Ce qu’il fallait savoir c’était qu’Adèle n’était pas une princesse. Enfin, c’est vrai qu’elle aimait bien regarder tout le monde de haut, qu’elle avait un bon ego et qu’elle aimait bien diriger les choses à sa manière, surtout quand elle devait faire équipe avec un neuneu de sa classe et qu’il valait mieux qu’il ne touche à rien. Mais bon, elle n’était pas une princesse. Déjà niveau fortune, ha bah clairement... y’avait plus de château, plus de dépenses ahurissantes pour des vêtements et des bijoux de luxe, plus d’achats en claquant des doigts… Une princesse à la rue, ça faisait tache. Il n’y avait pas non plus de prince charmant… Elle n’en voulait pas. En tout cas, pas un qu’on lui imposerait de force. Bref, tout ce résumé pour se rendre à l’évidence, non vraiment elle n’était pas une princesse. De ce simple constat, continuons de briser les mythes, Adèle comme tout le monde devait se rendre aux toilettes plusieurs fois par jour. Et non pas pour se repoudrer le nez, oui oui pour éliminer… Ou alors ça arrivait aussi que ce soit pour gérer des problèmes injustement uniquement connus des femmes ha bah si on brise les mythes, on les brise jusqu’au bout :D.

Bref aujourd’hui Adèle avait bavardé un long moment avec Hestia, de leurs examens, de leur colocation pour l’été, de leurs projets tout simplement, elle n’avait pas vu l’heure tourner et elle devait filer à Sainte-Mangouste pour un suivi. Bien sûr, il n’y avait rien d’obligatoire, mais le cas de cette patiente l’intéressait beaucoup, alors elle se fichait de faire des heures de stage supplémentaires. Ce n’était pas en se tournant les pouces qu’on atteignait l’excellence et clairement elle ne voulait pas seulement être médicomage, elle voulait être l’une des meilleures. Donc avant de s’y rendre, elle devait faire un détour par les toilettes. Elle ne pouvait absolument pas se présenter à l’hôpital sans y être passée. C’était bien simple, on ne s’absentait pas au milieu d’une prise en charge, d’une anamnèse, , il fallait donc s’arranger pour se soulager avant de démarrer quoi que ce soit. Elle entra donc dans les premiers toilettes sur lesquelles elle tomba, s’arrêta trente secondes en jetant un œil aux lieux sinistrement vides. Tout à coup, elle réalisa où elle avait mis les pieds. Hestia l’avait pourtant mise en garde contre les fameuses toilettes de Mimi, cet insupportable fantôme. Flûte, oui bon, elle avait assez traîné, elle n’en avait pas pour longtemps et elle n’avait pas envie de courir à la recherche d’autres toilettes. Courir… tsss quelle idée ! Elle se précipita donc dans l’une des cabines et y jeta un œil. Ça va, c’était déserté, mais c’était clean. Elle ferma le verrou, et… bon ben on ne va pas faire de dessin, ni décrire la scène. Oui bien sûr, bien sûr que c’était fait avec une classe impériale… Voilà.

Maintenant il était temps de filer. Le bruit de portes qui s’ouvraient la fit froncer les sourcils. Elle déverrouilla sa porte avant de tout simplement se la prendre en pleine figure. Forcément elle jura et en français, pas parce que c’était plus classe, juste parce que spontanément c’était la langue qui lui revint le plus facilement en cet instant douloureux. Elle se frotta la tempe avant de sortir prête à exterminer la personne qui venait de lui coller un hématome sur la figure. C’est là qu’elle tomba sur la sœur de Tristan. Flûte, elle ravala sa colère et la regarda se demandant ce qu’elle faisait ici. Oui bon dans des toilettes...

- Oh Eponine ? Tu euh… vas bien ?

Oh la la, elle n’avait pas trop le temps de faire la conversation là. La sœur de Tristan était gentille, mais vraiment elle n’avait pas envie de discuter avec elle maintenant. Était-ce parce qu’elles avaient du mal à s’entendre sur leurs visions de la vie ? Voilà elle n’avait pas envie de débattre, de se la mettre à dos, vis à vis de Tristan. Et puis elle allait être en retard à Sainte-Mangouste, impossible alors que c’était elle qui avait insisté pour être présente.

- Tu m’excuses ? Je ne peux pas trop rester, je dois filer à Sainte-Mangouste, dit-elle en la contournant et en se dirigeant à reculons vers la sortie avec ce genre de sourire faussement désolé plaqué sur le visage.

Son sourire s’effaça brusquement de son visage lorsqu’elle actionna la poignée, mais que la porte refusa de s’ouvrir. Elle insista et souffla, en vain. Elle sortit évidemment sa baguette et tenta un sort sans plus de succès.

- Eponine ? Tu as fait quelque chose à la porte ?

Elle trouvait ça un peu radical de la part de la demoiselle si elle avait bloqué la porte pour la forcer à lui parler quand même. Non, Adèle ne devait pas sauter si vite aux conclusions.

