Le temps était agréable. J’avais fini un peu plus tôt le boulot et Anje m’avait libérée de mes obligations, j’étais à peu près sure qu’elle voulait surtout profiter de ça pour rester en tête à tête avec un autre mécanicien qui lui ronchonnait sur sa réparation. Mais je m’étais contenté d’un petit sourire en coin dont elle avait très certainement deviné la signification. Après tout je risquais d’avoir le fin mot de cette histoire bientôt. Autour d’un verre sans doute ! Je m’étais éclipsé sans attendre et par l’intermédiaire de ma chère Naïra avais rapidement envoyé une missive à mon ange pour lui proposer de se retrouver un peu plus tôt si son travail à elle le lui permettait. En attendant sa réponse, je m’étais surprise à flâner dans les rues. Le temps était doux, agréable, en tout cas suffisamment qu’il me prenne l’envie de prendre mon temps, de rentrer à pied.
Les badauds étaient affairés devant les vitrines des échoppes ou aux terrasses qui commençaient à se remplir. J’hésitais un peu à me prendre une bière, mais je préférais attendre la réponse de ma bien-aimée, elle avait parfois des idées bien plus alléchantes. Mon cerveau était fertile en imagination et je commençais à rêver à toutes sorte de possibilités pour occuper ce temps. Bar, restaurant, soirée festive, ou plus cocooning à la maison… ce qui créait encore plus de ramifications à tout ceci, et comme souvent, penser à elle avait tendance à m’échauffer… Il était clair à présent que si elle était trop absorbée par son travail, j’allais devoir trouver un plan B et la bière refit surface dans mon esprit. Décidément c’était un cercle vicieux!
Heureusement c’est à cet instant que Naïra me retrouva, je reconnu son hululement, puis la vis fondre sur moi avant de se stabiliser en douceur en écartant ses ailes au plumage moucheté et se poser en douceur sur l’avant-bras que je lui tendais.
«
J’espère que tu m’apportes de bonnes nouvelles ma douce ! »
Lui grattouillant affectueusement le cou, je fini par détacher la missive à sa patte qui portait bien l’élégante écriture de Val. J’avais hâte de la décacheter et de la lire, d’avoir mes réponses pour organiser ma fin de journée en fonction. La résolution de tout cela n’était qu’à quelques traits d’encre mais c’est à cet instant qu’un parfait inconnu me surprit en venant m’aborder. Frustration extrême ! J’étais toujours réservé avec les gens, je ne faisais pas de social depuis ma plus tendre enfance et cela s’était aggravé avec la fuite. Enfin sauf quand le but était de trouver quelqu’un pour la soirée, là je savais me débrouiller. Mais il était rare qu’on m’aborde en pleine rue, j’adoptais automatiquement une attitude défensive, fermée. Même si c’était pour me parler de… ma chouette ? Je regardais Naïra avec un petit air froncement de sourcil. Traitresse !
J’observais alors plus en détail l’homme qui venait de s’adresser à moi. Il était bien plus jeune sans aucun doute, mais j’étais à peu près sur qu’il ne s’en doutait pas. Une fine barbe, sur de lui. Soit il était issu d’une bonne famille, soit son assurance lui venait de son travail qui payait bien, ou qu’il avait lui-même fondé et qui marchait. En tout cas il n’avait pas l’air d’un ornithophile.
«
Heu oui c’est exact… »
Naîra restait sagement sur mon bras, comme pour appuyer ses dires. Elle tournait simplement la tête sur le côté se posant surement autant de question que moi sur l’inconnu. L’espèce n’était pas particulièrement populaire ou connue et qu’il sache son pays d’origine pouvait facilement laisser à penser qu’il y avait voyager ou qu’il connaissait quelqu’un avec le même animal. Dans tous les cas, ça ne me rassurait pas, j’avais fait beaucoup d’effort pour gommer mon accent, le rendre… neutre, qu’on me piège sur ma chouette c’était quand même un manque de chance assez incroyable.
«
Que suis-je mal poli, je ne me suis pas présenté. Mon nom est Tobias, Tobias Towsen. »
Mes yeux s’agrandirent d’un coup. Towsen ! Non ce n’était pas possible…. Et pourtant… si forcement ! Il connaissait la chouette effraie masqué, l’Australie… il ne pouvait qu’être de cette famille de timbré !! Le sang ne fit qu’un tour dans mes veines, mon cerveau fonctionnait à toute allure. Ne rien laissé paraitre : Trop tard mon visage devait m’avoir trahi… très bien, que faire alors ? Il était bien plus jeune que moi, son accent le laissait penser Londonien, il était jeune et les faits s’étaient passées douze ans auparavant. Il ne devait même pas être majeur alors, vu que je l’étais à peine.
« Bonjours, je suis Khris…. Khris Esmereld. » Dis-je en lui tendant ma main libre et encore un peu noirci par le travail.
Je ne pouvais pas donner mon vrai nom, il fallait rester prudent… alors autant donner celui de ma femme. J’avais d’ailleurs très vite oublié toute volonté d’ouvrir sa lettre qui avait fini froissée au fond de ma poche. Fini les pensées chaudes et lubriques, mon cerveau était en mode survit. Tomber en plein Londres sur l’un des rejetons de la famille qui voulait ma peau. Il ne manquait plus que Mokoï fasse le baby-sitter ! Enfin pour le moment, il fallait surtout que je trouve une bonne manière de rattraper la surprise flagrante sur mon visage.
« Excusez-moi mais vous n’auriez pas un lien avec les Towsen d’Australie ? C’est que c’est une famille assez connue par là-bas ! »Bon voilà qui donnait le change… pour le reste, il allait falloir improviser, ne pas se tromper. Et surtout, se barrer de là très vite !!