16h30. Les mains sur les hanches, Théodora détaillait d‘un air satisfait le bureau qu’elle venait de finir d’aménager. Ancien placard à balais, elle n’avait pu commencer à l’installer qu’après plusieurs semaines. Trop de choses à s’occuper ou urgentes. Elle avait eu bien d’autres soucis que de se trouver un endroit où poser ses fesses et classer ses papiers. Mais maintenant c’était chose faite. D’ailleurs, son bureau n’était pas si loin de celui Luca… Enfin de celui où aurait dû se trouver Luca s’il n’était pas parti en Italie pour affaire. Ce n’était peut-être pas plus mal après leur dernière confrontation. Dora espérait seulement qu’elle n’y était pour rien.

Après quelques semaines, la jeune femme commençait à prendre ses marques dans son boulot et dans la famille. Bien sûr elle n’en était pas encore à saluer d’une tape chaque membre ou demander des nouvelles de la femme de Machin dès qu’elle le croisait mais elle y arriverait. Ce n’était pas dans ses habitudes mais comme l’avait dit Luca, entre deux conneries, elle allait devoir se montrer déterminée. Alors au moins deux fois par semaine, elle se retrouvait au bar, à boire des bières et discuter avec les gens de la Cosa Nostra. Bien sûr, les habitudes avaient la vie dure et elle ne pouvait s’empêcher de charmer ou de chercher de potentiels alliés si elle venait un jour à avoir des problèmes. Mais vu son dernier flirt dans la famille, elle restait sage.

D’ailleurs, avec le départ de Luca, c’était posé un autre problème : les rênes du garage, du bar et de la mafia étaient retombés dans les mains d’Anjelica Zabini. Dora n’appréciait pas particulièrement cette dernière sans pour autant chercher à lui faire des crasses. Jaeden lui avait trop longtemps rabâché les oreilles sur à quel point il ne pouvait pas la supporter. Et puis en février, son discours s’était fait plus nuancé. Dora se doutait bien que ces deux-là ne passaient pas leur soirée à jouer au scrabble. Elle en était heureuse pour Jaeden, lui qui avait tant galéré à leur sortie du bordel. Ils avaient tous les deux gérés différemment ce passage de leur existence, peut-être aussi car Jaeden y avait carrément grandi.… Mais ce rapprochement qui entamait avec cette autre femme, cela dérangeait Théodora plus qu’elle ne l’aurait voulu. Jaeden était bien libre de faire ce qu’il voulait, mais elle ne pouvait s‘empêcher d’éprouver une certaine anxiété à l’idée de le voir se tourner complètement vers Anjelica et les Zabini à l’en oublier elle. Une peur irrationnelle qu’elle qualifiait elle-même de stupide, après tout n’avait-il pas menti pour elle ? Ne s’était-il pas parjuré devant ces mêmes personnes que Dora redoutait de voir lui prendre son frère ?

La jeune femme secoua la tête pour chasser toutes ses pensées. Elle décala légèrement l’un des deux fauteuils qui faisait face à son bureau, qu’elle réservait pour d’éventuels invités, et replaça la lampe sur la table pour maximiser la lumière. Une grande armoire verrouillée magiquement contenait tous les documents sensibles classés alphabétiquement : sa petite folie de la semaine. Elle s’assit sur son propre fauteuil, qui faisait face à la porte avec une satisfaction toute nouvelle. Tout le mobilier était de deuxième main, cependant, elle se sentait reconnue. Et c’était ce qui lui importait.

