Est-ce que c’était une bonne idée d’accepter ce rendez-vous avec ce type ? C’était la question que Raphaël s’était posée pendant des semaines. Lorsqu’il était chez ses parents, il avait repoussé l’instant où il allait devoir répondre à Bidbad et lui donner la confirmation, ou non, qu’ils allaient pouvoir se rencontrer. Il avait simplement prétexté qu’il avait besoin de temps pour réfléchir, et mettre tout ça en place. C’était pas tout à fait un mensonge, puisqu’il ne savait pas trop comment il allait s’y prendre, mais la véritable raison c’était qu’il était en séjour en France et qu’il ne pouvait pas le dire.

Pendant ses vacances en famille, il avait repris contact avec Badgerias, un membre de sa guilde dans l’un de ses jeux en ligne. Après avoir papoté un peu, ils avaient décidé de se rencontrer lorsque Raph retournerait à Londres. C’était une bonne occasion de voir comment pouvait se dérouler la rencontre avec un inconnu. L’ado avait l’air un peu bizarre, voire dérangé, au début, mais au final Raphaël avait passé un excellent après-midi. Mais bon… Là c’était différent, il n’allait pas rencontrer un pote de l’internet. Il allait rencontrer une personne qui lui avait déjà donné des renseignements importants concernant une attaque contre une famille de sorciers.

Qui était ce type ? Comment avait-il accès à ces informations ? Parce que ce n’était pas un canular, ça aurait pu, c’était même la première chose à laquelle Raphaël avait pensé, mais dans le doute il avait quand même prévenu d’autres membres de l’Ordre et il s’était avéré qu’une escouade du Blood Circle était réellement venue visiter la maison de ces sorciers. Est-ce que ça leur a sauvé la vie ? Raphaël n’en savait pas plus sur ce sujet là, mais il ne faisait aucun doute que le Cercle ne leur voulait pas du bien. Raph était tout de même réticent à le rencontrer. Il avait eu un peu peur des échanges qu’il avait eus avec lui, quelques mois plus tôt. Bigbad ne semblait pas réellement adhérer à la cause sorcière, il avait des œillères et ne semblait pas trop vouloir voir les choses comme le français les voyait. Raphaël ne savait pas non plus si son correspondant était maladroit dans ses propos ou s’il pensait vraiment que les sorciers étaient des malades mentaux. Bref, il y avait pas mal de choses qui faisaient que le Français préférait attendre que Bigbad soit bien sûr de vouloir une rencontre, et d’en connaître les raisons, pour accepter de le rencontrer.

Le jour fatidique de la rencontre arriva tout de même. Raphaël aurait pu proposer d’aller au London Bar pour que Leah puisse surveiller la rencontre, comme avec la mystérieuse Ashley, mais il avait accepté d’aller dans un autre endroit. Il ne savait pas trop ce qu’il attendait de Bigbad, ni ce que ce dernier attendait de lui. Est-ce que c’était un piège ? C’était un risque à prendre. Rien dans les propos de l’inconnu ne laissait supposer que ses intentions étaient mauvaises ; mais ça ne voulait pas dire qu’elles ne l’étaient pas. Mais Raphaël avait une idée en tête. Arrivé sur le lieu du rendez-vous, volontairement en retard, il parvint à repérer l’emplacement de son correspondant secret. Il aurait pu s’en tenir à ça, il avait pu mettre un visage sur ce Bigbad, mais il devait aller jusqu’au bout. Le français prit son courage à deux mains et alla s’asseoir en face de l’inconnu, comme si de rien n’était. Il y avait un monde où Raphaël s’était trompé de bar, ou de table, mais les propos du jeune homme lui donna rapidement la confirmation que c’était bien l’homme qu’il cherchait. Lorsque Bigbad l’interpella en lui disant qu’il attendait quelqu’un, Raphaël se contenta de lui sourire, mais lorsqu’il lui demanda si c’était la personne qu’il attendait, Raphaël lui mima de se taire, en posant son index sur le bout des lèvres ( celles de Raph parce que ça peut paraître ambiguë) tout en sortant son téléphone, il prit une photo du visage de son interlocuteur avant de l’éteindre. Il sourit à nouveau à l’inconnu.

