Aiko & Eliza

Eliza était sur bien trop de projets à la fois. Elle ne parvenait plus à concilier l’ouverture de sa galerie, les papiers administratifs, les séances photos et les missions du Blood Circle. Malgré tout, elle ne perdait pas le nord et rendre service à cette association était primordiale pour elle. Elle n’avait aucune ambition d’évolution. Eliza voulait simplement venger ses parents. Ils étaient morts depuis quelques années de la main d’un sorcier et elle attendait de pouvoir remettre la main sur lui pour lui faire connaître les pires douleurs de son existence. Sadique ? Pas le moins du monde. La vengeance primait simplement sur tout le reste. Il animait ses journées et Eliza semblait être devenue une autre personne depuis la perte de ceux qu’elle aimait le plus au monde. Elle était comme hypnotisée, focalisée sur un seul et même objectif jusqu’à ce qu’elle puisse l’atteindre. La jeune femme n’avait aucune envie de monter en grades au sein du Blood Circle. Elle savait qu’elle était indispensable et qu’elle était particulièrement douée dans tout ce qu’elle entreprenait. Peut-être que leurs dirigeants le remarqueraient. En attendant, elle se contentait de vivre sa vie et de rester concentrée sur ses objectifs.

Malgré tout, elle devait bien poursuivre ses rêves personnels. L’ouverture de sa galerie d’art approchait à grands pas et elle avait envie de mettre un thème en avant : la passion. Pour ce faire, elle avait prévu de prendre des personnes en photo dans le feu de l’action. Elle avait envie de rendre ses photographies plus vraies que nature. Elle n’avait pas envie que les personnes jouent un rôle devant l’objectif, parce qu’elle avait l’impression que cette petite étincelle disparaissait de leur regard. Elle avait envie de les photographier sans qu’il ne le sache et allait à leur rencontre ensuite. Après tout, jouer la comédie n’était pas donnée à tous et ne faisait absolument pas naturel sur l’appareil photo, selon elle.

Quoi qu’il en soit, Eliza avait décidé de se reconnecter à la nature, ce jour-là. Elle était exténuée par tous ces entraînements et une petite promenade lui ferait du bien, maintenant que les beaux jours revenaient. C’était assez rare qu’il ne pleuve pas aussi longtemps en Angleterre. Elle allait donc en profiter. Eliza décida donc de profiter des magnifiques plaines en marge de la ville. Londres avait beau être magnifique, elle était bien trop animée et il y avait énormément de touristes. Parfois, se reconnecter avec la nature pouvait faire du bien.

Vêtue d’un pantalon noir, elle avait à moitié rentré son chemisier rouge à l’intérieur. Ses cheveux étaient remontés en queue de cheval haute et elle avait volontairement laissé quelques mèches rebelles encadrer son visage. Une randonnée lui ferait du bien. Elle était assez endurante qui plus est. Elle prit de profondes inspirations pour sentir l’air frais rentrer dans ses poumons. Chaque pas lui permettait de se détendre davantage.

Armée de son appareil photo, elle captura quelques éléments de la nature qui l’inspiraient. Une coccinelle déposait sur une feuille de chêne capta son attention. Elle passa plusieurs minutes à la photographier, de façon à mettre en avant ses couleurs, les petits détails qui l’entouraient… Tout devait être parfait !

À ce moment-là, des bruits captèrent son attention. Elle qui pensait être seule dans cette plaine, elle se trompait ! Derrière elle, un cavalier trottait dans la plaine avec son cheval. Il était à une dizaine de mètres d’elle, mais avec le soleil qui commençait à descendre au loin, elle avait une vue magnifique sur cet inconnu. Le ciel prenait une teinte orangée. Un sourire s’étira sur ses lèvres et elle attrapa son matériel pour zoomer davantage sur le cavalier. Elle réussit à prendre quelques photos et, honnêtement, elle n’était pas peu fière d’elle.

Elle s’apprêta à en prendre une dernière, mais l’homme la remarqua enfin. En temps normal, elle allait voir ses potentiels modèles après les photographies. Elle évitait de croiser leur regard par peur qu’ils ne réagissent mal. Eliza espérait ne pas se faire incendier par cet homme.