D’un coup de baguette il fit venir à elle son agenda. Les rendez-vous ne cessaient de se modifier mais celui qui indiquait « 18h : Anjelica Zabini » ne semblait pas vouloir s’en aller. Elle soupira. Après tout elle devait s’en douter, avec Luca parti, c’était Anjelica qui viendrait lui demander des comptes sur les comptes régulièrement. Ce serait d’ailleurs leur première réunion du genre d’ici quelques heures… Il fallait que Théodora intègre qu’Anjelica était maintenant la boss. Une femme… Théodora trouvait cela toujours compliqué, surtout car elle ne pouvait pas la charmer si quelque chose tournait au vinaigre. Et de ne pas avoir de dernier recours, de bouée de sauvetage, elle n’appréciait pas du tout. Un long soupir. Pourquoi s’inquiétait-elle ? Elle était compétente et il lui suffirait de rester cordial et professionnelle. Tu veux dire comme avec Luca ?  chuchota une petite voix qui la fit souffler d’énervement. Saloperies de pensées.

17h50. Théodora jeta un coup d’œil dans le petit miroir qu’elle avait installé derrière la porte. Elle remit en place quelques cheveux rebelles, son col de chemise et fit un sourire résigné à son reflet. Au moins elle était présentable… Ce qui était déjà pas mal. Elle retourna à son bureau et repositionna pour la dixième fois chacun des objets qui s’y trouvait : agrafeuse, plumes, parchemins… Elle avait pris soin de placer quelques lettres et tableaux éparpillés sur son bureau pour donner l’impression d’être en plein travail dès qu’Anjelica entrerait, pour se donner une certaine contenance peut-être. Il ne restait plus qu’à attendre.  

18h. La jeune femme se plongea dans ses chiffres pour être plus crédible lorsqu’Anjelica arriverait. Tiens d’ailleurs il y avait une erreur ici puisque les nombres finaux ne s’accordaient pas. Théodora soupira et sortit sa plume pour rectifier. Elle attrapa deux reçus ainsi que les déclarations de membres de la Cosa Nostra pour essayer de recouper toutes les informations. Elle fut plutôt satisfaite de son classement car elle retrouva tout de suite ce qu’elle cherchait. Un bon point Théodora !

18h25. Théodora releva les yeux et fixa la pendule sur le mur. Merde, elle s’était laissée emporter dans ses chiffres et n’avait pas vu le temps passer. Oui bon, en même temps Anjelica n’avait pas non plus fait mine d’arriver. Elle fronça les sourcils et posa sa plume. Qu’est-ce qu’elle croyait la Zabini, qu’elle avait toute son après-midi pour faire le point ? Oui, bon aujourd’hui Théodora n’avait rien de prévu mais elle aurait pu ! Elle laissa échapper un long soupir alors que la porte s’ouvrait. Relevant les yeux, surprise, elle s’adressa à la nouvelle entrante. Ne pas oublier, c’était la boss ! « Anjelica, je croyais que tu m’avais oublié. » Bon… C’était pas optimal mais ce n’était pas assassin. Ça ferait l’affaire.

La tenue d’Anjelica ne lui ressemblait pas. Ce fut la première remarque que se fit Théodora en la voyant passer le pas de la porte. La seconde que l’Italienne semblait particulièrement agacée par sa pique. Au moins maintenant leur états d’esprit étaient identiques… Un dossier vint s’écraser sur le bureau de la blonde, la faisant sursauter. « Tiens je sors d’un rendez-vous, il va y avoir de nouveau flux concernant la Cosa Nostra. C’est détaillé dedans. »  Le regard de Théodora navigua entre les papiers et Anjelica. Au moins, la comptable commençait à intégrer le fait qu’elle ne comprendrait définitivement jamais les Zabini… Embêtant lorsqu’il s’agissait de ses patrons, dont l’un était le meilleur ami et l’autre la copine de Jaeden.