«Désolé, simple précaution. Étant donné le contexte dans lequel nous nous rencontrons, j’imagine que tu ne m’en voudras pas.» Il posa le téléphone, écran visible sur la table pour bien montrer qu'il était éteint. «Si jamais mon ami n’a pas de nouvelle de moi d’ici ce soir, il aura une photo de la personne qui m’a empêché de lui en donner. Bon avec une photo on ne fait pas tout, mais c’est mieux que rien.» Du bluff. Du bluff pur et dur. Cependant, c’était un mensonge facile à raconter puisqu’il avait réellement envisagé de faire ça, mais c’était compliqué à mettre en place. Mais ça, l’autre ne le savait pas. C’était une simple mesure de précaution, mais ça n’empêchait pas de continuer de lui parler avec sympathie«Bon… Comme tu l’as deviné, je suis French_Bahamut, mais tu peux m’appeler Raphaël. Au cas où tu te le demandes, oui je viens de France. Mais on est pas là pour parler de ça j’imagine ?»

Raphaël s’assit en face de ce qui semblait être le mystérieux Bigbad. Le jeune homme était assez surpris. Il s’attendait à avoir affaire à un type un peu grassouillet, un no-life habitué aux technologies, le genre de gars un peu cliché des pro de l’information derrière leurs PC qu’on voit dans les films et les séries. Il se demandait même s’il ne s’était pas trompé de table, ou de personne ; après tout, l’erreur était possible. Il eut cependant la confirmation que c’était bel et bien la bonne personne lorsque celui-ci lui affirma qu’il attendait quelqu’un, avant de lui demander s’il était celui qu’il attendait. Raphaël lui fit silencieusement signe de se taire, avant de prendre une photo de l’inconnu et d’éteindre son téléphone. Il expliqua, en lui souriant, que c’était une simple garantie pour qu’il ne lui arrive rien ; mais Bigbad réagit très mal à cette démarche. Raphaël s’attendait à de l’indifférence ou une réaction colérique de la part de l’inconnu, il ne s’attendait pas à le voir pâlir et être mal à l’aise. Le type avait peur.

«Bien sûr que je l’ai envoyée, c’est là tout l’intérêt d’une garantie. Mais j’ai pas envoyé ça à n’importe qui, c’est dans les mains d’une personne de confiance.»

Bigbad déclara que ce n’était pas ce qui était convenu. Il se leva et commença à partir. Le français s’empressa de le rattraper pour le retenir.

«Hey… Attends, calme toi. De quoi t’as peur ? Je croyais qu’on était censé être dans le même camp, qu’on était dans le même bateau ?» Raphaël continua à voix basse pour ne pas attirer trop l'attention sur eux. «Tu es bien là pour m’aider à combattre le Blood Circle, non ? Dans ce cas, tu sais que j’ai envoyé cette photo à une personne de confiance. Je vois pas qui tu pourrais craindre à part le Cercle, et eux, ils m’ont déjà dans le collimateur. Ça serait suicidaire de ma part de les contacter.»

Mais Raphaël comprenait les craintes de son rendez-vous mystérieux. Lui-même avait peur, et c’était pour ça qu’il avait mis en scène toute cette comédie. Il avait au moins eu la confirmation que ce Bigbad était du même côté que lui. S’il était du Blood Circle, il n’aurait rien eu à craindre de lui, il l’aurait arrêté sur le champ, il en avait le pouvoir et l’autorisation.

«C’est toi qui a voulu ce rendez-vous et maintenant tu te casses ? C’est extrêmement dangereux pour moi de m’exposer ainsi, sans le couvert de l’anonymat. Je préférerais me fondre dans la masse, mais j’ai pris des risques pour qu’on ait cet entretien. C’est normal que je prenne des précautions, mais si tu es prêt à t’opposer au gouvernement Kane, alors mes menaces n’ont pas à avoir d’effet sur toi, parce que tu ne vas rien me faire et qu’on aura pas besoin de découvrir ce qu’il m’est arrivé. »

Quand même… Ça faisait au moins depuis le mois de mai que ce type cherchait à le rencontrer, et maintenant qu’ils étaient face-à-face, il voulait se faire la malle ? C’était du foutage de gueule, du gros foutage de gueule !