— Bonjour, lança-t-elle un peu plus fort que la normale pour qu’il puisse l’entendre depuis sa position.

Aiko & Eliza

Les jours s'allongent depuis quelque temps déjà, mais le mois de juillet, apporté avec lui de magnifiques couchers de soleil quand le temps n'était pas trop mauvais. L'Angleterre n'avait rien à voir avec le Japon, mais Aïko se plaisait ici. Après une longue journée à la boutique, le jeune homme décide de prendre la direction du centre équestre où se trouve sa monture. En effet, en plus d'être libraire, le jeune homme était un cavalier à ses heures perdues. Faire de l'équitation avait le don de le concentrer sur lui-même et l'espace d'un instant de le faire s'évader des problèmes qu'il pouvait rencontrer.

Après avoir revêtu la tenue adéquate, le jeune homme prend sa voiture, une petite citadine qu'il avait dénichée d'occasion pour pouvoir faire de petits ou grands trajets. Ce mettant derrière le volant, il dépose son téléphone ainsi que les clés de la boutique et maison dans sa sacoche qu'il avait pris. Il met le contact et allume la radio le temps que la voiture chauffe un peu. Une fois la station sélectionnée, il enlève le frein à main et prend enfin la route. Le centre équestre est en retrait de la ville à environ un quart d'heure des bords de la ville, il est entouré de plaines sauvages et de grands champs clôturés ou les nombreux chevaux de celui-ci se baladent parfois.

Une fois qu'il est sur place, le jeune homme laisse sa voiture sur une des places du Petit parking que possède le centre. Il récupère son téléphone et place son sac dans le coffre puis récupère quelques carottes qu'il avait achetées le matin même, avant de verrouiller l'auto. Puis il prend la direction des box ou se trouve son compagnon. Compagnon qu'il possède depuis quelques années maintenant, même s'il était autrefois sur le domaine familial, Aïko avait fait en sorte de le rapatrier près de lui. Le centre lui procure de nombreux soins et en échange de cela, les élèves et autres membres avaient le loisir de l'emmener en balade ou de faire des exercices auprès de lui.

Aïko avait prévenu plus tôt dans la journée de sa venue, ainsi, l'animal n'avait pas été monté de la journée. Laissant au jeune homme cet honneur, arrivant devant le box, Aïko appelle alors sa monture, qui semble très heureuse de voir son propriétaire, elle ne tarde pas à s'approcher pour venir chiper une carotte des mains du japonais, ce qui fait rire le jeune homme.

Après ce moment de calme et de retrouvailles, le jeune homme part à la recherche du matériel pour préparer son compagnon pour la balade. Il commence par un petit brossage, puis Aïko s'attelait au démêlage et nettoyage de la crinière et de sa queue. S'ensuit le nettoyage du dessous des sabots, puis il finit par le passage d'une brosse douce avant d'installer le tapis de selles sur le dos de l'animal.

Puis il repart chercher la selle ainsi que la bride lui appartenant qu'il dépose sur la porte du box, avant de reprendre. Il installe et sangle la selle délicatement avant de mettre la bride à l'animal. Aïko fait cela avec délicatesse, et s'assure que le mors ne blessera pas son compagnon. Une fois près, trois quarts d'heure se sont déjà écoulés. Il sort sa monture du box et prend la direction de l'extérieur avant de grimper sur le dos de sa monture et de prendre la direction des plaines à proximité.

Après une petite partie du chemin au pas, le jeune homme demande à l'animal de passer au trot, profitant du moment, sans se rendre compte qu'une seconde personne se trouve dans les environs. Ce n'est qu'en arrivant à une vingtaine de mètres d'Eliza que notre libraire ne constate sa présence, il demande donc à sa monture de ralentir, puis de s'arrêter. Il se trouve alors à une dizaine de mètres de celle-ci. Mais il ne garde pas son regard sur elle, tournant la tête pour admirer le magnifique coucher de soleil en préparation. Le ciel avait pris des teintes bien orangées, annonçant doucement la fin de cette belle journée.

Quand son regard revient enfin sur la jeune femme en face de lui, c'est la qu'il remarque l'appareil photo de celle-ci. Et qu'il demande à son compagnon de reprendre le pas jusqu'à arriver à la hauteur de la jeune femme. Il lui adresse un grand sourire avant de répondre au bonjour que la demoiselle lui avait lancé quelques minutes avant.