Au moins, les salutations furent passées sous silence. Théodora n’aurait pas supporté de se faire reprendre sur ce point même si elle était en tort. Elle n’y pouvait rien si elle aimait l’exactitude que ce soit dans les comptes ou dans les horaires. Elle attrapa lentement les papiers si rudement envoyés devant elle et commença à les parcourir des yeux. « Toutes mes félicitations boss »  Dit-elle sans lever les yeux des notes. Ces félicitations étaient sincères et méritées malgré le ton un peu agacé. Le contrat était juteux et prometteur. « J’ai les gallions du premier acompte. L’idée c’est de les blanchir dans la trésorerie à couvert d’une caisse à réparer pour lui. Ça sera bon pour toi ? »  Cette absence de confiance en ses capacités décidèrent Théodora à jeter un coup d’œil à la Zabini qui lui faisait face. Évidemment que ce serait bon pour elle. Certes, elle galérait encore à prendre ses marques mais au moins c’était la même chose pour Anjelica, avec toutes les responsabilités de la famille qui lui retombaient sur les épaules… On ne pouvait pas dire que Dora était enchantée par cette perspective. Quoique de voir Luca s’éloigner quelques temps n’était pas une mauvaise chose. Dora ne croyait pas vraiment dans les capacités de dirigeante d’Anjelica. Mais son boulot n’était pas de donner son opinion et elle avait appris de façon brutale de ne pas donner son avis si celui-ci n’était pas demandé. « Bien sûr Anjelica. J’l’ajouterai dans les comptes dès qu’on aura fini notre réunion. »

Théodora reposa le dossier sur la pile des choses « à faire » pour s’en occuper, comme elle l’avait annoncé, après leur réunion. La jeune femme regarda la demoiselle s’installer et sortir sa clope. Il faudrait qu’elle pense à mettre un cendrier si la Zabini se décidait à fumer dans son bureau tout neuf… Connaissant la famille, elle serait capable de jeter son mégot dans son vase… La cigarette ne  dérangeait pas Dora plus que cela, après tout elle fumait elle-même en certaines occasions. Ce qui la dérangeait surtout était cette espèce de malaise entre elles. Toutes les deux savaient ne pas s’apprécier mais se retrouvaient par la force des choses à devoir s’isoler dans une pièce exiguë pour parler de chiffres avec un but commun. Comme les voies du Seigneur étaient impénétrables…

« Bon et bien allons-y… Tu m’expliques les grandes lignes et on fait un état des lieux. »  Résignée, Théodora attrapa une pochette qu’elle avait prévu avec les dernières informations du mois et l’ouvrit. Un ou deux papiers commencèrent à s’élever paresseusement mais la jeune femme les rattrapa. « Foutu papiers bulles… Les gobelins ont pas ce genre de soucis, ça c'est sûr.»  Théodora jugea rapidement du regard Anjelica. Dans quelle mesure connaissait-elle la comptabilité ? Jusqu’à quel point Dora devait-elle pousser ses explications pour que la Zabini en comprenne la substance ? Bon de toute façon, l’atmosphère était déjà plutôt froide, elle ne prenait pas beaucoup de risques à demander. Au pire, leurs rapports deviendraient glacials. « Bien sûr. Qu’est-ce que tu connais de la comptabilité ? Que je sache quelles informations te donner… Pour ne pas être redondante avec tes connaissances j’veux dire. »  Déjà, Dora espérait ne pas vexer Anjelica avant même de commencer à proprement parler leur réunion et leur collaboration. Mais si cela leur évitait à toutes les deux de nombreuses déconvenues, alors autant prendre l’Eruptif par la corne. « Ensuite, j’te propose de programmer une réunion de synthèse de ce genre toutes les semaines. Comme ça, ça t’donnera une idée générale des finances et cela pourra t’aider dans… Enfin dans ce que tu fais. »  Et bah dis donc ! Mais qu’est-ce qu’elle gérait bien sa barque ! Miss Théodora Haig, comptable des Zabini, halala elle allait se faire une carte de visite c’était sûr.

Elle secoua la tête imperceptiblement. C’était un sentiment vraiment étrange que de se projeter. Cela faisait de nombreuses années que Théodora ne s’y était pas tentée et malheureusement elle aimait beaucoup ça.  Un petit appartement, un bureau, un contrat de travail à durée indéterminé et une paroisse où se rendre. Que demandait le peuple ? Tout cela semblait encore trop peu réel. Elle devait d’ailleurs régulièrement passer ses doigts sur sa peau tatouée pour se convaincre qu’elle n’était pas folle. Et pourtant.