Ce n’était pas pour rien que les toilettes de Mimi avaient mauvaise réputation, mais bon avec un peu de chance le fantôme était partie faire un tour, jouer aux cartes au club des esprits de Poudlard. Quelle naïveté de compter sur la chance aussi… Bref flemme quand tu nous tiens, Adèle avait tranché. Ce serait les toilettes les plus proches, même si elles étaient hantées par le fantôme le plus pénible de Poudlard, enfin le plus pénible après Peeves à la réflexion. Quoique... là en l’occurrence le bleu sur sa tempe n’était pas l’œuvre de Mimi, non la sienne ce serait pour après. Là, c’était celle d’Eponine et heureusement que c’était elle, parce que si ça avait été quelqu’un d’autre, elle aurait passé un sale quart d’heure… Enfin moins parce qu’elle n’avait pas un quart d’heure devant elle pour passer ses nerfs. Lorsque la Poufsouffle lui sortit qu’elle pensait être seule, Adèle songea qu’heureusement parce que défoncer le crâne des gens c’était pas une bonne passion. Elle esquiva la collégienne pour filer vers la porte. Oui elle fuyait la conversation, oui elle avait quand même une bonne excuse. Quant à son hématome, elle prendrait une crème à Sainte-Mangouste avant de rentrer ou Hestia lui filerait une de ses compositions plus tard.

Sauf que son rendez-vous à Sainte-Mangouste avait l’air plutôt compromis. La porte était bloquée et les sortilèges les plus basiques n’y faisaient rien. Naturellement qu’elle se tourna vers Eponine pour lui demander si elle y était pour quelque chose. Celle-ci s’approcha à son tour de la porte pour visiblement reproduire ce qu’elle avait fait un peu plus tôt. Adèle se retint de souffler. La pensait-elle assez empotée pour rater de simples sortilèges de déverrouillage ? Cela dit, elle aurait fait pareil à sa place. La Française la regarda inspecter de nouveau les cabines des toilettes. Bon déjà premier point ce n’était pas elle, parce que sinon elle était vachement douée pour la comédie. Adèle regarda sa montre et soupira. Elle n’était pas encore en retard, mais elle allait devoir courir pour atteindre les cheminées rapidement. Tout ce qu’elle voulait éviter en venant ici… Loupé. Enfin… avant de courir encore fallait-il trouver le moyen de sortir. Eponine arriva au bout de la rangée et la Verte et Argent se dit qu’en même temps, ils ne devaient pas être nombreux les élèves à venir ici, surtout à cette époque de l’année. Même les premières années collégiens ou étrangers avaient eu le mémo « ne pas fréquenter les toilettes du deuxième étage ». Pourtant en voyant la Poufsouffle atterrir brutalement sur son postérieur en jurant, Adèle leva sa baguette nerveuse. Que venait-il de se passer ? Hein comment ça elle avait la fautive ? Qu’elle sorte alors pour qu’elle sache qui elle devait ajouter dans son carnet de vengeance !

Le rire qui s’éleva alors la fit adopter une mine désabusée. La fautive ? Oh bah la maîtresse de ces lieux à qui elle ne pourrait certainement pas faire subir une de ses vengeances les plus classiques. Elle regarda la tentative d’Eponine et haussa un sourcil pas convaincue de la méthode. Vu la réputation du fantôme, les manières de la duchesse Trucmuche, elle s’en tamponnait la Mimi. Adèle abaissa la poignée de la porte. Non toujours fermée. La politesse ça ne fonctionnait pas. Pire, elles allaient y perdre un tympan dans l’affaire vu que l’autre s’égosillait. C’était un rire ça ? On aurait dit qu’on étranglait un Niffleur là. Hestia l’avait pourtant prévenue. Pas les toilettes de Mimi. Adèle souffla avant de demander :

- Qu’est-ce que tu veux Mimi ?

Le fantôme de la jeune fille sortit de sa cachette et surgit devant elles. Adèle ne cilla pas. Aux dernières nouvelles, un fantôme ne pouvait pas leur faire grand-chose. Bon certes, il n’était pas vraiment agréable de se faire traverser par l’un de ces spectres, mais pas de quoi se retrouver à l’infirmerie non plus.

- Bavarder… Je m’ennuiiiie tellement, il n’y a pas grand monde qui passe par ici.
- On se demande bien pourquoi…

Papoter, voilà que l’autre voulait se taper la discut’ avec elles. Alors quoi, elle pouvait pas demander de participer aux soirées belote de la Dame Grise ? Non il fallait qu’elle vienne casser les pieds de deux étudiantes innocentes.

- On peut pas reporter à plus tard? J’ai un rendez-vous et…
- Non, sinon vous ne reviendrez jamais !

Ha bah ça, évidemment. Adèle regarda de nouveau sa montre. Cette fois elle était en retard, même en courant pour y aller. Elle se laissa glisser le long de la porte jusqu’au sol, blasée et résignée à devoir expliquer au médicomage qu’elle avait été retenue en otage par Mimi Geignarde.