« Bonjour, vous êtes photographe ?» Dit il en indiquant l'appareil que possède la brune. Avant de reprendre. « Pensez-vous qu'il est plus possible de me montrer le résultat ?» Il était, en effet, très intrigué par les captures que la jeune femme avait pu faire.

Aiko & Eliza

Eliza n’avait pas l’habitude de photographier des passants sans leur demander la permission. Elle n’était pas intrusive à ce point… Mais il fallait dire qu’il y avait certaines situations où son coeur palpitait. Elle sentait la passion, l’amour qui se dégageait d’une scène et elle ne parvenait pas à s’empêcher de prendre une photo. Elle aimait la puissance des scènes auxquelles elle assistait, elle aimait assister à tant d’affection pour une activité artistique, sportive, pour un membre de sa famille… Les couples faisaient toujours battre son coeur. Elle aimait le délicieux échange qu’il y avait dans leur regard, elle aimait capturer cet instant. Eliza n’avait jamais pris la peine de chercher l’amour. Elle avait eu quelques amourettes ici et là, mais jamais personne ne l’avait regardé comme sur ces images qu’elle conservait précieusement.

La jeune femme n’était pas pressée. Elle savait qu’elle tomberait amoureuse le jour où elle serait prête. Pour le moment, son esprit était trop centré sur l’ouverture de sa galerie, mais également sur le Blood Circle. Elle ne pouvait passer à autre chose tant qu’elle ignorait ce qui était arrivé à ses parents, deux années auparavant. Elle avait besoin de comprendre la raison de leur mort, mais surtout de les venger. Elle n’avait pas encore le nom de leur assassin, mais le jour où on le lui murmurerait à l’oreille, elle serait prête. Eliza s’entraînait chaque après-midi depuis deux ans. Elle avait enchaîné des tonnes de missions contre les sorciers. Elle ne se considérait pas comme une personne indispensable au fonctionnement de cette organisme, mais elle savait qu’elle faisait partie des membres du Blood Circle les plus dévoués. Simplement parce qu’elle était prête à donner sa vie pour venger ses parents, pour exterminer le moindre sorcier. Ils avaient fait trop de mal. Bien trop d’innocents avaient perdu la vie ou un proche à cause de leurs épouvantables actions. Cela devait cesser et vite !

Quelque fois, elle profitait de ses fins d’après-midi pour aller se promener. Il s’agissait d’un remède contre les pensées noires qu’elle ruminait pendant ses entraînements. Chaque fois qu’elle frappait un sac de sable, un homme… Elle pensait à ses parents. Elle pensait à la haine qui l’habitait, qui l’animait… Et elle avait des difficultés à se calmer. Alors, Eliza avait décidé depuis quelques mois de se promener dans la nature. L’air frais était le remède à tous ses maux. Ou presque…

Ce jour-là, la chance lui sourit. Aiko, cet inconnu, fit son apparition dans son champ de vision et cela sonna comme une évidence : elle avait besoin de cette photographie pour l’ouverture de sa galerie. Ce paysage était le plus époustouflant qu’elle ait vu ces dernières années. Naturellement, la jeune femme dégaina son appareil photo et captura l’instant à jamais.

Elle s’apprêtait à aller voir sa muse, mais il fit lui même la démarche de se rapprocher. Un doux sourire émergea sur les lèvres de la jeune femme et elle tourna l’écran de son appareil photo dans sa direction.

— Oui. Je suis photographe. Je m’apprête à ouvrir ma galerie à Londres, sur le thème de la passion et vous m’avez inspiré. Qu’en pensez-vous ?

Son regard noisette se redressa en direction de son interlocuteur et elle scruta la moindre de ses réactions. Elle cherchait à savoir si la photographie lui plaisait ou s’il désirait qu’elle la supprime dans la foulée.

— Comment s’appelle votre cheval ? Il est vraiment gracieux.

L’amour entre les hommes et les animaux était la plus belle chose aux yeux d’Eliza (après les couples amoureux, évidemment). Elle était attendrie par ce qu’elle venait de voir et elle espérait qu’Aiko soit de son avis.