La température de la salle était passée de glaciale, thermostat froid polaire, à un air plus doux. Peut-être était-ce les explications calmes de Théodora ou l’installation d’Anjelica face à elle qui brisa légèrement l’agacement général qui aurait très bien pu mener en une dispute stérile et inutile. Théodora connaissait Anjelica. Elles se côtoyaient depuis longtemps… Depuis que Jaeden était venu bosser dans ce foutu garage en fait. D’abord par des retours peu élogieux d’Evans, ce discours avait petit à petit évolué jusqu’à devenir aujourd’hui carrément passionné. Et dans tout ça, Théodora était un peu paumée. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer pour passer ainsi de la haine à l’amour ? Il y avait forcément anguille sous roche et de ce fait, la jeune femme ne faisait absolument pas confiance à l’Italienne. Dora ne savait pas pourquoi, mais elle ne pouvait pas la sentir. Bon là elle était bien obligée d’échanger quelques mots avec elle maintenant que Luca avait pris la poudre d’escampette… Quoiqu’entre les deux Zabini, pouvait-elle vraiment avoir une préférence ? C’était comme tomber de Charybde en Scylla.

L’Hydre sortit d’ailleurs une cigarette alors que Dora classait son nouveau dossier dans la pile interminable des tâches à faire. Elle acquiesça rapidement lorsqu’Anjelica fit venir à elle la corbeille. Avoir ses cendres ici ou ailleurs. Elle devait se noter d’acheter un cendrier quelque part sinon elle allait absolument oublier. Mais sans en avoir le temps, Dora partait déjà dans sa tentative de sonder la demoiselle face à elle. Avait-elle ne serait-ce qu’une once de connaissance dans la comptabilité ? Théodora n’était pas vraiment sure de savoir ce qu’elle aurait préféré : une inculte ou une génie. Les deux archétypes étaient énervants pour des raisons différentes. Le premier car chaque chose devait être expliquée mais au moins elles n’étaient pas critiquées ou remises en cause comme par le second… Le rire d’Anjelica et ces quelques paroles firent arquer un sourcil à Dora qu’elle tenta de dissimuler d’un léger sourire de politesse. Bon, au moins ses informations ne seraient pas remises en question… La blonde reprit la parole en attrapant des papiers. « Je pourrais te faire un cours magistral sur le sujet mais je pense que nous préfèrerions toutes les deux chatouiller un Magyar à pointes que ça… » Elle enchaîna sur l’organisation de leurs rencontres. « On part sur ça alors.» Dora jeta un coup d’œil à son agenda. « Les mercredis soirs ? Ah non y a les livraisons… Les lundis ? Pour faire le point sur le week-end directement ? »

La question suivante de la Zabini la surprit un peu. Théodora releva ses yeux de ses papiers, posa ses bras sur le bureau et planta son regard bleu dans celui de la jeune femme. Elle n’arrivait véritablement pas à cerner la fille aux cheveux roses devant elle. C’était bien de suivre les habitudes mais ces paroles semblaient trahir un certain malaise… Compréhensible. Après tout Anjelica n’avait pas vraiment demandé ni prévu de se retrouver dans cette position de leader. Au moins, elle posait des questions et semblait faire confiance aux personnes qui géraient leur domaine de prédilection… Plutôt un bon point. Théodora aurait presque été tentée finalement de faire une liste des avantages et inconvénients de la fratrie Zabini… Histoire de savoir lequel supporter si leurs relations venaient à s’envenimer. Pour le moment, elle était plutôt team Anjelica pour être honnête…. Même si Luca avait l’avantage non négligeable d’être un homme donc plus facilement manipulable. À voir donc.