Récapitulons. Adèle était donc coincée dans les toilettes de Mimi Geignarde, la maudite porte refusant de s’ouvrir. Pour compagnie, elle avait Eponine qui lui avait offert généreusement un hématome des plus ornemental. Bien que du genre rancunière, Adèle ne lui en tiendrait pas rigueur. Il y avait des batailles tout de même idiotes et se venger de l’inattention de la sœur d’un de ses amis ? Non vraiment, c’était stupide. Pour autre compagnie, il y avait Mimi l’exaspérante chouineuse. Pourquoi les retenait-elle en otage dans ses toilettes ? Parce que celle-ci était tellement chiante qu’elle n’avait personne avec qui parler de ses problèmes de fantôme. Voilà donc comment, elle s’était improvisé un petit thé party avec les deux élèves. Oh si si, vu la tête de ce fantôme, elle allait leur sortir des vieilles tasses remplies d’eau des canalisations… Bon évidemment qu’Adèle avait tenté de reporter son projet, oui à jamais, mais sans succès. Malheureusement pour elles, ce fantôme était casse-pied, mais pas totalement débile. La Française regarda Eponine tenter de lui sauver la mise et de négocier son départ, mais le fantôme était résolue à tenir son club de parlote avec elles deux.

- Oh hilarant même… ironisa-t-elle en répondant au fantôme.

Mimi se mit à voltiger autour d’elles comme l’un de ces insectes particulièrement pénible, avant de se poster près d’elle pour commenter sa bosse. Ça va, elle n’avait pas un champignon sur le front non plus… Ce n’était rien qu’elle ne puisse éliminer en moins de deux. Demain, ce serait déjà de l’histoire ancienne. Elle manqua de lâcher un rire en l’entendant qualifier la Poufsouffle de brute. S’il y avait bien un qualificatif qu’elle n’aurait pas attribué à Eponine, c’était bien celui de brute ! Avec ses manières distinguées, elle n’aurait absolument pas fait tâche dans une cour royale… Et puis, elle n’aurait jamais fait de mal à une mouche, c’était une évidence. Et voilà qu’elle repartait jacter à travers la pièce. Ça allait être insupportable… Elle se prit la tête entre les mains, réfléchissant. Est-ce qu’elle fuyait Eponine ? Oui, non… Elle fuyait les conversations portant sur le mariage avec elle, voilà tout. Elle y était farouchement opposée, tandis qu’Eponine ne semblait se destiner qu’à ce fameux « plus beau jour de sa vie ».

Adèle releva la tête, l’air horrifié en entendant le fantôme disparaître dans la cuvette d’un toilette, après que la Poufsouffle lui ait parlé de son attitude détestable. Euh… Elle allait revenir hein ? Elle n’allait pas les laisser toutes les deux moisir dans ces toilettes ? Toilettes que personne ne fréquentait jamais ! Personne ne penserait à les chercher ici ! Oh si elle n’était pas sortie dans une heure, Adèle ferait exploser la porte, voilà tout… Mais avant d’en arriver à cette extrémité de démolir un bout de Poudlard, elle pouvait espérer que le sale tour de passe passe du fantôme finirait par ne plus faire effet. Elle regarda la sœur de Tristan s’asseoir à côté d’elle sans rien dire. Et le silence s’installa. Ça allait finir par être bizarre comme situation... Après tout Adèle ne méprisait pas Eponine. Elle n’était pas en froid avec elle. Ça aurait été Cafteuse ou un autre débile de sa classe, ça ne lui aurait rien fait, mais la Poufsouffle ne méritait pas qu’elle l’ignore jusqu’à temps que Mimi ne daigne les libérer.

- Tu vas bien ? Finit-elle par demander, enfin en mettant de côté que nous soyons piégées dans des toilettes ?

Elle pouvait bien prendre de ses nouvelles. Après tout, à quand remontait une vraie conversation avec la jeune femme ? Une éternité, peut-être ? Adèle s’était sans doute contentée tout au long de cette année de la saluer et de lui échanger quelques sourires en la croisant, mais elle avouait n’avoir jamais pris le temps de converser avec elle depuis un bon moment.

- Tu poursuis toujours tes rêves de mariage ? Lâcha-t-elle après un moment d’hésitation.

C’est vrai qu’elle ne savait pas grand-chose d’elle au final. Elle savait qu’elle rêvait de mariage et de famille, mais elle n’avait même pas la moindre idée de ce qu’elle voulait faire de sa vie à part ça. Rien ? Après tout certaines ne se contentaient que d’être des épouses. Adèle, en tout cas n’avait pas changé d’avis. Fuir le mariage qu’on lui avait prévu restait la meilleure décision de sa vie. Avec le recul qu’elle avait désormais, la liberté valait bien tous les sacrifices auxquels elle avait consenti. Elle s’était juré de faire carrière, elle s’était juré de ne pas avoir la même faiblesse que sa mère.