place et s'y accrocher comme une sangsue, grimper les échelons en suçant des queues pour gagner des contacts, et terminer sans plus une seule once d'honneur mais avec un salaire indécent et une âme aussi noire que celle du Seigneur des Ténèbres pour reprendre une référence d'ici. Alors rien qu'en entendant cette phrase, qui pourtant doit être particulièrement innocente, je ne peux empêcher un rictus de déformer mon visage. Réflexe d'une autre époque, certes, mais je ne m'en débarrasserai pas si facilement, je pense.

« Tu n'as pas tort là-dessus...même si je pense que beaucoup ne s'attendaient pas à autant de travail ! »

Je pense que certains sont au contraire très surpris de devoir fournir autant d'efforts alors qu'ils s'attendaient potentiellement à se la couler douce pour trois, cinq, peut-être sept ans. Les études, ce n'est pas comme le travail après tout, n'est-ce pas ? Ils ont dû vite déchanter avec les premiers examens. Moi qui ai déjà tenté une percée dans le monde du travail, je peux affirmer que je galère doublement cette année par rapport à l'an dernier pas exemple. Mais c'est pour la bonne cause...pour une noble cause, celle qui les vaut toutes. Tel un prophète, je souhaite seulement libérer mon peuple...ou pour le dire plus simplement, je souhaite lever le joug du ministère sur ma famille toute entière. Une mission-suicide avec une infime chance de réussite, mais tant que celle-ci n'est pas nulle, je tenterai. C'est une question d'honneur familial, je n'ai pas le droit d'abandonner ou je n'aurais plus qu'à me suicider dans les règles de l'art.

Je ne peux m'empêcher de rire légèrement en l'entendant parler du professeur Dolohov. Oui, c'est un sacré taré ce type ! De toute ma vie je n'ai pas eu affaire à un professeur aussi...fou. Il n'y a pas d'autre adjectif pour le décrire, vraiment, ce type a un problème dans sa tête. Combien d'élèves finissent à l'infirmerie, déjà, avant même le début de son cours ? Et puis merde, nous coltiner ça à huit heures du mat un lundi, c'est de la torture ! Pourtant, je ne m'en plains pas ouvertement. C'est l'un des seuls cours que je passe avec Hyacinthe, et je suis particulièrement attentif pour les besoin d'un avenir peut-être pas si radieux que ça. Dans quelques années, je suis persuadé que je serais reconnaissant envers mon cher professeur à la case en moins.

J'ai à peine le temps de sortir ma baguette pour contrer son expelliarmus qui me prend par surprise, et...rate lamentablement à une milli-seconde près. J'ai de bons réflexes pour la défense, c'est vrai, mais un temps de réaction peut-être un peu trop long il semblerait. Mais c'est ce que je lui ai dit après tout. C'est l'attaque qui pêche...peut-être à cause de mon background ? Probablement même. Hyacinthe voulait que j'intègre le club de duel pour pallier à tout ça, mais je n'ose pas tant que je n'ai pas un minimum de skill acquis dans ce domaine. Je déteste entrer quelque part en sachant que je vais perdre. Je ramasse rapidement ma baguette, et lui fais face de nouveau. Le prochain ne passera pas !

« Je me suis laissé surprendre, désolé. »

Le sort de désarmement, le meilleur sort au monde ? C'est ce qui est écrit dans un bouquin à la bibliothèque, une espèce de truc un peu nul concernant le type qui a tué le Seigneur des Ténèbres à coup d'expelliarmus. J'avoue que ça m'a laissé dubitatif, cette histoire. Quand même, quand on est ciblé par un sortilège de mort, on ne balance pas un pauvre expelliarmus...

Comme je comprends qu'il veut m'attaquer de nouveau, je me tiens prêt à riposter. Je n'ose pas encore lui balancer un truc à la gueule, mais...un simple « protego » me protège d'un éclair rouge qui aurait pu me faire bien plus de mal qu'un simple désarmement. Enfin ça, c'est la défense basique, n'est-ce pas ? Je pourrais passer ma vie à utiliser un protego, marcher dans la rue avec une bulle comme ça, mais jamais je ne pourrais me battre en me contentant de la défense ! C'est donc en serrant les dents et en agrippant fermement ma baguette que je lance moi aussi mon premier sort. J'avoue, je ne suis pas allé chercher loin...

« STUPEFIX ! »


Ah, ben voilà ! Dans un cadre pareil, avec un duel connu, je parviens à jeter ce foutu sort et à viser correctement. C'est un bon début, quoique j'aurais tout de même préféré qu'il fonctionne lorsque je me suis retrouvé face à des mangemorts dans la rue à noël...mais ça, on va dire que la panique a joué son rôle!