« Nous n’avions pas eu le temps de mettre sur pied quelque chose de vraiment défini. Depuis que je suis arrivée, j’ai surtout essayé de mettre de l’ordre dans tout ce… » Merdier. Elle voulait définitivement dire merdier. « Dans toute cette paperasse. Donc c’est totalement à not’ convenance. » Théodora se recula dans son siège. « Faire un point hebdomadaire te permettra d’avoir une vue pertinente sur l’état des compte. En plus de ça je te ferai un rapport mensuel et annuel, au moins pour le mettre dans les archives. À voir si on y accordera des sessions plus longues… » Elle laissa un temps de latence pour laisser la possibilité à Anjelica d’émettre un commentaire… Même si elle en aurait été profondément agacée.

Maintenant que l’organisation était détaillée, Théodora avait un autre point qu’elle aurait bien abordé. « Je suis ouverte aux critiques alors n’hésite pas si quelque chose te semble ne pas fonctionner dans notre organisation… Quand à mon travail en lui-même personne ne s’est jamais plaint. Je ferai en sorte que cela n’arrive pas ici non plus. » Une manière plutôt élégante de faire comprendre à Anjelica qu’elle ferait mieux d’éviter de lui dire comment faire son boulot, et qu’à l’inverse, Dora ne viendrait pas lui détailler sa méthode de changement d’un piston. Théodora n’était pas inquiète : de ce qui transparaissait des quelques mots qu’elles avaient déjà échangés, plus loin Anjelica se tiendrait des chiffres, mieux elles se porteraient toutes les deux.

La tentative d’évitement du sujet de vulgarisation de la comptabilité semblait avoir échoué lamentablement. Intérieurement, Théodora avait autant envie de se jeter du clocher de Big Ben que de détailler comment fonctionnait la comptabilité. Mais elle avait face à elle sa boss et accessoirement la copine de Jaeden. Ne voulant définitivement pas se retrouver sans emploi ou avec un Evans contrarié, elle opta pour la coopération… « Dans les grandes lignes ? Pour faire simple, il y a un compte global pour la branche britannique de l’entreprise Zabini qui est alimenté par deux sous-comptes légaux : un pour le garage et un pour le bar. Ils sont référencés au Ministère et toutes les traces se trouvent dans ce bureau et celui de Luca. Si un jour la Cellule des Comptes vient fourrer son nez dans nos affaires, c’est ces parchemins-ci qu’il faudra leur sortir. » Elle marqua une légère pause pour faire la distinction entre le légal et ce qui ne l’était pas. « Pour les activités annexes, il y a un compte à part qui alimente régulièrement les autres plus légaux pour réinjecter les gallions dans notre économie. Du blanchissement purement et simplement. » Elle se remémora les autres questions d’Anjelica pour lui répondre une bonne fois pour toute et ne plus avoir à y revenir. « Nous avons des dépôts réguliers à Gringotts ainsi que des sommes définies à l’avance en pièces sonnantes et trébuchantes tout le temps ici au garage. Au cas où on ait besoin de payer sans traces... Quant à l’Italie, ce n’est plus mon domaine. Enfin si, je suis en contact avec l’équipe de ta famille mais il ne s’agit que de virements simples. Tout transite par eux avant d’arriver chez nous. C’est plus simple que de devoir transplaner toutes les semaines là-bas. » Théodora espérait secrètement qu’elle avait été suffisamment claire. Elle ne fit aucun commentaire acerbe ou piquant tout simplement car effectivement, qu’Anjelica ait une idée de ce qui se passait par ici ne pouvait lui être que bénéfique. Il ne manquait plus qu’elle sorte les livres de comptes illégaux pour le Ministère tiens !

Alors que la discussion dérivait sur le choix des dates hebdomadaires de rencontres, Dora tenta de se rassurer. Avec le temps et leurs rencontres nombreuses, elles seraient obligées de s’entendre non ? Peut-être que cet évènement du départ de Luca pouvait être encore plus bénéfique que la jeune femme n’aurait pu y réfléchir de prime abord. Bien sûr il y avait le fait que le Zabini n’était plus là, gros point positif. Il y avait aussi Anjelica et Jaeden qui prenaient du gallon dans l’organisation tout comme elle imperceptiblement. Il restait à voir si Anjelica était aussi une maniaque du contrôle que son frangin. Elle s’en rendrait compte suffisamment tôt. « Le matin s’ra très bien. Comme ça on aura encore les idées fraiches. » Elles parlèrent ensuite des comptes et des efforts qu’avait dû faire Théodora pour y remettre de l’ordre. Le sourire entendu de l’Italienne indiqua clairement à la blonde qu’elle connaissait l’étendu du travail qu’elle avait abattu. Que personne n’ait jamais tenu les comptes, elle s’en était bien rendu compte ! Mais avec l’extension du garage et sa montée comme commerce connu de Londres, continuer dans cette voie n’aurait pas été viable. Au moins, Théodora pouvait se féliciter d’aider à faire fleurir le Thestral Motor… Putain, effectivement elle en était un peu fière. Un sentiment qu’elle n’avait pas ressenti depuis… Longtemps. Être un membre d’une grande entreprise qui fonctionnait. C’était… Gratifiant. « Ca me semble carré en plus des visites à la semaine. » Théodora nota sur un bout de feuille la décision finale des réunions pour le mettre au propre dans son agenda dès qu’Anjelica serait parti. Effectivement. C’était carré. « Ravie que nous ayons pu trouver un terrain d’entente. »

« Je te fais confiance. C’est ton job. On verra le moment venu si j’ai quelque chose à redire. » Théodora ne quittait pas la jeune femme du regard. Elle ne put empêcher la commissure de ses lèvres de se relever, trahissant sa satisfaction d’être ainsi l’objet de sa confiance. Alors qu’Anjelica lui indiquait être là en cas de besoin, Théodora acquiesça. « Alors notre collaboration devrait voler comme un Nimbus. » Ajouta la comptable. Ce n’était pas de l’ironie. Elle y croyait véritablement. Il y avait encore des tensions mais bon… Poudlard ne s’était pas construit en un jour !

Quoiqu’il semblait que pour Anjelica si. Elle venait de mettre un grand coup de pied dans le nid de Doxys. Théodora n’aimait pas particulièrement la confrontation, surtout quand elle n’avait pas de plans de secours ou la certitude de l’emporter. Et ici, aucun temps de préparation ne lui avait été laissé. Bon… Elle n’avait pas été Gryffondor pour rien, elle n’allait pas reculer maintenant. Elle se laissa quelques secondes de silence, pour réfléchir et laisser Anjelica jeter sa clope. « J’suis d’accord. On est là pour faire tourner la boutique. On ne se connait pas. Et comme tu te doutes, je n’ai eu que les échos de Jaeden à ton propos. Ils sont bien sûr élogieux depuis quelques temps mais cela n’a pas toujours été le cas… » Elle marqua une pause pleine de sous-entendus. « Je ne sais pas ce qui a pu changer entre vous mais j’en suis ravie pour Jae’. Si t’as pu charmer ce nigaud, y a pas de raison pour que nous ne nous entendions pas. » Théodora n’avait jamais vraiment été aussi directe dans ses paroles. Elle aimait les détours par milliers. Seulement voilà, ici il fallait qu’elles deux, ça fonctionne. Pour la Cosa Nostra mais surtout pour Jaeden. Elle n’allait pas le mettre dans une position délicate où elle ne pourrait pas supporter Anje ou l’inverse. « D’ailleurs qu’est-ce qu’il s’est passé entre vous pour que votre relation change aussi drastiquement ? » Quitte à mettre les sujets qui dérangent sur la table, autant le faire maintenant. Bah quoi ? Bien sûr qu’elle était curieuse de connaître les sortilèges mis en œuvre par l’Italienne pour s’emparer de son Jaeden… Il manquerait plus que ce soit un sort ! Les hommes étaient si crédules que cela en était un jeu d’enfant. Elle savait très bien de quoi elle parlait…

« Un Nimbus ? Tu aurais pu choisir comme une bécane Zabini. » Théodora laissa échapper un petit rire narquois à la remarque de l’Italienne. Oh, des bécanes Zabini elle avait bouffé. Avec Jaeden, elle aurait été presque capable d’en démonter une et de la remonter tellement il lui avait parlé mécanique cet idiot. Au début, elle faisait semblant d’écouter, mais même comme cela, à force, elle avait fini par retenir des trucs. Bien sûr elle aurait été incapable de faire ce que faisait Jaeden ou Anjelica. Mais au moins, elle était capable de comprendre les discussions entre mécanos et de faire les gros yeux à certains qui essayaient de l’arnaquer en lui disant monter deux turbocompresseurs sur un moteur par exemple… « Je travaille bécanes Zabini, je rêve bécanes Zabini, je vis bécanes Zabini… Laisse au moins mes expressions libres de motos. » Répondit Théodora sur le même ton moqueur.

Théodora retint un petit rire devant la remarque spontanée d’Anje. Évidemment que Jaeden avait parlé d’elle. Et Dora se doutait que le contraire était tout aussi vrai. Certes, les premiers mois, cela n’avait pas été très élogieux. Mais il fallait savoir garder l’esprit ouvert pas vrai ? Anjelica se retrouvait à la tête de la Cosa Nostra par la force des choses. Bien que Dora se sentait moins à l’aise avec des personnes de sexe féminin, ainsi voir une femme diriger les opérations… Cela ne pouvait qu’être intéressant. Théodora pourrait même s’y faire ! « Je ne risque plus grand-chose à dire que oui… Mais cela s’est grandement amélioré depuis quelques temps déjà ! » La trahison de ces secrets était minime, surtout que Jaeden s’épanchait maintenant sur l’incroyable jeune femme qu’Anje était. « Je l’espère en tout. Repartons à zéro Miss Theodora Haig. » Théodora sourit de nouveau. « Faisons donc ça… Boss. »

Le silence de la comptable accompagna les paroles suivantes d’Anjelica. La première avait eu de nombreux échos, toujours flous et incomplets de Jaeden. Après tout, cela n’était pas ses affaires. Mais elle savait que la Cosa Nostra n’épargnait personne. Jaeden, Anjelica et maintenant elle-même. Se faire tatouer le serpent et la rose, cela signifiait de nombreuses choses. Y compris être prêt à être trainée dans la mélasse de la mafia, ses codes, ses dérives et ses dangers. Théodora sourit à la proposition de boire un verre pour avoir toute l’histoire. Elle fut presque tentée d’accepter, histoire de rassasier sa curiosité d’avoir les deux côtés de l’histoire. Peut-être que cela l’aidera à apprécier Anjelica, si elle avait sa vision des choses ? Oui bon, elles allaient déjà travailler ensemble, il ne fallait peut-être mettre la charrue avant le sombral… Elles boiraient un verre en temps voulu.

« Je sais ce qu’il représente pour toi… Je peux t’assurer que je l’aime et que ce n’est pas un jeu. » Leurs regards ne se détachaient pas l’une de l’autre. Théodora jugea un instant la Zabini pour tenter de savoir si elle disait la vérité, si elle était véritablement digne de Jaeden. Dora et lui avait une relation particulière. Bien qu’elle soit la plus âgée, le rôle de l’ainé oscillait en fonction des situations. Des jours, Jaeden la sortait du pétrin, d’autres c’était Dora qui le protégeait. Et ici, elle se sentait comme une grande sœur, jugeant la petit-amie dont elle n’avait pas eu que de bons échos. Elle accorda cependant à Anjelica une certaine admiration d’être ainsi capable d’exprimer si brutalement ses sentiments à une presque inconnue comme Dora. Alors cette dernière prit une grande inspiration en acquiesçant. Elle espérait vraiment que la Zabini tiendrait ses promesses. « J’espère bien. Il mérite le meilleur. » Répondit-elle sobrement. C’était vrai et elle serait intransigeante à ce sujet. Elle était prête à tout pour l’Evans, aussi idiot soit-il parfois dans ses choix de nanas. Alors Théodora ferait des efforts. Et puis elle verrait bien. Elle verrait bien si Anjelica resterait droite dans ses bottes.